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Qui était derrière le lobbying pour la nudité publique en 2015 ?

29 Avril 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Généralités Nudité et Pudeur, #Nudité-Pudeur en Europe, #Pythagore-Isis, #Histoire secrète

Le grand public ne l'a peut-être pas su, mais, en 2015, les partisans de la nudité publique ont voulu profiter de l'ouverture de la garde des sceaux Christiane Taubira au thème des réformes sociétales (le mariage homosexuel avait été adopté en mai 2013) pour promouvoir une dépénalisation de la promenade publique en tenue d'Adam ou d'Eve. A cette fin la journaliste escort girl ex-Femen Eloïse Bouton lançait un colloque sur ce thème à l'assemblée nationale sous la houlette du député EELV  Sergio Coronado. L' association pour la promotion du naturisme en liberté (Apnel), ainsi que Me Tewfik Bouzenoune, avocat à la Cour (défenseur d'un randonneur nu à Périgueux en 2013 puis en 2017 de l'artiste Déborah de Robertis, mais aussi de Cécile Duflot, ) étaient présents aux côtés de la Fédération française de naturisme (FFN) à laquelle l'Apnel appartient. Le colloque s'est tenu le jeudi 18 juin 2015 de 9h30 à 12h à l'assemblée en salle Colbert.

Etaient intervenus Geneviève Fraisse, philosophe, directrice de recherche au CNRS, ancienne déléguée interministérielle aux droits des femmes et ancienne députée européenne, Me Tewfik Bouzenoune, avocat à la Cour, l'artiste nudiste Déborah De Robertis, Rachel Mulot, membre de La Barbe (et Cheffe du service Enquêtes au magazine Sciences et Avenir), groupe d’action féministe, Philippe Colomb, membre de la Vélorution et organisateur de la manifestation cyclo-nudiste de Paris (il se présente sur Twitter comme un "bibliothécaire engagé, écolo politique, internationaliste pro-migrants").

L’artiste américaine féministe Rhiannon Schneiderman (qui comme De Robertis aimait se montrer nue sur ses photos) avait réalisé une série de photos intitulée "Exhibitionist" "en soutien au colloque" (sic).

Pour continuer à faire avancer cette cause, l'Apnel adressait le 20 juin une invitation (dont j'étais destinataire car à l'époque les médias m'interviewaient souvent sur la nudité publique)  "à l’adresse de personnalités, associations et partis politiques pouvant contribuer, par leur action, à la  dépénalisation complète de l’état simple de la nudité humaine" le 4 juillet, à 9 heures au siège de la FFN à Pantin. Elle annexait à cette invitation un projet de Proposition de Loi portant diverses dispositions tendant à dépénaliser l’état de nudité et clarifier l’article 222-32 du Code Pénal sur l’exhibition sexuelle. Je n'ai pas pu me rendre à cette réunion pour savoir ce qui s'y disait.

Le 23 juillet 2015 un naturiste m'écrivait " je ne crois pas trop à la voie législative, trop lourde, ni même réglementaire. Je pense que l'évolution sera plutôt jurisprudentielle, quelques arrêts de relaxe bien médiatisés, ou, comme pour les seins  nus il y a 40 ans, une circulaire aux procureurs leur enjoignant de ne plus poursuivre. Mais je ne suis pas devin, on verra bien."

Il semble que la proposition de loi n'ait jamais abouti. Peu de gens en France étant partisans de la liberté d'aller et venir nu. Les lobbyistes ont peut-être estimé qu'une action discrète à coup de circulaires serait politiquement moins risquée. Ils ont aussi investi dans les expériences municipales locales comme le parc naturiste de Vincennes.

Pour ma part je me suis demandé après coup s'il n'y avait pas des lobbies occultes derrière l'initiative de Bouton. A la fin des années 2000 une responsable de centre naturiste avait attiré mon attention sur le fait que les francs-maçons avaient tout au long du XXe siècle encouragé le développement du naturisme, tout comme ils avaient été à l'origine des lois sur la sécurité sociale (en Angleterre et en France), sur la contraception, sur l'avortement...

Éloïse Bouton a été condamnée en février 2017 pour exhibition dans l'église de la Madeleine, ce qui a été confirmé en appel. Le 20 décembre 2013 dans l'église de la Madeleine, à Paris, elle avait avait mimé un simulacre d'avortement de l'enfant Jésus avec des morceaux de foie de veau devant l'autel de l'église de la Madeleine. Sur sa poitrine, on pouvait lire «Christmas is canceled» («Noël est annulé») et «344e salope», en référence au manifeste des 343 femmes qui avaient signé un appel en 1971 pour la dépénalisation de l'avortement. Par cet acte, elle entendait dénoncer les prises de position de l'Église, alors que des restrictions sur l'avortement étaient envisagées en Espagne. L'action n'est pas sans rappeler celle de certains lobbies pro-avortement aux Etats-Unis dont les actions mobilisent parfois des rituels occultistes (voir photo). On peut se demander s'il n'y avait pas une dimension rituelle aussi dans son geste à la Madeleine.

Eloïse Bouton tirant argument de ce qu'une Femen qui avait mené une action au Musée Grévin en 2014 avait été relaxée s'est pourvue en cassation mais ce pourvoi fut rejeté le 9 janvier 2019, la condamnant définitivement à un mois de prison avec sursis. Un an plus tôt elle avait sorti un documentaire co-écrit avec le rappeur "Dr de Kabal" dont le nom à lui seul évoque la kabbale et l'occultisme (son premier maxi en 1992 était dédié à la secte des Assassin, à l'origine de certaines traditions templières). Elle multiplie les conférences à ses côtés depuis lors, par exemple à l'université de Villetaneuse les 29 janvier et  9 avril derniers avec une affiche illustrée par un damier maçonnique. Son association "Madame Rap" mobilise beaucoup l'imagerie du poing levée issu de la galaxie du milliardaire Soros (Otpor, Canvas, la Women March de 2017 aux USA etc) dont Wikileaks a montré les liens avec les milieux occultistes proches d'Hillary Clinton. Tout cela pourrait plaider pour une implication maçonnique (ou du moins celle de l'aile la plus anti-chrétienne de la maçonnerie) derrière le colloque de 2015, mais évidemment cela ne sera jamais tout à fait démontrable.

Sergio Coronado, qui avait défendu des positions très pro-LGBT sous la précédente législature après avoir fait son "coming out" sur Twitter en 2012, est maintenant candidat mélenchonien aux européennes. Il n'est pas évident qu'il ait impliqué les LGBT dans le soutien au projet de loi. Son soutien au colloque semble avoir été ponctuel mais il serait intéressant de faire une généalogie de son lien avec E. Bouton.

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La philosophie grecque du point de vue de l'eschatologie biblique

10 Avril 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Philosophie, #Histoire des idées

Je m'interrogeais dans un billet d'hier sur l'intérêt du combat de St Jean de la Croix du point de vue de la science de la fin des temps.

On peut formuler la même question à propos de la philosophie grecque.

Beaucoup d'hérétiques en ce moment comme Jean-Marc Thobois ou Jacques Colant en France (ou les adventistes du 7e jour aux Etats-Unis) se plaisent à retraduire l'Evangile en hébreux (par là je ne veux pas dire que tout l'évangélisme est hérétique, mais celui qui opère cette régression hébraïsante à l'évidence l'est, d'autant qu'elle se place explicitement au service du projet antéchristique de construction du troisième temple). C'est un contre-sens. Si le Nouveau Testament est révélé en grec, cela faisait partie à l'évidence du plan de Dieu. On ne peut pas troquer une langue sacrée pour une autre sans déformer délibérément la nature-même de la révélation (ce qui est évidemment très grave).

J'approuve le philosophe américain E. Michael Jones quand il dit qu'il faut prendre très au sérieux le fait que St Jean présente le Christ comme le Logos de Dieu - Au principe était le Logos/verbe, et le Logos/verbe s'est fait chair - avec toute la charge philosophique que comprend ce terme (le logos est savoir, science et ordre).

L'héritage du geste de la philosophie grecque est explicitement assumé par St Paul dans les Actes des apôtres au moment de sa célèbre comparution devant un Aréopage d'Athènes pétri du souffle socratique (Actes 17:16-34). Le point le plus précis de cette acceptation de l'héritage se repère dans l'éloge que l'apôtre fait du culte rendu par les Athéniens au Dieu inconnu. On lit dans Plutarque et dans Dion Cassius que ce dieu a été introduit à Athènes par le crétois Epiménide, un des sept sages de la tradition hellénique, qui sauva Athènes de la peste à l'instigation de la Pythie de Delphes. Or Paul montre sa connaissance parfaite d'Epiménide dans l'Epitre à Tite où il cite l'aphorisme de ce sage "Tous les Crétois sont des menteurs" en présentant Epiménide comme un prophète (en usant exactement du même mot que pour les prophètes d'Israël). Epiménide est un prophète parce qu'il a annoncé le Dieu inconnu qui, révèle Paul, était en fait le Dieu d'Israël. Le missionnaire protestant Don Richardson a écrit des lignes inspirées à ce sujet.

Paul connaissait les philosophies grecques et l'on ne peut considérer comme un hasard le fait que Dieu ait choisi pour fonder l'Eglise chez les Gentils un Pharisien de la diaspora instruit et très au faite de la culture païenne puisqu'il a grandi dans une ville commerçante, Tarse, où de brillantes écoles philosophiques s'étaient développées.

Comme l'Eglise chrétienne l'a très tôt admis, cela ne pouvait faire prévaloir la philosophie grecque sur la révélation, mais incitait à y voir un avant-goût de cette révélation voire une source d'éclaircissement sur certains points obscurs.

Point toute la philosophie grecque du reste - c'est pourquoi j'ai parlé de son "geste". Il me semble que le stoïcisme a peu à voir avec le christianisme. Son idéal de maîtrise de soi ne lui est pas propre - il traverse peu ou prou toute la philosophie sauf chez les matérialistes, les sensualistes et les cyniques. En revanche sa foi en une sympathie universelle dans la recherche de l'unité naturelle ouvre la porte, comme le bouddhisme, à la communion avec les forces démoniaques. De même l'épicurisme qui, comme l'a montré Renée Koch-Piettre visait à créer aux marges de la société une sorte d'église nourrie du fantasme de la divinisation de soi-même, ce qui est, par essence, luciférien.

A n'en pas douter ce qui dans le geste philosophique annonce le mieux le christianisme c'est le platonisme. St Augustin disait que par Platon il a compris ce qu'était le monde spirituel, beaucoup mieux que par le manichéisme qui avait été sa passion initiale mais qui d'après lui ne permettait pas de saisir ce qu'est l'Esprit. Il est vrai qu'avec sa définition des Idées, le platonisme ouvre la voie à une recherche de la transcendance radicale, articulée à une raison compatible avec l'incarnation du Christ - l'événement de l'incarnation du Verbe vient valider a posteriori, sous certaines conditions (notamment celle de la soumission à ses commandements, et donc celle de l'humilité) la prétention de l'être humain à participer d'une raison divine.

Cela n'ôte rien à la validité de la prophétie d'Esaïe 55:8 "Mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes voies ne sont pas vos voies" (car même en sa rationalité Dieu nous reste au moins en partie complètement inaccessible) mais interdit en tout cas, comme l'a noté E Michael Jones notamment, d'imaginer un Dieu qui n'obéirait pas à ses propres règles (sans en être cependant esclave) et un règne de la volonté qui vouerait le monde au chaos.

Reste la question de l'aristotélisme qui fait descendre la perfection du ciel des idées vers la finalité même des choses. Il y a sans doute des arguments théologiques pour s'en inspirer, mais je me méfie quand même quand on voit, comme le soulignait récemment un auteur, que les prémices de la scolastique musulmane ont jugé utile d'importer l'aristotélisme musulman à cause de ses succès dans des domaines aussi suspects que l'astrologie judiciaire...

En revanche je crois que de la philosophie moderne le christianisme, dans son positionnement devant les temps de la fin, n'a rien à retirer. Descartes est "inutile et incertain" comme disait Pascal. La subjectivisation de la réalité du monde par les empiristes et par Berkeley ou Kant est une hérésie. De même le panthéisme de Spinoza, l'immanentisme de Hegel qui reconnaissait lui-même sa dette à l'égard du médium Jakob Bohme, et toutes les philosophies de la volonté à partir du romantisme allemand et de Schopenhauer qui sont en réalité des formes de nihilisme. L'existentialisme est un luciférisme. Quant à la phénoménologie, quand je lisais il y a peu qu'un prélat avait dit que le pape Jean Paul II croyait en Medjugorje parce qu'il était phénoménologue, je me dis que dans ces conditions il vaut mieux ne jamais avoir lu Husserl...

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Saint Jean-de-la-Croix au cachot

9 Avril 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

Les guerres d'extermination sont épouvantables. Dans un autre registre, les luttes fratricides le sont aussi, et même peut-être davantage. Les premières traduisent un refus de l'altérité, les secondes une passion de l'identité. Il faut que l'autre soit en tout point identique à soi-même, sans quoi il deviendra suspect. Et la haine prendra racine dans les plus infimes différences. En me penchant aujourd'hui sur l'histoire de Saint Jean-de-la-Croix, je découvrais cette histoire invraisemblable du mystique emprisonné pour neuf mois à Tolède, à partir de décembre 1577, non par des ennemis, mais par des rivaux : parce que lui était un carme déchaussé (il avait initié avec Ste Thérèse d'Avila cette réforme), et les carmes "mitigés" adeptes d'une règle moins rigoureuse, voulaient le faire rentrer dans leur rang, lui, et ses disciples d'Avila.

Ernest Razy au XIXe siècle décrivait en ces termes ses conditions de détention :

"Située à côté d'un lieu infect, la prison de Jean de la Croix était une étroite cellule dans laquelle il pouvait à peine faire quelques pas. Elle ne recevait qu'indirectement la lumière par un trou large de trois doigts, pratiqué tout en haut du mur et quiprenait le jour dans un corridor voisin, assez obscur lui-même. Pour dire son office, le prisonnier était obligé d'attendre qu'un rayon de soleil vînt un peu percer les ténèbres que la clarté ordinaire du jour était impuissante à dissiper. Lorsqu'il apercevait ce rayon si impatiemment attendu et qui lui semblait un sourire de Dieu, il montait bien vite sur un mauvais banc, qui composait tout son mobilier avec un lit formé de trois planches, et, grâce à ce marche-pied, il lui était possible d'entrevoir les caractères de son livre. Mais le soleil était-il caché par les nuages, il ne pouvait remplir ce pieux devoir.

Son geôlier, homme dur et sévère, lui donnait à peine de quoi manger et ne le faisait sortir que le vendredi, pour le conduire au réfectoire, à l'heure du repas des religieux. Là, on obligeait le patienta s'asseoir par terre, et lorsqu'il avait pris quelques bouchées de pain, trempé dans un peu d'eau, chaque frère lui donnait, successivement, la discipline, avec une telle violence, que longtemps après Jean de la Croix en portait encore les marques sur les épaules. Mais lui, adorant les desseins de Dieu, ne murmurait jamais et se consolait en pensant que le Sauveur du monde avait été aussi flagellé et qu'avant de mourir il avait subi des humiliations et des tourments de toute sorte."

On imagine que la peine est d'autant plus dure que le délit est inexistant, le saint n'ayant réformé le Carmel que dans l'espoir de plaire à Dieu. Et la cruauté de la sanction frappe d'autant plus qu'elle est infligée entre "frères chrétiens", et même des frères de la meilleure réputation, tous pétris des valeurs d'amour du prochain, tous convaincus de servir le même but. L'amateur de sciences humaines peut y trouver matière à méditation sur la folie de notre espèce. L'interrogateur de l'eschatologie que je suis récemment devenu peut s'interroger sur le sens de cet épisode.

A quoi cela a-t-il pu servir que ce saint fût enfermé dans ce cachot ? Et d'ailleurs à quoi cela a-t-il servi qu'il y eût cette scission parmi les carmes, et même qu'il y ait eu des carmes tout court car quelle est aujourd'hui, au seuil des temps de la fin, leur fonction en ce monde ? C'est sans doute la voix de mon ignorance qui parle ici. L'ignorance est injuste, mais elle a sa fraîcheur et donc sans doute son utilité.

Je n'ai pas une très haute estime de Sainte Thérèse de Lisieux depuis que j'ai vu une ancienne adepte de l'occultisme accompagnatrice de pèlerins à Medjugorje (cette imposture de Medjugorje) entretenir un commerce quasi-spirite avec elle (ou avec un démon qui l'imitait, il en va de même d'ailleurs du médium Henry Vignaud). Bien sûr ça ne veut rien dire, et certains médiums voient aussi Jésus, mais bon... A Lisieux il y a un hommage à certaines "fleurs du Carmel" comme Edith Stein morte en déportation, mais ces âmes nobles ne se seraient-elles pas tout autant épanouies dans un autre ordre religieux ? Concernant plus spécifiquement les carmes "déchaussés" enfants spirituels de St Jean de la Croix, on peut aussi penser au navigateur normand Pierre Berthelot alias Denis de la Nativité qui périt sous le glaive du sultan d'Achem, à Sumatra, en 1638 : lui aussi n'eût-il point eu un destin aussi glorieux dans un autre ordre ?

On dira que l'enfermement de St Jean-de-la-Croix lui permit d'écrire ses plus beaux poèmes mystiques. Mais à quoi nous servent ces belles envolées de l'âme si aujourd'hui elles sont citées comme de simples exemples de dépassement personnel de soi comparables à ceux des moines bouddhistes au yeux des jungiens, des "new-agers", des kabbalistes à la Arouna Lipschitz, bref toutes sortes de gens amis de la sorcellerie en qui le mystique castillan eût, du fin fond de son XVIe siècle, sans hésiter reconnu les pires ennemis de sa foi ?

Peut-être l'ardeur de St Jean-de-la Croix, comme celle de Ste Thérèse, eût-elle son utilité en son temps pour sauver beaucoup de couvents d'un grave corruption morale, et, par capillarité, beaucoup d'âmes dans les sociétés latines - en Espagne, en France, en Italie - ? Ce sont là des mystères que les historiens ne peuvent pas sonder.

Mais on est frappé de voir tout de même quelle absurdité entoure, du point de vue de notre époque, ce combat du saint castillan. Le militantisme d'Athanase d'Alexandrie contre l'arianisme près de 1 700 ans après fait encore sens aux yeux de beaucoup de lecteurs de notre époque, même pour des protestants qui lui reconnaissent d'avoir sauvé le christianisme de l'hérésie. De quoi le combat de St Jean-de-la-Croix au fond de son cachot a-t-il sauvé le christianisme ? S'il n'avait point défendu si âprement sa vision des choses, le monachisme catholique eût-il versé davantage dans les tendances idôlatres du petit peuple auprès desquelles les carmes "mitigés"persécuteurs du mystique se tenaient chaque jour ? L'univers de la papauté eût-il été alors moins bien armé dans la Contre-Réforme et les pays du Sud en eussent-ils glissé plus facilement vers le protestantisme ?

Mon goût pour l'histoire hypothétique ressurgit peut-être un peu trop facilement ici. Peut-être vient-il susciter inutilement la curiosité d'un intellect humain qui n'a de toute façon rien de pertinent à dire sur ce genre d'énigme. Agiter des idées autour de ce genre de sujet (qui est d'ailleurs un sujet fort grave car il touche aux plans ultimes du Créateur) est peut-être parfaitement imprudent et vain. Prenons donc alors les brèves considérations que je viens d'exposer comme de simples ballons d'essai, peut-être sans lendemain, nous verrons bien...

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Bossuet : Sermon sur la passion de notre Seigneur

5 Avril 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

Il est fou de se dire que ce genre de propos était tenu devant la cour de Louis XIV, avec ses fastes, sa vanité et ses différents vices. Mais la société française à l'époque permettait que ce genre de choses soient dites au roi, et d'ailleurs la cour chrétienne de Louis XIV était sans doute plus disposée à les entendre que notre époque. Elle n'avait pas poussé le vice aussi loin que nos propres élites politiques aujourd'hui. Quand même il y a du mérite à lui avoir dit avec sincérité et inspiration ces choses, là, et dans une langue qui pour nous nous aide à voir sous d'autres lumières le message évangélique.

Quelques extraits d'un sermon que vous pouvez lire entier gratuitement ici.

"N'est ce pas que notre Sauveur savait que notre salut était dans son sang et que, pressé d'une ardeur immense de sauver nos âmes, il ne peut plus retenir ce sang, qui contient en soi notre vie bien plus que la sienne ?"

"C'est un prodige inouï qu'un Dieu persécute un Dieu, qu'un Dieu abandonne un Dieu ; qu'un Dieu délaissé se plaigne, et qu'un Dieu délaissant soit inexorable... Jetons nous donc, Chrétien, dans les horreurs salutaires du délaissement de Jésus ; comprenons ce que c'est que de délaisser Dieu et d'être délaissé de Dieu. Nos coeurs sont attachés à la créature ; elle y règne, elle en exclut Dieu ; c'est pour cela que cet outrage est extrême, puisque c'est pour le réparer que Jésus s'expose à porter pour nous le délaissement et le dédain de son propre Père".

"Tout se tourne en croix ; et premièrement les amis. Ou ils se détachent par intérêt, ou ils nous perdent par leurs tromperies, ou ils nous quittent par faiblesse, ou ils nous secourent à contretemps, selon leur humeur et non pas selon nos besoins ; et toujours ils nous accablent".

"Le perfide Judas nous fait voir la malignité de l'intérêt... C'est toujours l'intérêt qui fait les flatteurs ; et c'st pourquoi ce même Judas, que le démon de l'intérêt possède, s'abandonne pour la même raison à clui de la flatterie. Il salut Jésus, et il le trahit ; il l'appelle son maître, et il le vend ; il le baise, et il le livre à ses ennemis. C'est l'image parfaite du flatteur, qui n'applaudit à toute heure à celui qu'il nomme son ma^tre et son patron, que pour trafiquer de lui". 

"Pierre entreprend d'assister son maître, et il défend par le carnage celui qui ne voulait être défendu que par sa propre innocence. O Pierre ! voulez-vous soulager votre divin Maître, vous le pouvez par la douceur et par la soumission, par votre fidélité persévérante. O Pierre! vous ne le faites pas, Parce que ce secours n'est pas selon votre humeur; vous vous abandonnez au transport aveugle d'un zèle inconsidéré, vous frappez les ministres de la justice, et vous chargez de nouveaux soupçons ce Maître innocent qu'on traite déjà de séditieux. C'est ce que fait faire l'amitié du monde; elle veut se contenter elle-même et nous donner le secours qui est conforme à son humeur , et cependant elle nous dénie celui que demanderaient nos besoins."

"Je voulais encore vous représenter ce que font les indifférents ; et je vous dirai en un mot qu'entraînés par la fureur, qui est toujours la plus violente, ils prennent le parti des ennemis. Ainsi les Romains, que les promesses du Messie ne regardaient pas encore, à qui sa venue et son Evangile étaient alors indifférents, épousent la querelle des Juifs passionnés ; et c'est l'un des effets les plus remarquables de la malignité de l'esprit humain, qui, dans le temps où il est pour ainsi parler le plus balancé par l'indifférence, se laisse toujours gagner plus facilement par le penchant de la haine. Je n'ai pas assez de temps pour peser cette circonstance; mais je ne puis omettre en ce lieu ce que souffre le divin Sauveur par l'ambition et la politique du monde, pour expier les péchés que fait faire la politique. Toujours, si l'on n'y prend garde, elle condamne la vérité, elle affaiblit et corrompt malheureusement les meilleures intentions. Pilate nous le fait bien voir, en se laissant lâchement surprendre aux pièges que tendent les Juifs à son ambition tremblante.

Ces malheureux savent joindre si adroitement à leurs passions les intérêts de l'Etat, le nom et la majesté de César qui n'y pensait pas, que Pilate reconnaissant l'innocence et toujours prêt à l'absoudre, ne laisse pas néanmoins de la condamner. Oh! que la passion est hardie, quand elle peut prendre le prétexte du bien de l'Etat ! Oh ! que le nom du prince fait souvent des injustices et des violences qui feraient horreur à ses mains, et dont néanmoins quelquefois elles sont souillées, parce qu'elles les appuient ou du moins qu'elles négligent de les réprimer ! Dieu préserve de tels péchés le plus juste de tous les rois..."

"Admirons ici, chrétiens, en Pilate la honteuse et misérable faiblesse d'une vertu mondaine et politique. Pilate avait quelque probité et quelque justice. Il avait même quelque force et quelque vigueur. Il était capable de résister aux persuasions des pontifes et aux cris d'un peuple mutiné. Combien s'admire la vertu mondaine, quand elle peut se soutenir en de semblables rencontres ! Mais voyez que la vertu même, quelque forte qu'elle nous paroisse, n'est pas digne de porter ce nom, jusqu'à ce qu'elle soit capable de toute sorte d'épreuves. C'était beaucoup, ce semble, à Pilate d'avoir résisté à un tel concours et à une telle obstination de toute la nation judaïque, et d'avoir pénétré leur envie cachée malgré tous leurs beaux prétextes; mais parce qu'il n'est pas capable de soutenir le nom de César qui n'y pense pas et qu'on oppose mal à propos au devoir de sa conscience, tout l'amour de la justice lui est inutile; sa faiblesse a le même effet qu'aurait la malice ; elle lui fait flageller, elle lui fait condamner, elle lui fait crucifier l'innocence même ; ce qu'aurait pu faire de pis une iniquité déclarée, la crainte le fait entreprendre à un homme qui paraît juste. Telles sont les vertus du monde; elles se soutiennent vigoureusement jusqu'à ce qu'il s'agisse d'un grand intérêt, mais elles ne craignent point de se relâcher pour faire un coup d'importance. O vertus indignes d'un nom si auguste! ô vertus qui n'avez rien par-dessus les vices, qu'une faible et misérable apparence!

Qu'il me serait aisé, chrétiens, de vous faire voir en ce lieu que la plupart des vertus du monde sont des vertus de Pilate, c'est-à-dire un amour imparfait de la vérité et de la justice! On les estime, on en parle, on en veut savoir les devoirs, mais faiblement et nonchalamment. On demande à la façon de Pilate : « Qu'est-ce que la vérité?  » et aussitôt on se lève sans avoir reçu la réponse. C'est assez qu'on s'en soit enquis en passant et seulement pour la forme. Mais on ne veut pas pénétrer le fond. Ainsi l'on ignore la vérité, ou l'on ne la sait qu'à demi; et la savoir à demi, c'est pis que de l'ignorer tout entière, parce que cette connaissance imparfaite fait qu'on pense avoir accompli ce qui souvent n'est pas commencé."

"C'est, Messieurs, ce qu'il nous ordonne, et c'est la dernière partie de son testament. Quiconque veut avoir part à la grâce de ses douleurs, il doit en ressentir quelque impression. Car ne croyez pas qu'il ait tant souffert pour nous faire aller au ciel à notre aise et sans goûter l'amertume de sa passion. Il est vrai qu'il a soutenu le plus grand effort; mais il nous a laissé de moindres épreuves, et toutefois nécessaires pour entrer en conformité de son esprit et être honorés de sa ressemblance." (Philippiens 3:10)

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