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Sérapion et le défi de la nudité dans la ville

4 Septembre 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Christianisme, #Nudité-Pudeur en Europe

Sérapion et le défi de la nudité dans la ville

Au chapitre XXXVII (p. 128-129) de son Histoire Lausiaque, Pallade de Galatie (363-431) raconte ceci du moine égyptien Sérapion le Sindonite, qui vivait nu vêtu d'un sindon - un liceul - qui vécut probablement entre 300 et 350 (donc après le règne de Constantin et juste avant Julien l'Apostat) :

"Après être entré dans Rome, il s'enquérait de tous côtés qui était un grand ou une grande ascète dans la ville. Entre autres, il rencontra aussi un disciple d'Origène, Dominus, dont le lit, après sa mort, a guéri des malades. Donc, l'ayant rencontré et ayant été assisté par lui, car c'était un homme raffiné sous le rapport des moeurs et de la science, il apprit de lui quel autre existait, homme ou femme, pratiquant l'ascétisme, et il eu connaissance d'une vierge silencieuse qui ne se rencontrait avec personne. Et, ayant appris où elle demeurait, il partit et il dit à la vieille femme qui la servait : 'Dis à la vierge ceci : j'ai à te rencontrer nécessairement, car c'est Dieu qui m'a envoyé". Donc, ayant attendu deux ou trois jours, il se rencontra ensuite avec elle et il lui dit : "Pourquoi te tiens-tu assise ?". Elle lui dit : "Je ne me tiens pas assise, mais je fais route". Il lui dit : "Où diriges-tu ta route ?" Elle lui dit : "Vers Dieu". Il lui dit : "Es-tu en vie ou es-tu morte ?" Elle lui dit : "Sur Dieu, je crois que je suis morte, car il n'y a pas à craindre que quelqu'un de vivant dans la chair fasse cette route". Il lui dit : "N'est-ce pas ? Pour me convaincre que tu es morte, fais ce que je fais". Elle lui dit : "Commande moi des choses possibles et je les fais. " Il lui répondit : "Tout est possible à un mort, excepté d'être impie". Alors il lui dit : "Sors et avance en public". Elle lui répondit : "Je fais une vingt-cinquième année sans avoir paru en public. Et pourquoi paraîtrais-je en public ?" Il lui dit : "Si tu es morte pour le monde et le monde pour toi, c'est pour toi la même chose de paraître en public ou de n'y point paraître. Parais donc en public". Elle y parut. Et après qu'elle se fut avancée au dehors et qu'elle fut allée jusqu'à l'église, il lui dit dans l'église : "Eh bien, si tu veux me convaincre que tu es morte et que tu ne vis plus pour plaire à des hommes, fais ce que je fais, et je saurai que tu es morte. T'étant dévêtue comme moi de tous tes vêtements, mets les sur tes épaules et traverse la ville par le milieu, moi prenant les devants dans cet appareil". Celle-là lui dit : "Je scandaliserai beaucoup de gens par l'indécence de la chose, et ils auront le droit de dire ceci : elle est devenue extravagante et démoniaque". Il lui fut répondu : "Et que t'importe s'ils disent ceci : elle est devenue extravagante et démoniaque ; puisque pour eux tu es morte". Alors celle-là lui dit : "Si tu veux une autre chose, je la ferai : car à cette mesure-ci je ne prétends pas être arrivée". Alors il lui dit : Vois donc, ne t'enorgueillis plus de toi-même, comme plus religieuse que tous et morte au monde. En effet, moi je suis plus mort que toi et je montre en fait que je suis mort au monde ; car c'est sans émotion et sans honte que je fais cela". Alors l'ayant laissée dans des sentiments d'humilité et ayant brisé son orgueil, il se retira".

L'aspect intéressant est que la nudité est associée à la possession démoniaque, comme dans l'Evangile, et que le saint ascète doit braver le risque d'une assimilation avec le fou possédé.

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Gérard Lenorman et "Les Dents de la Mer"

4 Septembre 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Les tubes des années 1980, #Histoire des idées, #Christianisme

Les lettrés (qui ont leurs propres démons) prennent de haut la culture populaire. Pourtant, il y a dans ce domaine des ingrédients qui peuvent perdre des millions d'âmes (un petit exemple récent dans cette vidéo). Un exemple : en 1975, sort le film "Les Dents de la Mer" de Steven Spielberg.

Les démons ont tellement aimé cela, qu'ils ont permis à une médium française aujourd'hui confirmée, et à l'époque jeune, de pouvoir aller voir le film aux Etats-Unis par bilocation - voir son témoignage ici.

A l'autre bout du spectre spirituel Gérard Lenorman, chanteur français semble-t-il d'inspiration catholique (il a chanté "L'enfant des cathédrales") et marqué à droite (il a soutenu Giscard d'Estaing en 1981) en réaction contre ce film en 1976 sort "Le gentil dauphin triste". Etant enfant bien sûr je ne comprenais pas le sens de cette chanson.

G. Lenorman pour tout le monde au début des années 1980 était marqué, comme Yves Duteil, comme un chanteur démodé, gnangnan, trop candide. On peut se demander si cet artiste, qui, au fond, a probablement cherché à être lui-même, a incarné la bonne réponse, douce (probablement la plus conforme au style évangélique) à ce film violent. Il est probable qu'une réponse plus "productive" auprès du marais des gens (comme moi) qui n'étaient ni dans la violence ni dans la douceur aurait pu être une chanson plus colorée, plus "second degré" etc. Qu'est-ce que la mièvrerie ? La mièvrerie n'est-elle mièvre à nos yeux que parce que nous sommes dans des sociétés très violentes qui nous ont rendus "accros" à une certaine violence, même soft, à un certain cynisme ? Cette est elle, "sub specie aeternitatis" (sous la catégorie de l'éternité) la plus conforme aux vraies valeurs qui doivent guider l'humanité ?

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Une voyante tourangelle vers 570

4 Septembre 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Médiums, #Christianisme

Une voyante tourangelle vers 570

Voici mon passage préféré dans "L'Histoire des rois francs" de Grégoire de Tours car il nous montre à la fois une voyante à l'époque des mérovingiens, le jugement des hommes d'Eglise sur son compte et le fait que les clercs lisaient au hasard la Bible (ce qu'on trouve en d'autres passages de l'ouvrage y compris pour prédire l'avenir).

Comme Constance de Rabastens, la voyante en cause a prédit avec succès certains événements antérieurs, mais là elle se trompe (je lisais il y a peu qu'au même moment à Byzance des possédés donnaient oracle dans les églises car le démon leur révélait des aspects de l'avenir).

Il s'agit ici de Histoire des Francs. 1 / par Grégoire de Tours dans sa version de 1823 - J.-L.-L. Brière (Paris) - établie par Guizot (p. 238) légèrement différente de la version traduite du latin par JJE Roy accessible en Folio Gallimard de nos jours (p. 114).

" Un jour que j'avais été invité à la table [de Mérovée], comme nous étions assis l'un près de l'autre, il me demanda avec instance de lui lire quelque chose pour l'instruction de son âme, et ayant ouvert le livre de Salomon je pris le premier verset qui me tomba sons les yeux contenant ces paroles « Que l'œil de celui qui insulte son père soit arraché « par les corbeaux des torrens et dévoré par les enfans de l'aigle » II ne le comprit pas et je regardai ces paroles comme une prédiction du Seigneur à son sujet.

Gontran (Boson) envoya alors un de ses serviteurs vers une femme qu'il avait connue dès le temps du roi Charibert, et qui avait un esprit de Python afin qu'elle lui apprît ce qui devait arriver. Il soutenait qu'elle lui avait annoncé d'avance non seulement l'année, mais le jour et l'heure où devait mourir le roi Charibert ; elle lui fit dire par ses serviteurs « Il arrivera que le roi Chilpéric mourra cette année et que le roi Mérovée régnera sur tout le royaume à l'exclusion de ses frères. Tu auras pendant cinq ans le commandement de tout le royaume mais la sixième année, par la faveur du peuple tu obtiendras la faveur de l'épiscopat dans une des cités situées sur la Loire à la droite de son cours, et tu sortiras de ce monde vieux et plein de jours. » Lorsque ses serviteurs lui eurent, en arrivant, annoncé cette nouvelle, transporté de vanité comme s'il eût déjà siégé dans la cathédrale de Tours, Gontran vint aussitôt me rapporter ces paroles. A quoi, riant de sa sottise, je lui dis « C'est à Dieu qu'il faut demander ces choses il ne faut pas croire ce que promet le diable car il est menteur et père du mensonge" 'ev Jean 8,44' » Lui donc s'en étant allé confus, je riais beaucoup de cet homme qui pensait qu'on devait croire de telles choses."

La version de JJE Roy précis au début du second paragraphe "Il y avait alors à Tours une femme qui faisait profession de prédire l'avenir" et ne dit rien de "l'esprit de Python". Et le "elle lui fit dire par ses serviteurs" est traduit par "la réponse de la prétendue prophétesse ne se fit pas attendre" sans mention de ses serviteurs.

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