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Articles avec #histoire des idees tag

Quelques éléments archéologiques récents qui démentent le scepticisme sur la Bible

6 Août 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

Israël Finkielstein s'était fait une renommée dans les années 2000 en essayant de démontrer que les royautés juives décrites par la Bible n'ont eu qu'une existence tardive et qu'il n'y en a pas de traces antérieures au VIe siècle av. JC, notamment en ce qui concerne le roi David. Dans cette vidéo (ci-dessous) d'une conférence à la Bibliothèque nationale de France du 15 juin 2022 l'archéologue Michael Langlois démonte la thèse de Finkielstein sur un point :  la lecture de la stèle de Tel Dan. Il montre à partir d'instruments technologiques récents qu'il s'y trouve bien une référence à la Maison de David. Dans la stèle de Mesha (IXe s. av JC), le roi des Moabites se vante d'avoir commis un génocide contre le peuple d'Israël ce qui montre qu'à l'époque le génocide était dans les moeurs guerrières "normales" (tout comme le code de Hammourabi montre que la geste d'Abraham d'avoir un enfant avec sa servante quand sa femme est stérile fait partie des moeurs de son temps).

A noter que dans la même vidéo Langlois parle aussi de la première utilisation d'un alphabet par des sémites dans le Sinaï qu'a étudiée l'archéologue chrétien Douglas Petrovich, dont on avait parlé en décembre 2020 ici.

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Chaumont, Chambord, Saint-Sébastien

28 Juillet 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Otium cum dignitate

Les châteaux de la Loire sont plus marqués par l'histoire des familles qui les restaurèrent au XIXe siècle que par les personnages qui les occupèrent à la Renaissance. Tel est le cas de Chambord qui a conservé le souvenir du virtuel Henri V "enfant du miracle", dont la mère s'était illustrée dans une épopée que j'avais évoquée en 2020. Chaumont, le château de Catherine de Médicis, aussi entre dans cette catégorie qui doit beaucoup à la famille du successeur de Lacordaire à l'Académie française, le prince de Broglie.

Après quelques jours dans un éco-village dictatorial comme toute la société le sera bientôt si elle suit les préceptes de Greta Thunberg, j'ai filé vers Saint-Sébastien (Pays-Basque espagnol). Petite excursion à la bibliothèque municipale, au sous-sol de la mairie, endroit calme loin du caquetage des estivants sur la plage. Je jette un oeil aux nouvelles acquisitions : à côté des bêtises à la mode sur la féminisme, le développement personnel, le yoga, un bouquin de Chomsky, un de Frantz Fanon, des titres sur l'histoire de l'extrême gauche européenne, et même Le Monde Diplo en castillan, peut-être un reste du temps où la municipalité fut contrôlée par la gauche abertzale (Bildu) entre 2011 et 2015. Le journal de voyage d'Unanumo de 1889, l'auteur basque y raconte ses émois parisiens et même sa traversée des Landes.

Et puis la revue culturelle navarraise Nabarralde, que je découvre, qui fait une belle publicité  au livre de José Luis Orella Unzué "Cuatro reinas navarras" qui a la Marguerite des Marguerites soeur de François Ier sur sa couverture. On n'y échappe pas décidément. Et cela tombe bien : Chambord n'avait pas mentionné son nom.

 

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La vraie mission de Jeanne d'Arc

17 Juillet 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Notes de lecture, #Christianisme, #Histoire des idées

On s'est déjà penché sur ce blog sur l'ascendance davidique de la monarchie française, sur les révélations privées autour du grand monarque et l'essence divine de la monarchie française. Il existe une filiation d'intellectuels au XXe siècle qui ont défendu ces idées : Léon de Poncins (1897-1975), Jean Vaquié (1911-1992), Louis-Hubert Rémy (né en 1943).

Je voudrai dire un mot ici d'un livre de ce dernier, co-écrit avec Marie-Christine Rémy (1944-2017), paléographe, "La vraie mission de Sainte Jehanne d'Arc", publié à Marseille en 2012 pour le sixième centenaire de la naissance de la sainte.

Le livre, qui prend le contrepied de l'aveuglement universitaire sur le sujet, est articulé autour d'un événement clé pour comprendre le sens du "phénomène Jeanne d'Arc" : cela s'est passé le 21 juin1429, à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire (Fleury-sur-Loire). Il est relaté par un ancien inquisiteur de Toulouse, le P. Jean Dupuy, informé par les dominicains de Poitiers, qui le communiquera au pape Martin V, texte que les auteurs du livre ont trouvé dans le Brevarium historiale à la bibliothèque vaticane. Il sera aussi mentionné par Windecke dans son Mémorial et par le duc d'Alençon lors du procès en réhabilitation.

Cet événement s'appelle la triple donation, et Jean Dupuy la raconte ainsi :

Jehanne dit à Charles : «Sire, me promettez-vous de me donner ce que je vous demanderai ?»

Le Roi hésite, puis consent.

«Sire, donnez-moi votre royaume».

Le Roi, stupéfait, hésite de nouveau ; mais, tenu par sa promesse et subjugué par l'ascendant surnaturel de la jeune fille : «Jehanne, lui répondit-il, je vous donne mon royaume». (1 ère donation)

Cela ne suffit pas : la Pucelle exige qu'un acte notarié en soit solennellement dressé et signé par les quatre secrétaires du Roi; après quoi, voyant celui-ci tout interdit et embarrassé de ce qu'il avait fait : «Voici le plus pauvre chevalier de France : il n'a plus rien».

Puis aussitôt après, très grave et s'adressant aux secrétaires : «Écrivez, dit-elle : Jehanne donne le royaume à Jésus-Christ''» (2 éme donation)

Et bientôt après :«Jésus rend le royaume à Charles». (3 ème donation)

Déjà 3 mois plus tôt, le 11 mars, à Chinon, à la sortie de la messe royale, Jeanne avait demandé au dauphin de faire donation de son royaume au roi du ciel. Le 11 mars il n'avait pas répondu. Le 21 juin, il signe.

Cet acte explique que Jeanne ait eu le Christ sur sa bannière et ait tenu cette bannière source de victoires pour plus importante que son épée pourtant découverte miraculeusement. Le livre rend hommage à ce propos au jésuite érudit le RP Jean-Baptiste Ayroles (1828-1921), spécialiste de Jeanne d'Arc, qui, au moment du procès en canonisation, avait une vision claire de l'entreprise de restauration de la Pucelle d'Orléans au service de Jésus-Christ, contre notamment le réductionnisme ridicule d'Anatole France.

C'est un aspect crucial de la saga de Jeanne d'Arc qui effectivement mérite d'être mis en relief.

A part cela, concernant Jeanne, mon fils, devant l'histoire de Shadrak, Méshak et Abed-Nego dans le livre de Daniel chapitre 3, les trois Juifs condamnés à périr par le feu par Nabuchodonosor et sauvés miraculeusement des flammes, me faisait remarquer que la sainte de Domrémy n'avait pas joui de la même grâce. Dans un premier temps je lui ai répondu que la Pucelle avait terminé sa mission, ce qui expliquait qu'elle n'ait pas bénéficié de cette faveur. Mais je sentais bien que mon explication ne tenait pas. Du coup j'ai regardé à nouveau l'excellent film de Robert Bresson fait à partir des actes du procès en sorcellerie (voir la bande annonce ci-dessous). On voit bien que cette crémation pose à juste titre un vrai problème à la sainte car en principe elle prohibe la voie de la résurrection du corps à la fin des temps (voilà pourquoi ceux qui optent aujourd'hui pour la crémation sur la foi d'une concession accordée par le pape dans les années 1960 aux adversaires de l'Eglise feraient mieux d'y réfléchir à deux fois). Les voix d'ailleurs avaient promis à Jeanne de la sauver de ce supplice infâme. Si ces voix venaient de Dieu, elles n'ont pu se dédire. Donc si elle n'a pas été providentiellement soustraite au bûcher, cela doit provenir de sa faute (un peu comme Moïse prohibé d'entrée en Terre Promise, pour avoir frappé deux fois sur le rocher au lieu d'une). Et sa faute, à n'en pas douter, une faute énorme quoique très humaine, tient à son abjuration et à sa soumission à "l'Eglise militante" (terrestre) pour échapper au feu alors qu'elle était déjà titulaire d'une promesse de "l'Eglise triomphante" (céleste). Au passage on voit tous les dangers qu'il peut y avoir à faire preuve d'une trop grande soumission au clergé (devant les enjeux sanitaires et écologiques actuels notamment), et, concernant Jeanne, cela a conduit à la reconnaissance gravissime du fait que ses voix lui venaient de Satan et que tout son combat au service de la France était maléfique ! S'abaisser à un tel reniement est incroyable quand on y songe : combien de résistants (songeons aux communistes pendant la seconde guerre mondiale par exemple) sous les effets d'actes de torture bien pires que la menace du bûcher ne sont pas tombés aussi bas. L'acte est plus odieux encore que le reniement de Saint Pierre qui, lui, avait nié son contact avec Jésus-Christ sans avoir encore agi indépendamment de lui, et donc, sans entraîner dans son reniement, l'ensemble de ses actes et l'ensemble de ses partisans comme le faisait Jeanne. L'étonnante faiblesse psychologique de la jeune fille se retrouve d'ailleurs à d'autres moments du procès (alors qu'à d'autres moments elle fait preuve de beaucoup d'élévation et de courage), par exemple quand elle dit s'être promis de ne pas révéler quel signe fut donné au Dauphin, puis, ensuite elle consent à l'avouer, ou quand elle s'abandonne parfois à des réponses un peu évasives qui peuvent être utilisées contre elle.

Les voix ont reproché à la sainte son parjure, sur lequel elle est finalement revenue pour mourir. Mais la rétractation n'a peut-être pas effacé totalement la faute, ce qui affranchissait Dieu de la promesse de lui épargner le bûcher. Evidemment nul ne sait si à la fin des temps Dieu fera pour Jeanne une exception au principe de non-résurrection des corps brûlés... ni si la faute de la sainte aurait dû être de nature à empêcher sa canonisation (très tardive)... En tout cas les Français, compte tenu de l'immense dette qu'ils ont à son égard, ne peuvent pas juger impartialement de cette affaire - car, comme l'a souligné Louis-Hubert Rémy, ce fut la première fois dans leur histoire, et peut-être la seule depuis Clovis, que Dieu intervint si visiblement, d'une façon si surnaturelle, à travers cette humble fille de Lorraine.

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Une anecdote de Léon Bloy sur le Saint Christophe de Cologne

17 Juin 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christophe, #Christianisme, #Histoire des idées

Extrait de Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne : (pour faire suite au Mendiant ingrat et à Mon journal). I : 1900-1902 (p. 223-224) :

"Saint Christophe, l'Auxiliateur et le Géant Martyr qui mourut très-particulièrement pour moi, il y a 1652 ans. A une autre époque où j'ignorais encore à quel point il était mon protecteur et sans trop savoir ce que je faisais, j'ai tenté d'expliquer, à propos de Christophe Colomb, l'importance inouïe de ce personnage, surtout au point de vue prophétique (Voir le Révélateur du Globe). Aujourd'hui j'aurais bien autre chose à dire.

Que pensent les docteurs de la simple histoire que voici? Revenant de Danemark en 1900, nous couchâmes une nuit à Cologne, à quelques pas de la cathédrale. Je ne manquai pas, le lendemain matin, d'aller entendre une première messe. Je m'étais placé, à mon insu, au-dessous de la traditionnelle et colossale statue de saint Christophe qu'on est assuré de trouver dans la plupart des vieilles basiliques. Averti par une sorte de gêne, comme si un poids énorme eût été sur moi, je finis par lever la tête et je reçus en plein cœur la commotion de cette présence d'un ami de dix-sept siècles. Christophorum videas, postea tutus eas. Je me souvins aussitôt de ce vers léonin autrefois passé en adage « Regarde saint Christophe et puis va-t-en tranquille ». On croyait, au Moyen Age, qu'il ne pouvait arriver aucun mal dans la journée à celui qui avait vu, le matin, une image de saint Christophe. Cela pour des causes profondes que l'affaiblissement actuel de la Raison ne permet plus de comprendre.

A l'heure de notre départ, le train sur lequel nous avions compté ne parut pas, mais à sa place, un autre tout à fait extraordinaire. Rien n'était à espérer pour nous de cet interminable convoi dont chaque wagon avait été loué à l'avance par un torrent d'Allemands que l'Exposition attirait à Paris.

Nous glissâmes cependant une humble pièce dans la main d'un employé, en lui exposant notre embarras. Alors voici. Sans hésiter une seconde, cet homme nous conduisit à un compartiment interdit aux fumeurs où trois suceurs de pipes envoyés par saint Christophe nous gardaient nos places. Sur un mot de notre guide, ils nous saluèrent poliment, descendirent avec un air de satisfaction, comme des gens qu'on délivre d'une corvée, et nous arrivâmes le soir à Paris, presque sans fatigue et de très-bonne heure, portés par ce train rapide."

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La sentiment de pudeur n'aurait pas qu'une origine visuelle

9 Juin 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Généralités Nudité et Pudeur, #Histoire des idées, #Anthropologie du corps

J'ai souvent insisté, quand j'écris sur le rapport entre nudité et spiritualité en Occident, sur la dimension visuelle de la nudité à l'égard des anges (notamment des anges déçus).

Or je tombais hier sur une remarque intéressante de Salomon Reinach (1858-1932) sous un article intitulé "Les sycophantes et les mystères de la figue", publié la revue des études grecques de 1906 puis dans le recueil "Cultes, mythes et religion".

Je n'épiloguerai pas sur la figue sur le thème de la figue à propos duquel le kabbaliste Cohen Alloro dit des choses intéressantes.

Signalons simplement cet addendum de Reinach qui,fait référence à une lettre , paru dans la Revue archéologique de 1907, intitulée The Pharmakoi and the story of the fall que William Roger Paton (1857-1921) lui a adressée. Cette lettre trace une analogie entre l'expulsion d'Adam et Eve du paradis terrestre dans la Genèse et un rituel grec archaïque d'expulsion d'une femme et d'un homme nus de la cité.

Il existe en Grèce un rituel ancien (Reinach y insiste : un rituel plus qu'un procédé technique car on ignore si cela fonctionne) dit de caprification (de capri-ficus en latin : figuier-bouc) : pour faire mûrir la figue du figuier cultivé, on le considère comme une femelle, et on le soumet à l'influence de fleurs et de branches de figuiers sauvages (supposés être mâles) qui nourrissent des pucerons qui percent de trous la surface du fruit cultivé et en facilitent la maturation (ça c'est Pline qui l'explique tardivement dans une forme de rationalisation). On trouve un analogue dans des bas-reliefs assyriens où un génie ailé féconde un dattier. C'est une hiérogamie. Or à Athènes, au mois de thargelion (au printemps), deux victimes appelées "pharmakoi" étaient conduites en dehors de la ville nues en portant des colliers de figues sèches : noires pour la victime masculine, blanches pour la féminine (selon Helladius). Les Pharmakoi étaient frappés sept fois avec des branches de figuiers sur les parties génitales, rituel qui pouvait être censé les rendre féconds à l'origine puis avoir revêtu avec le temps une dimension expiatoire.

Paton, réagissant aux premières remarques de Reinach sur les origines du mot sycophante (qui vient de "figue") rapproche ce rituel expiatoire du verset de la Bible à propos d'Adam et Eve : « Les yeux de l’un et de l’autre s’ouvrirent, ils connurent qu’ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures », dit la Bible (Gen 3, 7). Ce verset qui manifeste les origines de la pudeur, note-t-il, en le reliant à la fécondité des figues, invite à penser que celui-ci sert surtout à protéger les orifices par où l'être humain procrée (ce qui explique que les peuples qui vivent nus n'imposent une tablier aux filles qu'après leur puberté, idem pour l'étui pénien des garçons) parce que, selon la mentalité primitive, des mauvais esprits pouvaient être tentés de s'y infiltrer, ce qui pouvait nuire à la santé de la descendance.

Il ajoute que cette idée de l'entrée des esprits par les orifices est souvent étendue au delà des orifices génitaux. Un hymne chrétien dit que la Sainte Vierge fut fécondée par une oreille (quae per aurem concepisti) et pour la même raison les femmes musulmanes couvrent leur bouche (Edwin Sidney Hartland, The Legend of Perseus).

Voilà une approche à laquelle je n'avais pas pensé.

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Marguerite de Navarre à la Sainte Baume

1 Juin 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Sainte-Baume, #Histoire des idées

Les éléments que je vais exposer ici sont principalement empruntés à l'excellent livre de Patricia Eichel-Lojkine, professeure de littérature française du XVIe siècle à l'université du Mans, "Marguerite de Navarre, Perle de la Renaissance" publié aux éditions Perrin en 2021.

Après la campagne de son frère François Ier dans la région de Milan (et la victoire de Marignan) en 1515, et la rencontre du roi avec le pape Léon X en décembre, Marguerite d'Angoulême (23 ans, duchesse d'Alençon et pas encore reine de Navarre) est censée le retrouver dans les Etats de Provence (qui ne sont français que depuis 35 ans), en janvier 1516. Là s'est développé depuis 300 ans un pèlerinage très important sur le lieu présumé de l'exil de Sainte Marie-Madeleine, la grotte de Sainte-Baume. Anne de Bretagne et Louis XII notamment l'avaient visité en 1503. La mère de Marguerite d'Angoulême, Louise de Savoie, voue une dévotion particulière à la sainte pénitente.

François Ier alla s'incliner devant les reliques de la sainte à Saint-Maximin le 20 janvier 1516. Dans son livre consacré à Marie-Madeleine, le théologien Maximin-Martial Sicard (1842-1918) précise que les femmes "fussent-elles princesses ou reines" n'avaient pas le droit d'entrer dans la crypte. La reine Claude, la reine-mère Louise de Savoie, Marguerite d'Angoulême et les femmes de l'aristocratie qui les accompagnaient se recueillirent donc à l'extérieur.

Le lendemain, le 21, ils montèrent ensemble à la grotte où l'église était délabrée (la famille royale allait faire un don pour la réparer ainsi que l'hospice des étrangers). Sicard précise (ce que Mme Lojkine hélas ne reprend pas) que François Ier "plaça un portique à l'entrée de la grotte. Il était orné d'un frontispice d'ordre corinthien, mêlé de gothique, avec entablement surmonté d'un fronton brisé au milieu, un bas-relief représentait sainte Marie-Madeleine portée par tes anges au Saint-Pilon. Le fronton était encadré par deux statues de trois pieds, l'une de saint François d'Assise, patron du roi, l'autre de saint Louis, roi de France, patron de Louise de Savoie, sa mère. Le fils et la mère se firent, en outre, représenter eux-mêmes à genoux entre ces deux statues et le bas-relief. L'ouverture de ce monument fut ménagée de telle sorte que tes rayons du soleil n'entraient, dit-on, dans la grotte que le 22 juin" (à moins que ce ne soit le 22 juillet fête de Marie-Madeleine, mais je ne crois pas que Sicard ait pu se tromper de mois).  François Ier allait y revenir en 1533 et cinq ans plus tard mettre la forêt à l'entour sous sa protection.

C'est lors de ce pèlerinage que Marguerite aller croiser pour la première fois Henri II d'Albret, 12 ans, qu'elle allait plus tard épouser en tombant fort amoureuse de lui.

Avant la dévotion à Ste Marie Magdeleine, la princesse et les reines parties d'Angers le 20 octobre 1515 sont passées par Lyon en décembre, Valence, Montbéliard, Pont-Saint-Esprit, Orange, Avignon. D'Avignon elles ont pris le bateau jusqu'à Tarascon où elles ont fait leurs dévotions au sanctuaire de Sainte-Marthe, la soeur de Marie-Madeleine. Puis elles ont poursuivi vers Salon, Aix et Saint-Maximin où elles sont arrivées le 31 décembre 1515.

Patricia Eichel-Lojkine ne dit rien l'ascension de la Sainte-Baume, mais précise (p. 58) que le 12 février, la reine-mère Louis de Savoie, sur la Drôme, reçoit une révélation intérieure : de demander à son fils François Ier de réciter le Psaume 26, ce qui dans le langage de l'époque sera formulé ainsi "Madame fut spirituellement admonestée de faire parler son humilité à l'obéissance du roi son fils, et le supplier que pour oraison dévote il prît le psaume 26e, lequel est convenable pour lui".

En souvenir du pèlerinage à la Sainte-Baume commande est passée à François Demoulins de Rochefort pour deux écrits sur la repentance et la modestie : une glose en français du psaume protecteur et une hagiographie de Marie-Madeleine.

Les pages du commentaire du Psaume 26 seront illustrées par Godefroy le Batave. On y voit Louise de Savoie et François Ier contemplant le crucifix. Les illustrations célèbrent la piété filiale de François envers sa mère et leur dévotion. La reine-mère sera si satisfaite qu'elle attribuera une généreuse pension à l'artiste.

Pour mémoire le Psaume 26 commence ainsi :

Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ;
devant qui tremblerais-je ?

Le traité sur Marie-Madeleine de Demoulins de Rochefort est consultable ici. Il est assez étrange. On y trouve par exemple une condamnation des pleurs qui sont pourtant un attribut important de la pénitente.

"Larmes humaines sont inutiles", écrit l'auteur, et l'enluminure jointe précise "Prier sert, pleurer est folie" autour d'une représentation de Marthe, Magdeleine et Lazare.

Le traité raconte (en s'inspirant d'on ne sait quelle tradition) comment Lazare et ses soeurs "abandonnèrent les sépultures de ceux qui les avaient engendrées" et se partagèrent leur héritage : "Lazare prit ce qui était en Hiérusalem, Marthe ce qui était en Béthanie, et le château de Magdalon fut pour la belle Magdelene". "La pauvre Magdalene était trompée, car elle aimait les fils des hommes et dansait avec eux non advertie que le fils de Dieu qui en beauté surmontait toutes créatures humaines était venu en ce monde pour son salut."

Ce texte est si intéressant que je préfère en réserver l'analyse pour un autre billet, afin de ne pas trop surcharger celui-ci.

Patricia Eichel-Lojkine souligne (p. 59) que le pèlerinage à Saint Maximin et la Sainte-Baume et l'expérience spirituelle du recueillement autour de Marie-Madeleine a "transformé la famille (royale) unie dans l'humilité". Du côté de Marguerite d'Angoulême, cela va se traduira par une approche de son frère comme un nouveau roi David placé "sous le tabernacle de divine protection". Et Marguerite va désormais nourrir un véritable fascination pour Marie-Madeleine.

L'enseignante écrit (p. 59) : "La lecture de la vie de la pénitente et la vue des reliques en Provence la marquent durablement puisqu'elle y fera encore une allusion dans un de ses contes ( l'Heptaméron 32e nouvelle)". Je suis pour ma part assez réservé sur cet argument car la seule allusion à Magdeleine se trouve à la fin du conte quand Ennasuitte demande "Dites moi si la Magdeleine n'a pas plus d'honneur entre les hommes maintenant, que sa soeur qui était vierge ?". Mais cette seule mention sur 72 nouvelles est tout de même légère, compte tenu de la popularité de la sainte pénitente dans la chrétienté, cette vingtaine de mots sous la plume d'une écrivaine très croyante ne trahit pas l'existence d'une dévotion particulière. Sauf à considérer l'ensemble du conte comme un récit à clé, et voir par exemple dans les mentions des os de l'amant et du crâne une allusion aux reliques de la sainte (j'ai montré dans le même sens dans mon récit sur Lacordaire que son rapport au crâne de Mme de Sévigné pouvait anticiper sur la thématique du crâne chez l'ascète de la Sainte-Baume), mais il est assez hasardeux de s'aventurer sur ce chemin ne serait-ce que parce que je souscris à l'opinion du préfacier Michel François dans l'édition de 2005 selon laquelle les contes de l'Heptaméron sont des histoires vraies).

Demoulins de son côté va se lancer dans la recherche des "trois Maries" (Marie de Magdala, Marie la pécheresse et Marie de Béthanie soeur de Marthe) et montrer que le nom de Marie-Madeleine ne peut condenser ces trois personnages comme l'a cru à tort le pape Grégoire le Grand. Le savant sexagénaire Jacques Lefèvre d'Etaples dans son traité De Maria Magdalena de 1517 ira dans le même sens. Marguerite et Louise de Savoie soutiendront Lefèvre et Demoulins sera nommé grand aumônier de France en 1519. L'appui à Lefèvre, attaqué par la Sorbonne après la condamnation des thèses de Luther en 1521, n'allait jamais se démentir de la part des Valois..

Patricia Eichel-Lojkine raconte ensuite l'arrivée de la famille royale à Marseille où l'on vénère les reliques de St Louis d'Anjou. Elle y entre sous escorte de 1 500 chevaliers, 2 000 jeunes filles aux cheveux dénoués les accueillent et les accompagnent à la chapelle Notre-Dame de la Garde. L'historienne raconte la bataille de galères à coup d'oranges à la place des obus dans le port et la rencontre entre François Ier et un rhinocéros à corne unique de Goa à l'île d'If que le roi du Portugal veut offrir au pape.

Mais restons en à ces sujets de réflexion autour de l'influence de Marie-Madeleine sur la reine de Navarre. Je crois qu'il y a beaucoup à creuser de ce côté-là et que Patricia Eichel-Lojkine n'a fait qu'ouvrir le chemin. D'ailleurs ne faut-il pas voir encore une synchronicité autour de la famille de Béthanie, dans le fait que c'est un Charles de Sainte-Marthe , théologien poitevin disciple de Lefèvre d'Etaple, qui fut son protégé à Alençon et à Nérac, qui prononcera son éloge funèbre en 1559 ?

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Quand L'Humanité faisait l'éloge d'Arthur Avalon et de la déesse-mère

18 Mai 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Alchimie, #Shivaïsme yoga tantrisme, #Médiums, #Spiritualités de l'amour, #Histoire des idées, #Histoire secrète

J'ai déjà rappelé ici que le socialisme révolutionnaire de Pierre Leroux et des saint-simoniens était très attaché à la figure de la déesse-mère. On oublie aussi souvent qu'un grand alchimiste, Jollivet-Castellot, fut un des fondateurs du Parti communiste français (et l'on sait le lien entre l'alchimie et la Terre-mère, Gaïa). On est là dans la tradition maçonnique (et médiumnique) du Nord-Pas-de-Calais (cf Facon).

On ne devrait donc peut-être pas être si surpris que cela de lire dans le célèbre journal communiste français L'Humanité du 3 février 1924, sous la plume de Maurice Parijanine (Maurice Donzel), journal pourtant en théorie principalement inspiré par le matérialisme dialectique de Marx, un éloge d'un poème d'Arthur Avalon dédié à la "Mère des Védas" et "Reine des Serpents". "Le culte de la mère, observe Parijine est très ancien, il appartenait déjà a la civilisation méditerranéenne la plus reculée" pour que ses lecteurs ne réduisent pas cela à une bizarrerie indienne. Puis il ajoute à l'intention des admirateurs de Lénine : "Nous avons encore beaucoup à apprendre de l'Asie. Certains révolutionnaires russes ont dit de leur pays qu'il est une Eurasie, une alliance foncière des deux continents. Il y a du vrai là dedans ; et, si nous persistons dans notre décadence occidentale, il se pourrait bien que le foyer de la civilisation dérivât lentement à l'opposé du soleil, vers les sources primitives des générations. Des poètes s'écrient l'Europe n'est plus. L'Asie seule contient l'avenir dans ses vallées sécrètes. Pour nous, engagés dans une lutte quotidienne, ces prévisions à lointaine portée ne semblent avoir qu'un intérêt relatif. Cependant, nous pouvons déjà compléter notre culture, rendre notre pensée largement humaine par l'observation des Orientaux. Des spécialistes nous ouvrent le trésor de leurs antiquités. Des écrivains d'envergure mondiale, tels que Romain Rolland et Rabindranath Tagore nous révèlent la conscience d'une Asie toute moderne. Entre les deux extrémités des temps connus, nous discernerons des traditions fécondes et notre désir d'Universalité spirituelle pourra s'assouvir". On est là encore assez proche de l'indophilie de Pierre Leroux, et pas très loin de sa religion de l'humanité, antichambre de la religion unique mondiale qui se met en place sous nos yeux.

Arthur Avalon (Sir John George Woodroffe), dans la Puissance du Serpent (The Serpent Power), fut le premier à mettre à la sauce occidentale de la Théosophie les chakras et la kundalini comme réalités énergétiques tangibles qu'il avait expérimentées dans le tantrisme indien.

Bien sûr Parijanine, s'il est en un sens représentatif d'un certain courant de la gauche révolutionnaire française, ne l'est probablement pas de l'ensemble du mouvement communiste. Traducteur de Trotsky il rejoignait cette dissidence à la fin des années 1920 et en 1929  polémiquait contre l' "écrivain officiel" (et membre de la fraternité des Veilleurs de Schwaller de Lubicz) Henri Barbusse. Son rapport à Avalon est peut-être inspiré de son propre vécu : il s'était en effet imprégné des campagnes russes entre 1917 et 1920 qui ont peut-être gardé à l'époque quelque choses du chamanisme initial, comme le shivaïsme.

Pour autant son goût pour la Terre-mère ne relève pas de l'idiosyncrasie, et d'ailleurs même si cela avait été le cas, le statut de chroniqueur littéraire qu'eut Parijanine à l'Humanité de 1923 à 1928 donnait une portée importante à ses particularités. On voit qu'il rattache le travail d'Avalon à celui de Romain Rolland, célèbre pacifiste socialiste, qui diffusa en Occident la pensée de Rabindranath Tagore et de Gandhi... On peut penser aussi au surréalisme qui avait aussi à l'époque le regard porté vers l'Orient. Tous ces courants convergeaient pour élargir les brèches antichrétiennes ouvertes par Mme Blavatsky et qui allaient trouver un boulevard à leur service dans le New Age. Et cela ressort à nouveau aujourd'hui, à la faveur du succès des thématiques écologistes (elles-mêmes très soutenues au sein de l'ONU par des sectes new age dans les années 1990) aussi bien à travers les "unes" que L'Humanité Dimanche consacre à des sorciers ou que des clins d'oeil à la santeria cubaine d'un Jean Ortiz.

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Où Jean Cassien rejoint Jean Climaque

16 Mai 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées, #Histoire secrète

Un extrait des Collations de Jean Cassien qui recoupe la position de Jean Climaque, sur le fait que la purification intérieure compte plus que les miracles extérieurs. Le travail intérieur contre soi est une forme de charité supérieure...

 

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Mon article "nudité et spiritualité" dans la revue "La Vie au Soleil"

11 Mai 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Généralités Nudité et Pudeur, #Christianisme, #Publications et commentaires, #Histoire des idées

Dans la revue "La Vie au Soleil" de mai 2022, je publie un article d'une page qui rebondit sur mon enquête consacrée aux médiums publiée en 2017 et pose quelques questions sur le rapport entre nudité et sorcellerie, nudité et ascèse etc. Il est accessible in extenso en cliquant sur ce lien.

 

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Jour de la Sainte Catherine de Sienne

29 Avril 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées, #Histoire secrète

"En supportant dans cette vie les peines avec patience on expie et on acquiert des mérites. Il n'en va pas de même pour les châtiments que l'âme supporte dans l'autre. En effet, si elle subit les peines du purgatoire, elle expie mais elle n'acquiert pas. Nous devons donc supporter joyeusement et avec bonne volonté ces petites épreuves" (Catherine de Sienne, Lettre à Marco Bindi négociant).

Le RP dominicain Ollivier dans une préface à une biographie de la sainte écrite par une prieure générale des dominicaines d'Angleterre résumera ainsi sa vie : "Une jeune fille sans naissance et sans lettres occupe, à vingt ans, la pensée des hommes les plus graves et les plus renommés ; à vingt-cinq, elle est l’âme de l’Italie, pour ainsi dire ; à vingt-huit, elle inspire les papes et les rois, s’impose à Rome et à l’Europe ; à trente-deux, elle meurt dans une sorte d’apothéose".

Extrait du Fouet des Paillards :

 

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Mahomet, prophète de la paix, selon Juan Cole

24 Avril 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Notes de lecture

Je recommande aux lecteurs ce livre de l'universitaire américain Juan Cole "Muhammad, prophet of peace amid the clash of empires" publié en 2018 aux édition Nation Books.

Mahomet, explique Cole, était orphelin de père qui mourut de retour d'un voyage de commerce à Gaza quand la mère Amina était enceinte vers 567.  La mère elle-même mourut juste après avoir déposé l'enfant de 6 ans à la Mecque chez son grand père Abd al-Muttaleb de la tribu des Hashim (les gestionnaires de la Kaaba). Lui-même était conservateur du puits sacré de Zamzam et fournissait de l'eau aux pèlerins. Etant parmi les moins "gradés" du clan, Mahomet dut garder les moutons et était souvent humilié par ses collègues. Au bout de 2 ans l'aïeul mourut et Mahomet fut confié à son oncle paternel Abu Talib.

A 25 ans (dans les années 590) il se met au service de Khadidja, riche veuve qui contrôle la moitié des caravanes, et se distingue en menant à bien une escorte de caravane jusqu'à l'empire romain au nord. Mahomet va jusqu'à Wadi Ramm au sud de la Transjordanie peuplée de chrétiens.  Mais il reste des populations païennes. Ioannes Moskhos parle d'un jeune chrétien kidnappé par des idolâtres arabes qui veulent le sacrifier. En 579 une enquête de Tiberios II montre que l'aristocratie païenne de Baalbek (Heliopolis) opprime les chrétiens pauvres, et à Edesse on vénère Zeus dans les maisons. Les sanctuaires de la déesse Allat sont des havres de protection car c'est la déesse de la paix. La paix entre la Perse et Byzance profite au commerce dans les Etats arabes autour de Bosra.

Impressionnée par les succès économiques de Mahomet, Khadidja décide de l'épouser vers 592 et sera sa seule épouse jusqu'à sa mort en 620. Ensuite il épousera la veuve Aïcha bint Zam'a qui sera une source majeure de sa biographie. Elle explique qu'après avoir épousé Khadidja, il était devenu solitaire et pratiquait des adorations nocturnes à la grotte d'Hira. C'était une coutume locale de s'exiler au désert de temps en temps et faire des dons aux pauvres (Juan Cole renvoie à deux historiens sur ce point). Mahomet s'y adonnait un mois par an et semblait attendre un signe. Il allait être comblé en messages angéliques, décorporation (sourate de l'Etoile).

Dès lors Mahomet va développer une prédication pacifique dans la péninsule arabique en alliance avec l'Empire byzantin (p. 65 du livre de Cole), dont il avait besoin pour maintenir son commerce contre les agressions des Sassanides qui assiègent Jérusalem en 614 (la sourate sur Rome en porte la preuve). Il n'usera de la force que pour défendre sa communauté quand les païens de la Mecque (alliés aux Perses) intrigueront contre lui.

La thèse de Cole est qu'ainsi c'est surtout la force spirituelle de la prédication de Mahomet et son message de paix qui permettent l'unification de la péninsule arabique, et qu'elle eut aussi du succès auprès des populations arabes de Transjordanie, ce qui facilita ensuite la pénétration de l'Islam (qui ne s'appelait pas encore Islam) en Palestine. Cette religion pacifique, relativement tolérante à l'égard des chrétiens, des juifs, des zoroastriens et même des païens (certains versets reconnaissent des voies de salut à chacun), devenait une alternative attractive à l'affrontement incessant entre Byzantins et Iraniens.

La violence (la théorie de la guerre juste, la punition du péché d'adultère par la lapidation etc) n'aurait été introduite dans le Coran qu'après la mort du prophète par les tribus bédouines, avec notamment cette idée que les versets de paix auraient été abrogés (tandis que les Chrétiens byzantins allaient ensuite rétrospectivement nourrir le mythe d'une conquête armée par les disciples de Mahomet). Cole trace d'ailleurs une analogie intéressante avec la religion sikh en Inde fondée par le gourou Nanak vers 1539, dont les successeurs auraient inclus a posteriori dans la doctrine une dimension guerrière empruntée à l'ethos des tribus pastorales, dimension absente du message spirituel initial.

Cette recherche de Juan Cole mérite sans doute qu'on lui accorde quelque attention...

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Recension du livre "Le Secret de Mélanie falsifié"

24 Avril 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées, #Histoire secrète, #Notes de lecture

Recension initialement destinée à être publiée sur le site Parutions.com auquel j'ai occasionnellement collaboré jadis et donc adaptée à son lectorat, mais je viens d'apprendre que ce site est désormais archivé et suspendu. Je la publie donc ici.

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Paul-Etienne Pierrecourt, Le Secret de Mélanie falsifié
Editions Pierrecourtoises 2022 /  19 €  / 254 pages
ISBN : 978-2-9581145-9-6
FORMAT : 21 X 15 cm

Au XIXe siècle, l’opinion publique catholique française s’est passionnée pour les secrets livrés par une apparition de 1846, celle de Notre Dame de La Salette, dans l’Isère, à deux jeunes bergers, Mélanie Calvat et Maximin Giraud. Les milieux catholiques en attente d’une restauration des Bourbons y étaient particulièrement sensibles car dans les révélations de la Sainte Vierge, il était question, disait-on, du futur Grand Monarque, ce qui émut au premier chef le comte de Chambord, prétendant au trône. Si d’autres secrets, ceux de Notre-Dame de Fatima, ont quelque peu éclipsé au XXe siècle ceux de La Salette, ceux-ci rencontrent un regain d’intérêt aujourd’hui dans les cercles traditionalistes, en ces temps où les tribulations de la mondialisation réveillent les anticipations apocalyptiques et où le Pape accueille au Vatican des idoles pré-colombiennes. Notre Dame sur les contreforts des Alpes n’a-t-elle pas en effet annoncé que Rome ne serait bientôt ni plus ni moins que le siège de l’Antéchrist ?

Dans un petit livre d’enquête récemment publié, l’écrivain musicien Paul-Etienne Pierrecourt entreprend d’écrire une nouvelle page de la saga de ce secret, à la manière de Sherlock Holmes, en s’appuyant sur un constat troublant : si en 2002 chez Fayard le père Michel Corteville (qui avait consacré sa thèse de doctorat au sujet) et l’abbé René Laurentin s’étaient fait l’écho de la découverte en octobre 1999 de la soi-disant toute première rédaction du secret confié par la Saint Vierge aux deux bergers (une lettre remise au Pape Pie IX en 1851), des éléments peuvent laisser sérieusement croire que ce document serait un faux. Selon la voyante Mélanie, en effet, il comportait la date d’un événement prophétisé, alors que le papier de 1999 n’en porte pas ; il mentionnait aussi un reproche au clergé absent du nouveau manuscrit ; toujours selon des souvenirs rapportés par Mélanie et d’autres témoins d’il y a plus d’un siècle le secret tenait en trois grandes pages, celui de 1999 n’en fait que deux petites etc. Il s’agirait donc d’un faux.

A qui profite le crime ? se demande alors Pierrecourt avant de pointer du doigt le cardinal Ratzinger futur Benoît XVI, alors préfet de la Congrégation de la doctrine de la foi (ex-Saint Office) dont il dénonce pêle-mêle le modernisme à l’époque du concile de Vatican II, et une supposée allégeance au culte du dieu païen Pan (dont nous avions nous-même dans notre livre Le Complotisme protestant contemporain rappelé l’importance dans l’occultisme classique et dans la pop-culture crowleysienne anglo-saxonne des années 1960-70), allégeance manifestée selon l’auteur par une image sur sa mitre d’intronisation, et qui renvoie à une possible prise de pouvoir des francs-maçons (voire de leur volet le plus sataniques, version Illuminati…) à la tête de l’Eglise moderne (une thèse très répandue de nos jours, voir par exemple Infiltration du youtubeur catholique texan Taylor Marshall, aux éditions Crisis), ce qui vérifierait après-coup la prédiction de Notre Dame de La Salette sur le siège de l’Antéchrist.

Sans être nécessairement d’accord avec toutes les thèses qui sous-tendent le regard de l’auteur sur le sujet qu’il aborde (notamment en ce qui concerne le rôle du judaïsme dans l’avènement de l’Antéchrist, qui part d’une lecture contestable du livre de l’Apocalypse et fait l’impasse de la spécificité de la tribu de Dan dans l’économie de la dictature de l’Impie), on reconnaîtra à ce travail de recherche beaucoup d’érudition et de précision dans l’argumentaire, ainsi qu’une indépendance d’esprit salutaire qui ne peut manquer de ranimer les discussions aujourd’hui à tort censurées sur la véritable nature de l’Eglise catholique contemporaine et sa capacité à garder les âmes de ses fidèles dans les enseignements du Christ.

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Précision sur Diana Vaughan

31 Mars 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées, #Histoire secrète

Dans mon livre intitulé "Le complotisme protestant contemporain" (eds L'Harmattan), j'ai écrit en note de bas de page, j'écrivais : « En 1893, la presse française se perdait en polémiques autour d’un article du journal La Croix de Reims  à propos des messes noires de la loge maçonnique "La Regénérée". Son existence, ainsi que celle de complots de grande envergure impliquant les Républicains et Bismarck aurait été dévoilée par une certaine Barbe Bilger, fille adultérine du comte Calvé (et à ce titre demi-sœur de la cantatrice Emma Calvé qui fut liée à l'abbé Bérenger Saunière, et à la saga occultiste de Rennes-le-Château), et par une Diana Vaughan rivale de la médium  Sophie Walder (dite Sophie-Sapho), prétendue fille du pasteur suisse devenu anabaptiste Philéas Walder puis disciple du franc-maçon américain Albert Pike (« palladiste », et luciférien). Cette série de pseudo-révélations qui passionna les milieux catholiques s’avéra n’être qu’une vaste supercherie inventée par un libre penseur Léo Taxil qu’il finit par révéler en 1897. Elle discrédita pour trente ans l’Union anti-maçonnique fondée par le pape Léon XIII qui avait appuyé ses dires (cf Le Radical 21 avril 1897. Le Figaro 16 septembre 1932) ».

Je tiens à préciser qu'un chercheur chrétien, Paul-Étienne Pierrecourt, dans "De La Salette à Diana Vaughan, ou le "siège de l'Antéchrist" dévoilé" " (Éditions Saint-Rémi) soutient que Diana Vaughan a réellement existé. Il avance comme argument le fait que l'ex-médium palladiste avait publié, avant sa conversion, et qu'un témoignage d'Alfred Pierret, son éditeur, évoquait sa rencontre avec Mme Vaughan,  témoignage qui dans la version papier figurait à partir de la p. 704 de la version scannée, laquelle l'a remplacé par des publicités.

La supercherie n'est donc pas forcément où l'on croit...

 

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Joseph Dejacque et Ste Marie-Madeleine

20 Mars 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Sainte-Baume, #Histoire des idées, #Histoire secrète

Un extrait de la lettre de l'anarchiste à son maître Proudhon, datant de 1857, et écrite de Louisiane, intitulée "De l'Etre-Humain mâle et femelle" :

"J'aimerais à voir traitée de cette question de l'émancipation de la femme par une femme ayant beaucoup aimé, et diversement aimé, et qui par sa vie passée tînt de l'aristocratie et du prolétariat (...) Cependant à défaut de cette autre Madeleine répandant les fécondes rosées de son coeur au pied de l'humanité crucifiée et battant de l'âme vers un monde meilleur, à défaut de cette voix de civilisée repentie, croyante de l'harmonie, fille anarchique, à défaut de cette femme abjurant hautement et publiquement tous les préjugés de sexe et de race, de lois et de moeurs qui nous rattachent encore au monde antérieur, hé bien moi être humain du sexe mâle, je vais essayer de traiter envers et contre vous Aliboron-Proudhon, cette question de l’émancipation de la femme qui n’est autre que la question d’émancipation de l’être humain des deux sexes. "

Cette lettre semble avoir du succès dans les milieux féministes anarchistes de notre époque (voyez par exemple sa lecture à haute voix ici).

Ceux qui auront lu mon livre sur Lacordaire, notamment le passage où je traite de la restauration du sanctuaire de la Sainte-Baume, comprendront mieux sa signification et ses origines, qui sont tout à fait transparentes à mes yeux.

En disant qu'il préfèrerait voir la question de l'émancipation des femmes traitée par une femme idéale qui tînt du prolétariat et de l'aristocratie, Dejacque ne fait que reprendre l'objectif de la secte des saint-simoniens, secte très influente surtout à partir des Trois Glorieuses, qui, lorsqu'elle s'est instituée en Eglise, chercha à trouver cette femme idéale qui pourrait elle seule dire la vérité au genre humain, et, par là-même, le libérer. La femme messianique cette Eglise la chercha en France, puis elle n'hésita pas à envoyer une délégation au sultan de Constantinople pour aller la chercher en Egypte ! Dejacque se fait l'héritier de ce mythe.

Chose très intéressante, Dejacque l'imagine tout de suite sous les traits de Sainte Marie Madeleine. J'ai expliqué que le XIXème siècle en effet associe Marie-Madeleine non seulement à l’adultère, mais aussi à cette citation de l’Evangile : « Ses nombreux péchés ont été pardonnés : car elle a beaucoup aimé » (Luc 7 :47), c'est pourquoi sous sa plume "femme ayant beaucoup aimé", entraîne tout de suite l'expression "cette autre Madeleine", et tout le développement sur le repentir qui est inversé (puisque c'est des péchés de la civilisation qu'elle se repent et non des siens propres). Déjà en 1830 l’épouse d’un des deux « papes » de la secte saint-simonienne faisait référence  à une prédication d’un de ses prêtres fondée sur Marie-Madeleine pour justifier l’appel à ce qu’une femme libérée vînt dicter les nouvelles mœurs de la société. Et l'on retrouve cet imaginaire chez l'académicien catholique libéral - catholique de gauche, révolutionnaire - (dans sa jeunesse) mais en fait panthéiste Victor de Laprade (1812-1883) qui avait publié les Parfums de Madgeleine en 1839. L'identification de l'humanité crucifiée à Jésus vient du "génial" (pour reprendre le mot de Marx) socialiste Pierre Leroux (ex-saint-simonien), qui, lui aussi, s'était appuyé sur Luc 7 :47 dans un article du premier numéro de la Revue Indépendante qu'il avait fondée avec George Sand, dans un article justement consacré à l'égalité homme-femme. Leroux voulait instaurer une religion de l'Humanité, réalisation sur Terre du projet de Dieu.

Autrement dit on trouve dans ce passage de Joseph Dejacque une sorte de condensé de l'association Madeleine-Libération des femmes telle que construite par la tradition socialo-saint-simonienne au cours des trente années qui ont précédé son écriture.

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Joseph de Maistre et l'Age d'Or (des Nephilim)

13 Mars 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire secrète, #Histoire des idées, #Christianisme

A la différence des Lumières, Joseph de Maistre estimait qu'à l'origine étaient le Savoir et non l'ignorance, et c'est pourquoi l'humanité fut balayée par le Déluge. Cela se trouve dans sa Cinquième Soirée de Saint-Pétersbourg :

Voilà qui évoque l'Age d'Or, et cette révélation du Livre d'Henoch selon laquelle les Veilleurs avaient donné aux humains un savoir caché.

Comme je l'ai indiqué dans mon livre sur les Nephilim, Jacques Devîmes, dans Nouvelles recherches sur l’origine et la destination des pyramides en 1812, un homme qui jugeait Swedenborg "digne de la plus grande Confiance" (p. 57) parce qu'il situait des signes de conservation des savoirs anté-diluviens en Tartarie, croyait aussi à cette époque de savoir supérieur :

"Ce fut encore vers ces temps que les enfans qui étaient provenus du mariage des vaillans  avec les filles des hommes, et qui par cette raison participaient à la puissance de leurs pères, tels que Membrod , Og, les Goliath, Osymandué , et tous ceux enfin dont parlent les anciens historiens , tant sacrés que profanes , et dont Hérodote, Pausanias et Pline , disent qu'ils ont vu dans un lieu de l'Egypte, appelé Litris, un grand nombre de squelettes qu'on voyait à découvert, et dont les os qui étaient rangés sur la terre chacun à sa place, tels qu'ils sont dans l'habitude du corps humain, étaient d'une grandeur démesurée.

Ce fut dans ces temps, dis-je, qu'on vit s'élever la tour de Babel, le colosse de Rhodes, cette foule d'obélisques qui couvraient l'Egypte et la Lybie (sic) , toutes ces villes et ces temples si magnifiques que le temps a détruits, parce qu'ils étaient l'ouvrage d'une puissance secondaire de géans, naturels, matériels, tandis que les Pyramides ont été l'ouvrage des Nephilim, ou géans d'une substance spirituelle.

Cette première période, depuis la création jusqu'au Déluge, a dû être et a été en effet la plus fatale au genre humain, parce que les esprits, malins, jouissant de toute l'étendue de leur puissance, ont dû employer tous les moyens possibles pour tenter, séduire, et pervertir une créature que l'éternel s'était plu à former, et pour l'entraîner dans leur propre chute (...)

Combien n'avons-nous pas à regretter d'être privés des ouvrages qui auraient pu nous transmettre les détails de l'histoire de ces temps, tels que le livre de Jaschar, les guerres de Jéhova,le livre des Justes, et les Enoncés prophétiques qui sont tous cités par Moïse et Josué. Que d'événemens extraordinaires, que de choses nous paraîtraient aujourd'hui inconcevables, et qu'il serait intéressant pour nous de voir les efforts de l'enfer chercher à réagir contre la puissance de l'Etre suprême, de connaître les prodiges que ces fameux géans ont dû opérer pour fasciner l'intelligence humaine, et insulter de nouveau à la divinité ?"

Selon Ferraz, l'idée d'une grande connaissance et d'un grand crime des hommes avant le déluge, De Maistre la tenait de l'Illuminé panthéiste Saint-Martin. J'ai retrouvé dans "Le ministère de l'homme-esprit" p. 250 une référence à leurs crimes mais pas à leurs connaissances.

"Qu'on se rappelle la prévarication du premier homme, dont les suites ont été un changement absolu pour lui, t et l'ont fait passer de la région de la lumières à demeure ténébreuse que nous habitons qu'on se rappelle les abominations de sa postérité jusqu'au déluge et qu'on juge par l'immensité des coupables que ce déluge a engloutis, combien de crimes énormes ont été dérobés par notre connoissance".

Si l'on en croit l'abbé Barruel, tout cela aurait un rapport avec les rosicruciens.

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