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Articles avec #anthropologie du corps tag

La chanteuse Aleksandra Prijović et l'ex-Yougoslavie

17 Février 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps

La chanteuse serbe Aleksandra Prijović réunifie-t-elle l'ex-Yougoslavie ? Elle a marqué les esprit en décembre dernier en remplissant successivement cinq stades à Zagreb en Croatie. Elle se produit ce mois-ci à Osijek (elle a grandi près de cette ville à partir de 1998, bien qu'elle soit native de Voïvodine).

Un moine de Ribnica en Serbie Arsenije Jovanović le 13 février dans sa prédication sur Internet a stigmatisé ces spectacles centrés sur le corps de la chanteuse comme des régressions "paysannes" (seljački) dans le sens de stupide. Il décoche au passage quelques flèches contre l'Occident latin dans le cadre d'une remise en perspective de l'histoire de la musique en Europe. Selon lui, si Aleksandra Prijović a du succès en Croatie, ce n'est pas le meilleur de l'influence que la Serbie pourrait avoir sur son voisin...

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Impasses des hypothèses astronomiques et des suppositions évolutionnistes

10 Février 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Otium cum dignitate, #down.under, #Anthropologie du corps

L'astrophysicien David Elbaz, dans une récente conférence à l'association française d'astronomie, explique qu'il y a eu un pic de croissance des naissances d'étoiles et qu'elles sont moins nombreuses maintenant, on ignore pourquoi. Beaucoup de choses de ce type sont inexpliquées.

Le Big Bang a eu lieu il y a 13,5 milliers d'années. 380 000 ans après l'univers se refroidit et naissent les atomes. Il y a un proton et un électron qui se combinent. Quand les électrons sont piégés dans les atomes ils ne flottent plus dans l'espace. Avant, quand ils flottaient, l'univers était opaque., et l'on ne pouvait rien voir, c'était une mélasse de matière et de lumière dans laquelle régnait une musique primordiale, des sons (cela fait penser à Pythagore évidemment). A la naissance des atomes, la musique s'est arrêtée, les notes se sont cristallisées qui allaient donner des étoiles.

Mais ensuite il y a un âge sombre qui précède la naissance des étoiles. Au bout de 100 millions d'années naissent les premières molécules, grâce aux vibrations desquelles les étoiles vont naître. C'est l'aube de l'univers. Le 11 juillet 2022, Biden a présenté le "livre d'histoire de nos origines"

Puis les étoiles brillent tellement qu'elles brisent les atomes. Les électrons sont à nouveau libérés mais l'univers a tellement grandi qu'il ne peut plus être opaque.

Il y a presque 5 milliers d'années nait le soleil, on est déjà dans la décroissance de formation d'étoiles.

Cette recherche sur l'aube de l'univers, est menée grâce au télescope James Webb, téléscope à 10 milliards de dollars lancé le 25 décembre 2021. qui présente les premières galaxies cosmiques. Cela se décrypte en fonction de leurs formes, leurs couleurs (les rouges ont des étoiles vieilles, ou parfois simplement parce qu'elels s'éloignent et se décalent vers le rouge), sil elles brillent beaucoup elles ont beaucoup d'étoiles ; puis on décompose leur lumière pour analyser leur fécondité, si elles perdent de la matière.

Ces images ont bouleversé nos théories. Six galaxies aux confins de l'univers (dans les premières centaines de millions d'années après le Big Bang) sont trop massives. Il y en a aussi de trop nombreuses, et trop lumineuses. Pourquoi l'univers primordiale a-t-il eu une fécondité ? y a t il eu quelque chose avant le Big Bang ? Y a-t-il eu une énergie noire primordiale qui aurait créé ce sursaut ?

Les premières galaxies sont très petites, à peine plus grosses que des amas globulaires, très compactes. Les trous noirs sont formés trop tôt.

Ces incohérences pointées par Elbaz rappellent celles qu'avait repérées le prix Nobel Francis Crick, découvreur de l'ADN. Le vulgarisateur de mythes Graham Hancock en parle dans cette interview de début 2023 (min 27) : dans Life Itself (1989) il montre que la soupe primordiale qui s'est formée il y a 3,9 milliards d'années après les 600 premières années de trop forte température de la Terre n'a pas pu, en 100 millions d'années comme on le  pense donner lieu à la naissance de la vie qui se serait répandue sur toute la Terre sous forme de bactéries, il a fallu que les molécules viennent d'ailleurs.

Un problème à rapprocher aussi de celui des sauts quantiques dans l'évolution naturelle que Graham Hancock pense que certains de ces sauts ont pu être favorisés par l'ergot de seigle... Thème à la mode. Sans grand intérêt, mais il fallait bien que j'en dise un mot.

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Sur les champignons

3 Février 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire secrète, #Anthropologie du corps

Dans cette interview de Pasulka de juin 2023, Danny John la fait parler de María Sabina García (née et morte à Huautla de Jiménez : 22 juillet 1894 - 22 novembre 1985 ), une guérisseuse (tradipracticienne) mazatèque.

Au bout de 2h15 la conversation glisse sur The Sacred Mushroom and The Cross: A study of the nature and origins of Christianity within the fertility cults of the ancient Near East (2009) de John Marco Allegro, un chrétien devenu gnostique, qui a étudié les manuscrit de la mer morte pendant des décennies. Pasulka estime que l'origine narcotique du christianisme ne concerne que certaines de ses branches.

Ce n'est pas l'avis de l'écrivain gnostique (il se définit ainsi), vulgarisateur de mythes, Graham Hancock qui, en 2023, ici (min 34) évoque ses expériences sous ayahuesca (qui lui inspira tout le scénario d'un roman) pour qui les psychotropes pourraient être un moyen privilégié par lequel les êtres d'autres planètes ont pu communiquer avec les vivants pour les aider (à travers les Mystères d'Eleusis par exemple).

Si la lecture de Wasson jadis a pu me convaincre que les enthéogènes mettent en rapport avec des entités réelles, je ne souscris pas pour autant à cette vision eschatologique ufologique.

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La conversion de Liane de Pougy

14 Octobre 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Sainte-Baume, #Christianisme, #Anthropologie du corps

Feu l'académicien Jean Dutourd, dans "La Chose Ecrite" (2009, p. 137) sous le titre "Marie Madeleine" nous décrit Liane de Pougy (Anne-Marie Chassaigne) qu'il resitue dans l'histoire des grandes courtisanes françaises dont il cite le nom et dans le contexte sociologique de celles des années 1900, qu'il cite aussi (Emilienne d'Alençon, Lina Cavalieri, la Belle Otero, Cléo de Mérode, les trois dernières n'étaient pas françaises, ce qui fit de Liane une gloire nationale) et dont il précise que son père, chirurgien parisien au début du siècle les avait aperçues chez Maxim's dans leur armure de "cuirassiers du plaisir" selon le mot de Cocteau qui les avait connues. En 1910, à 41 ans, elle avait abandonné sa fonction de cocotte, un an plus tard elle commence à écrire ses Cahiers bleus, un journal (dont Dutourd compare le style à celui de Morand), qu'elle allait léguer au père dominicain de la Sainte-Baume Rzewuski, ancien illustrateur de mode converti sous l'influence de Maritain en 1926, ami d'André Chouraqi etc.

Dans son "Nos Belles Mondaines" en 1895 le journaliste Gaston Bonnefont nous la dépeint à 26 ans dans son environnement ordinaire fait de luxe et de volupté. Le préfacier de ses Cahiers bleus allait décrire l'intérieur de son âme différemment comme "maladivement sensible et susceptible. Prompte à céder à des engouements et aux amitiés, elle l'est aussi pour qu'un rien puisse en causer la rupture".

Quarante-huit ans (en 1943) plus tard cette fille d'un capitaine des lanciers en retraite deviendra dominicaine tertiaire.

L'itinéraire de sa conversion dans les années 20 se nourrit de celui d'un autre bisexuel mondain devenu mystique, le poète Max Jacob, exilé au monastère vide de Saint-Benoît-sur-Loire, pour qui elle tricote des chaussettes et écharpes rouges. "Pourquoi ne deviendriez-vous pas une sainte ? Vous en avez l'étoffe", lui avait-il écrit. Jean Chalon qui a été le préfacier de leur correspondance (et l'auteur de biographies de femmes illustres) juge que "Max Jacob rencontra en sa princesse une pénitente de choix" et fut comme son directeur de conscience, ce qui est sans doute un peu exagéré.

A vrai dire dans le début de ses Cahiers bleus, en 1919 c'est plutôt elle qui se sent plus catholique que lui, car elle lui reproche d'avoir écrit dans "La Défense de Tartuffe" qu'il a eue une "sacrée apparition" de Jésus au lieu d'une "apparition sacrée".

Il semble que son mari Georges Ghika (1884-1945), prince roumain, fils d'ambassadeur, ait joué un rôle dans le cheminement chrétien de sa femme, comme de Max Jacob, ce dernier écrivant en août 1921 : "Georges m'a aidé dans ma marche vers la perfection en me donnant l'exemple des vertus chrétiennes, de l'éducation chrétienne, de l'esprit raffiné chrétien, de la réserve, de la dignité, de l'excessive modestie qui sont le christianisme même. Il est un Seigneur chrétien de l'histoire".

Les rapports avec Max Jacob furent en dent de scie comme avec tous ses amis avec qui elle rompait facilement pour se réconcilier avec eux tout aussi vite.

Le dominicain Alex-Ceslas Rzewuski, lui, avait rencontré Liane vers 1924 chez Mme Ganna Walska, chanteuse d'opéra américaine d'origine polonaise, épouse du magnat Mc Cormick.

Il raconte en ces termes ses premières impressions sur le couple Ghika :

"On se mit à table. Je fus placé à la gauche de la maîtresse de maison dont la place d'honneur, à sa droite, fut occupée par une curieux personnage qui attira mon attention. Petit, le teint basané, je le pris pour quelque Américain du Sud, bien que son élégance ne manquât point d'une certaine distinction tout en gardant un léger caractère inquiétant.

Ma voisine de gauche était une ravissante personne. Très élégante, elle était vêtue d'un strict tailleur gris perle, de coupe classique et anglaise. On l'aurait facilement prise pour une lady arrivée d'outre-Manche si son joli chapeau, du même ton que son costume, ne lui avait apporté quelque chose de raffiné et très parisien.

Pouvait-on lui donner un âge ? Difficilement ; mais, malgré la souplesse de sa silhouette la parfaite beauté de ses traits, il me semblait qu'elle n'était plus d'une première jeunesse. Peut-être, me disais-je, avait-elle entre cinquante-cinq et soixante ans. S'il en était ainsi, elle les portait fort allègrement bien. Son parfait profil d'un antique camée, la beauté de son regard et le charme de son sourire n'avaient encore subi aucun des outrages du temps; Oui, ce sourire ! Il était certes bien joli et pourtant, sans atténuer la discrétion de l'ensemble de sa personne dont émanait une réelle distinction, il y avait en lui quelque chose d'indéfinissable, d'indéniablement équivoque, aux limites du "canaille".

L'échange aimable de banalités qui permet de découvrir l'identité d'une personne que l'on ne connaît pas et avec qui on voudra s'entretenir tout le long d'un grand repas me fit comprendre - car elle me parla aussitôt du voisin de droite de Ganna Walska comme de son mari - que ma charmante voisine n'était autre que la très célèbre courtisane de la fin du XIXe et du commencement du XXe siècle. Je compris aussi que le mystérieux monsieur auquel le protocole avait réservé la première place à la table était le prince roumain qu'elle avait épousé depuis quelques années, Georges Ghika".

Pendant la seconde guerre mondiale, Liane de Pougy et son mari Georges Ghika se réfugient en Suisse. Rzewuski, devenu dominicain en 1926 et directeur spirituel d'un séminaire international de son ordre à Fribourg, se rend parfois à Lausanne, rendre visite à une cousine paralysée à la clinique de Bois-Cerf tenue par des religieuses françaises. Alors qu'il s'apprête à prendre l'ascenseur dans cette clinique en froc blanc dominicain, il est interpellé par le prince Ghika car Liane (qui portait lorsqu'il a croisé le couple quelques jours plus tôt, un manteau de vison et un petit chapeau recouvert de longs voiles - ce qui ne fait pas très tertiaire dominicain) l'a reconnu lors de leur précédente rencontre et a mandé son mari pour le solliciter. Elle est maintenant alitée dans une chambre de la clinique presque tout le temps, mais souhaite le revoir.

Pendant cinq ans il allait tantôt déjeuner avec le couple dans la salle à manger de Bois-Cerf, tantôt la voir dans sa chambre dans son lit où tout était bleu pâle, "en l'honneur de la sainte Vierge à qui dès sa naissance sa mère l'avait consacrée".

"Peut-être sa figure s'était-elle légèrement émaciée et comme allongée, ce qui lui conférait quelque chose de serein et même d'un peu sévère. Etendue sur son lit, elle ne perdait rien de son élégance de jadis. Lorsqu'elle était assez bien pour déjeuner à la salle à mange, elle y venait de sa belle démarche souple de jadis, peut-être un peu ralentie, en s'appuyant légèrement au bras de Georges".

Bizarrement, alors que Max Jacob trouvait Georges très chrétien, Rzewuski le qualifie d’agnostique ("malgré son agnosticisme, Georges m'a toujours manifesté de l'amitié". Il précisera que Liane le décrivait comme "dégénéré, voire anormal et hystérique" (en 1919 elle disait qu'il est "un ange, un amour, un tout petit exquis, un vieux sage, un morne philosophe, un érudit etc. On lui reproche d'être... trop beau"). Il lui aurait empruntée un jour une de ses petites amies, ce qui allait inverser ensuite sa culpabilité à son égard d'avoir été une ancienne prostituée. Son agnosticisme est assez cohérent avec ce que Liane dit de sa belle-mère, qui avait seulement dix ans de plus qu'elle, qu'elle "ne croit ni à Dieu ni à diable, le crie tout haut".

Rzewuski la jugea digne de prendre le froc noir et blanc du tiers ordre de Saint-Dominique, ce qu'elle fit à la chapelle de la clinique. Elle récita après ça chaque jour comme le lui imposait la règle le petit office, le chapelet, la lecture de l'Evangile. Elle s'enthousiasma pour la lecture de L'imitation de Jésus-Christ de Thomas a Kempis dont elle lisait chaque jours un ou plusieurs chapitres. Son mari se plaignait qu'elle restât encore capricieuse et versatile, mais elle était devenue plus sereine et patiente.

Le dominicain jettera ce regard rétrospectif sur sa conversion . "On a souvent parlé et écrit à son sujet comme d'une conversion ? Etait-elle vraiment une convertie à l'instar d"un Saint Paul, d'un Saint Augustin, d'un Pascal, ou, de notre temps, d'un Claudel, des Maritain ? Ce serait plutôt à une Marie-Madeleine que son passé et son présent me font penser (...)

Dès son enfance Liane avait toujours eu la foi. Elle l'eut dès sa naissance entourée de sa pieuse famille. Adolescente, les bonnes soeurs de son pensionnat breton où ses parents l'avaient placée l'astreignirent aux pieux exercices de son temps et de son milieu : leçons du catéchisme, du chapelet et dévotion bretonne à Sainte-Anne-d'Auray.

On y prit soin aussi de sa bonne éducation, de ses  jolies manières (...). D'après ce qu'elle en dit, même durant ses années les plus orageuses, elle ne manquait pas, en passant près d'une église, d'y entrer et d'y allumer un cierge. En 1910, lorsque se posa le problème de son mariage avec le prince Ghika, elle voulut le faire célébrer selon sa religion dans une église catholique. Rien ne s'y opposait d'ailleurs car, quoique divorcée de son premier mari, le lieutenant de vaisseau Pourpre, celui-ci était décédé depuis déjà vingt ans. Pourtant, c'est la mort de son fils Marco, l'aviateur tombé au champ de bataille en 1916 qui lui porta le coup cruel qui lui redonna en nouvel élan de religiosité".

Effectivement le début de ses Cahiers Bleus, dès avant les années 20, comme on l'a déjà dit plus haut, révèle une inspiration chrétienne. Celle de la peintre diariste russe Marie Bashkirtseff, morte à 25 ans en 1884, qui était très dévôte, Le 2 juillet 1919, pour son 50ème anniversaire, elle précise que la Sainte Vierge était apparue en rêve à sa mère (43 ans, demi-espagnole par son père), assise dans un beau cerisier blanc et lui aurait dit "Tu auras une petite fille le jour de ma fête. Elle sera appelée Marie. Je la protègerai. Après une vie mouvementée elle finira grande sainte au paradis". Liane ne naquit pas le 15 août, mais le 2 juillet, jour de la visitation donc  la prédiction s'est réalisée. Elle fut marquée par la religiosité de sa mère mais aussi de sa voisine créole à l'accent des îles, qui fut pour elle une sorte de seconde mère. Il est possible que le christianisme de sa mère se soit construit par opposition à la frivolité de la grand mère maternelle qui, belle, avait eu une liaison avec Victor Hugo (sa mère fit détruire sa correspondance compromettante avec l'écrivain) et vécut dans le luxe.

Elle était sujette à des migraines une fois par mois. Le 3 juillet 1919, jour de migraine, elle éteint la lumière le soir, "un demi-coma la terrasse", elle veut "faire sa prière" et" au milieu de ses invocations à sa patronne chérie, Ste Anne d'Auray, elle voit nettement (son mari) couché dans la maison de santé du professeur Hartmann (à Neuilly)... prend sa main qui est déjà glacée",puis elle se rend compte que son mari dort près d'elle. "Elle se sent agitée, pénétrée de terreur, inondée de sueur, enfiévrée, tremblante", s'inquiète parce que son mari doit être opéré, demande des protections, promet d'aller à Lourdes et Auray et donner 5 000 francs aux pauvres si tout se passe bien.

Son problème était de réconcilier son passé de cocotte avec sa foi. "Mon père, sauf tuer et voler, j'ai tout fait" avait-elle dit au prêtre qui' l'avait confessée avant son mariage. Je soupçonne que - comme c'est souvent le cas quand les péchés sexuels sont abondants - parmi toutes ses fautes, il y eut l'occultisme. Le chapitre "L'alchimiste" de livre "Les sensations de Mlle de la Bringue" qu'elle écrivit en 1904 (alors qu'elle était encore courtisane) le laisse entendre.

Passant en voiture en Savoie en 1926, obéissant à une inspiration surnaturelle, elle alla sonner à la porte de l'Oeuvre de Sainte Agnès qui s'occupait d'enfants monstrueux. Devant cette humanité dégradée qui pousse des cris et des gloussements qui lui ont fait prendre conscience à elle de sa déchéance et de son besoin de Jésus, ce qui allait la conduire à se dévouer à cette oeuvre. Elle mourut en décembre 1950 au Carlton de Lausanne et enterrée en Savoie dans le cimetière qui recueillait les restes des enfants monstrueux de l'Oeuvre de Sainte-Agnès.

J'avoue que cette histoire de la prêtresse de Sappho "cuirassière du plaisir" devenue dominicaine m'a laissé assez perplexe. On sent qu'il manque beaucoup de pièces au puzzle pour pouvoir ne serait-ce qu'entrevoir l'arrière-plan spirituel de tout cela. Peut-être faudrait-il que je lise l'intégralité des Cahiers Bleus. Cette lignée maternelle bizarre qui va de Victor Hugo, à Sainte-Anne d'Auray. Cette Sainte Vierge qui annonce l'histoire d'une sainte (surtout d'une "grande sainte", ce qui n'est pas très chrétien : les plus grands sont ceux qui veulent être petits)... Au final la cocotte n'est pas vraiment devenue sainte pour ce qu'on peut en percevoir. Elle ne s'est même pas vraiment convertie. Elle s'est repentie, soit... et encore... elle porte encore du vison, elle n'a pas fait vœu de pauvreté et ne désavoue qu'à demi-mots au nom d'un assagissement bourgeois ses vices sexuels du passé (il en est d'ailleurs un essentiel dont elle ne se défera jamais tout à fait)... Mais en même temps, certes, devenir tertiaire dominicaine ce n'est pas rien... et cette "union" étrange avec une œuvre d'aide aux enfants monstrueux a quelque chose de très impressionnant, et, au fond, d'aussi mystérieux que les migraines dont souffrait la demi-mondaine, et que ses visions. D'un bout à l'autre il y a quelque chose de "bizarre" dans tout cela, d'étrange... même la caution de ce dominicain ancien illustrateur nous questionne tant elle baigne dans une sorte de gentille indulgence qui ne cherche pas vraiment à aller au fond des choses.

Notre époque hédoniste et nihiliste, qui ne s'intéressera qu'à la superficielle (et éphémère) beauté des belles éblouissantes des années 1900 ne s'interrogera pas sur l'envers religieux de ce que certaines devinrent ensuite, sur ce catholicisme tardif qui est un peu le pendant de la "Belle époque" parisienne, un peu comme le mysticisme de Jacqueline-Aimée Brohon était le pendant des "Lumières" rationalistes 180 ans plus tôt. Est-ce vraiment du catholicisme ? est-ce autre chose ? Est-ce le poids de l'âge ? la rançon de la perte d'un fils ? un mouvement de balancier comme la foi de sa mère par rapport àla frivolité de la grand-mère ? Quels ont été les fruits de tout cela auprès de l'entourage ? Ne fut-ce qu'un feu de paille au fond d'une clinique de Lausanne quand la beauté du corps a perdu ses éclats ? Pour les enfants malformés de Savoie ce ne fut pas seulement cela. Et pour d'autres ? On aimerait savoir.

En tout cas voilà encore quelqu'un qui est lié à la Ste Baume, où elle était allée. Voyez sa phrase du 1er avril 1932 (vendredi saint) : "J'ai écrit au dominicain dont l'éloquence m'avait frappée pendant mon séjour à la Sainte-Baume. Le Père Sineux est jeune, vibrant, son verbe entraîne. Il est prieur à Saint Maximin entre Toulon et le pieuse montagne". Il paraît qu'elle était déjà Madeleine dans ce tableau de 1891 (à 22 ans).

 

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La nudité chez les féministes françaises des années 1970

19 Juin 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Nudité-Pudeur en Europe

Ayant découvert récemment qu'une de mes interventions dans un colloque (à Cannes en 2009) figurait parmi les pièces de l'épreuve de note sur dossier du concours externe et interne d'inspecteur et conseiller de la création, des enseignements artistiques et de l'action culturelle, session 2021, j'ai songé à en dire un mot sur ce blog, mais il faut bien reconnaître que l'anecdote n'appelle pas vraiment de commentaire.

Du coup, je préfère plutôt vous parler d'un autre sujet sur la nudité que j'ai aussi trouvé en surfant sur le Net. Il s'agit de la thèse Du privé au politique, du politique au privé : l’expérience de libération sexuelle des militantes du Mouvement des femmes en Bretagne et Pays de la Loire (1970-1981), soutenue l'an dernier à l'université d'Angers. Car un extrait de cette thèse faisait écho à une question que me posait il y a peu une pigiste d'Ouest-France à propos des origines sociales des naturistes.

L'autrice y raconte (p. 215) qu'elle a appris des personnes qu'elle a interrogées que "des féministes se sont rendues en 1979, probablement à Saint-Nazaire, à la projection du film « Douce et fière Ardèche » présenté par Marc-Alain Descamps qui avait soutenu quelques années auparavant une thèse sur « Le nu et le vêtement » . Le film évoque le naturisme. Les féministes soulignent que, dans le film, seules des femmes nues apparaissent". Elle évoque les débats que cela a suscité puis se penche sur l'intérêt des féministes de l'époque pour le naturisme. Elle analyse la nudité dans la presse féministe de l'époque. "Le corps nu se confond dans la nature, avec la nature, note-t-elle. Le végétal est très présent dans les représentations du corps des femmes et en particulier de leurs organes génitaux, au sein des revues féministes. Certaines images mettent en scène des femmes qui flottent, se prolongent ou se combinent avec des éléments végétaux."

"Ces femmes végétales sont parfois des sorcières, ajoute-t-elle. Le corps des sorcières est d’ailleurs représenté nu."

Les images qu'elle trouve dans la revue "Dévoilées" parlent pour elles-mêmes (cf ci-dessus) mais bizarrement à la question "pourquoi les sorcières sont-elles nues ?" elle répond seulement que par leur nudité elles se débarrassent de l'intériorisation du regard de l'homme ("La nudité renvoie à une identité déconstruite et débarrassée de l’image intériorisée que les hommes ont des femmes " p. 219), ce qui est tout de même un peu court : pourquoi un corps débarrassé des hommes devrait-il nécessairement se rattacher à la sorcellerie ? quel est le lien logique entre les deux éléments ?

La nudité des druidesses est des sorcières en général a visiblement à voir, et depuis des siècles, avec des aspects spirituels beaucoup plus profonds (et beaucoup plus inquiétants) que la simple émancipation politico-sociale à l'égard du regard masculin comme on tend trop à nous le faire croire de nos jours. Cliquez sur les liens au début de ce paragraphe si vous voulez approfondir le sujet.

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A propos des slows

16 Mai 2023 , Rédigé par CC Publié dans #down.under, #Otium cum dignitate, #Anthropologie du corps, #Spiritualités de l'amour, #Massages, #Les tubes des années 1980, #Médiums

J'écoutais hier une interview de l'écrivain Frédéric Beigbeder datant de 2022 dans l'émission de Patrick Simonin sur "France 5" "L'invité". Il y déclarait à propos du slow dans les années 1980 en minute 4'47 :

"Avec les slows, on pouvait aller voir une fille qu'on ne connaissait pas et être serré contre quelqu'un, contre une inconnue pendant trois minutes, quatre minutes, quelle merveille ! (...) et en fait comme on était contre quelqu'un pendant la durée de la chanson, et que la musique est tellement... les slows c'est quelque chose de déchirant, on en tombait amoureux en fait... on pouvait tomber amoureux plusieurs fois en une heure... c'était quelque chose d'étrange... c'est quelqu'un qu'on ne connaît pas, et on le serre contre soi. C'est l'antithèse de la distanciation (de l'époque du Covid). On est là à avoir ce cadeau merveilleux. Et alors quand il y avait le quart d'heure américain c'était encore mieux car on était invité par une femme".

Cela m'a évidemment rappelé le slow le plus marquant de toute ma vie, que j'ai vécu dans nuit du dimanche 1er au lundi 2 novembre 1987.

J'en ai facilement retrouvé la trace dans mon journal de l'époque (2/11/1987).

"Hier soir, écrivais-je, au club Clan Campbell, j'ai obtenu deux slows avec M***. Deux slows exquis, l'un contre l'autre, le rêve d'une semaine. Si j'avais une définition à donner du paradis terrestre, je dirais : une vie entière à danser un slow avec M***.

Cette attitude de ma cavalière sur la piste de danse, sa tendresse docile, répondait à mes attentes. En dehors de cela, plus ou moins ostensiblement elle me fuyait. Je trouvais son attitude ambiguë à mon égard, mais l'était-elle vraiment ?

Quoi qu'il en fût, il fallait que j'en eusse le coeur net, et, lorsque la première série de slows s'acheva, je me retrouvai à nouveau bêtement dans l’effroyable doute, comme l'avais été tant de fois dans ma vie. Il n'est rien de pire que d'être entre chien et loup, d'avoir peur des éclaircissements autant qu'on les désire, et de ne voir aucune circonstance débrouiller la situation.

Le slow était notre seul point de rencontre, de communion même; Je priai donc pour que les rythmes de cette discothèque ralentissent, et que j'eusse le courage d'inviter une dernière fois M***. Je méditais, et l'idée que je réussisse à sortir avec elle n'avait aucune prise sur moi. Il fallait obtenir un 'non' sans appel, et l'obtenir dans les règles de l'art sans avoir rien à se reprocher comme maladresse ou lâcheté. Les autres qui me voyaient seul me croyaient triste, certains savaient cependant vers qui je tournais mes pensées. Je remercie Dieu pour l'élan de courage que vers 1h30 il me donna. Lorsque vint le dernier slow, je requérais M** qui consentit.

Par bonheur, elle avait envie de parler. Elle retirait par intervalles la tête de contre mon épaule. Elle commença par me parler des relations entre les gens de la classe. Elle dit que sans moi ce soir pour danser avec elle, elle eût été bien délaissée".

Je passe la suite du récit qui raconte comment la fille, au delà de sa "tendresse docile" au moment du slow, finalement m'attira plutôt sur le terrain de l'amitié alors que tous mes petits camarades étaient persuadés que nous "sortions ensemble", comme on disait. Le texte comporte aussi ensuite une sorte de "flashback" sur les premières heures de la soirée où je raconte les premières danses endiablées (ce fut une des rares fois où je me suis vraiment "lâché" sur une piste de danse dans l'ambiance bon-enfant du Béarn qui me mettait en confiance), et les filles un peu éméchées qui dissertaient sur le "cogito" de Descartes (nous étions une classe de Terminale littéraire qui découvrait la philosophie depuis peu) ce qui éclaire un peu ce qui s'est ensuite mis en place quand la musique a ralenti...

On aura compris qu'il y avait dans ce récit toute l’ambiguïté sensuelle qu'évoquait Beigbeder, laquelle fait qu'on tombe amoureux, mais seulement le temps d'une chanson. J'ai déjà évoqué l'action de la musique sur l'âme à propos de Hildegarde de Bingen. C'est un thème très connu depuis Pythagore et qui commence depuis peu à être mieux compris sur le plan scientifique, à défaut de l'être du point de vue spirituel, j'y reviendrai un jour. En fait, les slows (il me semble qu'il y avait notamment eu parmi les deux ou trois que j'ai dansés avec M*** Careless Whisper de George Michael, mais c'est très loin dans mes souvenirs maintenant) étaient conçus pour provoquer cet effet d'envoûtement qui faisait que, enlacés, nous ne savions plus vraiment qui nous étions ni ce que nous ressentions au-delà de l'instant partagé et que cela n'avait à nos yeux pas vraiment d'importance, au moins sur la piste de dans (même si ensuite, comme on le voyait, il allait falloir, à la fin de la musique, tirer une ou deux choses au clair). On pourrait probablement soutenir que cette "communion", au delà du rapport intersubjectif avec la personne avec qui l'on dansait, était peut-être aussi tournée vers autre chose, vers les entités qui ont présidé à la conception de ces musiques et dont les paroles parfois célèbrent les pouvoir "magiques" - je vous renvoie à toute la littérature sur l'occultisme dans la pop music et à mes remarques de 2014 sur un morceau peu ou prou lié au vaudou comme Let the music play de Shannon.

La question que je me pose aujourd'hui est la suivante : si l'on admet que les corps ont une dimension éthérique qui fait que leur union a son double dans les plans invisibles (ce qui fait dire à Saint Paul dans 1 Cor 6:16 que celui qui s'unit à une prostituée ne fait qu'un avec elle, et c'est ce qui fait que beaucoup de masseuse ont des expériences paranormales ou doivent recourir à des purifications rituelles après le contact tactile), se peut-il que les personnes qui ont dansé des slows ensemble à la fin du siècle dernier aient gardé aujourd'hui des scories de cette union éthérique (même en l'absence de rapport sexuel) dans les plans invisibles (ce que le New Age appelle le "plan astral") ? ou bien tout ceci était-il soumis à un régime de péremption de quelques jours, de sorte que les slows d'autrefois ne seraient plus que des curiosités archéologiques inoffensives dans un passé lointain ? A l'inverse si les scories existent, celles-ci doivent-elles être nettoyées ?

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Magnétisme et sunamitisme

19 Avril 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Médiums, #Anthropologie du corps

Paul Clément Jagot et Hector Durville qui reprennent largement dans leur livre "Histoire raisonnée du magnétisme", celui en deux tomes de Jean Rouxel "Histoire et philosophie du magnétisme" essaient de démontrer que les guérisons par les mains dans les temples égyptiens relevaient du magnétisme, d'autant qu'ils s'accompagnaient de phénomènes d'inspiration nocturne, et qu'il était constaté des cas surnaturels de bilocation concernant un certain Basilides que l'empereur Vespasien, selon Tacite, voit au Serapeum d'Alexandrie, alors qu'il le savait retenu malade au lit à plusieurs journées de route de là. Ils les identifient aussi dans la tradition pythagoricienne jusque chez les stoïciens.

Pour eux, toute forme d'imposition des mains est une forme de magnétisme, y compris chez les Juifs (ce qui est contestable). Mais ils trouvent aussi une preuve de l'intervention du magnétisme dans cet épisode de 1 Rois 1 :

"Le roi David était vieux, il était d’un âge avancé. On le couvrait d’habits, mais il ne parvenait pas à se réchauffer. 2 Ses serviteurs lui dirent : « Que l'on cherche une jeune fille vierge pour toi, mon seigneur le roi. Qu'elle soit au service du roi, qu'elle le soigne et couche à ses côtés. Ainsi, mon seigneur le roi se réchauffera. » 3 On chercha dans tout le territoire d'Israël une fille jeune et belle, et l’on trouva Abishag, la Sunamite. On la conduisit auprès du roi. 4 Cette jeune fille était très belle. Elle soigna le roi et le servit, mais le roi n’eut pas de relations sexuelles avec elle. "

Comme Meheust aujourd'hui ils relient entre eux tous les phénomènes surnaturels ou inexplicables (aussi bien la magie, que les miracles des premiers chrétiens (ou des rois chrétiens d'Europe) et  la magie, en rattachant même à cette catégorie (p. 159) l'action d'une pierre d'aimant qu'un goutteux tient à la main selon Aétius d'Amida (vers 530 de notre ère).

Mais je ne suis pas certain qu'on gagne grand chose à mélanger ainsi des gestes qui relèvent de l'exécution d'une volonté transcendante à de simples "trucs" de médecine ou de magie.

L'épisode de Davide et Abisag a donné prétexte à un tableau presque pornographique de Pedro Américano en 1879 (de même qu'Auguste Théodore Dersch). et le mot "sunamitisme" qui est prescrit comme une technique thérapeutique. La fiche Wikipedia évoque une transmission du souffle (pneuma) - peut-être en référence à ça ? - plus que du magnétisme corporel. Miguel de Unanumo allait dans "L'Agonie de l'âme chrétienne" imaginer une Abisag ardemment amoureuse du chaste (par nécessité de la vieillesse et de la maladie) roi David à l'image de l'âme chrétienne.

Avant lui au XVIIe siècle l'abbesse Angélique de Saint-Jean dans ses conférences bibliques identifiait (avec Saint Jérôme) la Sunamite à la sagesse qui soutient ceux qui se sentent défaillir. Mais cela procède d'une confusion très ancienne avec la Sunamite du Cantique des Cantiques, aussi citée dans les chants grégoriens (revertere Sunamitis), comme l'avait souligné Dom Jacques Winandy, Le Cantique des Cantiques, Poème d'amour mué en écrit de sagesse, Castermann, Éditions de Maredsous, 1960, p. 49. Mais ce point a été critiqué par le père André Feuillet dans la revue Recherches religieuses de juillet 1961, car selon lui réalité le seul passage invoqué pour justifier cette assertion est le texte grec d'Eccli, xv, 2 qui ne fait pas la moindre allusion à Abisag. Le texte hébreu porte eset neurim qui peut être une reprise d'Is 54: 6. Au reste Abisag est nommée Ha-Shûnamit par référence à Shumen, son village natal (certains disent aussi qu'en hébreux shulammith = la douce); de plus elle est liée avant tout à l'histoire de David"absolument rien n'autorise à identifier avec Abisag la Sulamite du Cantique" affirme-t-il dans une note de bas de page.

Loin de ces considérations spirituelles, le cas d'Abisag pose la question de l'effet du contact des corps. le docteur Etienne Saint Marie dans ses Lectures relatives aux polices médicales, de 1829, soulignait (p. 176) les vertus du seul contact des épidermes en se référant aux peaux animales. Il observait que "le lait de femme a toujours mieux réussi quand on fait coucher la nourrisse et le malade". "Jérôme Capo di Vacca, médecin de Padoue, ajoutait-il conserva l'unique héritier d'une grande monarchie , en le faisant coucher entre les deux nourrices qui l'allaitaient. " Mais il se réfère aussi au seul aspect d'autosuggestion du phénomène, en se rapportant à Montaigne : « Il me souvient, dit Montaigne (Essais , liv. 1, chap. xx), que Simon Thomas , grand médecin de son temps , me rencontrant un jour à Toulouse chez un riche vieillard pulmonique , et traitant avec lui des moyens de sa guérison , il lui dit que c'en était un, de me donner l'occasion de me plaire en sa compagnie; et que , fichant ses yeux sur la fraîcheur de mon visage , et sa pensée sur cette allégresse et vigueur qui regorgeaient de mon adolescence , et remplissant tous ses sens de cet état florissant en quoi j'étais lors , son habitude s'en pourrait amender; mais il oubliait à dire que la mienne s'en pourrait empirer aussi. »

 On ne peut arriver à subsumer le sunamitisme sous la catégorie du magnétisme qu'au prix d'une très grande extension de la notion qui finit par le priver de tout sens véritable, me semble-t-il.

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Les inspirations déviantes de l'Arche internationale

16 Avril 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Spiritualités de l'amour, #Christianisme

Le rapport de la commission d'étude sur Jean Vanier, "star" de la communauté catholique L'Arche internationale, intitulé "Emprise et abus, enquête sur Thomas Philippe Jean Vanier et L’Arche (1950-2019)" est une source de réflexion très intéressante sur les dérives sectaires d'une mouvance catholique proche des dominicains français au cours des 70 dernières années (dérives qui défraient maintenant la chronique médiatique et judiciaire). A certains égards les mécanismes anthropologiques qui y sont décrits sont classiques, mais les éléments de langage utilisés par les "gourous" de la communauté s'ancrent dans des révélations et un patrimoine cléricalo-mystique plus récent. Par exemple ce rapport ( p. 120) met en avant le fait qu'en 1952 le P. Thomas Philippe (inspiré par son oncle dominicain le P. Thomas Dehau) voulait créer une « petite famille » ... dans une « vie cachée », où "on mènerait en partageant la vie intime de Marie et de saint Jean, dans laquelle on peut rester unis et continuer à vivre ensemble « spirituellement » malgré les séparations. Cette « petite famille » a été selon lui formée par Marie pour préparer les apôtres des derniers temps, la congrégation ultime annoncée par Louis-Marie Grignion de Montfort (dont T. Philippe est un disciple posthume) au début du XVIIIe siècle et par Mélanie Calvat, la bergère de La Salette, au milieu du XIXe siècle ".

Le Monde du 27 décembre 2000, avait parlé ainsi de leurs pratiques : "À L’Arche, les foyers sont mixtes, le geste évangélique du lavement des pieds est un quasi-rituel et le bain un moment fort de chaque journée. Vanier insiste sur l’importance du “toucher” et de la tendresse, mais à ceux qu’inquiéteraient les risques d’abus sexuels, il répond par la règle d’une vie communautaire où est écartée toute forme de “dépendance fusionnelle”. Des chasseurs de “sectes” ont bien cherché à fouiller dans la déjà longue saga de L’Arche et à discréditer l’expérience, mais en pur désespoir de cause ! J. Vanier s’en irrite ou en sourit. Il préfère remonter à une plus longue histoire, celle d’un saint Paul qui, au premier siècle déjà, écrivait aux Corinthiens que “ce qu’il y a de fou dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les forts et les puissants”

A l'époque Jean Vanier passait pour un saint. A propos de ses inspirateurs les frères Philippe, un de mes correspondants précise dans un courriel de ce matin :

"Le Père Thomas Philippe était la proie de phantasmes au sein desquels la plus haute mystique rejoignait les obsessions sexuelles. Tout cela donna lieu à une théologie aberrante qui prit naissance à partir d’une révélation bien mystérieuse en 1938. Le Père Thomas fut par la suite la proie de troubles psychiatriques. Il écrivait à un ami que « chaque jour, il se sentait devenir plus étrange, que le monde extérieur lui semblait comme une prison dont les murs se rapprochaient de plus en plus de sa tête, au point de l’enserrer, que la seule vue d’un habit de l’Ordre le jetait parfois dans une angoisse insurmontable ».

(J’extrais ces lignes d’un dossier que j’ai constitué).

Le Père Marie Dominique Philippe subissait l’ascendant d’une religieuse hongroise à la beauté troublante Tünde Zsentes, encore appelée Mère Myriam dont on peut trouver la biographie aux éditions Pierre Marcel Favre.  Cette sœur avait des talents prodigieux. Dans son lycée de Budapest, elle remportait les premiers prix de chant, de piano. Dès l’âge de 16 ans, elle donnait son premier récital public. Elle était très douée pour la peinture. Elle rencontra le Père Marie Dominique Philippe pour la première fois en 1973. Elle devint sa secrétaire et suivit ses cours à l’université de Fribourg. Elle obtint un doctorat de Philosophie en soutenant deux thèses : l’une sur la pensée de Karl Marx à travers « L’idéologie allemande » et l’autre sur la notion de cause dans « La métaphysique » d’Aristote. Ce milieu m’a fasciné dans les années 90. La plus haute intellectualité y côtoyait la mystique avec Marthe Robin et bien d’autres. Nous étions dans les années Jean Paul II.

Mère Myriam montrait des tendances névrotiques voire psychotiques certaines. C’est parfois la rançon d’une intelligence supérieure. Sa mère lui avait révélé ses origines juives. Elle fonda alors une communauté judéo- chrétienne et demande aux jeunes filles qui la suivaient de pratiquer les mitsvoth, d’absorber une nourriture casher. Désavouée par le cardinal Decourtray, elle entreprit une grève de la faim, sombra dans l’anorexie."

Tous ces gens étaient assurément brillants, et l'on voit là une illustration de l'association entre talents intellectuels, sexualité et orgueil, mal dissimulés sous une rhétorique de l'humilité dans un cocktail d'exaltation spirituelle explosive. Dans les soldes négatifs de cette affaire, outre l'aliénation psychologique des participants, il faut relever au moins un avortement clandestin au début des années 1950 (les rapports sexuels entre les "initiés" du groupe étaient à ce prix...).

Il me semble que cette histoire fait écho à divers éléments que nous avions relevés dans l'usage sacramentel de la sexualité tel qu'il existait jadis chez les disciples de Carpocrate (voir mon billet sur les adamites). On touche là à un paradoxe démoniaque qui est que la sexualité sacralisée qui donne aux gens l'illusion de les relier, et de fournir de vrais "abandons" au nom de Jésus-Christ, ne fait que couper les personnes de l'ordre social, transformant en l'espèce la communauté des frères Philippe puis celle de Vanier en société secrète (et en secte) - une religieuse dans le rapport parle même d'une sorte de "franc-maçonnerie" - avec ses initiations cachées, ses mots codés etc.

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