Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Louis XIV, Raguet et l'Atlantide

26 Juin 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire secrète

Je veux ici reprendre les remarques récentes (2022) de Didier Coilhac sur Versailles et l'Atlantide en y ajoutant une mention des travaux de l'abbé Raguet sur la Nouvelle Atlantide de Bacon qui complètent ce que j'ai déjà écrit sur la Nouvelle Atlantide dans mon livre "Le Complotisme protestant". La juxtaposition de la vidéo de Coilhace et du livre de Raguet permet de comprendre l'importance du thème de l'Atlantide à l'époque de Louis XIV, même s'il est impossible pour l'heure d'en tirer des conclusions pour une compréhension plus profonde de cette époque.

                                                                                      *

Le point de départ des interrogations de Coilhac est le suivant : les statues des jardins du château de Versailles sont des allégories qui pour certaines représentent des caractères, pour d'autres des continents, pour d'autres des éléments (terre, air, feu, eau), pour d'autres des saisons, pour d'autres enfin des arts. Si on examine leur répartition (figure ci-dessous), il n'y a apparemment aucune cohérence, ce qui est contradictoire avec les idéaux de l'époque classique.

Même du point de vue de la répartition par sexe (homme/femme), il n'y a pas de cohérence.

Toutefois, si, comme Coilhac en avait déjà fait le pari à propos de Chambord, si les ruptures de symétrie ne sont là que pour attirer notre attention et coder un secret, on peut rapidement arriver à des observations très constructives. Prenons la statue qui représente l'Amérique : personnage féminin qui porte des plumes sur la tête, et un arc, avec un alligator à ses pieds et qui regarde vers l'Ouest.

Si on invertit la statue de l'Amérique avec celle du Mélancolique, on obtient ceci.

Cela aboutit à restaurer au moins une symétrie : celle des statues masculines et féminines par rapport à la ligne centrale rouge ci-dessous.

Ce qui nous y incite aussi, c'est la présente de la tête masculine à ses pieds, qui indique qu'elle a coupé le masculin et que donc il y avait là une erreur à corriger.

Et cette permutation des statues permet de rétablir aussi, de rétablir, par rapport à cette ligne rouge, de rétablir la symétrie des tempéraments humains (minute 14 de la vidéo).

Quel est le message dans cette inversion ? Le Mélancolique représente l'Initié. Il lit un livre (il a le savoir). Mais il le taira : il a un bandeau sélectif sur la bouche (cf à gauche). Sous son pied droit il y a un bloc de pierre, pour indiquer qu'il est le bâtisseur.  Il tient une bourse à la main droite, qui renvoie à celle que tient aussi un peu plus bas le dieu Mercure, dieu du commerce et de l'hermétisme.

En 1627, Francis Bacon (1561-1626) a publié la Nouvelle Atlantide. L'Amérique à Versailles, comme chez Bacon, représente d'Atlantide. Elle porte un drap symbole d'une destruction à venir comme dans beaucoup d'autres statues (le drap est un linceul). Dans la Galerie des glaces, un tableau de Lebrun représente Louis XIV tenant son code (qui veut dire aussi "encodage") entouré de deux Atlantes, vêtus d'un drap comme s'ils sortaient de leur tombeau et ressuscitaient.

Louis XIV est aussi représenté en roi atlante selon Coilhac dans "Le Rétablissement de la navigation" tableau de 1663 (il a alors 25 ans). Il porte le trident de Neptune, que l'on retrouve dans la statue de Neptune et Amphitrite. C'est lui qui détruira l'Atlantide. Dans la salle des Gardes la civilisation antédiluvienne de l'Atlantide est aussi représentée.

Dans le jardin, on voit Platon, le philosophe qui parla de l'Atlantide. Platon se tient la barbe ("barber" en vieux français veut dire tromper). Il est tourné vers deux vases dont un représente le char de Neptune, dieu de l'Atlantide, et un vase au trident. Un peu plus loin au carrefour des philosophes, se trouvent des statues qui ne sont pas des philosophes. Coilhac a étudié leur configuration d'origine au moment de la création des jardins. Pourquoi Ulysse est-il au carrefour des philosophes. Ulysse au Nord-Est fait face à Circé, la magicienne, au sud-ouest. Si on inverse Ulysse et Platon, Ulysse se retrouve à côté de Circé. Et Platon serait au carrefour des philosophes.

L'inversion est délibérée.

Si l'on distribue sur les petits bosquets l'alphabet, Sur l'axe Ulysse-Circé on a les lettres AEILN qui donnent "alien" (en vieux français étranger). Et si l'on inverse Platon et Ulysse, sur l'axe Platon-Ulysse on trouve ADELINST, lettres utiles pour former Atlantides au pluriel. Coilhac reconnaît que ce point est critiquable, et annonce qu'il y reviendra plus loin.

Tous les personnages du carrefour des philosophes ont connu l'exil, point censé attirer l'attention sur l'exil de Platon qui n'est pas dans le carrefour. Et le mot "exil" est écrit sur la ligne.

Ulysse parle aussi de l'Atlantide (minute 45) car Ogygie, l'île de Calypso, peut faire penser à ce continent. L'hypothèse de 'inversion des statues pourrait être contrée par la position de Diogène, situé en symétrie avec Platon, qui n'est pas non plus au carrefour des philosophes. Mais en réalité Diogène est inclus au codage. Il est exclu du carrefour en raison de son côté solitaire. Si on met Ulysse à la place de Platon c'est lui qui est en symétrie avec Diogène, ce qui est cohérent puisque celui-ci avait pris le héros d'Homère comme modèle. Avec l'inversion, Platon arrive à côté de Lysias, ce qui est logique parce que dans le Phèdre Socrate commente un discours de cet orateur.

Dans le groupe statuaire "La Renommée du Roi", le personnage ailé regarde la statue de Platon pour écrire quelque chose. Le personnage qui représente l'envie terrassée mordant un coeur peut faire penser à un Socrate condamné à boire la cigüe. Platon porte une flamme sur la tête. Si on inverse Platon avec La Renommée du roi, il ferait face à Neptune, le feu face à l'eau. La Renommée du roi est tournée vers Cronos, le dieu de l'Age d'Or. Pour mémoire pour Ignatius Donelly les dieux furent des personnages réels, et l'océan Atlantique était l'océan chronien,

Le château de Versailles compte 34 fenêtres sur chaque aile et 17 sur la façade. 17 revient souvent (comme 1717 la fondation de la maçonnerie en France ?). Il y a 102 statues (6X17). Il y a 6 statues au 1er étage. Et quand on distribue les lettres comme à l'a fait plus haut, c'est la lettre Q,la 17e qui se trouve en saillie. La galerie des glaces a 17 fenêtres, 17 arches sur le mur en face avec des miroirs. 17 est le nombre entre 16 et 18, présents dans le nombre d'or phi 1,618. Atlantide en guematrie fait 105, 17/105 donne 0,1619 très proche du nombre d'or. Dans la lettre 34 (2X17) Diogène se réfère à Ulysse.

La Galerie des glaces compte 27 tableaux, autant que des lettres distribuées dans le jardin. Nicolas Milovanovic a remarqué deux tableaux en symétrie que Coilhac va exploiter pour aussi mettre en valeur l'importance de 28 dans la composition, qui est le double de 14 (de Louis XIV).

Coilhac estime avoir ainsi révélé l'importance de l'Atlantide pour comprendre la logique de la composition de Versailles. Mais on ignore pourquoi il en est ainsi. Lui estime que plus on avancera dans le décodage de Versailles et de Chambord et plus cela risque de mener vers la découverte de caches secrètes de savoirs technologiques laissées par des civilisations antédiluviennes (ou des visiteurs d'autres planètes), mais c'est une réduction technocratique du problème à laquelle personnellement je ne souscris pas. Toutefois l'existence du code et son rapport avec l'Atlantide est ici montrée d'une façon intéressante.

                                                                              *

Je voudrais maintenant compléter cette approche purement architecturale de Didier Coilhac en présentant le contenu de la réédition de la Nouvelle Atlantide de Francis Bacon, éditions de 1702 approuvée par Louis XIV et dédiée au marquis de Magny, conseiller du roi et intendant de Basse-Normandie...

Cette édition est en fait présentée et établie par l'abbé Gilles Bernard Raguet (1668-1748). Raguet est un sulpicien belge, diplômé de la faculté de théologie de Toulouse qui allait treize ans plus tard enseigner la géométrie au futur Louis XV. Son protecteur le marquis de Magny (1643-1721), juriste, avait une riche bibliothèque dont les principaux exemplaires ont depuis lors été transférés en Angleterre et fut assez érudit pour découvrir en 1704 des ruines antiques à Vieux près de Caen (même si la fiche Wikipedia oublie de le  mentionner).

Ceux qui ont lu mon livre sur le complotisme protestant savent que Saint-Sulpice recèle des savoirs secrets. Il n'est pas besoin d'adhérer aux fantaisies de Dan Brown pour le constater. Et c'est un ordre très tourné vers l'Amérique. Rappelez vous par exemple qu'en 1781, le père John Carroll, un Américain issu d’une riche famille du Maryland, qui a enseigné à Bourges en France (une ville chargée d’occultisme) fonda le Séminaire des Sulpiciens à Baltimore et, en 1789, année de l'entrée en vigueur de la Constitution américaine, créa l'Université de Georgetown, une institution jésuite gérée par l'Ordre des Sulpiciens (selon la prédicatrice Barbara Aho).  Son frère Daniel Carroll (1730-1796), lui aussi élevé chez les Jésuites et par ailleurs franc-maçon, profita du droit ouvert aux catholiques en 1776 de devenir représentant du Maryland, et fut signataire des articles de la Confédération en 1781. Barbara Aho précise qu’il participa au rituel catholique de pose de la pierre de touche du Capitole à Washington en tant que représentant de la loge de son Etat. Tout cela dessine un lien entre jésuites, sulpiciens et futurs francs-maçons, et aussi avec la Rosecroix, car Francis Bacon est souvent présenté comme le père de ce mouvement.

En guise de préface à cette édition,  l'abbé Raguet propose un entretien entre deux amis, Philarque et Cléon, qu'il situe à Louvain, en Belgique. Le premier, anglais ("trinobante") catholique a été envoyé en France (Eleuthérie). Il est retourné en Angleterre lors du sacre de Jacques II (Josias), puis a travaillé pour Louis XIV. Cléon est le double de l'auteur (l'abbé Raguet), car il est né à Namur (Aduatica) comme lui. Il raconte que lui a voulu voyager dans sa jeunesse, mais a hésité entre l'Allemagne (Adelphie) et la France. Le raffinement de ce second pays lui fit préférer de s'y rendre. N'ayant plus son protecteur philosophe à Paris, il voyagea entre les Pyrénées (monts Cétubales) et les Alpes. Il fut finalement dissuadé de se rendre à Rome et rester en France pour traduire Bacon.

Raguet clôt ce dialogue introductif en expliquant que le livre de Bacon est de la pure fiction. On peut ensuite lire le roman de Bacon, ou sa présentation dans cet article de 2006. A partir de la p. 234, l'auteur reprend le dialogue entre Philarque et Cléon à propos du modèle de connaissance que présente Bensalem dans La Nouvelle Atlantide. On peut supposer que le fait que les noms des personnages et des pays soit codé, et la référence insistante à Mercure dans leur propos fasse signe vers quelque sens caché, mais nous n'avons pas été en mesure de le percer.

Lire la suite

Un sanctuaire gascon

26 Juin 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire secrète, #Christianisme

Une de mes correspondantes attirait mon attention sur ce qui fut jadis un très important sanctuaire gascon (on allait notamment y faire soigner son épilepsie - le "haut mal"), autour des reliques d'un baron batave, Saint Fris ou Fritz, qui se sacrifia pour résister aux Sarrasins à l'époque de Charles Martel.

Le sanctuaire se trouve à Bassoues dans le Gers. On peut trouver diverses informations à son sujet dans cet ouvrage de 1916. On y apprend (p. 73 et suiv.) notamment que c'est une vache qui a "inventé" selon l'expression consacrée les reliques et les a amenées près de la fontaine miraculeuse.

Avant cela en 1858, l'abbé Guilhempey avait rattaché l'origine de Bassoues aux cultes druidiques dans les bois voisins de Marsoulès, qui doivent leur nom à Mars (Esus dans le culte celtique) et détaillé (p. 9 et suiv, puis p. 34 et suiv) les miracles constatés à cet endroit.

Il est arrivé une étrange aventure à Mgr Henri Lamothe-Houdancour quand il fut archevêque d'Auch (donc entre 1661 et 1684), connut une mésaventure surnaturelle quand, accompagné de deux prêtres, il tenta d'ouvrir le tombeau de Saint Fris, mais ne voulut jamais dire ce qui s'était passé, et interdit aux prêtres de le répéter. Dom Brugèles dans ses chroniques ecclésiastiques du diocèse d'Auch de 1746 (p. 384) raconte qu'une grande flamme en sortit mais sans préciser comment il l'a su. Les récits concernant la punition des profanateurs à différentes époques sont nombreux. L'abbé Guilhempey en cite même un très circonstancié de 1818 (p. 46).

Il revint au béarnais de Salinis, dont j'ai parlé dans mon livre sur Lacordaire, d’ouvrer, quand il fut archevêque en 1856, à la restauration du sanctuaire, comme à Lacordaire de restaurer la Sainte-Baume (les deux étaient des libéraux autrefois proches de Lamennais). Bizarrement son biographe de 1873 l'abbé de Ladoue n'en parle pas.

Le pèlerinage à cet endroit avait lieu trois fois par an, dont à la Saint Jean, qui est le jour où ma correspondante a été inspirée pour s'y rendre (avant-hier 24 juin), sans savoir que Saint Fritz était mort, selon la tradition, le jour de cette fête.

Lire la suite

Un roi khmer qui finit par préférer Vishnu à Shiva

20 Juin 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Shivaïsme yoga tantrisme, #Histoire des idées

Contrairement à ce que laissent entendre le New Age, et diverses autres formes de "néo-orientalisme" contemporaines, l'hindouïsme n'est pas forcément une religion aussi "inclusive" qu'il y paraît, et elle a même connu des luttes intestines virulentes dont témoigne par exemple l'histoire du Cambodge.

Dans un article de 2021 rendant compte de leur travail Dominic Goodall et Chhunteng Hun sur une stèle découverte en 2019 dans le nord-ouest de ce pays, en présentent le contenu qui se réfère au règne de Jayaverman III, un roi khmer du IXe siècle qui après avoir évincé de le bouddhisme de son royaume pour le devenir adepte Shiva/Śiva, se convertit au culte de Vishnu/Viṣṇu après que son chapelain shivaïte Kulacandra ait vu sa langue éclater et soit mort sur le champ dans un débat dans un temple de cette divinité (après sa mort on l'appela Viṣṇuloka).

Il y avait déjà dans le corpus théologique un support à la rivalité entre les deux divinités. Selon un ancien mythe, Viṣṇu a pris la forme de Narasiṁha pour débarrasser le monde du redoutable démon Hiraṇyakaśipu, que personne d'autre ne pouvait vaincre. Mais les récits Śaiva de ce mythe le modifient pour glorifier Śiva à la place. Car ils ajoutent que Narasiṁha s'est ensuite déchaîné, et Śiva prit la forme d'un oiseau doré avec un corps de lion à quatre pattes tournées vers le bas et quatre vers le haut. D'autres mythes autour de divinités subalternes de l'un et l'autre dieu vont aussi dans le sens d'une compétition entre les deux cultes.

Chidambaram (Tamil Nadu), au XIIe siècle le roi Vikrama Chola (1118-1135) fit jeter à la mer la statue de Vishnu. La façon dont sont représentés les trônes des divinités - par exemple en représentant un avatar de Vishnu au pied d'un trône de Shiva, révèle aussi cette rivalité, rivalité qu'à l'inverse en certains lieux ou certaines époques on chercha à pacifier - par exemple en sculptant une statue dont la moitié droite représente Shiva et la gauche Vishnu, ou par le culte de Harihara.

La stèle de 85 com de haut examinée par Dominic Goodall et Chhunteng Hun est légèrement postérieure à 877. Elle raconte l'histoire de l'infortuné chapelain Kulacandra terrassé par Vishnu

La face B de la stèle raconte aussi une étrange histoire. Le roi maria deux filles de sa soeur, Vaiṣṇavī et Nārāyaṇī, à deux brahmanes appelés Keśava et Atharvaveda. A ces deux hommes, installés à Kusumāstrapura, il confia le culte de la statue de Viṣṇu. Un jour, l'épouse du roi était entrée dans dans le temple de Viṣṇu alors qu'elle avait ses règles. Du sang coula alors de ses seins, elle maigrit affreusement. Le roi la voua alors au dieu avec en plus des dotations spécifiques au temple, puis, quand la colère de Vishnu fut apaisée, il la maria à un prêtre de cette divinité.

A propos des menstruations dans la religion hindouïste, les commentateurs expliquent que "étant rituellement impure à cause de ses règles, la reine aurait bien sûr dû éviter d'entrer dans le temple. L'impureté causée par les menstruations est un sujet important dans le courant dominant Dharmaśāstra, mais il est peut-être moins facile de trouver des prescriptions sur son rapport avec les pratiques de dévotion théiste. Un texte qui parle de ce sujet, mais dans un contexte Śaiva, est le Prāyaścittasamuccaya, un recueil d'injonctions relatives aux rites d'expiation et de réparation compilé par l'écrivain sud-indien du XIIe siècle Trilocanaśiva. Parmi ses nombreuses autres restrictions imposées aux femmes menstruées, le texte précise qu'une femme ne peut accomplir qu'un culte mental (et non un culte externe) tant qu'elle est impure (versets 531-536), et son impureté est considérée comme ayant un puissant pouvoir polluant."

Cela m'a fait penser à une anecdote ancienne d'un Grec qui avait eu une flatulence dans un temple d'Artémis et avait été pour cela durement puni par la déesse.

Voilà en tout cas l'histoire d'un roi qui avait dû arbitrer entre deux tendances de l'hindouïsme, et qui avait été si marqué par les événements surnaturels qui l'attachaient à Vishnu qu'il avait jugé utile de les graver dans une stèle... Pourquoi Vishnu dut-il prendre l'ascendant sur Shiva dans son royaume au IXe siècle ? Qu'est ce que cela impliqua pour les habitants et pour l'équilibre du monde asiatique à ce moment-là ? L'article ne le dit pas, et ne peut sans doute pas le déduire de la stèle...

Lire la suite

La nudité chez les féministes françaises des années 1970

19 Juin 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Nudité-Pudeur en Europe

Ayant découvert récemment qu'une de mes interventions dans un colloque (à Cannes en 2009) figurait parmi les pièces de l'épreuve de note sur dossier du concours externe et interne d'inspecteur et conseiller de la création, des enseignements artistiques et de l'action culturelle, session 2021, j'ai songé à en dire un mot sur ce blog, mais il faut bien reconnaître que l'anecdote n'appelle pas vraiment de commentaire.

Du coup, je préfère plutôt vous parler d'un autre sujet sur la nudité que j'ai aussi trouvé en surfant sur le Net. Il s'agit de la thèse Du privé au politique, du politique au privé : l’expérience de libération sexuelle des militantes du Mouvement des femmes en Bretagne et Pays de la Loire (1970-1981), soutenue l'an dernier à l'université d'Angers. Car un extrait de cette thèse faisait écho à une question que me posait il y a peu une pigiste d'Ouest-France à propos des origines sociales des naturistes.

L'autrice y raconte (p. 215) qu'elle a appris des personnes qu'elle a interrogées que "des féministes se sont rendues en 1979, probablement à Saint-Nazaire, à la projection du film « Douce et fière Ardèche » présenté par Marc-Alain Descamps qui avait soutenu quelques années auparavant une thèse sur « Le nu et le vêtement » . Le film évoque le naturisme. Les féministes soulignent que, dans le film, seules des femmes nues apparaissent". Elle évoque les débats que cela a suscité puis se penche sur l'intérêt des féministes de l'époque pour le naturisme. Elle analyse la nudité dans la presse féministe de l'époque. "Le corps nu se confond dans la nature, avec la nature, note-t-elle. Le végétal est très présent dans les représentations du corps des femmes et en particulier de leurs organes génitaux, au sein des revues féministes. Certaines images mettent en scène des femmes qui flottent, se prolongent ou se combinent avec des éléments végétaux."

"Ces femmes végétales sont parfois des sorcières, ajoute-t-elle. Le corps des sorcières est d’ailleurs représenté nu."

Les images qu'elle trouve dans la revue "Dévoilées" parlent pour elles-mêmes (cf ci-dessus) mais bizarrement à la question "pourquoi les sorcières sont-elles nues ?" elle répond seulement que par leur nudité elles se débarrassent de l'intériorisation du regard de l'homme ("La nudité renvoie à une identité déconstruite et débarrassée de l’image intériorisée que les hommes ont des femmes " p. 219), ce qui est tout de même un peu court : pourquoi un corps débarrassé des hommes devrait-il nécessairement se rattacher à la sorcellerie ? quel est le lien logique entre les deux éléments ?

La nudité des druidesses est des sorcières en général a visiblement à voir, et depuis des siècles, avec des aspects spirituels beaucoup plus profonds (et beaucoup plus inquiétants) que la simple émancipation politico-sociale à l'égard du regard masculin comme on tend trop à nous le faire croire de nos jours. Cliquez sur les liens au début de ce paragraphe si vous voulez approfondir le sujet.

Lire la suite

Fréquences maléfiques

18 Juin 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Les tubes des années 1980, #Histoire secrète

Il y a peu je voyais sur la chaîne YouTube d'une amie "Bohemian Rhapsody". Je me disais : "si seulement elle savait quelles horreurs se cachent derrière ce morceau de musique !".

La veille j'avais appris que les fans de Taylor Swift souffraient d'amnésie après ses concerts et certains vivaient même des sortes de décorporations dans ce cadre ("From out-of-body experiences to entering a dream-like state, Swift's fans - or Swifties as they prefer to be known - have taken to social media in recent days to reveal their guilt at not being able to remember key moments from the Eras tour. "). Cela évoquait à mes yeux l'effet "maléfique" des fréquences du concert Astroworld de Houston où dix personnes sont mortes en décembre 2021. Voyez aussi ce que j'ai déjà publié sur la musique par exemple ici.

Lire la suite

Le New Age appliqué au Graal

12 Juin 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Alchimie, #Pythagore-Isis

La mouvance New Age absorbe toutes les traditions, et les repeint aux couleurs de son imaginaire et de son vocabulaire.

Une illustration : Philippe Weber. Initié chez les Amérindiens, intéressé par les "crop circles" néphilimesques, il voue un culte à Merlin l'Enchanteur qu'il considère comme un "maître ascensionné" qui lui parle, mesure les énergies des lieux comme les chercheurs en architecture sacrée, prône une spiritualité amorale (sans bien ni mal) et vante les mérites d'une chapelle "chargé en énergies" apparemment non reconnue par l'Eglise dans la forêt de Brocéliande (l'abbé Gillard son rénovateur qui l'a décorée de symboles ésotériques dont un étrange cerf paré d'une croix inversée qu'on peut estimer satanique est vite tombé en disgrâce), qu'il compare à la fameuse (et sinistre) église de Rennes-le-Château. Dans la vidéo ci-dessous (interview sur Nurea TV 16 janvier 2018), il raconte aussi une expérience étrange qu'il a eue avec une chouette blanche qui serait une matérialisation de Merlin (ou de toute autre entité...).

Lire la suite

Polyeucte de Corneille

8 Juin 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

Je lis dans le Panthéon populaire illustré de 1851 sous la plume d'Emile de la Bédollière :

"C'est dans l'immense collection de légendes recueillies en six volumes in-folio, par Laurent Surius, chartreux de Lubeck, que se trouve l'histoire de saint Polyeucte. Ce martyr, converti par son ami Néarque, périt le 9 janvier 260, sous l'empire de Décius. Félix, son beau-père, gouverneur d'Arménie, après avoir inutilement tenté de le ramener au paganisme, le condamna à la décapitation.

Corneille, avant de livrer sa pièce au théâtre, la lut chez madame de Rambouillet, où se rassemblaient tous les beaux esprits contemporains. La tragédie fut déclarée, à l'unanimité, indigne de l'auteur, et Voiture fut député auprès de lui pour l'engager à la garder en portefeuille. Les comédiens de l'hôtel de Bourgogne étaient du même avis. L'un d'eux, auquel on avait remis la pièce manuscrite, la jeta sur le baldaquin de son lit, où elle fut oubliée ; un domestique qui nettoyait l'appartement la retrouva par hasard au bout de dix-huit mois. Malgré ces condamnations anticipées, Polyeucte, représenté en 1640, excita une vive admiration. « L'extrême beauté du rôle de Sévère, a dit Voltaire, la situation piquante de Pauline, sa scène admirable avec Sévère an quatrième acte , assurent à cette pièce un succès éternel. Non-seulement elle enseigne la vertu la plus pure, mais la dévotion et la perfection du christianisme. Dacier, dans ses remarques sur la Poétique d'Aristote, prétend que Polyeucte n'est pas propre au théâtre, parce que le personnage n'excite ni la pitié . ni la crainte. il attribue tout le succès à Sévère et à Pauline. Cette opinion est assez générale, mais il faut avouer aussi qu'il y a de très beaux traits dans le rôle de Polyeucte, et qu'il a fallu un très-grand génie pour manier un sujet si difficile. »

Polyeucte contribua puissamment à concilier aux plaisirs des spectacles bon nombre de personnes qu'en éloignaient des scrupules religieux. On peut aussi présumer que cette tragédie fut une des causes déterminantes de l'édit de Louis XIII du 16 avril 1641, qui amnistiait les comédiens, si peu considérés jusqu'alors. On y lisait : « En cas que lesdits comédiens règlent tellement les actions du théâtre, qu'elles soient du tout exemptes d'impuretés, nous voulons que leur exercice, qui peut innocemment divertir nos peuples de diverses occupations mauvaises, ne puisse leur être imputé à blâme, ni préjudicier à leur réputation dans le commerce public. »"

Ce n'est en réalité pas par cet article que j'ai connu Polyeucte, mais par la biographie de Péguy par Romain Roland. Charles Péguy, nous apprend Roland, voyait dans cette pièce le sommet de la littérature française. Et tous les auteurs chrétiens du XIXe siècle de Chateaubriand à Veuillot lui ont tiré leur révérence. C'est à travers leurs yeux qu'il faut aborder cette pièce, et non ceux de tous les athées de Voltaire à Clemenceau qui l'ont toujours détestée parce que justement il n'y était question que de l'amour de Dieu à placer au dessus de tous les sentiments humains (raison pour laquelle l'école républicaine n'enseigne pas cette pièce à ses enfants).

Les amateurs de curiosités pourront aussi lire avec intérêt le compte rendu d'une représentation de la pièce par une troupe de la Comédie française... à Cauterêts, en Bigorre en 1906. L'auteur, l'abbé Alexis Crosnier, directeur de la Revue des Facultés Catholiques de l'Ouest, voit dans Polyeucte l'incarnation du surhomme chrétien (Crosnier écrivait à une époque où ce thème à la suite de Nieztzsche et de d'Annunzio était très à la mode). Le prêtre décrit le jeu des acteurs, mais aussi le public, qui va des grands bourgeois snobs aux instituteurs et aux commerçants. Le tableau des réactions du marchand devant la pièce en p. 18 est digne de La Distinction de Bourdieu.

Une petite parenthèse : moi qui dans mon livre sur Lacordaire vous ai rappelé quels émois au XIXe siècle suscitait Ste Marie Madeleine, la femme "à qui il a été beaucoup pardonné parce qu'elle a beaucoup aimé" (Luc 7:47), je ne puis résister au plaisir de reproduire ici cette tirade de Veuillot que cite Crosnier à propos de la France : "La France est la nation qui a le plus aimé ; et, à cause de cet ancien amour demeuré au fond de ses veines, elle est celle qui versera son parfum sur les pieds du Sauveur". La France en Marie-Madeleine, voilà qui a de l'allure, et dans le camp socialiste Leroux qui voyait dans son peuple le troupeau le plus religieux du monde, aurait sans aucun doute souscrit à ce propos.

Il faut lire et relire cet aspect religieux et spirituel de notre littérature (même si, à mon avis, le christianisme littéraire est un genre toujours souillé par l'orgueil et l'humanisme - la confiances aux facultés humaines - , et c'est donc toujours d'un niveau spirituel inférieur à celui des ascètes qui ont su garder humblement le silence). On ne comprend rien à Louis XIII, à Corneille, à ce que fut notre pays, à ce qu'il redeviendra peut-être, d'une autre manière mais dans le prolongement de ce passé-là, un jour, si l'on ne revient pas au christianisme.

Lire la suite

Dangers de l'hésychasme

8 Juin 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

Ceux qui s'engagent dans la prière du coeur devraient méditer ce mot St Jean-Climaque ("L'Echelle Sainte" 1108 A) : "Celui que troublent la colère et l'orgueil, l'hypocrisie et le souvenir des injures, ne devrait jamais oser s'engager sur la voie de l'hésychia, de peur de n'y gagner que l'égarement d'esprit et rien d'autre" (ce qui confirme les remarques ethnologiques de Tournefort en Crète à ce sujet).

Lire la suite