Fin de vacances
Je m'amuse devant le silence embarrassé de toutes les personnes (notamment les intellectuels dominicains et le curé de Saint-Maximin) devant mon livre sur Lacordaire, que je leur ai adressé par la poste au printemps. Cela n'a de toute façon aucune importance. On n'écrit pas en fonction d'un lectorat.
Le romancier Grégory Bernard m'ayant récemment encouragé à retourner à ma biographie de Leroux que je fais traîner en longueur depuis plusieurs mois, je m'y suis un peu remis aujourd'hui, et suis tombé sur un charmant article de Clemenceau en "une" du Journal de 1896 que l'on peut lire ici. Il y a comme une nostalgie du futur "tigre" alors quinquagénaire, à l'égard du temps de Leroux, comme il y en avait chez Leroux à l'égard du temps de Saint-Just. Clemenceau insiste sur l'intégrité de Leroux et son absence d'égoïsme. Ses vertus n'allaient effectivement pas trouver d'égal à gauche sous la IIIe République...
Je découvre aussi une délicieuse préface de Leroux aux fables de Lachambeaudie.
"Cette foi est la mienne" de Simone Weil : une dévotion païenne à la Terre mère ?
Un ami m'a passé ce mois-ci le petit livre de la philosophe Simone Weil "Cette foi est la mienne" réédité en 2020, qui est en fait une lettre à un religieux qu'elle a rédigée en 1942. Je dois ici en dire un mot. Sa lettre comprend 35 points qui lui paraissent cruciaux sur la question du christianisme et du salut de l'âme, points dont certains incluent des opinions qu'elle qualifie de "douteuses" c'est-à-dire qu'il "n'est pas légitime de les nier catégoriquement", du fait qu'on ne peut savoir clairement si elles sont ou non incompatibles avec le dogme catholique. Elle les expose avec clarté, humilité et sincérité. Il conviendrita donc d'essayer de les aborder avec les mêmes vertus.
Le point 1 de son exposé, disons le tout de suite, est de ceux qui me persuadent le moins et me posent le plus de problèmes. Il s'agit d'une charge contre le Dieu d'Israël, présenté comme un Dieu guerrier assoiffé de sang, qui s'accompagne aussi d'une critique des prophètes antérieurs à Daniel "souillée de choses atroces". Cette charge s'effectue au nom d'un esprit de douceur et de charité dont les esprits païens (y compris les Egyptiens) auraient été mieux dotés que les Hébreux.
C'est là, soulignons-le, une critique assez habituelle du monothéisme depuis Voltaire et qui emplit l'ambiance néo-païenne de notre époque aussi.
A ce sujet on peut observer ceci. La soif de massacre telle qu'elle se révèle dans divers ouvrages comme le Livre de Josué, n'est pas l'apanage du peuple hébreu à l'époque de la sortie d'Egypte. La stèle de Tel Dan dont on parlait il y a peu montre qu'elle est symétrique de celle de leurs ennemis idolâtres.
Que Dieu laisse s'exprimer cette pulsion dans le livre censé porter sa parole n'est pas en soi le signe qu'il est un Dieu mauvais, mais peut simplement signifier qu'il y a une historicité de la révélation, historicité qui ne fait primer la douceur et la modération sur la violence qu'à partir d'Isaïe (ce qui a peut-être à voir avec l'âge axial de Jaspers, époque où l'individu commence à être simultanément valorisé dans plusieurs civilisations). La question d'ailleurs se pose jusqu'à quel point l'historicité de cette révélation perdure, puisqu'il est dit dans le Nouveau Testament que d'autres vérités seront révélées à la fin des temps (et toute la problématique du modernisme dans l'Eglise tient dans cette question très délicate, qui place toujours l'évolutionnisme à la limite de l'hérésie, puisque l'innovation peut toujours faire la part belle à Satan si elle est menée sans discernement). Le fait que Dieu ne pouvait tout de suite se révéler d'emblée comme un Dieu de douceur à un peuple cerné par des ennemis qui voulaient l'anéantir ne signifie pas qu'il fût particulièrement cruel.
En outre il faut intégrer un paramètres très important à cette dimension "guerrière" du Dieu d'Israël. C'est que derrière la guerre physique il y a une guerre spirituelle. C'est ce que signifie par exemple Rachi de Troyes dans son commentaire du psaume 91, quand il souligne que l'expression "que mille tombent à ton côté et dix mille à ta droite" fait référence à des démons. Et effectivement les découvertes de Qumran ont révélé que ce psaume était employé dans un contexte d'exorcisme. Et divers spécialistes des religions comme Salomon Reinach en son temps ont pu faire observer que dans ce psaume les démons sont aussi désignés sur un mode codé à divers endroits : lorsqu'il s'agit de la flèche qui vole pendant le jour, de la peste qui marche dans les ténèbres... Que la "guerre sainte" de l'Ancien testament ait une dimension méta-naturelle, beaucoup d'exégètes l'ont compris, comme je l'ai montré dans mon livre sur les Nephilim, à partir d'une lecture serrée de Genèse 6:1-4, de ses échos dans l'histoire des Géants en pays de Canaan, et d'un détour par le livre d'Hénoch dont les théories sur les anges déchus, qu'on le veuille ou non, sont bien reprises dans le Nouveau Testament, dans les lettres de Jude et de Pierre, qu'on attribue cela à une influence essénienne ou à autre chose : cela fait partie des Ecritures. Dans cette lecture, la poursuite du génocide (qui a valu à Saül, premier roi d'Israël, de perdre son onction parce qu'il ne l'avait pas prise au sérieux) n'est pas seulement défensive : elle est aussi nécessaire pour purifier la Terre de l'ADN des Nephilim comme le Déluge n'avait pas permis de le faire.
Qu'on suive ou non cette lecture littéraliste jusqu'à ses ultimes conséquences, on ne peut nier qu'il se révèle à travers elle, dans une dissection très minutieuse des versets de la Bible, des dimensions très inattendues de la guerre dans l'Ancien Testament à côté de laquelle Simone Weil, par vanité intellectuelle (parce qu'elle ne suspend pas assez son jugement devant un texte rempli de mystères), passe complètement.
Du coup, la volonté de gommer la guerre dans la religion est à son tour suspecte. Placer la charité au dessus de toute les vertus, peut revenir à désarmer le croyant dans le combat spirituel, et c'est précisément ce que cherche à faire l'Antéchrist avec son idéal de "tolérance".
Certes le sacrifice méthodique de la deuxième personne de la Trinité divine, agneau de Dieu, sous le gouvernement de Ponce Pilate pose aujourd'hui différemment la donne du combat spirituel, et la problématique de l'effacement de la descendance des beni elohim dans le monde matériel, dans la mesure où le sang versé sur la croix rachète tous les péchés si l'on prend part (à divers niveaux) au sacrifice. Pour autant Jésus n'étant pas venu abroger la Torah mais la réaliser (Matthieu 5:17) ni apporter la paix mais le combat (Matthieu 10:34), condamner les principes guerriers de l'Ancien Testament, s'évère extrêmement dangereux. Et d'ailleurs l'Apocalypse porte en lui un grand retour, final, de cet esprit guerrier.
Il est vrai que le combat, implacable contre les démons (les siens et ceux des autres), doit se faire dans la plus grande charité pour les êtres de chair qui nous entourent : ça c'est Saint Paul qui nous le dit (Ephésiens 6:12), car sans charité le coeur se racornit et le courant de la grâce ne passe plus (1 Corinthiens 13:1), mais refuser le combat au nom de la charité conduit clairement à capituler devant Satan. C'est pourquoi d'ailleurs le commandement d'obéissance à Dieu et d'amour de Dieu prime sur celui d'amour du prochain dans le message de Jésus comme dans le décalogue (Matth 22:36-40).
2ème point : "Ce que nous nommons idolâtrie est dans une large mesure une fiction du fanatisme juif" "Baal et Astarté étaient peut-être des figures du Christ et de la Vierge" etc.
On retrouve au point 2 le prolongement des erreurs du point 1. La haine du passé juif de la Révélation aveugle la philosophe au point de voir dans le Christ et la Vierge des répliques du couple Baal-Ishtar/Astarté dont j'ai montré sur la base d'un mémoire Gregory Dean en octobre 2015 ici, comment il reposait sur une dualité violence/magie sexuelle (avec la célèbre hiérodulie décrite par Hérodote), c'est-à-dire à dire en dernière analyse la sorcellerie : la manipulation de forces invisibles émanant de la Terre dont la révélation monothéiste nous a effectivement affranchis. Ironiquement le lien Marie-Astarté tracé par Simone Weil pour valoriser Astarté rejoint la continué Sémiramis-Ishtar-Marie tracée par les protestants pour disqualifier la Sainte Vierge. On ne peut pas nier que cette continuité existe dans l'iconographie, et cela pose problèmes quant aux forces spirituelles sous lesquelles on se place dans l'univers catholique (ce qui a conduit d'ailleurs semble-t-il a diminuer le rôle de la Sainte Vierge dans la messe catholique après Vatican II, comme le rôle des saints avait été réduit après le concile de Trente, grand concile de la contreréforme du XVIIe siècle).
Il y a dans cette tentative de réhabiliter le paganisme une volonté qu'on retrouve chez beaucoup de normaliens catholiques (y compris récemment chez Boutang et quelques autres), de "sauver leur Platon et leur Virgile", conserver quelque chose de la sagesse antique dans la révélation chrétienne - Bourdieu y aurait vu un symptôme de "scholastic view" et de volonté de sauvegarder la valeur d'un capital culturel acquis au prix de lourds sacrifices de jeunesse. Déjà ce mouvement est chez Saint-Augustin et il est dans la Bible : lorsque Saint Paul à Athènes rend hommage au chamane crétois Epimnide (voyez mon billet ici). La question de savoir si les civilisations païennes, y compris d'ailleurs celles qui portent les "sagesses asiatiques" qui maintenant contaminent le christianisme à travers le New Age, étaient sur certains points inspirées par l'Esprit saint avant la Révélation ou en dehors de celle-ci a été examinée par les théologiens pratiquement à chaque génération, et encore de façon éclatante dans une controverse impliquant les jésuites en Sorbonne en 1700.
Comme on va le voir c'est une question très difficile, mais qu'il faut surtout éviter de traiter avec un a priori de départ qui entraîne ensuite des biais d'analyse. Or Simone Weil ne craint ni les a prioris ni les biais qui en dérivent.
Ainsi si dans Colossiens 3:5 St Paul explique que la convoitise est "une idolâtrie", Simone Weil s'en empare pour qualifier d'idolâtre Israël parce que, dit-elle, "la véritable idolâtrie est la convoitise" et il y aurait convoitise dans l'apologie de soi-même comme peuple élu. Mais, tout comme le christianisme ne met pas le commandement de charité envers le prochain au dessus de celui qui impose d'aimer Dieu, jamais Paul n'a érigé la convoitise (qui est un péché envers le prochain) en critère "véritable" de l'idolâtrie. Il a seulement montré que non contente d'atteindre le prochain, cette convoitise vise aussi Dieu et en cela elle est idolâtre. Mais en plaçant une fois de plus la relation avec autrui (comme dans la charité) avant le rapport à Dieu, Weil fait de son christianisme une religion du monde, une religion horizontale, religion de la Terre, dans laquelle la faute envers autrui devient la faute cardinale. On sait d'ailleurs d'où vient ce primat de l'horizontalité, du relationnel humain : de la passion politique, qui a gagné les peuples européens après la révolutionnaires, et qui est devenue idéologiquement hégémonique dans l'humanisme du XXe siècle dont Weil est une des figures de proue (or l'humanisme a été condamné par l'Eglise comme une erreur théologique).
Et parce que cette philosophe place l'horizontalité au dessus de tout, autrui et la Terre comme critère majeur de tout Bien moral, elle pourra ensuite aimer avec fougue le paganisme, et omettre au passage la sorcellerie (celle d'Ishtar que dénonce le Livre de Nahoum dans l'Ancien Testament), émanation par excellence de la Terre (les médiums sont bien placés pour le savoir), qui infeste toute cette religion "naturelle".
Il faut que la Rédemption ait été à l'oeuvre dès le début, sans quoi ce serait injuste pour ceux qui ont précédé Jésus. D'ailleurs dit Weil, il est question de l' "agneau qui a été égorgé depuis la fondation du monde"(Apocalypse 13:1-8)... Sauf qu'on n'est pas sûr que cet agneau dont parle l'Apocalypse à propos du livre de Vie soit Jésus, et ils périlleux de déduire un critère de justice divine d'un raisonnement humain... même s'il est vrai que notre statut potentiel de Fils de Dieu, ayant quelque chose de l'image de Dieu en nous doit permettre à notre Raison de saisir quelque chose de la volonté et de la justice divine (ce que Vico appelait le Vero factum).
Je passe le point 3 qui n'est pas très intéressant pour nous (il repose sur une pure supposition historique). Weil au point 4 essaie de justifier son intuition d'un christianisme "hors les murs" déjà présent chez les païens par la figure de Melchisédech à laquelle j'avais justement consacré un billet en juin dernier (le Melchisédech qui porte le Graal à la cathédrale de Chartres au XIe siècle). "Rien n'interdit la supposition d'un lien entre Melchisédech et les mystères antiques" écrit la philosophe. Weil va très loin : sans citer le verset, mais on comprend qu'il s'agit d'Hébreux 7:3, Paul a pu sous-entendre que ce roi de Salem fut une première Incarnation du Verbe, un premier Jésus, puisqu'il n'a ni commencement ni fin. On sent qu'elle touche là à un très grand mystère. Mais au lieu de séjourner dans cette difficulté, elle en démultiplie la portée en avançant qu'alors Krisna ou Osiris pouvaient aussi avoir été de telles incarnations... Mais alors, aurait-on envie de demander, à quoi bon celle du fils de Joseph dans la maison de David sous le règne de César-Auguste ? Weil glisse vers un de ces christianismes ésotériques comme on en trouve chez Papus ou Saint-Yves d'Alveydre : Jésus incarnation de Dieu parmi d'autres, sage parmi d'autres...
Weil veut en fait couper le christianisme de la descendance de David (ce qui, au passage, ruine toute prétention de la France dont la monarchie se veut davidique à une mission spéciale devant Dieu), pour n'en faire que l'aboutissement des sagesses païennes - parce que "Hestia, Athéna et peut-être Héphaïstos sont des noms du Saint-Esprit, Hestia est le Feu central". Le propos comblerait de joie les alchimistes de tout bord (chrétiens et païens), sauf que cela ramène l'Esprit saint au niveau des stoicheia, ce que Saint Paul condamnerait sans doute... et qui ruine l'idée de sainte trinité... mais c'est cohérent avec ce que nous disions plus haut de la volonté de Weil de ramener la transcendance au niveau de la Terre...
Du coup, si l'Esprit saint est l'Esprit du feu, la Sainte Vierge qui était déjà Ishtar peut être l'essence mère de toutes choses et toujours intacte comme Déméter de Platon (sous un angle gnostique). Et ainsi, on peut se livrer à la construction autour de Pythagore et des Stoïciens d'une spiritualité de l'amour complètement affranchie de l'eschatologie judaïque pour n'être plus qu'une répétition cyclique des "feux de la charité" en quelque sorte, susceptible de se nourrir de n'importe quelle tradition polythéiste. La remarque n'est pas absurde. On sent bien que la caritas (charité) est un feu qui effectivement produit des effets de réchauffement voire de guérison dans le réel, et même qu'il n'est peut-être pas étranger, quand il brûle dans nos poitrines, au feu (inférieur) des stoïcheia (astrologiques et terrestres) : il y a peut-être un rapport à étudier sérieusement à ce niveau là, mais le travail chez la philosophe n'est pas fait. Quand aux propos de Simone Weil sur les sacrements comme rites initiatiques hérités de mystères antiques ils rejoignent d'ailleurs les analyses de CG Jung sur la messe comme rituel alchimique, et peut-être des travaux d'historiens qui vont relier le calendrier juif à celui de Babylone.
Du point de vue de la critique historique, la généalogie n'est pas fausse. Mais du point de vue spirituel le résultat n'est pas du tout le même. Et à trop insister sur la grandeur païenne on ne peut qu'aboutir à un processus régressif qu'on constate d'ailleurs de nos jours dans lequel la révélation chrétienne (comme ses antécédents juifs d'ailleurs) serait totalement superfétatoire.
D'ailleurs ce caractère superfétatoire de la révélation chrétienne, Simone Weil le proclame au point 8 quand elle explique que, puisqu'une citation d'Eschyle montre que les Grecs entrevoyaient la trinité ("auprès de Zeus se tiennent son acte et sa parole" - personnellement je ne vois pas du tout le rapport avec la Trinité mais bon...), elle va jusqu'à lancer que les missions chrétiennes dans les colonies étaient "inutiles" (sic)... Au point suivant elle précise que Pierre n'a pu s'engager à convertir un païen qu'après un rêve spécifique, ce qui prouverait que l'injonction de Jésus d'aller convertir les païens n'était pas claire : ce faisant Weil révèle sa complète incompréhension de l'essence de la collaboration avec Dieu, qui est justement d'attendre le rêve, le signe etc pour connaître le moment opportun et le modus operandi à suivre pour l'exécution de la mission préalablement définie en des termes généraux par le maître. Son aveuglement sur ce point en dit long sur sa faiblesse spirituelle.
Ensuite il y a le versant le plus facile des "questions" qu'elle prétend adresser au christianisme. Celui du procès des crimes de l'Eglise ("L'Eglise a porté trop de fruits mauvais pour qu'il n'y ait pas eu une erreur au départ" qui devient carrément ridicule quand elle affirme que "le christianisme n'est pratiquement pas sorti de la race blanche") : l'Afrique actuelle, les Antilles, et les 15 % de Chinois chrétiens témoignent du contraire...
Je n'ai pas été très impressionné par les passages de Weil sur les miracles qui n'ajoutent rien à ce que tout le monde dit. Plus intrigué par son analyse du rapport du christianisme à l'Empire romain. Elle cite la lettre de l'évêque Mélito (Méliton de Sardes) à Marc-Aurèle, citée par Eusèbe qui dit "Notre philosophie a eu son développement d'abord chez les barbares mais sa floraison parmi tes peuples sous règne d'Auguste" puis "la meilleure preuve que notre logos a grandi en même temps que le beau commencement de l'empire pour le bien, c'est qu'il n'a subi nulle humiliation de l'autorité d'Auguste, mais au contraire toute splendeur et toute gloire conformément aux voeux de tous". La philosophe se demande si ça ne fait pas référence à l'enfance de Jésus, une protection par Auguste hors de Palestine. Son inventaire des contradictions dans l'attitude des Romains païens à l'égard du christianisme, et ses interrogations sur l'utilité que cette religion a pu présenter pour les intérêts les plus matérialistes des Romains peuvent aussi éveiller notre curiosité.
Mais au total l'impression qui prédomine est quand même que Simone Weil, tout en mettant le doigt sur une vraie question, difficile, celle du rapport du christianisme aux sagesses païennes, s'est laissée allée à des provocations intellectuelles assez gratuites là où un examen plus attentif des Ecritures, notamment de l'Ancien Testament et de l'eschatologie messianique, aurait dû prédominer. Elle a un argument fort quand elle avance que les mystiques ont souvent utilisé la religion catholique comme porte vers la transcendance plutôt que comme une collection de dogmes auxquels il faut adhérer (et l'idée qu'on ne peut forcer l'intelligence à n'adhérer à rien, tout ce qu'on peut forcer, c'est le respect, et la religion servirait surtout à cela). Certaines bizarreries comme l'indulgence du Padre Pio pour Mme Bouvier, ou l'image d'une Bernadette Soubirous se barbouillant le visage de boue iraient dans ce sens (voyez aussi mon propos sur la soeur de Boujailles). Alors on ne serait pas loin de l'idée d'un Guénon et d'autres : la religion primordiale (dont la sorcellerie ne serait qu'une forme abâtardie ou une déviation) primerait sur les monothéismes... religion primordiale, et donc culte de la déesse-mère - ou de Lilith ?
Si l'on suit ce chemin là, alors il faut aller jusqu'au bout. Demander si les mystiques iraient jusqu'à renier l'ascendance davidique pour faire primer celle des druides - mais alors pourquoi beaucoup ont-ils vu le Grand Monarque français dans leur anticipation de la fin des temps -. Et si Zeus vaut Yahvé, pourquoi n'ont-ils pas vu Athèna et Arès dans leurs apparitions ?
Ce texte en dit trop ou pas assez. Parfois il vaut mieux ne rien écrire plutôt que de s'aventurer à tenir des propos "expérimentaux" qui n'engagent qu'une subjectivité dérisoire. Dans la version qui nous est parvenue, il penche clairement vers cette dernière, et ne peut être, me semble-t-il, que relégué au cabinet des curiosités, comme les aphorismes de Nietzsche, le travail intellectuel et spirituel sur les sujets abordés n'étant au fond ni fait ni à faire.
Quelques éléments archéologiques récents qui démentent le scepticisme sur la Bible
Israël Finkielstein s'était fait une renommée dans les années 2000 en essayant de démontrer que les royautés juives décrites par la Bible n'ont eu qu'une existence tardive et qu'il n'y en a pas de traces antérieures au VIe siècle av. JC, notamment en ce qui concerne le roi David. Dans cette vidéo (ci-dessous) d'une conférence à la Bibliothèque nationale de France du 15 juin 2022 l'archéologue Michael Langlois démonte la thèse de Finkielstein sur un point : la lecture de la stèle de Tel Dan. Il montre à partir d'instruments technologiques récents qu'il s'y trouve bien une référence à la Maison de David. Dans la stèle de Mesha (IXe s. av JC), le roi des Moabites se vante d'avoir commis un génocide contre le peuple d'Israël ce qui montre qu'à l'époque le génocide était dans les moeurs guerrières "normales" (tout comme le code de Hammourabi montre que la geste d'Abraham d'avoir un enfant avec sa servante quand sa femme est stérile fait partie des moeurs de son temps).
A noter que dans la même vidéo Langlois parle aussi de la première utilisation d'un alphabet par des sémites dans le Sinaï qu'a étudiée l'archéologue chrétien Douglas Petrovich, dont on avait parlé en décembre 2020 ici.
Un nouveau miracle eucharistique au Mexique ?
Nouveau miracle eucharistique ou supercherie ? Le 24 juillet dernier lors de l'adoration à Guadalajara au Mexique, l'hostie exposée s'est mise à battre comme un coeur - voyez la vidéo ici. Le phénomène a été filmé par diverses personnes et posté sur le Net. Des cardiologues comme Thomas A. Lanzilotti ont examiné les pulsations. Elles suivent effectivement celles d'un coeur humain qui battrait à un rythme de 80 par minute.
Jusqu'ici les miracles de ce type concernaient plutôt des taches de sang ou des cellules de tissus cardiaque qui apparaissaient dans l'hostie - voyez nos articles sur les travaux du Dr Ricardo Castañón Gomez et du chirurgien du coeur Pietro Pescetelli. Le nouveau phénomène est reçu par les autorités ecclésiastiques avec prudence car il peut toujours se cacher derrière une supercherie destinée à embarrasser ensuite tout ceux qui y auront cru.
Il semble que des fidèles parfois éprouvent aussi ce genre de phénomène à titre privé.
Dans la section commentaire de cette vidéo, une certaine Jenny Davis écrivait le 4 août :
"Il y a plusieurs années, une dame vietnamienne très pieuse et moi apportions la Sainte Communion aux personnes âgées de notre paroisse. Vinh était en admiration devant le Saint-Sacrement et portait Notre-Seigneur autour de son cou près de son cœur. La première fois que nous avons apporté la Sainte Communion aux paroissiens, j'ai laissé Vinh dans l'église pendant que j'allais parler au curé. Vinh était manifestement ébranlée quand je suis revenue. Elle sentait quelque chose qui ressemblait à une pulsation provenant du conteneur des hosties. J'ai dit que les miracles eucharistiques sont du tissu cardiaque et j'ai suggéré que ce qu'elle avait vécu était le Cœur battant de Jésus. Elle s'est apaisée mais la même chose s'est produite lorsqu'elle a placé l'hostie sur la langue d'une sainte femme, Tina, décédée l'année dernière à l'âge de 98 ans."
Du reste le 24 juillet à Guadalajara une paroissienne a aussi senti l'hostie battre sur sa langue comme un coeur. C'est en tout cas la première fois que le mouvement de l'hostie comme un coeur peut être filmé.
Peu de temps auparavant, le dimanche 19 juin, dans le comté de Mayo à Aghamore au nord-ouest de l'Irlande, une hostie consacrée était accidentellement tombée au sol puis, plongée dans un bol d'eau comme cela est requis en pareil cas, elle s'est teintée de sang. Mais personne n'a pris de photo et celle qui a circulé à ce sujet se rapportait à un autre miracle, celui de l'église St François Xavier de Kearns dans l'Utal (USA) en 2015. Robert Nugent, un laïc en conflit avec une partie de la hiérarchie épiscopale irlandaise, met en garde en ce moment contre les conclusions trop hâtives sur ce phénomène aussi. Une enquête plus approfondie va être menée.
Du reste, à Guadalajara, au même endroit exactement (paroisse de Marie Mère de l'Eglise, une église qui a été érigée en 1548, et qui fut siège du premier congrès eucharistique mondial en 1906) 9 ans plus tôt jour pour jour (jour de la Sainte Christine de Bolsena/Vigile de St Jacques) des hosties avaient saigné (sans eau cette fois), à 3h de l'après-midi, miracle qui avait été annoncé par Dieu au prêtre, le P. José Dolores Castellanos Gudiño dit "Padre Lolo" dès le matin (témoignage du P. Just A. Lofeudo).
Un des enjeux des phénomènes actuels est de savoir si la messe garde une validité malgré les dérives hérétiques du pape François et de cardinaux, qui participa le 27 juillet dernier main sur le coeur, à une cérémonie païenne amérindienne au Canada invoquant la "Grande déesse mère de l'Ouest" pour "entrer dans le cercle des esprits".
Le prêtre responsable de l'exposition de l'hostie à l'adoration le 24 juillet était le père Carlos Spahn, exorciste de renom, et certains Mexicains voient dans ce miracle (si c'en est un) une confirmation de son travail à Guadalajara.
Le sanctuaire de Notre-Dame-de-la-Délivrande de Popenguine (au Sénégal)
J'ai interviewé hier le romancier Grégory Bernard qui a participé à la Pentecôte 2017 à un pèlerinage qui existe depuis 1888, entre Dakar et Popenguine.
On peut ici se reporter à une description du village par le Dr Léon Anfreville de la Salle en 1909, terre de mission, après qu'il eut été ravagé par une épidémie de nélavan (maladie du sommeil). Plus ancienne encore cette évocation en 1891, dans les Annales apostoliques de la Congrégation du Saint-Esprit.
On ne sait pas trop s'il y a eu, en 1888, un apparition de la Sainte Vierge à des pêcheurs comme l'affirme cet article de Dakaractu du 5 juin dernier (il semble qu'il en existe une version identique en 2019 ici) ou s'il n'y a jamais eu d'apparition comme le pose le Prieuré des Frères de Saint Jean à cet endroit. En tout cas rien n'a été approuvé au niveau de l'Eglise catholique. Le sanctuaire a été inauguré le mardi de Pentecôte 1888 (22 mai) l'initiative de l'évêque normand Mgr Picarda. Le culte de Notre Dame de la Délivrande, une vierge noire, forme un triangle entre Douvres-la-Délivrande près de Caen et le Morne Rouge en Martinique (depuis 1851, Mgr Picarda avait servi dans cette île où il était arrivé en 1868 pour y intégrer le séminaire colonial, et avait enseigné au Morne-Rouge). Il remonte à Saint Régnobert second évêque de Bayeux mort en 627, dans le cadre de son oeuvre d'évangélisation des Saxons, et aurait succédé à un culte de Déméter.
Selon le bréviaire de Bayeux Neustria Sancta dont la plus vieille version consultable remonte au XVe siècle ne statue de Vierge noire aurait été retrouvée miraculeusement en 1150 par Beaudoin de Reviers, comte du Bessin sous Guillaume le Conquérant, alors que la chapelle ruinée par les Danois était en ruines.
L'historien franciscain Fossard en 1642 raconte ainsi la découverte (on devrait dire l'invention comme pour les mines) : "Le berger duquel seigneur Beaudoin aperçoit que l’un de ses moutons, par plusieurs fois, se retirait du troupeau et courait en un lieu auprès de la pâture ; là de pieds et de cornes frappait et fouillait la terre, puis étant las, il se couchait à la place même où de présentes! la niche et l’image de la Vierge en la chapelle de la Délivrande. Ce mouton ne prenait aucune nourriture, et était néanmoins le plus gras de la bergerie. Le comte croyant que cela était un avertissement envoyé du ciel, se transporta sur le lieu, accompagné de sa noblesse et d’un saint ermite, avec le peuple qui y courut des lieux circonvoisins : il commanda de parachever la fosse que le mouton avait commencée. On y trouva l’Image de Notre-Dame ; il y a à présent plus de huit cents ans. Cette image fut portée en procession solennelle avec une commune allégresse de tout le peuple dans l’église de Douvres ; mais, tôt après, elle fut apportée par le ministère d’un ange au lieu même où Elle fut trouvée. Dieu montra par ce transport et invention miraculeuse, qu’il avait choisi ce lieu plus particulièrement pour son service et pour celui de la glorieuse Vierge Marie, sa mère. Alors le comte connaissant la volonté divine fit édifier et fonder la Chapelle qui est encore à présent et la donna à Messieurs du Chapitre".
Ce récit se trouve aussi sous la plume d'une religieuse du monastère de la Trinité de Caen au XVIIe siècle.
C'est cette statue qui est à Douvres maintenant.
Le samedi 19 mai 2012, un quartier de la ville de Guediawaye, au Sénégal, est plongé dans l'obscurité par une panne d'électricité. Dans une maison particulière, une lumière vive apparaît sur le mur de la chambre d'une catéchumène de 12 ans, avec un silhouette de femme facilement identifiable à la statue de Notre-Dame-de la Délivrande de Popenguine. L'apparition dure de 23 h à 6 h et s'accompagne d'un ruissellement d'eau sur le mur. Les voisins alertés se réunissent pour une veillée de prière et la silhouette disparaît avec la lumière du jour.
Compagnons du Tour de France
Au printemps dernier j'avais lu à la médiathèque municipale de Pau le livre Raoul Vergez - Béarnais écrit par la fille du célèbre charpentier médiatique compagnon du devoir. Je croyais y trouver des prolongements du livre "Les Géants et les mystères des origines", qui évoque un peu Raoul Vergez mais j'ai été déçu. Soit l'autrice n'a pas reçu les enseignements de son père, soit ceux-ci étaient pauvres.
Rien ne m'a vraiment marqué du personnage sauf cette remarque sur ses obsessions numérologiques :
Il est d'ailleurs mort le 7.7.77.
J'ai aussi retenu ce passage bizarre sur un ami "Le Baron" qui allait faire des strip-tease à chaque fête des compagnons pour la Saint-Joseph. Il montrait son tatouage de la faucille et du marteau au pied droit, la croix de Lorraine sur le gauche, la danseuses espagnole avec son peigne et ses castagnettes à l'épaule gauche, Cortez découvrant le Pacifique en bas du dos, les caravelles de Colomb, des mousmées et geishas sur les cuisses. Au moment de montrer son sexe, les enfants quittaient la salle (p. 133).
Je me dis aujourd'hui que si je travaille à nouveau sur le socialiste Pierre Leroux, comme je voudrais le faire, il faudrait que j'explore un peu plus le compagnonnage, qui a joué un certain rôle dans ma propre découverte du monde invisible en 2014 comme je l'ai raconté dans mon livre sur les médiums. D'ailleurs Vergez dans une de ses interviews dit qu'à son arrivée à Paris dans les années 1920 il avait été marqué par la culture charbonnière (celle des carbonari) qui imprégnait le prolétariat parisien, ce qui a aussi influencé Leroux en son temps.
Peut-être devrais-je commencer par me pencher sur le cas du menuisier député de l'assemblée constituante de 1848 Agricol Perdiguier (1805-1875) qui inspira George Sand.
Je trouve un passage étonnant de Perdiguier dans son discours de 1848 contre les 12 heures de travail :
"M. Buffet a dit que les idées que M. Pierre Leroux a émises à propos du décret du 2 mars ne sont pas nouvelles ; non elles ne sont pas nouvelles on les retrouve dans Moïse dans Confucius, dans Socrate et dans Jésus; mais les idées que M. Buffet et plusieurs autres émettent ne sont pas nouvelles non plus on les trouve dans Aristote, dans Xénophon et dans Platon. Il est sans doute beau pour ces messieurs de marcher sous la bannière de si grands philosophes, qui ont brillé dans les académies ; mais il ne l'est pas moins de se placer sous celle de Moïse, de Confucius, de Socrate, philosophes populaires, et de Jésus, l'homme-dieu. "
Il a publié un Livre du compagnonnage en 1840 qui, écrivit Lucien Buis, juge a tribunal civil d'Arbois en 1910, "propose certaines chansons destinées à remplacer les refrains violents populaires dans les différents devoirs et termine en donnant certains détails techniques sur l’art de la menuiserie. Tel qu’il était, cet ouvrage eut un certain retentissement parmi les ouvriers. Mais s’il eut quelque influence sur les mœurs querelleuses des « dévoirants », il n’eut pas pour effet de resserrer les liens existants. Il tendit plutôt, à l’encontre du but proposé par son auteur, à les faire disparaître."
Dans sa préface à son propre "Compagnon du Tour de France", George Sand écrit :
"On peut de cette façon les justifier en principe sans attaquer pour cela la société générale. Les idées régnantes ayant toujours engendré de nombreuses sectes, et la doctrine officielle ayant toujours tenté d'étouffer les doctrines particulières, il est évident que toute dissidence d'opinions, soit dans la foi, soit dans la politique, a dû se manifester en société secrète, en attendant le grand jour, ou l'anéantissement de l'oubli. De là, je le répète, cette multitude de ténébreux conciles, de conspirations avortées, de sciences occultes, de schismes et de mystères, dont les monuments sont encore enfouis pour la plupart dans un monde souterrain, s'ils n'y sont ensevelis à jamais. Leur découverte serait pourtant bien précieuse, sinon à cause de ces choses en elles-mêmes, du moins à cause du jour qu'en recevraient celles qui ont surnagé. La filiation qui s'établirait entre toutes les sociétés secrètes serait une clef nouvelle pour pénétrer dans les arcanes de l'histoire, et les grands principes de vérité y puiseraient une autorité immense. Mais il est bien difficile, j'en conviens, de rassembler les fils de ce vaste réseau. Nous avons de la peine même à établir la véritable parenté des sociétés secrètes contemporaines, telles que l'IlIuminisme, la Maçonnerie et le Carbonarisme. Il en est d'autres qui règnent aujourd'hui même dans toute leur vigueur sur une portion considérable de la société, et dont la généalogie sera plus incertaine encore. Je veux parler des associations d'ouvriers connues sous le nom générique de Compagnonnage.
Tout le monde sait qu'une grande partie de la classe ouvrière est constituée en diverses sociétés secrètes, non avouées par les lois mais tolérées par la police, et qui prennent le titre de Devoirs. Devoir, en ce sens, est synonyme de Doctrine. La grande, sinon l'unique doctrine de ces associations, est celle du principe même d'association. Peut-être que dans l'origine ce principe, isolé aujourd'hui, était appuyé sur un corps d'axiomes religieux, de dogmes et de symboles inspirés par l'esprit des temps. Les différents rites de ces Devoirs remontent, en effet, selon les uns au moyen âge, selon d'autres à la plus haute antiquité. Le symbole du Temple de Salomon les domine pour la plupart, ainsi qu'on le voit aussi dans la Maçonnerie. Au reste, le besoin de se constituer en corps d'état et de maintenir les privilèges de l'industrie a pu, dans les temps les plus reculés, faire éclore ces associations fraternelles entre les ouvriers. Elles ont pu, par le même motif, se perpétuer à travers les âges, et se transmettre les unes aux autres un certain plan d'organisation. Mais la division des intérêts a amené des scissions, par conséquent des différences de forme. En outre, les institutions de ces sociétés ont subi l'influence des institutions contemporaines. Chez quelques-unes, néanmoins, certains textes de l'ancienne loi se sont conservés jusqu'à nous, et se retrouvent dans les nouveaux réglements. Ainsi le Devoir de Salomon prescrit, de par Salomon, à ses adeptes d'aller à la messe le dimanche. Plusieurs antiques Devoirs se sont perdus, au dire des Compagnons celui des tailleurs, par exemple. D'autres se sont formés depuis la Révolution française. Différents corps d'état, qui jusque-là ne s'étaient point constitués en société, ont adopté les titres, les coutumes et les signes des Devoirs anciens. Ceux-ci les ont repoussés et ne tes acceptent pas tous encore, s'attribuant un droit exclusif à porter les glorieux insignes et les titres sacrés de leurs prédécesseurs. Le Compagnonnage confère à l'initié une noblesse dont il est aussitôt fier et jaloux jusqu'à l'excès. De là des guerres acharnées entre les Devoirs toute une épopée de combats et de conquêtes, une sorte d'Eglise militante, un fanatisme plein de drames héroïques et de barbare poésie, des chants de guerre et d'amour, des souvenirs de gloire et des amitiés chevaleresques. Chaque Devoir a son Iliade et son Martyrologe. M. Lautier a publié à Avignon, en 1838, un poême épique très-bien conduit sur les persécutions au sein desquelles le Devoir des cordonniers s'est maintenu triomphant. Il y a de fort beaux vers dans ce poëme; ce qui n'empêche pas te barde prolétaire de faire des bottes excellentes, et de chausser ses lecteurs à leur grande satisfaction.
Il y aurait toute une littérature nouvelle à créer avec. les véritables mœurs populaires, si peu connues des autres classes"...
C'est en effet un monde à explorer...