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Le transhumanisme n'est pas seulement libertarien

24 Octobre 2012 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie

transhumanism.jpgJ'ai souvent regretté que la réflexion sur les technologies aujourd'hui soit accaparée par les transhumanistes, tandis que leurs opposants s'enferment dans une position conservatrice de refus des technologies, dont l'histoire des deux derniers siècles a montré qu'elles ne tenaient jamais la route face aux aspirations profondes des gens.

 

L'avantage des transhumanistes dans l'anticipation de ce que peuvent devenir nos technologies est indéniable et l'on aurait tort de le caricaturer. De ce point de vue j'ai trouvé le documentaire d'Arte "Un monde sans humains" hier soir un peu simpliste car, en donannt beaucoup la parole à des psychologues et philosophe sfrançais qui lui sont hostiles, il donnait le sentiment que ce mouvement était nécessairement libertarien, partisan de la réalition individuelle de soi au détriment des autres etc.

 

Or certes il y a beaucoup des dimensions qui nous inquiètent dans certaines tendances du transhumanisme. Par exemple le risque de dérive sectaire dans des mouvements comme Terasem fondée par la milliardaire Martine Rothblath (on trouve ici un texte intéressant sur son association, son soutien à Obama en 2008 etc, voir aussi son blog). Il trouve des intersections ausis avec d'autres religions comme les mormons (un mouvement transhumaniste mormon existe) dans la mesure où l'Ecole des Saints des Derniers Jours valorise le savoir, la progression indéfinie de son être ici-bas et dans l'au-delà (ainsi que la progession de Dieu) - encore que je ne sois pas du tout convaincu que le mormonisme soit nécessairement ultralibéral (toute religion a plusieurs tendances et écoles d'interprétation).

 

Mais le transhumanisme est sans doute plus divers que cela. On trouvait sur le Net américain (moins aujourd'hui il est vrai) au début des années 2000 des blogs transhumanistes socialistes. L' "anarcho-transhimanisme" se réclame de Noam Chomsky. Le sociologue James Hugues, bouddhiste de conviction (il a même été moine de cette religion - et l'on connaît les affinités possibles de cette religion avec le socialisme, du Dalaï Lama à feu le roi Norodom Sihanouk), défend un transhumanisme "démocratique", dans l'esprit de la "troisième voie" (de centre-gauche) qu'on connaît bien dans le domaine des sciences cognitives autour de Steven Pinker par exemple

 

On peut difficilement parler d'une école de pensée sans en aborder les diverses nuances...

 

 

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Une classe de lycée devant une danse nue

6 Octobre 2012 , Rédigé par CC Publié dans #Nudité-Pudeur en Europe

Témoignage d'un prof de lycée sur son blog après une visite au Centre national d'art et de culture :

 

"Passées les cinq premières salles les oeuvres exposées deviennent difficiles, et même les plus persévérants finissent par décrocher. Nous glissons de plus en plus vite vers la fin de l'exposition, comme si son sol était en pente. Bien, me dis-je ; il commence à faire faim. Il ne nous reste, pour finir en beauté, que quelques performances. Des toiles d'Yves Klein ouvrent la section, avec un film documentant ses Anthropométries de l'époque bleue.

"Mais pourquoi y font ça ? C'est dégueulasse. Ca se fait même pas !" Telle est leur opinion. Je hasarde des éléments d'explication, mais seule Catherine fait mine de m'écouter avec un profond scepticisme. Je suis de toute façon assez peu convaincu moi-même. Passons.

Dans la salle suivante, on projette un long extrait d'une chorégraphie de Jan Fabre, Quando l'uomo principale é una donna. Quatre de mes élèves se tassent sur un petit banc devant l'écran, figé par un mélange d'amusement énorme, d'incrédulité et de dégoût. Mais j'ai surtout la surprise de retrouver les CM1 croisés dans le hall, qui étouffent des cris pendant que leur conférencière impassible leur explique la centralité de l'huile dans les cultures méditerranéennes.

Tandis que la magnifique danseuse Lisbeth Gruwez rampe nue et expose largement sa vulve aux (jeunes) spectateurs, mon regard croise celui de l'accompagnatrice voilée. En un dixième de seconde, nous nous comprenons et nous savons que nous éprouvons exactement la même chose. De la honte. Je m'approche de Nassim et Houda, et je leur fais signe que nous devons partir. Ils traînassent. Je tourne les talons. Deux minutes plus tard, ils me rejoignent :
"-Vous auriez dû rester Monsieur, à un moment elle se met des olives dans le... euh... dans la...
-C'est bon Nassim, j'ai compris."
Juste avant la sortie, j'entends dans une dernière salle la sympathique chanson I like to move it, entendue dans le film Madagascar. J'entre à tout hasard. Il s'agit d'un extrait du spectacle de Jérôme Bel, The show must go on. Disposés en arc de cercle sur la scène, une vingtaine de danseurs reproduisent mécaniquement des gestes simples au rythme de la musique. L'un d'eux, sur la droite, a baissé son pantalon et remue en cadence un zboub de bonne dimension. Deux ou trois élèves retardataires le regardent avec intérêt.

Je sors. Les seconde ont bien ri. Sur le parvis toutefois, une de mes élèves préférées, Myriam, résume ainsi ses impressions : "Je me sens violée mentalement. Encore si j'avais été prévenue, mais là ils m'ont eue par surprise, je m'y attendais pas du tout. C'est censé être de l'art ces trucs-là ? C'est du..." Elle aussi cherche ses mots. Puis elle en trouve un, parfait : "... cannibalisme !" "

 

 

 

 

 

 

 

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Connaissance et espoir

6 Octobre 2012 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées

fayoum14.jpgA propos des papyrus égyptiens en démotique dont nous parlions récemment, je voudrais dire ici un mot des travaux de la jeune historienne Magali de Haro Sanchez qui exploite des papyrus iatromagiques provenant d’Egypte, rédigés en grec et qui sont datés du 1er siècle avant J.-C. au 7e s. de notre ère. Ces documents mêlent des techniques de médecine et de magie (à l’époque mal dissociées, on s’en doute) pour guérir les malades.  Comme l’explique Magali de Haro « Pour soigner ou écarter les maux, les papyrus iatromagiques proposent trois méthodes complémentaires :
1. le port d'une amulette souvent décorée et généralement personnalisée, le
bénéficiaire et l'affection étant clairement identifiés,
2. la réalisation de recettes à base d'ingrédients d'origine animale, végétale ou
minérale,
3. la pratique d'un rituel accompagnant uneformule prononcée à voix haute (invoquant un assistant surnaturel, – qu’il s’agisse de divinités grecques, égyptiennes, ou de personnages de la tradition biblique juive ou chrétienne). »

Ainsi, voici un exemple amusant de recette qu’on trouve dans ses matériaux, pour ne pas avoir d’enfants :


 « Anticonceptionnel, le seul au monde : prends autant de lentilles bâtardes que tu veux pour le nombre d'années que tu désires rester stérile et trempe-les dans les règles d'une femme en période menstruelle. Qu'elle les trempe dans son propre sexe. Prends aussi une grenouille vivante et jette les lentilles bâtardes dans sa bouche, pour qu'elle les avale, puis relâche la grenouille vivante à l'endroit d'où tu l'as prise. Prends aussi une graine de jusquiame, trempe-la de lait de jument, puis prends le mucus d'un boeuf avec de l'orge et jette-le sur une peau de faon et, à l'extérieur, lie-la à de la peau de mule, puis porte cela en amulette, durant la phase décroissante de la lune, dans un signe du zodiaque
féminin, le jour de Kronos ou d'Hermès. Mais mélange aussi à l'orge du cérumen de mule. »

 

Retenons cette remarque de la jeune chercheuse  dans un article de vulgarisation : « Dans l'Antiquité, le choix d'un ingrédient ne se justifiait pas seulement par son efficacité réelle ou supposée en tant que substance, mais surtout par sa valeur symbolique. Dans la mentalité antique, certaines « lois » régissaient les rapports entre les règnes
minéral, végétal et animal. Elles étaient particulièrement exploitées en magie, mais aussi, dans une certaine mesure, en médecine. Très bien représentée dans les formules iatromagiques, « la loi de sympathie » (sumpatheia), »

 

On est toujours frappé quand on réfléchit à l’Antiquité par l’absence de sens empirique, le peu d’intérêt pour le cas particulier. Peu importe si le remède magique ne fonctionne pas : l’échec ne remet pas en cause la règle, il n’en est jamais qu’une exception malheureuse. Mais seule la règle compte vraiment et fascine. La règle, c’est cet ordre symbolique que les savants imaginent (et fantasment) entre le cosmos, les dieux et les réalités matérielles palpables. La force du fantasme était d’autant plus forte que le savoir positif était limité. Il fallait que les dieux, les astres et les symboles comptent plus que la situation concrète du patient, parce que de toute façon le savoir positif était trop faible pour permettre l’espoir. Or c’est l’espoir que crée la Foi dans l’Ordre que personne ne voulait sacrifier. Car l’espoir comptait plus que la connaissance. Et cette hiérarchie de valeur n’a été inversée, le savoir positif et l’intérêt pour le cas concret contre la spéculation, que lorsque la connaissance positive permit réellement de régler des problèmes spectaculaires (à la Renaissance).

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Un dictionnaire démotique-anglais, l'Egypte au début de notre ère

3 Octobre 2012 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées

Tunisie-035.jpgL'Egypte est sans doute un des pays où les manuscrits d'il y a 2 000 ans sont les mieux conservés pour des raisons climatiques. Par exemple c'est dans ce pays qu'on a retrouvé récemment un fragment du 4ème siècle mentionnant la "femme de Jésus" (voir cependant diverses réserves émises dans la communauté scientifique à ce sujet).

 

Comme la plupart des papyrus retouvés là bas sont en démotique, la langue populaire qui prédomina de - 500 à + 500, il est heureux que l'université de Chicago vienne de mettre au point un dictionnaire démotique-anglais en ligne. Pour vous donner une idée de la technicité de la chose, vous pouvez, au hasard, lire la page de la lettre "r" par exemple...

 

A propos de vieux textes égyptiens, on peut aussi jeter un oeil à l'article intéressant de Serge Cazelais sur l'Evangile de Judas et sur tous les problèmes philologiques que ce texte pose. Voilà. Juste une suggestion de lecture parmi d'autres.

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