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Articles avec #histoire des idees tag

L'abbé d'Aubignac

18 Janvier 2025 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées

Je lisais hier l'introduction à Sertorius de Corneille de Jeanne Streicher.On a oublié combien cette pièce fut jouée jusqu'aux années 1820. Elle fut la plus jouée de la troupe de Corneille. Une pièce marquée par le souvenir de la Fronde analogue de la guerre civile romaine (Corneille aurait lu le chapitre de Plutarque sur Sertorius sous l'inspiration de Condé très amateur d'histoire antique et qui fut aussi exilé). Jeanne Steicher exhume les critiques de l'abbé d'Aubignac, François Hédelin (et petit fils du célèbre chirurgien Ambroise Paré), contre cette pièce qu'on peut lire ici. L'abbé avait composé des pièces, notamment sur Jeanne d'Arc et sur la reine Zénobie. Certaines de ses critiques du style de Corneille sont intéressantes.

Mais l'histoire littéraire a gardé un mauvais souvenir de l'abbé. Voici ce qu'on écrivait encore sur lui au XIXe siècle :

"D'Aubignac chercha à ameuter une foule de petits poètes contre Corneille, qui trouva de plus sérieux défenseurs, Richelet entre autres. Des épigrammes sans nombre se croisèrent Mais la vanité de l'abbé fut si maladroite et sa mauvaise foi si évidente, que celui là même qui avait engagé la querelle contre Sophonisbe, De Visé, ne put supporter l'idée d'une confraternité d'armes entre lui et un homme aussi ouvertement injuste. Il avait été le premier à critiquer Corneille, il fut le premier à embrasser son parti quand il vit la discussion prendre ce caractère."

Il n'était peut-être pas très profond mais on lui doit un Traité de la nature des Satyres, Brutes, Monstres et Démons (1627) sujet qui, pour le lecteur d'aujourd'hui a au moins le mérite de l'originalité.

Le livre ne se trouve pas sur le Net. On peut supposer que c'est une compilation érudite des mythes gréco-romains.

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Christianisme et société en 1971 et aujourd'hui : la question de la verticalité

15 Janvier 2025 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Christianisme, #Philosophie

Je lis dans la revue communiste la Pensée de 1971 un article d'Antoine Casanova (1935-2017) à propos de Vatican II explique :

"Au premier chef, on assiste à une modification du visage de Dieu et des rapports des croyants avec Dieu. Chez les hommes qui transforment quotidiennement le monde naturel par une mise en œuvre rationnellement organisée des forces scientifiques et techniques, qui sont devenus conscients de la valeur universelle de leurs aspirations de travailleurs et des possibilités de l'action collectivement organisée, la catégorie idéologique de Dépendance est de moins en moins opératoire. Dieu n'est plus maître supérieur des phénomènes naturels, seigneur des hiérarchies sociales. Le croyant s'éprouve au contraire comme coresponsable de son œuvre et de son destin et « appelé à une relation personnelle qui le fait participer à la responsabilité de l'œuvre de création » et « on peut trouver là directement le fondement religieux des attitudes de base que réclame dans la société industrielle le travail communautaire des hommes dans le sens d'une association » 49. Dieu est de plus en plus vécu comme Dieu frère plutôt que comme Seigneur Père, Dieu partenaire engagé en un rapport de coopération et qui ne peut être saisi qu'au travers de la présence d'une communauté humaine, y compris dans l'Eucharistie définie comme « une célébration communautaire ou un partage de la parole et du pain » ce qui « est une expression minimaliste qui fait beaucoup plus penser à une agape fraternelle (partager le pain et le sel) qu'à la Sainte Cène du Christ »  . La puissance du courant qui se rattache à cette nouvelle symbolisation a été maintes fois évoquée (et dénoncée) par les autorités romaines

Corrélativement est de plus en plus mis sur tous les signes qui représentent le salut comme affaire terrestre à dimension essentiellement communautaire. Nous retrouvons ici un autre aspect de la forte valorisation de l'aspect « repas » communautaire de la messe qui grandit tandis que « quittent l'avant-scène de la liturgie » des dévotions (l'adoration du Sacré-Cœur, du Saint-Sacrement) dont le symbolisme représentait une eschatologie individualiste.

Le symbolisme qu'élaborent les masses tend en même temps à signifier leur volonté de libération des contraintes sociales d'exploitation. Les niveaux de signification sont ici complexes. Au premier chef et de façon générale, Dieu ne peut être imaginé qu'avec les attributs qui signifient l'éternelle stabilité de l'ordre des classes dirigeantes. L'or et les fastes ont de moins en moins leur place dans la symbolique religieuse populaire. L'expression du sacré par les symboles de l'accumulation des richesses s'est muée en « contre signe ». Il en a longuement été question à la première session du Concile dans les interventions des prélats réalistes attentifs à ne pas laisser s'accroître l'écart entre les aspirations religieuses spécifiquement populaires et l'image que propose la hiérarchie"

On trouve dans le même numéro un article sur les théories de Monod, mais laissons cela pour plus tard.

Aujourd'hui le projet de Vatican II apparaît au sein de l'Eglise usé et porté par une génération d'octogénaires (comme le pape actuel) dépassés par un renouveau conservateur (de plus en plus de prêtres en soutane, le succès du pèlerinage conservateur de Chartres cette année). Beaucoup en dénoncent les aspects marxisants ou à tout le moins progressiste de type maçonnique avec cette "démocratisation" de la hiérarchie (le "peuple de Dieu" censé jouer un rôle actif sans recevoir passivement les directives du clergé). Et c'est en même temps la "protestantisation" qui est dénoncée avec ce Dieu "frère" qui nous invite à son "repas".

J'ai été moi-même, paradoxalement sous l'influence des évangéliques, sensible à cette critique de la "réduction de Dieu" qu'opérait le modernisme dans l'Eglise.

Cependant la réhabilitation de la tradition et de la solennité de ses rituels (notamment dans la messe latine) porte aussi en germe des dangers comparables à ceux de la fascination actuelle de certains milieux de droite pour le trumpisme : la recherche d'une figure d'autorité salvatrice dont le chef charismatique est l'incarnation dans l'ordre politique et le Dieu "à l'ancienne" la sublimation religieuse.

Dans l'ordre des Ecritures saintes (la Bible) ont trouve autant d'arguments pour l'image paternelle royale de Dieu (l'Ancien Testament, l'Apocalypse), que pour celle d'un Dieu frère par le Christ (toutes les images de Jésus frère et ami dans l'Evangile).

Sur le plan philosophique Dieu est peut-être aux deux extrêmes du spectre (infiniment puissant et infiniment dépendant de la collaboration de l'homme, un paradoxe kabbalistique et dialectique qu'on ne peut pas totalement évacuer puisque Dieu est tout). Il n'est pas impossible que la re-transcendantisation de Dieu et du fait religieux, ne soit qu'un "moment" comme le retour de la pudeur, du moralisme etc. Mouvement de balancier dont on ne comprend pas vraiment la nécessité historique mais qui s'est souvent constaté dans le passé.

Faut-il complètement y adhérer ? N'y a-t-il pas dans le retour de la verticalité une inquiétante abdication de notre mission humaine ?

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Les sacrifices d'enfants par les Cathares

11 Janvier 2025 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées, #Histoire secrète

Il n'est pas rare que de nos jours que l'on accuse les grands banquiers, des archevêques ou les hommes politiques de pratiquer en secret des sacrifices d'enfants (voyez mon livre sur le complotisme protestant ou encore les conférences et interviews de mon ancienne camarade de promo Hélène Pelosse).

Les hérétiques jadis étaient couramment accusés de ces pratiques, depuis au moins Irénée de Lyon. Ce fut notamment le cas des cathares de Mayence (cf Laurence Moulinier https://www.academia.edu/7201119/Le_chat_des_cathares_de_Mayence). Cela rejoint les accusations faites aux Juifs (cf l'affaire de Metz ici), une point qui n'est pas forcément très étonnant dans la mesure où une certaine littérature chrétienne rattachait les hérésies aux "manoeuvres" des Juifs (voyez le thème "du juif manès" à l'origine du manichéisme, or l'on reliait souvent les hérésies, notamment le catharisme, au manichéisme).

Un manuscrit rédigé vers 1169 par une nonne du monastère de Ste Hildegarde à Rupertsberg (selon les rationalistes) qui se présente comme un interrogatoire de démon dans un exorcisme (de la possédée Sigewize)  accuse les cathares de Mayence (dont certains ont été brûlés dès 1143, Hildegarde elle-même prêcha contre l'hérésie à Cologne en 1163, Régine Pernoud dans sa biographie de la sainte cite des extraits de son sermon) d'avoir utilisé les cendres d’enfants nés de leurs orgies pour fabriquer une poudre diabolique.

Paul de Saint-Père de Chartres, le premier, avait soutenu que les hérétiques brûlés à Orléans en 1022 l'avaient fait , Adémar de Chabannes reprit l’accusation (Ademari Cabannensis, Chronicon, éd. P. Bourgain,Turnhout, 1999), et, au début du XIIe siècle, Guibert de Nogent prêta le même comportement aux disciples de Clément et Evrard de Bucy près de Soissons (Guibert de Nogent, Autobiographie, éd. et trad. E .-R. Labande, Paris, 1981, p. 431 : « les gens [...] se passent l’enfant de main en main, puis le jettent dans les flammes où il va se consumer ; lorsqu’il se trouve réduit en cendres, ils fabriquent avec ces cendres un pain dont un morceau est distribué à chacun » - voir R. Moore, La Persécution….).

L'accusation est-elle fondée ?

D'un point de vue strictement théologique l'accusation de crime rituel contre les enfants peut se fonder sur l'insistance mise par Jésus dans l'Evangile à condamner le mal que font certains aux "tous petits" (cf Matthieu 18:6). On peut supposer que les forces des Ténèbres tirent une énergie particulière à profaner ce qui est innocent et ce que Dieu entend protéger le plus, indépendamment même de la thématique de l'adrénochrome très présente dans les débats actuels (mais il semble que ce soit assez récents).

Cependant quelques difficultés apparaissent quand on songe que, dans le document de la moniale de Rupertsberg, elle s'accompagne d'autres accusations comme celle de baiser illicite avec un chat de la taille d'un chien, accusation qui avait été aussi été portée contre d'autres hérétiques antérieurement. L'accusation d'infanticide est-elle sur le même plan que celle concernant le rapports aux chats ou d'autres accusations anecdotiques ? Si oui le chrétien doit-il valider tout le "package" comme on dirait aujourd'hui ?

Un problème plus important encore tient au fait que l'accusation est formulée par un démon que les clercs interrogent dans le cadre d'un exorcisme, un genre très répandu au Moyen-Age et jusqu'au XVIIe siècle (voyez l'histoire de l'exorcisme à la Sainte-Baume). Aujourd'hui encore des exorcistes citent des choses que les démons leur ont dites à travers les possédés, et l'on peut même trouver sur YouTube des vidéos de démons parlant par la bouche de possédés soumis à interrogatoire). Beaucoup de clercs doutent de la légitimité de cet exercice puisque les démons sont censés ne pas dire la vérité. En outre le possédé peut mêler aux propos de l'entité des considérations humaines propres à sa nature.

A supposer même que ce soit une entité qui parle par la bouche de Sigewize se peut-il qu'elle se contente de propager une rumeur déjà lancée par des religieux d'Orléans et de Bucy ? Ou se peut-il que Sigewize ait un peu "capté" un égrégore (ou un champ morphogénétique) religieux dont elle a repris plus ou moins consciemment le contenu pendant la séance d'exorcisme ?

Ou bien le récit de l'exorcisme est-il tout simplement déformé, son auteur y ayant introduit des éléments empruntés à une littérature antérieure à des fins d'édification ou d'endoctrinement (ce serait en quelque sorte un "pieux mensonge"), mais alors se pose la question de la compétence de l'auteur. Si, comme l'avance Laurence Molinier, dans le cas du couvent de Rupertsberg, il s'agit d'une simple moniale, comment a-t-elle pu connaître les accusations d'Orléans et de Bucy (entre autres). Est-ce quelque chose qui "se savait", qui flottait dans les conversations de monastères ? ou bien s'agit-il d'une écriture collective mobilisant des clercs savants ?

Evidemment si l'accusation est fondée, les cathares deviennent moins sympathiques au yeux du public actuel que ce que les littératures protestante et laïque en ont fait. La plupart des écrivains catholiques des deux derniers siècles (par exemple Hilaire Belloc) n'insistent pas sur les sacrifices d'enfants chez les Cathares. Ils se contentent de dire qu'ils prohibaient le mariage et la procréation, ce qui, en soi, suffisait à conduire la société au suicide collectif. C'était un chef d'accusation plus solide en effet puisque les inquisiteurs épargnaient ceux qu'ils accusaient d'hérésie dès lors qu'ils acceptaient de se marier et de fonder une famille.

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Cassirer et la mana transcendantale

20 Décembre 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie, #Histoire des idées

Je parcours ce soir, par pure oisiveté, des considérations sur la pensée de Cassirer, une branche du néo-kantisme qu'on plaçait parfois dans les années 1990 aux origines de la sociologie de Durkheim, et par ricochet d'un pan de celle de Bourdieu (de vieux souvenirs).

Je tombe sur ce passage :

"Il découvre chez un missionnaire anglais, Codrington, des observations qui lui permettraient de remonter à un stade plus originaire encore dans l’histoire de la formation des noms des dieux. L’ouvrage de Codrington11 avait paru quelques années avant celui de Usener. L’auteur y décelait chez les Mélanésiens ce qui lui semblait être la racine même du sentiment religieux, la « mana » — dont on a tant parlé depuis — force indifférenciée et mystérieuse diffuse dans la nature, et dont le reflet négatif, le « tabou », est ce dont il faut se garder de parler ou de prononcer le nom, sous peine de déclencher des effets imprévisibles, qu’on ne peut « évoquer » sans danger.

Or, la notion de ce principe indéterminé se retrouve avec une constance remarquable, non seulement dans les mers du Sud, mais aussi chez les Indiens d’Amérique, et en Australie. Malgré d’assez nombreuses et divergentes interprétations de la mana, Cassirer juge néanmoins légitime — quelle aubaine ! — d’y appliquer sa propre grille idéaliste, pour y voir le phénomène lié du mythe-langage : la mana représenterait ainsi le tout premier stade de la culture, celui où l’homme projette au dehors de lui la force spirituelle dont il n’est pas encore conscient d’être l’auteur. La mana ne serait encore ni matérielle ni spirituelle, elle précéderait ces oppositions, mais en préparant les scissions futures, tel le fractionnement en « dieux de l’instant »."

On est dans cette obsession philosophique du XIXe siècle qui se poursuivra jusqu'à Heidegger de recherche une unité antéprédicative, non objectale, que je repérais aussi jadis dans mon livre sur Nietzsche.

Il est amusant de voir qu'ici comme chez les "non-dualistes" de notre époque elle est posée comme étant "en nous", ou en tout cas nous en "serions l'auteur", idée qui n'a pas de sens si ce "nous" (ou "l'homme") est un sujet grammatical. En principe la mana (Mauss disait "lE mana") précède le sujet.

 

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D'une habitude curieuse du Père Matéo Crawley-Boevey

8 Novembre 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

Alors que le pape publie une encyclique apparemment ennuyeuse sur le Sacré Coeur (un culte qui me paraît toujours assez étrange, ce qui ne signifie pas que je le désapprouve bien sûr, du reste qui serais-je pour le faire ?) je découvre ce soir cette anecdote que racontait le chanoine Elie Maire (1880-1949) à propos d'un artisan célèbre de la promotion de cette dévotion : "Le Père Matéo Crawley-Boevey, l’apôtre mondial de l’intronisation du Sacré-Cœur dans la famille, racontait naguère sous le manteau, en se mettant carrément en scène, un trait que l’on ne qualifiera pas de banal. Imaginez qu’il lui arrivait, jadis, à Paris, quand le trajet était moins dispendieux qu'aujourd’hui, de prendre deux tickets d’autobus ou de métro ou de bateau-mouche. L’un était à son usage. L’autre, à l’usage de l’autre. L’autre? Oui, le mystérieux compagnon qui ne le quitte jamais, jamais. Enfantillage? Si l’on veut. Peut-être aussi réfraction de la sublime simplicité de l’Eternel, du Seigneur Sabbaoth, de l’Amour."

Le prêtre était donc suivi par un double invisible. Fils de protestant anglais au Pérou, il avait trouvé à Paray-le-Monial la guérison d'une dépression et la mission d' "introniser" (selon l'expression consacrée) le Sacré Coeur dans toutes les familles (Roger Buck dit qu'en Irlande il était commun de demander aux gens pour qui on construisait une maison où ils placeraient leur Sacra Coeur). C'est comme un culte moderne des pénates, tourné vers les familles. Je ne sais pas si cet intérêt du père Mateo pour son "Autre" est aussi étrange que la coprophagie de Marie Marguerite Alacoque, fondatrice du culte du Sacré Coeur....

 Règles pour les familles ayant effectué une intronisation :

"La mauvaise presse ne doit pas entrer dans une maison consacrée, et il ne doit pas non plus y avoir d'utilisation illimitée d'Internet sans la surveillance des parents. Bien entendu, aucun blasphème ou gros mot ne doit être prononcé ; l'impudeur vestimentaire doit être bannie ; les jours d'obligation et les jours de jeûne et d'abstinence doivent être observés ; L'anniversaire de la consécration devrait être un jour de célébration très spécial ; Les parents devraient avoir la pieuse coutume de bénir leurs enfants et les enfants de demander la bénédiction ; Il serait bon d'avoir une petite piscine d'eau bénite pour l'usage des personnes à la maison ; priez également le chapelet en famille et pratiquez les exercices des mois de juin (Sacré-Cœur), mai (mois de Marie) et mars (mois de Saint Joseph) ; Si possible, assistez ensemble à la messe dominicale et faites le catéchisme en famille."

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Puzzi devenu moine

20 Octobre 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Christianisme

Quelqu'un me demandait il y a peu si dans mes travaux sur Lacordaire j'avais croisé la figure d'Hermann Cohen, fondateur de l'abbaye de Tarasteix près de Tarbes, ce qui m'a donné l'occasion de parcourir la vie de ce musicien précoce protégé de Liszt, qui fut présenté à George Sand à 14 ans, dont la célébrité rejaillit sur lui. C'était du temps où on le surnommait puzzi. Sous l'influence néfaste de cette écrivaine, il ne "vécut  plus que de fantômes et de rêves qui le poursuivaient et la nuit et le jour, et il en était venu à ce point qu'il négligeait complètement l'étude du piano", nous dit son biographe Charles Sylvain. Elle le conduisit aussi à vénérer Lamennais. "Dans ses nombreux voyages, des princesses russes ou polonaises, des personnes de distinction et de savoir lui demandaient s'il n'était pas le Puzzi dont parle George Sand", lit-on encore à son sujet. Converti à la foi catholique après une jeunesse très dissolue, en 1847, à 26 ans, il allait se faire moine après avoir notamment consulté Lacordaire, puis fonder des couvents.

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L'évangélisation de la Gaule

15 Septembre 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Christianisme

Une conférence d'Arnaud Boüan du Chef du Bos, de la congrégation des Petits frères du Sacré-Cœur, qui pose beaucoup de questions. Son site est ici.

En gros Arnaud Boüan, inspiré par les Petits Bollandistes, reprend toute l'histoire soi-disant légendaire de l'évangélisation des Gaules au Ier siècle à laquelle on a cru pendant longtemps (alors que les universitaires reportent maintenant cette évangélisation au IIIe siècle) et essaie de voir comment elle fait système et jusqu'à quel point dans sa logique intrinsèque elle peut être crédible.

On auraît parmi les premiers évangélisateurs du Nord au Sud : Saint Lucien à Beauvais, Drennalus à Morlaix, Exupère à Bayeux, Nicaise à Rouen, Denis à Paris, Memmius à Châlons en Champagne, Sixte à Reims, Cléments à Metz, Materne à Cologne, Euchère en Germanie inférieure, Clair à Nantes, Julien au Mans, Gatien à Tours, Aubin à Orléans, Ursin à Bourges, Andoche à Autun, Bénigne à Dijon, Lin à Besançon, Eutrope à Saintes, Martial à Limoges, Austremoine à Clermont, Pothin à Lyon, Amadour à Bordeaux, Front à Périgueux, Saturnin à Toulouse, Trophime à Nîmes, Ste Marthe à Tarascon, St Maximin à Avignon, St Lazare et Marie Madeleine à Marseille, Aphrodisius à Béziers, St Paul dans les Pyrénées.

St Pierre a envoyé 7 apôtres : Trophime, Saturnin, Maximin, Austremoine, Martial, Gatien, Materne. Ce premier envoi est raconté par Grégoire de Tours dans la Gloire des Martyrs, on est sous le règle de Claude, ce sont des disciples directs du Sauveur. Et il y eut ensuite un second envoi par Clément de disciples des apôtres.

Ces envoyés ont à nouveau leur filiation. Certains de ces saints ne sont pas connus. D'autres selon la tradition sont cryptés dans l'Evangile. par exemple Martial est le petit garçon qui apporte cinq pains au Sauveur (Matt 18:3). On le surnomme "l'apôtre des apôtres". Certains sont arrivés dès 72 ap JC, et il y a aussi des apparitions mariales dès le Ier siècle (ND du Puy, ND des Champs, ND de Bethléem - apparue à Saint Savinien à Sens - ).

La conversion des élites romaines est importante aussi. Par exemple Silanus, bourreau de Sainte Valérie, convertie par St Martial à Limoges. Valérie était la petite fille de Lucius Capreolus, héros de la guerre de Cantabrie, et la fille de Léocade et de Suzanne (nom d'inspiration judéenne), la fille de Manilius Armillus, ex-lieutenant du proconsul des Gaules dans le Berry (que bizarrement en minute 7'22, Arnaud Boüan qualifie Suzanne de "duchesse d'Aquitaine de l'époque", ce qui est un anachronisme). Junius Silanus, cousin de Claude, proconsul d'Aquitaine en 42, avait été proconsul d'Aquitaine et aurait participé à la campagne de Bretagne. A son retour, il découvre que sa promise, Valérie, est devenue une vierge consacrée. Il la fait décapiter en 46 (c'est une sainte céphalophore). Silanus s'est ensuite converti. Cela a fait un gouverneur romain converti.

Les éléments convergent dit Arnaud Boüan. Les évangélisateurs sont des très proches des apôtres. Crescent, premier évêque de Vienne est un proche de Paul (mentionné dans Tim 4), Sergius Paulus, proconsul à Chypre, premier évêque de Narbonne (il aurait accompagné Paul à Narbonne, puis revenu à Chypre, il reçoit après la persécution de 66 sous Néron l'apparition posthume de Paul qui lui dit de s'occuper de Narbonne tandis que Barnabé s'occupera de Chypre). L'Eglise de Lyon est liée à Jean.

Véronique (Bérénice) née à Bazas (Cossium) en Aquitaine, servante chez un centurion romain suivit celui-ci et son épouse à Jérusalem quand le soldat y fut nommé. Quand ses maîtres retournent en Aquitaine pour fuir des persécutions (car Véronique les a convertis), Elle accompagne Saint Martial dans son travail d'évangélisation. En 1140, Garcias, évêque de Bazas dans son Baptista Salvatoris a expliqué que Véronique avait recueilli le sang de Jean le Baptiste avant que la hache ne s'abatte sur son cou. Michel Bourrières, professeur au collège des Petits Carmes à Cahors et spécialiste de Rocamadour allait avancer en 1895 que Véronique avait sûrement des origines juives.

St Philippe a aussi évangélisé la Gaule selon Isidore de Séville dans l'expédition de 63, En 69, Saint Clair (l'abbé Travers disait que c'était un Romain venu à Nantes par l'Aquitaine) a été converti par Saint-Pierre. Bouan tient de soeur Maryvonne historienne au Carmel de Morlaix que Drennalus  envoyé par Joseph d'Arimathie (d'origine britannique car il faisait du commerce entre cette île et la Judée, ce qui faisait sa fortune, ce qui explique qu'il évangélisât Gastonbury) avait le premier évangélisé à Morlaix. St Maximin évêque d'Aix-en-Provence pendant 40 ans a été envoyé avec Joseph d'Arimathie par Saint Pierre en 63 (il faisait partie des 12 disciples envoyés). Il se serait arrêté à Rennes (Condate) avec Saint Luc et Suffrenus pour fonder l'évêché de Rennes.

Sainte Marthe a été enterrée par Saint Front (qui lui avait rendu visite à Tarascon quelques années plus tôt). Front, israélite du Mont Carmel,peut-être ancien soldat d'Hérode, qui fut un des 72 disciples présents à la Pentecôte accompagna Pierre à Rome. Evêque de Périgueux(Vésone), il participa aux funérailles de Marthe par bilocation.

Léon Dubois (1873-1959) le raconte ainsi :

"Le corps de la Sainte était exposé dans l’église qu elle même avait fait construire. Tout était prêt pour la sépulture, lorsque le Pontife allait célébrer, à Vésone, le Saint Sacrifice. En attendant le peuple, il se tenait recueilli à sa place. Tout à coup Jésus lui apparaît et lui dit : « Mon « fils, venez et accomplissez la promesse que vous avez a faite d’assister aux obsèques de Marthe, mon hôtesse. » Il dit, et tous les deux, en un clin d’œil, sont transportés à Tarascon auprès du cadavre de la Vierge de Béthanie qu’ils mettent dans le tombeau, au grand étonnement de la foule".

Arnaud Boüan retient aussi cette bilocation (prouvée par le gant et l'anneau de St Front que les gens de Périgueux ont pu aller récupérer à Tarascon). (minute 14')

Pour lui le fait qu'on ait retrouvé en 1943 une statue de déesse romaine brisée près de ND de la Délivrande en Normandie prouve que le récit de la tradition sur le remplacement du culte de Démeter par Regnobert était authentique.

Le nom des cathédrale Saint Etienne, premier martyr mort en 35, est lé au fait que les premiers évangélisateurs de la Gaule, Saint Martial, Saint Front, Sainte Véronique ont assisté à sa lapidation.

Dans un sermon St Augustin dit qu'en Afrique du Nord il y a une pierre qui a servi à lapider le martyr à son coude droit. On trouve des églises qui disent avoir ce genre de pierre dans le Médoc et à Limoges. Les cathédrales de Limoges, Metz, Auxerre, Sens, Bourges, Toulouse, Châlons, Toul, Agen, Cahors, Saint-Brieuc sont dédiées à St Etienne.

Au moment du martyr de Saint André, Saint Martial est à Bordeaux en 62, il reçoit l'apparition de Saint Pierre qui lui dit que son frère André vient d'être crucifié et de la lui dédier (source le dominicain Bernard de la Guionie/Bernardus Guidonis, ou Bernard Guy, dominicain évêque de Lodève vers 1300, qui dit aussi que Martial avait amené en Gaule du sang d'Etienne).

Pour la cathédrale Saint Pierre, à Poitiers, Jean Bouchet,  dans ses Annales d'Aquitaine de 1557, rapporte qu'un jour que Saint Martial distribuait au peuple de Poitiers la parole de Dieu, la voix du Sauveur se serait fait entendre tout à coup, et en lui annonçant le martyre de saint Pierre (en 64), consommé à l'heure même dans la ville de Rome, elle lui aurait ordonné de "faire cy une église" en son honneur; ce que Martial aurait entrepris aussitôt.

Saint Amadour, envoyé à Rome 2 ans avant cela pour rendre compte de la situation en Aquitaine assiste au martyre et revient ensuite à Limoges avec des reliques, notamment a ceinture de St Pierre au moment de sa mort, des cheveux et un des clous (19ème minute). Des cathédrales St Pierre viennent ensuite en second (à Nantes, Beauvais, Rennes, Troyes, Angoulême) correspondent à la 2ème évangélisation.

Une fresque du palais papal d'Avignon montre la prédication du Sauveur devant Martial (né en 15), enfant de la multiplication des pains, son père et sa mère. Ils font partie de la tribu de Benjamin comme Etienne. On voit aussi son baptême. Il y a des représentations de l’apposition de la main sur son crâne. Le reliquaire de Limoges du chef de Saint Martial porte la trace de cette main.

Les témoins de la passion comme Martial et Véronique n'ont pas subi le martyre. Martial eut Alpinien et Austriclinien comme co-adjuteurs.

Ste Bénédicte à Bordeaux est la femme d'un gouverneur (Sigisbert) qui persécuta en 44 St Front et qui alla trouver St Martial pour guérir son mari tombé malade. Martial (30ème minute), convertie selon les Actes d'Amadour aussi sous l'influence de Véronique et Amadour devenus ermites à Soulac (comme Marthe l'était à Tarascon). Elle reçut le bâton d'évêque de Martial avec lequel elle réalisa des miracles (ce bâton allait en permettre jusqu'à la Révolution).

Arnaud Bouan admet que la conversion de gouverneurs permettait l'entrée des autorités chrétiennes dans les villes (auparavant des prieurés étaient construits hors de la ville tant que des autorités païennes gouvernaient la province).

Le tombeau de Ste Véronique est à Bordeaux (le corps a été enlevé de Soulac au moment des raids vikings). A Bazas la décollation de Jean-Baptiste fait partie des armes de la ville.  Des vitraux à Bordeaux du XIXe siècle racontent toutes ces histoires.

Zachée, le publicain des Evangiles, est identifié à Amadour ("Amateur du Roc") par les traditions locales, et fut compagnon de Martial en Gaule. Le corps d'Amadour fut retrouvé intact en 1166 au seuil de la chapelle ND de Rocamadour. Arnaud Bouan fait siennes toutes les légendes, même celle consignée par le carme Bonaventure de Saint Amable des lettres de Martial à Zachée retrouvées sur le corps d'Amadour. Pour lui tout comme la déesse mère de St Aubin authentifie l'histoire traditionnelle de ND de la Délivrande en Normandie, une stèle au musée de Bordeaux disant "Arula a fait ce présent à Jupiter ; Saint Martial l'a consacré avec le temple et le vestibule" serait la preuve de l'apostolat de Marial."

A noter que Bonaventure de Saint Amable dit aussi qu'après avoir converti le gouverneur de Bordeaux Saint Martial réduit le paganisme au Pays Basque et en Béarn sous le règne de Néron en étant passé par Agen, puis obtient la conversion d'Austris, fille du cruel gouverneur de Toulouse Marcel qui avait avait supplicié l'évêque Saint Saturnin. Arnaud Bouan ne va pas jusqu'à suivre les traditions jusque là.

Je ne pense pas que ce conférencier rende vraiment service aux traditions en tentant d'évincer tout regard universitaire laïque sur elles, mais il a le mérite de faire connaître les discussions qui ont duré pendant des siècles sur l'action des disciples directs de Jésus et des douze apôtres en Gaule, discussions qui ne reposaient pas forcément que sur du vent. Et surtout, sa conférence peut être le point de départ d'une puissante méditation sur la notion de "militia dei".

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Nephilim : les critiques contre Heiser

15 Août 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées, #Histoire secrète

Dans mon livre sur les Néphilim, j'avais présenté les thèses de Michael Heiser décédé en 2023 et j'avais fait état aussi des critiques dont elles faisaient l'objet.

Dans ce montage de plusieurs vidéos publié cette semaine sur le site de Doreen Virtue cette semaine on apprend que celle-ci a bien connu Heiser, et qu'après avoir collaboré avec lui, elle s'en est distanciée.

Parmi les propos tenus par les différents intervenants, on peut retenir l'argument selon lequel le pluriel de majesté dans "Créons l'homme à notre image" ne renvoie pas nécessairement à la notion mésopotamienne de "conseil divin", l'idée que le "dieux "au pluriel dans les psaumes peut aussi renvoyer à des anges, que les "nephilim" éliminés par Josué sont des êtres humains, sans l'ombre d'un doute possible, de sorte que l'emploi du terme en Génèse 6 peut aussi désigner des êtres humains (ce que disaient déjà St Augustin et Luther), l'idée que Jésus n'a jamais cité mot pour mot le livre d'Hénoch 1, il a pu en emprunter le vocabulaire pour être compris par le public de sont temps et la référence des lettres de Jude et Pierre aux anges déchus dans le Tartare n'implique pas plus une validation canonique du livre que celle à Ménandre dans les épîtres de Paul n'encourage à adopter le paganisme de cet auteur.

Il est reproché à Heiser de s'être enfermé comme beaucoup de savants dans une seule hypothèse développée à partir de peu de verset, d'être devenu à son corps défendant une sorte de chainon manquant entre l'évangélisme et les tendances libérales du christianisme (notamment celles sensibles à l'historicisme critique qui font dériver le judaïsme du polythéisme). Pour les intervenants, l'hypothèse des Nephilim qui corrompent le sang humain est une thèse en phase avec le sensationnalisme et le complotisme ambiant qui nourrit une vision obscure et remplie de crainte de l'avenir. Il n'est pas étonnant que cela plaise aux new-agers et aux tendances charismatiques du protestantisme. Les invités de Doreen Virtue soulignent aussi que cela pousse beaucoup d'Américains vers l'orthodoxie russe, grecque ou éthiopienne qui a toujours reconnu le livre d'Hénoch comme canonique et qui est assez indulgente envers le gnosticisme. A titre personnel j'ajouterai que je ne suis pas étonné qu'en France le livre d'Hénoch soit promu par un ex-journaliste qui a déjà déclaré en public qu'il n'était pas catholique (son livre "Le grand mensonge universel" le démontre amplement) mais dont le gnosticisme sur les anges attire beaucoup de croyants. Naguère j'avais eu un échange avec lui par mail sur la stigmatisée Thérèse Neumann qui m'avait montré qu'il ne se souciait pas du tout de corriger les erreurs factuelles de ses propos même sur des sujets récents... a fortiori sur des thèmes historiques anciens; Les Nephilim sont devenus un des articles de vente des boutiquiers de la spiritualité assez étrangers à la recherche de la vérité.

Pour info cette vidéo a suscité une réponse assez longue (un live) qui accuse Virtue et ses invités de déformer les positions d'Heiser et de se méprendre sur le sens des mots en hébreu.

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