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A propos des slows
J'écoutais hier une interview de l'écrivain Frédéric Beigbeder datant de 2022 dans l'émission de Patrick Simonin sur "France 5" "L'invité". Il y déclarait à propos du slow dans les années 1980 en minute 4'47 :
"Avec les slows, on pouvait aller voir une fille qu'on ne connaissait pas et être serré contre quelqu'un, contre une inconnue pendant trois minutes, quatre minutes, quelle merveille ! (...) et en fait comme on était contre quelqu'un pendant la durée de la chanson, et que la musique est tellement... les slows c'est quelque chose de déchirant, on en tombait amoureux en fait... on pouvait tomber amoureux plusieurs fois en une heure... c'était quelque chose d'étrange... c'est quelqu'un qu'on ne connaît pas, et on le serre contre soi. C'est l'antithèse de la distanciation (de l'époque du Covid). On est là à avoir ce cadeau merveilleux. Et alors quand il y avait le quart d'heure américain c'était encore mieux car on était invité par une femme".
Cela m'a évidemment rappelé le slow le plus marquant de toute ma vie, que j'ai vécu dans nuit du dimanche 1er au lundi 2 novembre 1987.
J'en ai facilement retrouvé la trace dans mon journal de l'époque (2/11/1987).
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"Hier soir, écrivais-je, au club Clan Campbell, j'ai obtenu deux slows avec M***. Deux slows exquis, l'un contre l'autre, le rêve d'une semaine. Si j'avais une définition à donner du paradis terrestre, je dirais : une vie entière à danser un slow avec M***.
Cette attitude de ma cavalière sur la piste de danse, sa tendresse docile, répondait à mes attentes. En dehors de cela, plus ou moins ostensiblement elle me fuyait. Je trouvais son attitude ambiguë à mon égard, mais l'était-elle vraiment ?
Quoi qu'il en fût, il fallait que j'en eusse le coeur net, et, lorsque la première série de slows s'acheva, je me retrouvai à nouveau bêtement dans l’effroyable doute, comme l'avais été tant de fois dans ma vie. Il n'est rien de pire que d'être entre chien et loup, d'avoir peur des éclaircissements autant qu'on les désire, et de ne voir aucune circonstance débrouiller la situation.
Le slow était notre seul point de rencontre, de communion même; Je priai donc pour que les rythmes de cette discothèque ralentissent, et que j'eusse le courage d'inviter une dernière fois M***. Je méditais, et l'idée que je réussisse à sortir avec elle n'avait aucune prise sur moi. Il fallait obtenir un 'non' sans appel, et l'obtenir dans les règles de l'art sans avoir rien à se reprocher comme maladresse ou lâcheté. Les autres qui me voyaient seul me croyaient triste, certains savaient cependant vers qui je tournais mes pensées. Je remercie Dieu pour l'élan de courage que vers 1h30 il me donna. Lorsque vint le dernier slow, je requérais M** qui consentit.
Par bonheur, elle avait envie de parler. Elle retirait par intervalles la tête de contre mon épaule. Elle commença par me parler des relations entre les gens de la classe. Elle dit que sans moi ce soir pour danser avec elle, elle eût été bien délaissée".
Je passe la suite du récit qui raconte comment la fille, au delà de sa "tendresse docile" au moment du slow, finalement m'attira plutôt sur le terrain de l'amitié alors que tous mes petits camarades étaient persuadés que nous "sortions ensemble", comme on disait. Le texte comporte aussi ensuite une sorte de "flashback" sur les premières heures de la soirée où je raconte les premières danses endiablées (ce fut une des rares fois où je me suis vraiment "lâché" sur une piste de danse dans l'ambiance bon-enfant du Béarn qui me mettait en confiance), et les filles un peu éméchées qui dissertaient sur le "cogito" de Descartes (nous étions une classe de Terminale littéraire qui découvrait la philosophie depuis peu) ce qui éclaire un peu ce qui s'est ensuite mis en place quand la musique a ralenti...
On aura compris qu'il y avait dans ce récit toute l’ambiguïté sensuelle qu'évoquait Beigbeder, laquelle fait qu'on tombe amoureux, mais seulement le temps d'une chanson. J'ai déjà évoqué l'action de la musique sur l'âme à propos de Hildegarde de Bingen. C'est un thème très connu depuis Pythagore et qui commence depuis peu à être mieux compris sur le plan scientifique, à défaut de l'être du point de vue spirituel, j'y reviendrai un jour. En fait, les slows (il me semble qu'il y avait notamment eu parmi les deux ou trois que j'ai dansés avec M*** Careless Whisper de George Michael, mais c'est très loin dans mes souvenirs maintenant) étaient conçus pour provoquer cet effet d'envoûtement qui faisait que, enlacés, nous ne savions plus vraiment qui nous étions ni ce que nous ressentions au-delà de l'instant partagé et que cela n'avait à nos yeux pas vraiment d'importance, au moins sur la piste de dans (même si ensuite, comme on le voyait, il allait falloir, à la fin de la musique, tirer une ou deux choses au clair). On pourrait probablement soutenir que cette "communion", au delà du rapport intersubjectif avec la personne avec qui l'on dansait, était peut-être aussi tournée vers autre chose, vers les entités qui ont présidé à la conception de ces musiques et dont les paroles parfois célèbrent les pouvoir "magiques" - je vous renvoie à toute la littérature sur l'occultisme dans la pop music et à mes remarques de 2014 sur un morceau peu ou prou lié au vaudou comme Let the music play de Shannon.
La question que je me pose aujourd'hui est la suivante : si l'on admet que les corps ont une dimension éthérique qui fait que leur union a son double dans les plans invisibles (ce qui fait dire à Saint Paul dans 1 Cor 6:16 que celui qui s'unit à une prostituée ne fait qu'un avec elle, et c'est ce qui fait que beaucoup de masseuse ont des expériences paranormales ou doivent recourir à des purifications rituelles après le contact tactile), se peut-il que les personnes qui ont dansé des slows ensemble à la fin du siècle dernier aient gardé aujourd'hui des scories de cette union éthérique (même en l'absence de rapport sexuel) dans les plans invisibles (ce que le New Age appelle le "plan astral") ? ou bien tout ceci était-il soumis à un régime de péremption de quelques jours, de sorte que les slows d'autrefois ne seraient plus que des curiosités archéologiques inoffensives dans un passé lointain ? A l'inverse si les scories existent, celles-ci doivent-elles être nettoyées ?
Magnétisme et sunamitisme
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Paul Clément Jagot et Hector Durville qui reprennent largement dans leur livre "Histoire raisonnée du magnétisme", celui en deux tomes de Jean Rouxel "Histoire et philosophie du magnétisme" essaient de démontrer que les guérisons par les mains dans les temples égyptiens relevaient du magnétisme, d'autant qu'ils s'accompagnaient de phénomènes d'inspiration nocturne, et qu'il était constaté des cas surnaturels de bilocation concernant un certain Basilides que l'empereur Vespasien, selon Tacite, voit au Serapeum d'Alexandrie, alors qu'il le savait retenu malade au lit à plusieurs journées de route de là. Ils les identifient aussi dans la tradition pythagoricienne jusque chez les stoïciens.
Pour eux, toute forme d'imposition des mains est une forme de magnétisme, y compris chez les Juifs (ce qui est contestable). Mais ils trouvent aussi une preuve de l'intervention du magnétisme dans cet épisode de 1 Rois 1 :
"Le roi David était vieux, il était d’un âge avancé. On le couvrait d’habits, mais il ne parvenait pas à se réchauffer. 2 Ses serviteurs lui dirent : « Que l'on cherche une jeune fille vierge pour toi, mon seigneur le roi. Qu'elle soit au service du roi, qu'elle le soigne et couche à ses côtés. Ainsi, mon seigneur le roi se réchauffera. » 3 On chercha dans tout le territoire d'Israël une fille jeune et belle, et l’on trouva Abishag, la Sunamite. On la conduisit auprès du roi. 4 Cette jeune fille était très belle. Elle soigna le roi et le servit, mais le roi n’eut pas de relations sexuelles avec elle. "
Comme Meheust aujourd'hui ils relient entre eux tous les phénomènes surnaturels ou inexplicables (aussi bien la magie, que les miracles des premiers chrétiens (ou des rois chrétiens d'Europe) et la magie, en rattachant même à cette catégorie (p. 159) l'action d'une pierre d'aimant qu'un goutteux tient à la main selon Aétius d'Amida (vers 530 de notre ère).
Mais je ne suis pas certain qu'on gagne grand chose à mélanger ainsi des gestes qui relèvent de l'exécution d'une volonté transcendante à de simples "trucs" de médecine ou de magie.
L'épisode de Davide et Abisag a donné prétexte à un tableau presque pornographique de Pedro Américano en 1879 (de même qu'Auguste Théodore Dersch). et le mot "sunamitisme" qui est prescrit comme une technique thérapeutique. La fiche Wikipedia évoque une transmission du souffle (pneuma) - peut-être en référence à ça ? - plus que du magnétisme corporel. Miguel de Unanumo allait dans "L'Agonie de l'âme chrétienne" imaginer une Abisag ardemment amoureuse du chaste (par nécessité de la vieillesse et de la maladie) roi David à l'image de l'âme chrétienne.
Avant lui au XVIIe siècle l'abbesse Angélique de Saint-Jean dans ses conférences bibliques identifiait (avec Saint Jérôme) la Sunamite à la sagesse qui soutient ceux qui se sentent défaillir. Mais cela procède d'une confusion très ancienne avec la Sunamite du Cantique des Cantiques, aussi citée dans les chants grégoriens (revertere Sunamitis), comme l'avait souligné Dom Jacques Winandy, Le Cantique des Cantiques, Poème d'amour mué en écrit de sagesse, Castermann, Éditions de Maredsous, 1960, p. 49. Mais ce point a été critiqué par le père André Feuillet dans la revue Recherches religieuses de juillet 1961, car selon lui réalité le seul passage invoqué pour justifier cette assertion est le texte grec d'Eccli, xv, 2 qui ne fait pas la moindre allusion à Abisag. Le texte hébreu porte eset neurim qui peut être une reprise d'Is 54: 6. Au reste Abisag est nommée Ha-Shûnamit par référence à Shumen, son village natal (certains disent aussi qu'en hébreux shulammith = la douce); de plus elle est liée avant tout à l'histoire de David"absolument rien n'autorise à identifier avec Abisag la Sulamite du Cantique" affirme-t-il dans une note de bas de page.
Loin de ces considérations spirituelles, le cas d'Abisag pose la question de l'effet du contact des corps. le docteur Etienne Saint Marie dans ses Lectures relatives aux polices médicales, de 1829, soulignait (p. 176) les vertus du seul contact des épidermes en se référant aux peaux animales. Il observait que "le lait de femme a toujours mieux réussi quand on fait coucher la nourrisse et le malade". "Jérôme Capo di Vacca, médecin de Padoue, ajoutait-il conserva l'unique héritier d'une grande monarchie , en le faisant coucher entre les deux nourrices qui l'allaitaient. " Mais il se réfère aussi au seul aspect d'autosuggestion du phénomène, en se rapportant à Montaigne : « Il me souvient, dit Montaigne (Essais , liv. 1, chap. xx), que Simon Thomas , grand médecin de son temps , me rencontrant un jour à Toulouse chez un riche vieillard pulmonique , et traitant avec lui des moyens de sa guérison , il lui dit que c'en était un, de me donner l'occasion de me plaire en sa compagnie; et que , fichant ses yeux sur la fraîcheur de mon visage , et sa pensée sur cette allégresse et vigueur qui regorgeaient de mon adolescence , et remplissant tous ses sens de cet état florissant en quoi j'étais lors , son habitude s'en pourrait amender; mais il oubliait à dire que la mienne s'en pourrait empirer aussi. »
On ne peut arriver à subsumer le sunamitisme sous la catégorie du magnétisme qu'au prix d'une très grande extension de la notion qui finit par le priver de tout sens véritable, me semble-t-il.
Les inspirations déviantes de l'Arche internationale
Le rapport de la commission d'étude sur Jean Vanier, "star" de la communauté catholique L'Arche internationale, intitulé "Emprise et abus, enquête sur Thomas Philippe Jean Vanier et L’Arche (1950-2019)" est une source de réflexion très intéressante sur les dérives sectaires d'une mouvance catholique proche des dominicains français au cours des 70 dernières années (dérives qui défraient maintenant la chronique médiatique et judiciaire). A certains égards les mécanismes anthropologiques qui y sont décrits sont classiques, mais les éléments de langage utilisés par les "gourous" de la communauté s'ancrent dans des révélations et un patrimoine cléricalo-mystique plus récent. Par exemple ce rapport ( p. 120) met en avant le fait qu'en 1952 le P. Thomas Philippe (inspiré par son oncle dominicain le P. Thomas Dehau) voulait créer une « petite famille » ... dans une « vie cachée », où "on mènerait en partageant la vie intime de Marie et de saint Jean, dans laquelle on peut rester unis et continuer à vivre ensemble « spirituellement » malgré les séparations. Cette « petite famille » a été selon lui formée par Marie pour préparer les apôtres des derniers temps, la congrégation ultime annoncée par Louis-Marie Grignion de Montfort (dont T. Philippe est un disciple posthume) au début du XVIIIe siècle et par Mélanie Calvat, la bergère de La Salette, au milieu du XIXe siècle ".
Le Monde du 27 décembre 2000, avait parlé ainsi de leurs pratiques : "À L’Arche, les foyers sont mixtes, le geste évangélique du lavement des pieds est un quasi-rituel et le bain un moment fort de chaque journée. Vanier insiste sur l’importance du “toucher” et de la tendresse, mais à ceux qu’inquiéteraient les risques d’abus sexuels, il répond par la règle d’une vie communautaire où est écartée toute forme de “dépendance fusionnelle”. Des chasseurs de “sectes” ont bien cherché à fouiller dans la déjà longue saga de L’Arche et à discréditer l’expérience, mais en pur désespoir de cause ! J. Vanier s’en irrite ou en sourit. Il préfère remonter à une plus longue histoire, celle d’un saint Paul qui, au premier siècle déjà, écrivait aux Corinthiens que “ce qu’il y a de fou dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les forts et les puissants”
A l'époque Jean Vanier passait pour un saint. A propos de ses inspirateurs les frères Philippe, un de mes correspondants précise dans un courriel de ce matin :
"Le Père Thomas Philippe était la proie de phantasmes au sein desquels la plus haute mystique rejoignait les obsessions sexuelles. Tout cela donna lieu à une théologie aberrante qui prit naissance à partir d’une révélation bien mystérieuse en 1938. Le Père Thomas fut par la suite la proie de troubles psychiatriques. Il écrivait à un ami que « chaque jour, il se sentait devenir plus étrange, que le monde extérieur lui semblait comme une prison dont les murs se rapprochaient de plus en plus de sa tête, au point de l’enserrer, que la seule vue d’un habit de l’Ordre le jetait parfois dans une angoisse insurmontable ».
(J’extrais ces lignes d’un dossier que j’ai constitué).
Le Père Marie Dominique Philippe subissait l’ascendant d’une religieuse hongroise à la beauté troublante Tünde Zsentes, encore appelée Mère Myriam dont on peut trouver la biographie aux éditions Pierre Marcel Favre. Cette sœur avait des talents prodigieux. Dans son lycée de Budapest, elle remportait les premiers prix de chant, de piano. Dès l’âge de 16 ans, elle donnait son premier récital public. Elle était très douée pour la peinture. Elle rencontra le Père Marie Dominique Philippe pour la première fois en 1973. Elle devint sa secrétaire et suivit ses cours à l’université de Fribourg. Elle obtint un doctorat de Philosophie en soutenant deux thèses : l’une sur la pensée de Karl Marx à travers « L’idéologie allemande » et l’autre sur la notion de cause dans « La métaphysique » d’Aristote. Ce milieu m’a fasciné dans les années 90. La plus haute intellectualité y côtoyait la mystique avec Marthe Robin et bien d’autres. Nous étions dans les années Jean Paul II.
Mère Myriam montrait des tendances névrotiques voire psychotiques certaines. C’est parfois la rançon d’une intelligence supérieure. Sa mère lui avait révélé ses origines juives. Elle fonda alors une communauté judéo- chrétienne et demande aux jeunes filles qui la suivaient de pratiquer les mitsvoth, d’absorber une nourriture casher. Désavouée par le cardinal Decourtray, elle entreprit une grève de la faim, sombra dans l’anorexie."
Tous ces gens étaient assurément brillants, et l'on voit là une illustration de l'association entre talents intellectuels, sexualité et orgueil, mal dissimulés sous une rhétorique de l'humilité dans un cocktail d'exaltation spirituelle explosive. Dans les soldes négatifs de cette affaire, outre l'aliénation psychologique des participants, il faut relever au moins un avortement clandestin au début des années 1950 (les rapports sexuels entre les "initiés" du groupe étaient à ce prix...).
Il me semble que cette histoire fait écho à divers éléments que nous avions relevés dans l'usage sacramentel de la sexualité tel qu'il existait jadis chez les disciples de Carpocrate (voir mon billet sur les adamites). On touche là à un paradoxe démoniaque qui est que la sexualité sacralisée qui donne aux gens l'illusion de les relier, et de fournir de vrais "abandons" au nom de Jésus-Christ, ne fait que couper les personnes de l'ordre social, transformant en l'espèce la communauté des frères Philippe puis celle de Vanier en société secrète (et en secte) - une religieuse dans le rapport parle même d'une sorte de "franc-maçonnerie" - avec ses initiations cachées, ses mots codés etc.
"Les Yogas de l'Infer"
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J'ai déjà parlé il y a deux ans sur ce blog de feu Jean-Gaston Bardet dont une des vertus, me semble-t-il, est d'avoir défendu une tradition bénédictine auboise (les "Enfants du Père Soubise, de Nogent-sur-Aube ou Nogent-en-Othe), contre le gnosticisme des compagnons du devoir.
Je relisais ce soir cette phrase dans "Mysticisme et Magies" (p. 432), chapitre "Les Yogas de l'Infer" :
"Aujourd'hui, le yoga qui nous est transmis n'est pas le yoga initial, le mode d'union de la Révélation primitive, mais le Yoga sexualisé de l'ancien matriarcat, c'est à dire la pire dégradation satanique de la Révélation de la Vierge Marie" (condamnée par le Concile d'Ephèse de 431 qui en la proclamant theotokos rompt toute confusion possible avec la déesse mère)
Sur la base de Pierre Gordon (mais sans préciser lequel de ses livres, Bardet identifiait la Maïa, mère divine (qui a donné son nom à la Maya, souligne-t-il, et qu'il fallut exorciser dans le nom du mois de mai sous le talon de Marie) il identifie la Kundalini-Shakti au Shatan lové, et au Léviathan de Job. Pour lui tout le yoga était pollué par le matriarcat satanique à travers le tantrisme. Et la porte de sortie de cette aporie pour atteindre le divin authentique se trouvait, selon lui, du côté de la prière perpétuelle chrétienne.
La lactation surnaturelle : Marie Rousseau, une imposture du XXe siècle, et des sources médiévales
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Après notre billet sur le don de lactation d'une mystique controversée, Mme Bruyère, en voici un sur une bienheureuse dont le rôle est approuvé par l'Eglise officielle : Marie Rousseau, née Gournay, fille du peuple de Paris, née en 1596, veuve du marchand de vin et tenancier de taverne David Rousseau, à l'origine de la fondation de Saint-Sulpice et de la sanctification de Saint-Germain-des-Près à Paris, mais aussi de la validation de la mission de Jeanne Mance pour la fondation catholique du Canada français en 1642.
Pour avoir une idée de ses dons on peut se reporter par exemple à la manière dont cette femme littéralement canalisait directement de l'au-delà son volumineux journal intime, voici ce que son ami Olier, en 1642, écrivait (Journal tome II, p. 196-197) :
"Pendant sept ou huit heures entières elle dit qu’elle n’écrit que la moindre partie de ce qu’elle voit, elle dit un mot qui en exprime seize, bref elle n’écrit rien qui la contente, tant la matière qu’elle laisse surpasse celle qu’elle écrit, ce qui est une marque presque infaillible de ses véritables lumières, et surtout au sujet de la très Sainte Vierge. Et ce qui est encore considérable, c’est la manière dont elle écrit étant toujours quasi hors d’elle et tombant en extase en écrivant. Je suis redevable à mon DIEU de la grâce de l’avoir vue en cet état, de l’avoir vue hors d’elle-même avec des souffrances extrêmes, je l’ai vue se plaignant qu’elle ne voyait goutte pour écrire tant son âme était occupée au-dedans et dérobait ainsi aux sens les facultés nécessaires pour le service de cette âme. Je ne vois point de secrétaire du St Esprit plus assuré dedans l’Église hors de ceux que la foi nous propose, mais pour des âmes particulières il n’y a point de marque de fidélité et de soumission plus grandes que celles qui se remarquent en sa façon d’écrire, elle ne se sert point de son esprit, elle s’abstient d’écrire ce qu’elle doute être de Dieu, elle soumet le tout à son directeur très capable, elle n’écrit que dans l’impétuosité d’un esprit intérieur plus vite et plus fort que le sien qui n’ayant rien d’acquis ne mêle rien avec l’esprit DIVIN, bref c’est une merveille qui n’a rien de semblable."
A la différence de Mme Bruyère et de ses disciples, Marie Rousseau ne donnait pas son sein aux bébés (voire à un homme de trente ans...), mais, comme elle, elle matérialisait dans sa poitrine au moins au niveau des sensations le rôle "marial" qu'elle devait jouer sur la Terre. C'est ce qu'a relevé le père Houtin quand il rapporte ces propos d'Olier : « Cette âme, toutes les fois quasi, au moins assez souvent, lorsque Dieu opère par moi au prochain, elle se sent tirée des mamelles, comme si c'était un petit enfant qui tirât du lait de sa mère. Elle se sent le sein enflé et son lait se répandre en moi qu'il lui semble que je dégorge après sur les personnes à qui je parle. »
Pour bien le comprendre, il faut saisir que d'après cette mystique, elle "devient" littéralement la Vierge Marie, comme Olier devient Jésus, et cela se comprend à partir d'un autre extrait des écrits d'Olier qui indiquent à propos de Marie Rousseau : "Elle vit Notre Seigneur venir en moi et me changer en lui et vit encore la Sainte Vierge entrer en elle et la convertir toute en elle".
On peut se demander si Mme Bruyère en donnant ensuite généreusement le sein à ses disciples ne fait pas que pousser d'un pas de plus l'inspiration de Marie Rousseau (diabolique ou pas, on l'ignore, en tout cas, il y avait bien une production surnaturelle de lait). Cette thématique évidemment ouvre une réflexion intéressante sur la dimension sensorielle du mysticisme, notamment du mysticisme féminin. Peut-être une exploitation plus détaillée du volumineux journal de Marie Rousseau qui dort encore à la Bibliothèque Nationale de France nous en apprendrait-elle plus.
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A côté de cette histoire qui relève d'un surnaturel probablement "positif" et exempt de mensonge et d'orgueil, en voici une beaucoup plus douteuse, du moins si l'on se fie au témoignage qui est parvenu jusqu'à nous.
En 1976, une romancière catholique (auteur entre autres d'un livre sur Saint Jérôme comme Régine Pernoud) Yvonne Chauffin et un prêtre de 62 ans docteur en théologie et ancien interne des hôpitaux se sont penchés sur la question de la lactation surnaturelle dans un livre, paru aux éditions Plon, " Le Tribunal du Merveilleux". Le chapitre de ce livre intitulé "La sainte Mamelle" (une fête ancienne - le 17 octobre jadis) a été écrit par Yvonne Chauffin. Il raconte comment, dans une communauté qui instruit 300 adolescente, une femme de 26 ans (appelée pour les besoins de la cause Mélanie, d'un tempérament un peu exalter, alla demander à la mère supérieure de l'allaiter. La religieuse hésite, sachant la chose matériellement impossible, puis accepte d'essayer. "Il n' y a pas de péché. On est entre femmes, écrit Yvonne Chauffin (p. 108). Tout est pur aux purs. La religieuse cède enfin. Elle s'assied, ferme les yeux, se met en prière, relève d'un geste maladroit sa guimpe blanche, dégrafe son corsage noir, en sort en tremblant son sein flasque et quinquagénaire, qu'aucune main n'a caressé, qu'aucune lèvre n'a approché. Mélanie devant elle à genoux, les yeux au ciel, approche goulûment sa bouche entr'ouverte. La montée de lait ne se fait pas du premier coup ! Ce serait trop beau ! Après deux ou trois jours d'efforts répétés, le miracle se produit ! Du sein virginal le lait ruisselle. Il en coule un filet crémeux aux commissures des lèvres de Mélanie."
La mère supérieure troublée se demande si elle doit espérer qu'il se renouvelle. Elle prie. A ce moment-là une lettre arrive d'un missionnaire au Japon, le père Bécourt qui dit connaître depuis longtemps les qualités spirituelles de Mélanie et encourage la supérieure à accepter humblement le phénomène. Et celui-ci se reproduit tandis que le père Bécourt meurt trois mois plus tard. Puis une sommité médicale canadienne qui aurait eu naguère le père Bécourt comme directeur spirituel recommande aussi de poursuivre dans cette voie et la supérieure se décide à écrire au pape. L'évêque dépêche un prêtre enquêteur. La supérieure avoue qu'elle ferme les yeux quand elle donne le lait et qu'elle n'a jamais rencontré ni le père Brécourt ni le médecin canadien. Il interroge Mélanie qui lui apparaît "revêche, mal fagotée, à la parole saccadée". Celle-ci avoue qu'elle avait avait auparavant aussi demandé la têtée à une militante de l'Action française, vieille fille du genre "jument militante syndicaliste" selon Y. Chauffin qui l'avait hébergée et par l'intermédiaire de laquelle elle avait connu la communauté religieuse et que cela n'avait rien donné. Quand il découvre que le docteur Bécourt et le médecin canadien n'ont jamais existé, le prêtre enquêteur comprend que les religieuses ont été bernées par Mélanie, dans la chambre de laquelle d'ailleurs des tubes de lait concentré ont été retrouvés.
Voilà donc deux histoires bien différentes sur l'héritage du rapport chrétien à la lactation.
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En parcourant le Net, je vois aussi que Anselme de Gembloux (XIIe s) écrivit dans sa Continuatio chronigraphiae Sigiberti que dans Cambrai est une ville épiscopale très ancienne et très importante, se trouvait une cathédrale dédiée à la Vierge mère, et qui conservait "une boucle de sa chevelure et du lait de sa sainte mamelle". Il y avait aussi, selon Guilbert de Nogent (1053-1124) du lait de la Vierge dans une colombe de cristal d'or à la cathédrale de Laon. 69 sanctuaires au XIIe siècle revendiquaient la possession de ce lait, dont Sainte-marie de Rocamadour, qui était , selon des clercs, fait en réalité de poudre provenant de la grotte de Bethléem.
L'universitaire suédois Hilding Kjellman (1885-1953) qui exploita le recueil de miracles anglo-normands dans le manuscrit 20 B XIV de l'ancien fonds Royal du Musée Britannique y a trouvé l'histoire de de Fulbert, évêque de Chartres (mort en 1028), qui fut guéri par le lait de la Sainte Vierge. Sur son lit de mort, saint Fulbert reçoit la visite de la Vierge ; il fut rétabli par trois gouttes de son lait dont elle l'arrose et qu'il conserve ensuite pieusement dans le trésor de l'église. En témoignage de sa reconnaissance, il restaura la cathédrale de Chartres. Guillaume de Malmesbury, qu'on a déjà évoqué à propos du Graal, a cité ce miracle dans sa Gesta Regum Anglorum, puis Albéric des Trois-Fontaines ( auteur d'une chronique universelle en latin de la Création à 1241), qui le place en 1022, et en français dans dans le 21e poème de la collection anglo-normande d'Adgar.
Notre Dame ne se contente pas d'arroser, comme en témoigne l'histoire "d'un moine qui souffrait d'une maladie terrible, appelée « Equinancie », sorte de chancre qui lui avait affecté le cou. Mourant il est visité par la Sainte Vierge, qui invisible à tous les assistants lui met sa mamelle dans la bouche. Il en suce le lait bienfaisant, l'enflure du cou disparaît et il est bientôt tout à fait
bien portant."
Le chercheur a trouvé dans un autre document l'histoire de la guérison d'un chancreux combinée dans cette rédaction avec la vision du champ fleuri, après que Notre Dame eût mis son sein dans sa bouche.
Il existe aussi une histoire d'un homme qui se fait religieux ; il passe son temps à des prières et à de bonnes œuvres, et notamment il recommande aux riches de donner de leur avoir aux pauvres et aux orphelins. Le moine appelle lui-même la Vierge qu'il reçoit seul. Elle lui met la mamelle dans la bouche pour qu'il en suce le lait qui le guérit.
Kjellman note que "Gautier de Coincy (1177-1236) consacre à ce même sujet un deuxième récit qui représente une dernière forme des miracles traitant ce thème. Il s'agit d'un clerc qui s'était livré à toutes les joies du monde sans s'occuper de son âme. Il tomba malade, perdit connaissance et fut attaqué d'une horrible frénésie. Dans sa rage, il se mangeait la langue et les lèvres ; sa figure devint tellement méconnaissable que personne n'osait le regarder. La Sainte Vierge lui apparaît cependant, s'approche de son lit, et arrosant de son lait sa bouche et sa figure elle le guérit."
Ce récit se trouve dans plusieurs des grandes collections latines. Paule V. Beterous, docteure ès-lettres, en 1975 après Kjellman les a catégorisés.
On voit bien que Bernard de Clairvaux (1090-1153), qui est né 62 ans après la mort de Fulbert, ne fut pas, selon la tradition, le premier à sucer la Sainte Mamelle, quoique dans son cas, l'originalité tient à ce que ce lait lui apporta le savoir et l'éloquence, et non la guérison, tout comme l'enseignement de Notre Dame apporta à Albert le Grand le savoir scolastique...
Le Santo Daime et le christianisme
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Je lisais dans la revue Nova Religio il y a peu ce compte rendu d'un livre qui analyse la diffusion de la religion brésilienne du Santo Daime en Europe, Christ Returns from the Jungle de Marc G. Blainey.
Cette religion est un culte amérindien syncrétique fondé sur une utilisation sacramentelle d'une drogue enthéogène, l'ayahuasca.
Dans la revue britannique rationaliste New Humanist on lit aussi : "L'objectif du Santo Daime est fondamentalement chrétien. Boire de l'ayahuasca a la même signification pour les membres du Santo Daime que l'Eucharistie pour les catholiques : ils croient qu'ils boivent en Jésus-Christ. Les cérémonies se déroulent selon le calendrier officiel du Santo Daime, avec des « travaux », ou cérémonies, qui ont lieu environ trois fois par mois. Ceux-ci ont tendance à fonctionner du coucher du soleil jusqu'à l'aube. Le thé hallucinogène est administré tout au long, afin que les membres puissent traverser leur vie et revoir leurs erreurs avec une nouvelle compréhension".
On lit aussi dans une page plus favorable à cette religion (sur le site du groupe Chacruna) extraite du livre de Blainey que "certains daimistas façonnent des croix de Caravaca (en forme de croix de Lorraine) à partir de la vigne Banisteriopsis caapi qui est utilisée pour fabriquer l'ayahuasca, ce qui implique qu'en buvant la boisson Daime, on prend le bois de la croix de Jésus dans son corps.". "Le Santo Daime, ajoute Blainey, est une forme « pérenne » de christianisme qui considère les enseignements du Christ comme complémentaires et harmonieux avec la spiritualité indigène et les idées mystiques des autres religions." Evidemment cela rappelle un peu le Christ cosmique du New Age. On lit encore : "la théologie de guérison par la foi de Santo Daime représente l'appropriation stratégique du christianisme par les traditions afro - brésiliennes et indigènes de l'ayahuasca. Pour les daimistas européens, le Santo Daime est en fait un moyen de guérir les maladies de l'égocentrisme arrogant et de l'ethnocentrisme au cœur du projet occidental... Pour eux, le calice du Christ qui arrive maintenant de la jungle amazonienne a été purifié des pollutions colonialistes, un antidote au désespoir égoïste, retournant en Europe à travers le liquide Daime et les enseignements de Mestre Irineu".
Certains initiés de ce culte font pression pour que les agences gouvernementales brésiliennes reconnaissent l'ayahuasca comme "patrimoine culturel immatériel" de ce pays. Évidemment le souci de "désenclaver" la figure du Christ du giron institutionnel ecclésiastique (et peut-être du giron égotique qui façonne sa perception) est intéressante mais l'usage de l'ayahuasca peut être très dangereux, et entraîne des décès chaque année, notamment chez les touristes imprudents... et ce peut être aussi, au niveau spirituel, une erreur de plus semblable à celle du mouvement du Libre-Esprit au Moyen-Age...
Nudité et masculinité sacrée dans un groupe religieux
Comme vous le savez, j'ai publié il y a bien longtemps un livre sur la nudité et je me suis aussi intéressé aux médiums New Age il y a quelques années. Cette semaine Le Point publie un article intitulé "Nudité, jeûne et « cercle magique » : 48 heures à la recherche de ma « masculinité sacrée »", un rapport d'infiltration dans la secte "Mankind Project" de Louis Chahuneau.
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Le groupe a été fondé en 1985 quand les trois membres fondateurs de The ManKind Project, Rich Tosi, Bill Kauth et Ron Hering, ont entraîné avec eux 18 hommes dans un "Wildman Weekend", à Haimowoods, Wisconsin. Aujourd'hui, les retraites s'appellent The New Warrior Training Adventure, et cela regroupe plus de 60 000 hommes. L'organisation est née issue du «mouvement des hommes mythopoétiques», inspiré par la psychanalyse de Carl Jung, et le poète Robert Bly, dont le livre à succès Iron John : A Book About Men fait l'apologie de la masculinité. Le groupe aux USA souligne qu'il n'est pas exclusivement hétéro, mais aussi ouvert aux LGBT. L'ensemble a des relents très New Age et occultistes, avec chez eux des cercles magiques (comme les "néo-sorcières" féministes). Une confirmation du rapport de la nudité au monde invisible...
Sur la notion de passeurs d'âmes dans le langage des "thérapeutes"
J'ai raconté dans mon livre "Les Médiums" la première canalisation qui fut faite pour moi le 1er décembre 2014 au nom d'une entité qui se faisait appeler Isis et qui disait :
« Nous te connaissons. Nous savons que tu as été guérisseur, homme médecine, car tu as été égyptien. Tu as suivi les âmes. Tu as su aider les âmes également. Tu as mis ta médecine au service du peuple. Tu as le droit maintenant, dans ce siècle, de rééditer cette expérience merveilleuse qu’est la médecine. Elle peut-être apportée, à travers le monde végétal, animal et minéral. En tant que médecin égyptien, tu as su pratiquer des médecines dites ésotériques, ce qui t’a valu la foudre du roi. Maintenant ton âme est prête à accueillir cet enseignement qui est cristallisé dans ton âme et ton ADN. Continue tes recherches dans ce domaine pour que tu puisses communiquer avec ton âme. Lâche prise sur le quotidien – aide toi de la méditation. Cristallise ce qui se trouve au niveau de ton plexus solaire. Tu as cette capacité d’appeler les défunts, d’être en communication avec eux. Tu es ce qu’on appelle un passeur d’âmes. Cette capacité aide les âmes à passer sur leur plan originel quand *est déplacé son terme* mais aussi à ce que tu puisses être une passerelle entre le monde invisible et le monde visible. Accepte cette capacité qui est omniprésente en toi, d’où ta dualité. »
Après ma conversion catholique en 2015, je n'ai plus attaché trop d'importance à ce "channelling", y voyant plutôt une sorte d'incitation au spiritisme qui ne me paraissait pas du tout saine. Cependant mon travail sociologique sur les médiums me poussait à continuer d'écouter de temps en temps les "praticiens" de la médiumnité qui continuaient à parler le langage du New Age, je me souviens avoir entendu Stéphane Allix de l'INREES (un institut qui boycotte largement mes travaux, mais c'est normal, vu leurs présupposés dogmatiques), dire que beaucoup de gens étaient assez embarrassés par le fait qu'on leur avait dit qu'ils étaient passeurs d'âmes sans savoir quoi en faire.
Au fil du temps depuis huit ans, j'ai appris à faire un peu le "tri" entre le bon et le mauvais rapport aux morts, à travers le témoignage de Saint Augustin ou les phénomènes concernant le Padre Pio notamment. Et, comme une conversion n'empêche pas de continuer à tenter de se connaître soi-même (même si c'est désormais par l'intermédiaire de Dieu et de ses révélations), je me suis interrogé sur les moments de ma vie où j'ai pu aider des gens au seuil de la mort, ou recevoir "quelque chose" de personnes défuntes (ne serait-ce que sous forme de synchronicités), ce qui ne va pas forcément à l'encontre des dogmes sur l'existence de l'Enfer, du Paradis et du Purgatoire (lequel n'est d'ailleurs pas forcément un lieu). Et j'ai aussi pu continuer à examiner (avec si posisble du discernement bien sûr) ce que j'avais ou non comme don dans les mains, dans le plexus solaire etc,, à travers des rencontres qui m'incitaient à le faire (y compris des rencontres dangereuses d'ailleurs car tout cela n'est pas un long fleuve tranquille).
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Hier j'écoutais cette interview de cette dame, Valérie, ancienne élève d'école de commerce qui a grandi dans le catholicisme (le catéchisme jusqu'à 18 ans), a travaillé dans la com', l'audit financier et la RH, avant de s'initier aux mondes subtils par la radiesthésie (elle raconte ici comment dans ce cadre elle a découvert à la suite d'un de ses rêves qu'elle avait pu aider un de ses camarades de formation dont le frère était décédé récemment), puis a choisi une voie de "coach thérapeute" en cochant de nombreuses cases de l'ésotérisme et des pratiques à la mode dans le New Age (même si elles ne sont pas exclusivement New Age) : qi qong, yoga Iyengar, kundalini yoga, PNL, géométrie sacrée, sophrologie, chromothérapie, sonologie etc (elle fait aussi référence à l'alchimie, mais je suppose sur un plan seulement métaphorique).
Je trouve intéressante la manière dont elle définit ce que peut être une fonction de "passeur d'âmes" ici bas, indépendamment du rapport aux défunts, dans le sens d'aider les gens à franchir des caps (et je crois que même la guérison physique des personnes est principalement une façon parmi d'autres de leur permettre de franchir des caps, de passer à d'autres phases de leur vie). La manière dont elle esquisse, semble-t-il sur une base empirique, un profil-type du passeur d'âmes comme une personne qui a vocation à fédérer les gens, les mettre en réseau, et quelqu'un qui a beaucoup de dons, mais peut avoir peur de ces dons, ou les utiliser de façon maladroite et avoir tendance à se mettre beaucoup en retrait est aussi instructive. Et il est aussi très bon qu'elle mettre en garde les gens attirés par cela contre la tentation qu'ils peuvent avoir de se sentir "obligés" de devoir sauver, voire même aider les autres, et que cette polarisation sur un mot "vous êtes un passeur d'âmes", n'entrave en fait leur réalisation spirituelle, ce qui diminue leurs aptitudes à agir sur d'autres plans, voire sur tous les plans.
Cependant j'ai le sentiment qu'elle ne tient pas correctement l'équilibre entre le divin et le terrestre. Précisément parce qu'elle pense la problématique à partir d'une vocabulaire issu d'un mélange de théosophie, de bouddhisme etc, qui fait l'impasse sur 2 000 ans de Révélation qui ont forgé l'Europe. Simplement "parce qu'on serait passé à l'Ere du Verseau", elle "zappe" ce que précisément cette Révélation apporte de plus puissant à l'âme que ce bricolage païen antique sur la numérologie, la géométrie sacrée ou que sais-je encore. Bref, l'héritage spirituel est insuffisant. Bien sûr, le travers inverse qui consiste à abdiquer ses dons en se noyant dans la régurgitation des textes sacrés ou la récitation incessantes de prières vides n'est pas non plus recommandable et se révèle totalement stérile. C'est un excès opposé. Mais dans son cas, c'est son enlisement dans les catégories du Nouvel Age qui me paraît problématique.
Un cas de télépathie arrivé à Goethe
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Goethe se promenait un soir d'été pluvieux avec son ami K., revenant avec lui du Belvédère, à Weimar. Tout à coup le poète s'arrête, comme devant une apparition, et allait lui parler. — M. K. ne se doutait de rien. — Soudainement, Goethe s'écria :« Mon Dieu I si je n'étais sûr que mon ami Frédéric est en ce moment à Francfort, je jurerais que c'est lui !... » Ensuite il poussa un formidable éclat de rire. — « Mais, c'est bien lui... mon ami Frédéric I Toi ici, à Weimar? Mais, au nom de Dieu, mon cher, comme te voilà fait, habillé de ma robe de chambre... avec mon bonnet de nuit... avec mes pantoufles aux pieds, ici, sur la grande route ? ... » K. ne voyait absolument rien de tout ceci, et s'épouvanta, croyant le poète atteint subitement de folie. Mais Goethe, préoccupé seulement de sa vision, s'écria, en étendant les bras: « Frédéric I Où as-tu passé... Grand Dieu !... mon cher K... n'avez-vous pas remarqué où a passé la personne que nous venons de rencontrer? »... K., stupéfait, ne répondait rien. Alors le poète, tournant la tête de tous les côtés, s'écria d'un air rêveur : « Oui! je comprends... c'est une vision... Cependant, quelle peut être la signification de tout cela? Mon ami serait-il mort subitement?... serait-ce donc son esprit ? »
Là-dessus Goethe rentra chez lui, et trouva Frédéric à la maison... Les cheveux se dressèrent sur sa tête : « Arrière, fantôme I » s'écria-t-il en reculant, pâle comme un mort. — Mais, mon cher, est-ce là l'accueil que tu fois à ton plus fidèle ami ?... — Ah l cette fois, s'écria le poète, riant et pleurant tout à la fois, ce n'est pas un esprit, c'est un être de chair et d'os », et les deux amis s'embrassèrent avec effusion. Frédéric était arrivé au logis de Goethe, trempé par la pluie, et il s'était revêtu des vêtements secs du poète; ensuite, il s'était endormi dans son fauteuil et avait rêvé qu'il allait à la rencontre de Goethe et que celui-ci l'avait interpellé avec ces paroles (les mêmes que celles qu'avait prononcées le poète) : « Toi ici, à Weimar?... Quoi?... avec ma robe de chambre... mon bonnet de nuit... et mes pantoufles, sur la grande route ?... » De ce jour, le grand poète crut à une autre vie après la vie terrestre.
L'abbaye Notre Dame au Nonnains de Troyes et les vestales...
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Dans "Sur la route sociale", le franc-maçon André Lebey écrivait en 1909 (p. 55) : C'est à Troyes, une des cités les plus religieuses de France, qu'a été fondé l ordre du Temple, par Hugues des Payens. Une des premières sociétés maçonniques qui s'y établit s 'appela: Loge des Chevaliers Saint-Jean de la Palestine. Parmi les couvents nombreux qui s 'y perpétuèrent, le plus célèbre fut celui de Notre-Dame aux Nonnains, — remplacé par la préfecture qui passa toujours pour abriter une survivance des cultes du paganisme en même temps que certaines pratiques des prêtresses druidiques. "
L'histoire de cette abbaye m'a intrigué car elle est l'actuelle préfecture où j'ai travaillé pendant 6 mois, il y a bien longtemps.
L'abbé Charles Lalore, professeur de théologie au grand séminaire de Troyes, écrit en 1874 à son sujet (p. 151) :
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L'abbaye royale de ND de Troyes a tiré l'origine de son établissement des Vestales qui étaient à Troyes où elles gardaient le feu sacré, hors les portes de Troyes. Elles y étaient nombreuses et avaient à leur tête une princesse de sang royal qui avait dans cette ville trois châteaux superbes. Saint Pierre y dépêcha Saint Savinien qui convertit en premier lieu les vestales, après quoi la princesse donna un de ses châteaux pour faire un évêché (et d'ailleurs elles demandèrent un évêque au roi), le second à la vicomté ou hôtel de ville, le troisième, elle se le réserva avec un terrain sur lequel étaient bâties toutes les maisons des vestales, qui étaient autour de leur temple, qu'elles dédièrent à Notre Dame après leur conversion (sans jamais avoir éteint le feu). L'abbé Lalore observe qu'il ne se peut que les vestales aient été ailleurs qu'à Rome, ni que leur temple fût hors des murs de la cité, et que St Savinien de Troyes est mort eu IIIe siècle. Il pointe qu'il est évident que l'histoire télescope plusieurs époques, parle du blason des trois châteaux omniprésent dans le couvent au XVIe siècle qui a pu servir de fondement à la légende.
Avant lui, Auguste Vallet de Viriville, auteur de méditations profondes sur la féminité en Occident, avait avancé que peut-être il y avait là le souvenir du temps où des chanoinesses séculières (comme au temps de St Geneviève, précise-t-il) avaient pu instituer le culte de la Vierge Marie, cette origine purement féminine du culte pourrait expliquer qu'ensuite les religieuses du couvent étaient investies lors de l'intronisation des évêques du privilège singulier de lui donner, dans l'enceinte de l'abbaye, ses vêtements sacrés. Puis l'évêque jurait sur le texte des Evangiles en parchemin, coutume attestée jusqu'au XVIIe siècle (Vallet de Viriville cite d'autres exemples de participations de bonnes soeurs à des rituels épiscopaux, à Rouen, en Italie...).
Peut-être est-ce dans cette pratique des bénédictines que Lebey voyait l'empreinte des "prêtresses druidiques" (qui seraient les soi-disant "vestales"), mais ce sont des éléments tout de même assez ténus. Il y a là en tout cas des éléments intéressants pour une étude de la spiritualité féminine en Gaule. Et d'un point de vue anthropologique, la place des nonnes dans l'investiture de l'évêque renvoie à cette problématique compliquée analysée par Michelet de la tension entre la femme et le prêtre, et du rapport masculin-féminin dans la religiosité.
Adamisme et théorie des champs morphiques
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J'ai déjà évoqué sur ce blog la théorie des champs morphiques de Rupert Sheldrake, qui explique comment, lorsqu'une mésange apprend à décapsuler une bouteille de lait sur le pas du porte en Angleterre, d'autres mésanges ailleurs dans le monde vont se mettre à faire de même alors qu'elles n'ont pas réellement bénéficié d'une transmission ou d'un apprentissage. Cette théorie, qui ne cadre pas avec les cadres rigoureux de la science objectivable, permet d'expliquer pourquoi diverses inventions chez l'être humain apparaissent à divers endroits du Globe au même moment.
On a vu qu'en France dans les années 1620 à 1640 des phénomènes adamites ont été constatés dans un couvent franciscain de Louviers (avec le cordelier Pierre David) puis à Toulouse (avec le jésuite Jean de Labadie) On sait aussi que les quakers firent de même en Angleterre dans les années 1660, mais avant eux, dans ce même pays, il y eut, dans les années 1630-1640, un mouvement adamite que les Eglises chrétiennes n'identifiaient à aucun courant connu. En attestent des opuscules comme The Adamite sermon d'Obadiah Couchman (1641) ou A new sect of religion descryed, called Adamites deriving their religion from our father Adam de Samoth Yarb/ Thomas Bray (1641).
La transmission directe d'un "penchant" pour le nudisme entre des couvents catholiques et l'Angleterre anglicane ou réformée est peu probable. On peut bien sûr soutenir que les uns et les autres ont pu "baigner" dans l'ambiance de la Réforme qui a pu favoriser le Mouvement du Libre Esprit, plaisamment caricaturé d'ailleurs par l'archevêque d'Avignon (voyez Le Fouet des Paillards) - et l'on se souvient d'ailleurs de la protection accordée par Marguerite de Navarre à Poque et Quintin chez qui on voit des préfigurateurs du libertinage). Mais pourquoi est-ce que ce "Mouvement du Libre Esprit" aurait pris spécifiquement la forme de l'adamisme, c'est-à-dire un retour à la nudité qui se veut ordonné au christianisme (et non pas un mouvement pur et simple vers la débauche comme précédemment) la vague idée d'un simple "imprégnation" dans toute l'Europe d'un esprit d'innovation lié à la Réforme ne permet pas d'en rendre compte...
Si l'on admet la théorie des champs morphiques, et l'idée que le sursaut de l'adamisme dans un couvent français peut rejaillir sur des protestants dissidents en Angleterre, alors cela peut avoir de très fortes implications pour la responsabilité individuelle de chacun. Car à la fois cela signifie que les pensées et comportements de chacun d'entre nous sont profondément influencés par des représentations et phénomènes qui sont "dans l'air du temps" (et je crois qu'à la base de notions philosophiques comme Weltanschauung, epistémé, etc il y a de cela) mais aussi que chacune de nos pensées ou chacun de nos comportements, comme la première initiative de la mésange pour percer une capsule de bouteille de lait, peut avoir des résonances ailleurs dans le monde. Un peu comme un signal que l'on envoie dans la matrice culturelle humaine qui enveloppe la planète, et qui trouvera des échos les plus inattendus, sous une forme purement mimétique ou déformée par d'autres influences.
Je crois que le phénomène de renoncement au monde que décrit en ce moment Pascal Bruckner pour la période actuelle dans "Le Sacre des Pantoufles" par exemple participe aussi potentiellement d'un champ morphique, même si celui-ci peut être plus visiblement renforcé par des messages médiatiques planétaires qui n'existaient pas quand l'adamisme bourgeonnait de façon sporadique en Europe. Pour moi le culte de Marie-Madeleine au XIXe siècle qui fait que la même année (1858-59) où le RP Lacordaire écrit sur cette sainte "à qui beaucoup a été pardonné parce qu'elle a beaucoup aimé", le socialiste Pierre Leroux en exil dans La Grève de Samarez écrit à peu près le même chose. Par delà les "petits cailloux" qu'avait semé le saint-simonisme autour de Marie-Madeleine dans les années 1820-1830, il y a peut-être quelque chose qui relève des champs morphiques dans la manière spécifique dont le thème "surgit" à l'esprit de ces personnages très différents au seuil de leur vie.
Omraam Mikhaël Aïvanhov et la nudité
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Il y a aussi dans ces chapitres une vision très catégorique de l'exhibitionnisme féminin qui, selon lui serait naturellement plus fort que celui des hommes, du moins chez celles qui se savent belles, ce qui était aussi la conception, à la fin du XIXe siècle, de la féministe belge Céline Renooz. Questions qui je suppose ne se posent plus trop sous les nuages de la théorie du genre et de la guerre des sexes à la mode aujourd'hui mais qui reviendront peut-être un jour.
Bruno Gröning dévoyé ?
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Vous vous souvenez peut-être qu'en mars 2020 je vous avais livré un compte-rendu d'entretien avec une responsable du Cercle Bruno Gröning en France. Le 6 juin dernier j'ai eu une conversation téléphonique de plus de deux heures avec une lectrice de ce blog de 47 ans qui avait un témoignage intéressant à fournir sur le sujet. Comme j'avais insisté dans mon billet sur le côté "New Age" des cercles B. Gröning, elle a tenu à souligner que Gröning, lui, s'en référait à Jésus, non pas le "maître ascensionné" des new-agers, mais le vrai "fils de Dieu", et elle a attiré mon attention sur une vidéo d'un certain Thomas Busse, disciple de cette mouvance, qui racontait comment la famille du maître avait systématiquement gommé les références chrétiennes de Gröning, y compris le crucifix qu'il portait au cou, pour donner une portée universelle à son culte, et notamment ne pas heurter les sensibilités en Israël où le cercle a aussi une antenne.
On peut remarquer d'ailleurs que cette dame avait aussi eu une expérience forte avec le martinisme et les fidèles de Maître Philippe de Lyon, qu'elle connaissait beaucoup de choses sur l'alchimie, le reiki et la Sainte Baume, et qu'elle avait une dette spirituelle à l'égard de Saint Païssios, ce qui en faisait sur bien des points une interlocutrice idéale pour moi à la confluence de nombreuses recherches qui me tenaient à coeur. N'était que, dotée de dons spirites de naissance (dont elle avait fait preuve notamment quand elle avait travaillé comme archéologue), frappée d'une maladie neurologique grave due à des antibiotiques et amplifiés par une piqûre de guêpe à l'Assomption de 2016, elle développait une sorte de méfiance généralisée (avec toutes les inspirations invisibles qui vont avec) qui ne permettait pas un dialogue fructueux. J'ai trouvé personnellement utile son insistance sur le christianisme de Gröning et sur la nécessité qu'il y avait de se demander "pourquoi l'apparition de ce guérisseur à grande échelle dans l'Allemagne terriblement meurtrie de l'après-guerre?".
Je sais qu'il y a parfois des entrelacements complexes entre le christianisme et diverses formes de magnétisme, de médiumnité, voire de spiritisme. A preuve cet épisode étrange de la rencontre du Padre Pio avec la médium spirite Madame Bouvier évoqué par le spirite Reynald Roussel (j'ai eu d'ailleurs un échange de courriel avec lui dans lequel il me confirme avoir eu la preuve de la rencontre, mais pas évidemment du contenu des propos tenus). Il me trotte dans l'esprit que peut-être (je l'avance avec beaucoup de prudence) les guérisseurs, comme d'ailleurs les spirites, peuvent être des sortes d' "antichambres" de la vraie foi, et, dans cette mesure, ne doivent pas être totalement condamnés ; qu'il faudrait peut-être simplement inciter leurs clients à "passer à autre chose", franchir un pallier au dessus, avant que cela ne les tire plus bas. La lectrice du blog reconnaissait que, quand bien même elle restituait à Gröning sa dimension chrétienne, elle reconnaissait que le principe même de l'adhésion aux cercles orientait plus vers le culte de Gröning lui-même que vers l'adhésion à Jésus-Christ. J'ajouterais pour ma part que le fait que les cercles acceptent des dons (ce que par exemple Saint Païssios, lui, refusait) ou qu'ils promeuvent l'enlacement des arbres n'est pas très bon signe non plus. On conçoit que quand on a une maladie grave et que les prières ne servent à rien, on finisse par se tourner vers des guérisseurs. C'est d'une certaine façon ce que j'ai fait en 2014. Cependant, avec le recul, j'inciterais plutôt tout un chacun, pour se guérir, à surtout se repentir de ses péchés, et notamment des péchés instillés par la culture du monde actuel (par sa musique par exemple, par ses médias etc), apprendre à mortifier sa chair, à reprendre une place humble dans une Eglise (protestante, orthodoxe, catholique), mener une vie de famille ordinaire et scrupuleuse (éventuellement même se livrer à des activités manuelles comme le préconise St Paul), respecter le décalogue, plutôt que d'aller chercher des secours "magnétiques" ou "spirites" dont le contenu reste suspect.
La sentiment de pudeur n'aurait pas qu'une origine visuelle
J'ai souvent insisté, quand j'écris sur le rapport entre nudité et spiritualité en Occident, sur la dimension visuelle de la nudité à l'égard des anges (notamment des anges déçus).
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Or je tombais hier sur une remarque intéressante de Salomon Reinach (1858-1932) sous un article intitulé "Les sycophantes et les mystères de la figue", publié la revue des études grecques de 1906 puis dans le recueil "Cultes, mythes et religion".
Je n'épiloguerai pas sur la figue sur le thème de la figue à propos duquel le kabbaliste Cohen Alloro dit des choses intéressantes.
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Signalons simplement cet addendum de Reinach qui,fait référence à une lettre , paru dans la Revue archéologique de 1907, intitulée The Pharmakoi and the story of the fall que William Roger Paton (1857-1921) lui a adressée. Cette lettre trace une analogie entre l'expulsion d'Adam et Eve du paradis terrestre dans la Genèse et un rituel grec archaïque d'expulsion d'une femme et d'un homme nus de la cité.
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Il existe en Grèce un rituel ancien (Reinach y insiste : un rituel plus qu'un procédé technique car on ignore si cela fonctionne) dit de caprification (de capri-ficus en latin : figuier-bouc) : pour faire mûrir la figue du figuier cultivé, on le considère comme une femelle, et on le soumet à l'influence de fleurs et de branches de figuiers sauvages (supposés être mâles) qui nourrissent des pucerons qui percent de trous la surface du fruit cultivé et en facilitent la maturation (ça c'est Pline qui l'explique tardivement dans une forme de rationalisation). On trouve un analogue dans des bas-reliefs assyriens où un génie ailé féconde un dattier. C'est une hiérogamie. Or à Athènes, au mois de thargelion (au printemps), deux victimes appelées "pharmakoi" étaient conduites en dehors de la ville nues en portant des colliers de figues sèches : noires pour la victime masculine, blanches pour la féminine (selon Helladius). Les Pharmakoi étaient frappés sept fois avec des branches de figuiers sur les parties génitales, rituel qui pouvait être censé les rendre féconds à l'origine puis avoir revêtu avec le temps une dimension expiatoire.
Paton, réagissant aux premières remarques de Reinach sur les origines du mot sycophante (qui vient de "figue") rapproche ce rituel expiatoire du verset de la Bible à propos d'Adam et Eve : « Les yeux de l’un et de l’autre s’ouvrirent, ils connurent qu’ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures », dit la Bible (Gen 3, 7). Ce verset qui manifeste les origines de la pudeur, note-t-il, en le reliant à la fécondité des figues, invite à penser que celui-ci sert surtout à protéger les orifices par où l'être humain procrée (ce qui explique que les peuples qui vivent nus n'imposent une tablier aux filles qu'après leur puberté, idem pour l'étui pénien des garçons) parce que, selon la mentalité primitive, des mauvais esprits pouvaient être tentés de s'y infiltrer, ce qui pouvait nuire à la santé de la descendance.
Il ajoute que cette idée de l'entrée des esprits par les orifices est souvent étendue au delà des orifices génitaux. Un hymne chrétien dit que la Sainte Vierge fut fécondée par une oreille (quae per aurem concepisti) et pour la même raison les femmes musulmanes couvrent leur bouche (Edwin Sidney Hartland, The Legend of Perseus).
Voilà une approche à laquelle je n'avais pas pensé.
Mon article "nudité et spiritualité" dans la revue "La Vie au Soleil"
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Dans la revue "La Vie au Soleil" de mai 2022, je publie un article d'une page qui rebondit sur mon enquête consacrée aux médiums publiée en 2017 et pose quelques questions sur le rapport entre nudité et sorcellerie, nudité et ascèse etc. Il est accessible in extenso en cliquant sur ce lien.
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