Le Psaume 91
J'ai entendu il y a peu le rav Ron Chaya affirmer qu'un escadron d'infanterie anglais (121e) qui avait récité le Psaume 91 tous les jours pendant toute la première guerre mondiale n'a eu aucun mort dans ses effectifs.
Craig A. Evans l'expose dans Jésus et le Psaume 91 à la lumière des manuscrits d’exorcisme (publié dans Celebrating the Dead Sea Scrolls: A Canadian Contribution, dirigé par Peter W. Flint, Jean Duhaime, and Kyung S. Baek. Early Judaism and Its Literature 30.Atlanta: Society of Biblical Literature) : la découverte, à Qumrân, du Psaume 91 combinée à trois psaumes d’exorcisme extracanoniques dans 11QapocrPs (11Q11) a fourni la preuve évidente que ce psaume était apparemment compris, à l’époque de Jésus, comme un texte qui fournissait l’assurance de la protection divine contre les puissances démoniaques.
Rachi de Troyes attribue ce psaume à Moïse. La version grecque l'a attribué à David.
La version du Targum rajoute des mots plus explicitement démoniaques que la version de nos bibles. v. 5 : "terreur de la nuit" est traduit par "terreur des démons qui marchent la nuit", à midi "ange de la mort qui tire la flèche à midi" "aucune peste" est suivi par "ou démon", au verset 10. Le commentaire de Rachi qu'on peut lire ici est tout aussi clair.
Au verset 9 il y a une référence à Salomon qui parle (car c'est une enseignement de David à Salomon).
Il s'agissait d'une tradition sur Salomon comme guérisseur-exorciste (déjà connue par Josèphe, transposée dans le traité de démonologie du Testament de Salomon au 1er siècle dans les cercles juifs, puis enrichi par les chrétiens - publié en français récemment par l'ingénieur Jean-Pascal Ruggiu de l'Ordre hermétique de l'Aube dorée, occultiste à l'écoute des "extraterrestres").
Josèphe le raconte ainsi : « Cet admirable roi composa cinq mille livres de cantiques et de vers (2), et trois mille livres de paraboles, à commencer depuis l'hysope jusques au cèdre, et à continuer par tous les animaux, tant oiseaux que poissons et ceux qui marchent sur la terre. Car Dieu lui avait donné une parfaite connaissance de leur nature et de leurs propriétés dont il écrivit un livre ; et il employait cette connaissance à composer pour l'utilité des hommes divers remèdes, entre lesquels il y en avait qui avaient même la force de chasser les démons sans qu'ils, osassent jamais revenir. Cette manière de les chasser est encore en grand usage parmi ceux de notre nation ; et j'ai vu un juif nommé Eléazar qui, en présence de l'empereur Vespasien, de ses fils et de plusieurs de ses capitaines et soldats, délivra divers possédés. Il attachait au nez du possédé un anneau, dans lequel était enchassée une racine dont Salomon se servait à cet usage : et aussitôt que le démon l'avait sentie, il jetait le malade par terre et l'abandonnait. Il récitait ensuite les mêmes paroles que Salomon avait laissées par écrit, et en faisant mention de ce Prince, défendait au démon de revenir. Mais pour faire encore mieux voir l'effet de ses conjurations, il emplit une cruche d'eau, et commanda au démon de la jeter par terre pour faire connaître par ce signe qu'il avait abandonné le possédé ; et le démon obéit. J'ai cru devoir rapporter cette histoire afin que personne ne puisse douter de la science tout extraordinaire que Dieu avait donnée à Salomon par une grâce particulière. » Antiquités Judaïques VIII, II Trad. Arnaud. P. 1700 in-4° I, 304-305.
A tel point qu'à l'époque d'Ezechias il fallut détruire une livre de Salomon parce qu'on guérissait et exorcisait au nom de Salomon et non plus de Dieu. Le Coran parle aussi du Salomon exorciste qui possède un anneau magique et parle le langage des oiseaux (ce qui est peut-être à rapprocher du fait selon nous que le Psaume 91 parle de l'oiseleur, car le Coran puise à des sources proche-orientales très anciennes, mais peut-être parce que le Coran se méprend sur le fait que l'oiseleur est en fait le démon et non Salomon).
"Dans nombre de légendes chrétiennes Salomon est devenu un personnage fabuleux qui n'a plus grand chose de commun avec le héros palestinien. Ce n'est plus guère qu'un homme habile à poser ou solutionner des énigmes ou un donneur de bons conseils. Parfois même sa sagesse y est tournée en ridicule (1). Mais d'autre part nous voyons persister la tradition indiscontinue et sans doute souvent rafraîchie aux sources juives ou musulmanes d'un Salomon dominateur des génies et possesseur de maints secrets magiques. SaintJustin lui attribue l'application des exorcismes à la guérison des maladies (2): Au IVe siècle on montrait au pèlerin de Bordeaux à Jérusalem une crypte dans laquelle Salomon torturait les démons (3). En 494 un décret du pape Gélase range parmi les apocryphes un livret d'exorcismes attribué à Salomon et intitulé Conlradictio ou Interdictio Salomonis. Il fallait donc qu'il fut employé par certains chrétiens au Ve siècle. Procope de Gaza dit qu'il est très vraisemblable que les auteurs qui ont écrit sur la médecine ont fait de grands emprunts aux livres de Salomon sur les bois, sur la nature et la vertu des plantes, des arbres, des pierres et des animaux (4). D'autres auteurs grecs s'expriment de même. Dans un sermon In mediam Pentecostem, Léonce de Constantinople (5) affirme la puissance de Salomon sur les démons, c'est pour lui une chose indubitable. Vers la fin du XIIe siècle Nicétas Choniatès parle dans ses Annales d'Aaron Isaac, interprête auprès de l'empereur Manuel Commène et magicien réputé comme étant possesseur du Livre de Salomon grâce auquel il faisait venir des légions de démons et les contraignait à exécuter ses ordres. Le chrétien ne met pas en doute le pouvoir du juif. Gregentius, archevêque de Tephra, raconte que Salomon enferma les démons dans un vase qu'il cacheta et qu'il
(1) Cf. Certaines légendes chrétiennes de l'Uchraine dans Rev. des Trad. Popul., II, 510-524 et beaucoup d'autres, voir : LYDIA SCHISHMANOFF, Légendes Religieuses Bulgares, Paris, 1896, in-12, p. 78-87.(2) Ad Orthodoxos Quaest, 55. (3) TOBLER, Palestinae descriptiones, Saint-Gall, 1869, p. 3. (4) Ad. III, Reg. IV, 33. (5) COMBÉFIS, Auctuarium novum, 1, 724 cf. FABRICIUS, Codex pseudèpigraphus veteris Testamenti, Hambourg, 1713, in-8°, p. 1036-1037.
couvrit de terre (1). Michel Glycas (2) dit que Salomon composa des écrits sur les pierres précieuses, expliquant d'où provenait leur couleur, de quelle façon elles se formaient et à quels usages elles pouvaient servir. Il signale celle qui est gardienne de la chasteté, celle qui sert de remède aux inflammations de la fièvre, et celle qui chasse les esprits malins. Il écrivit aussi un livre Sur les génies, expliquant par quel pacte on peut les faire sortir du monde invisible, et sous quelle forme ils apparaissent. Il signala leur nature et leurs propriétés, disant par quelle conjuration on les enchaîne et comment on les réduit, en servitude en certains lieux (3). Vers le milieu du XIVe siècle. Innocent VI aurait condamné au feu un gros livre divisé en sept parties et intitulé le Livre de Salomon. Parmi les Byzantins, Zonare et Léon le Grammairien parlent aussi des ouvrages et des pouvoirs magiques de Salomon (4). Ce livre rempli d'invocations et de pratiques coupables destinées à soumettre les démons (5) était évidemment d'origine juive mais avait -sans doute séduit bien des chrétiens.
Qu'était-ce Livre de Salomon condamné par Innocent VI et cette Contradiction déclarée, apocryphe par le pape Gélase. ? Nous n'en savons rien. Mais vraisemblablement il s'agissait bien là de livrets d'exorcismes magiques emplis de sottises et de superstitions"
(1) BRUNET, Dict. des Apocryphes, II, 812. (2) fin du XIIe s. (3) MICHEL GLYCAS, Annales. Boun. 1835. in-8°, p. 182-183. (4) ZONARE. Hist., Liv. II, ch. VIII : LÉON LE GRAMMAIRIEN, Chronographie, Bonn, 1836, in-8°, p. 32. ' (5) NICOLAS EYMERIC, Direct or Inquisitor, Part. II. quaest 28. (6) NAUDÉ, Apologie pour tous les grands hommes accusés de magie P. 1009 in-16 p. 431, 432."
écrit Pierre Saintyves (1870-1935), président de la Société du folklore français - qui traite avec le même mépris le Testament de Salomon qui à son époque n'existe plus qu'à la BNF - dans "Salomon son pouvoir et ses livres magiques" in Revue des Traditions populaires de septembre 1913 (A28,T28,N9) p. 410-425.
Enfin remarquons que dans v. 7 les “mille” et "dix mille" sont des démons. Les psaumes Targum le suggèrent, ainsi que la tradition rabbinique (Midr. Pss. 91.4 [on Ps 91:7]). Rachi de Troyes à propos des démons dit que chacun d'entre nous en a mille sur sa gauche et une dizaine de milliers sur sa droite (dans la vidéo en minute 1'38 le rav Ron Chaya cite ça 3'11), c'est aussi dans la Gemara (video minute 39).
Il est très étrange que dans Matthieu 4:6 le démon cite le Psaume 91 (versets 11-12).
Rabbi Shimon bar Yochai (2e siècle ap JC) affirmait que ce psaume comprenait tous les noms divins qui enlèvent les démons du chemin et tous ceux qui viennent accuser le fidèle dans les cieux (voir enseignement du Rav Touitou ici minute 38). C'est le tehilim fait pour les morts.
Dans "Moeurs et Pratiques des démons", Gougenot des Mousseaux (cité dans Du surnaturel. tome 2 / par le Cte Agénor de Gasparin Gasparin (1810-1871) p. 364) La parole âpre (qui était à l'époque la traduction de "la peste meurtrière), c'est le sort jeté par des paroles. La flèche volante, ce sont les fées La terreur nocturne et les dangers du milieu du jour, c'est la reconnaissance expresse de la sorcellerie, des fantômes, des différents relais préparés par les démons, "ces admirables chasseurs qui nous poursuivent et nous assiègent"...
Le Gaon de Vilna (1720-1767)
J'ai découvert l'existence du Gaon de Vilna (le Génie de Vilnius) à travers une anecdote du rav Ron Chaya de la Yéchiva Yechouot Yossef de Jérusalem dans sa vidéo (min 7'52) sur la résurrection des morts indiquant qu'en 2010 il fut à Vilnius pour le transfert de la dépouille mortelle du Gaon dans un tombeau restauré au cimetière de Shnipishok/Šnipiškės au nord de Vilnius (Lituanie - Dans "LeJuif errant est arrivé" en 1930 Albert Londres qualifie p. 50 Vilna, qui était polonaise à l'époque, de Jérusalem des neiges). Selon ce témoignage dix personnes qui ont la crainte de Dieu, qui ont étudié la Torah et ont jeûné le même jour pour déterrer les ossements et les déplacer. Tous sont morts la même année et enterrés à côté du mausolée sauf un qui a dit que contrairement à ses amis lui n'a pas regardé les os.
Puis j'ai regardé sa vidéo spécialement dédiée à cette personnalité (ci-dessous). Si l'on met bout à bout ce qu'il indique dans son cours et ce qu'on peut apprendre sur le personnage au terme d'un bref tour d'horizon sur le Net voici ce que l'on peut dire.
Il s'agit de Shlomo Zalman dit le Gaon de Vilna ou encore Rabbeinou Eliahou (notre maître Elie). Voici ce qu'en dit l'Histoire de la littérature juive d'après G. Karpelès d'Isaac Bloch et Emile Lévy (1901) en p. 538 : "Elie Vilna (1720-1797), surnommé à juste -titre le Gaon (le Glorieux). Le seul tribut qu'il paya, à la Kabbale fut un commentaire sur le Zohar. Il rectifia le texte des deux Talmuds, de la Tosefta, de la Mechilta, du Sifra et du Sifré avec une grande finesse de critique et interpréta simplement et grammaticalement presque toute la Bible. Parmi ses ouvrages, publiés après sa mort, par ses fils et ses disciples, se trouvent encore une description topographique de la Palestine, d'après les données bibliques, et 400 règles de trigonométrie et d'algèbre. Il reste encore de lui, en manuscrit, d'importants travaux sur l'astronomie et la science chronologique. Et, cependant, cet esprit si fin et si lumineux n'eut aucune influence sur la direction intellectuelle de son temps. Sa génération resta tournée invariablement vers le Hassidisme, qui fut une réaction inévitable de l'imagination sur l'aridité de la casuistique."
Alors qu'il avait trois ans et demi (fin 1723), explique le rav Ron Chaya, au moment de Simchat Torah, les jeunes vinrent recevoir des prix à la synagogue et un concours fut organisé pour les enfants de plus de 6 ans aux questions duquel il put aisément répondre : trouver deux endroits dans la Torah où il est marqué "Avraham Avraham", trouver le verset où tous les mots du verset se terminent par les mêmes deux lettres "im", trouver un verset où se trouvent cinq mots à la suite de seulement deux lettres chacun. A 9 ans, il décide d'étudier les 5e et 6e parties (sur les sacrifices et les lois de pureté) de la mishnah (tradition orale, mise par écrit en 220 ap JC) qui ne sont plus étudiées depuis plusieurs siècles. Il peut en étudier 50 pages en une journée. Ayant tout lu en bas âge, après 40 ans il ne lit plus que la mystique juive. Son élève Haim de Volojine (ou Valojine en Biélorussie), a écrit une introduction au commentaire du Gaon de Vilna sur un livre de mystique juive qui a été écrit il y a 2 000 ans "Le livre de la pudeur" (Sifra d-Tzniuta) inclus dans le Zohar. Dans cette introduction cet élève explique que la Gaon dormait quatre heures par nuit dans sa jeunesse, puis deux heures par jour par séquence d'une demi-heure au cours desquelles au cours desquelles il étudiait dans les yeshiva du ciel. Il aurait été averti que des anges viendraient lui révéler des secrets de la Torah, mais il refusa car il voulait tout découvrir par son travail. Il pouvait jeûner trois jours pour comprendre un verser du Zohar. De plus les anges dans une atmosphère spirituellement impure en terre goy risquaient de dire des choses fausses. Il aurait reçu même une révélation interprétative de Jacob (Ron Chaya prétend que ce genre de vision est authentique parce qu'un grand père d'un rabbin connu avait pu identifier d'après la description des habits le Rif, le rabbin du rabbin de Maïmonide qui était apparu en rêve à son fils et avec lequel il avait chaque jour une étude fixe ainsi qu'avec Maïmonide).
Selon un livre ("La voix de la colombe") écrit par ses disciples, le Gaon aurait été Mashiach ben Yoseph réellement ou potentiellement (en partie pour des raisons numériques), celui qui devait enclencher le retour en Israël et ses disciples furent effectivement les premiers à initier une montée (aliyah) en Israël. Le Rambam Maimonide (1135-1204) n'avait trouvé que trois Juifs teinturiers à Jérusalem pour la célébration du Kippour, et il avait dû en faire venir sept d'Hébron.Le Gaon Vina aurait renoncé à assumer ce rôle parce que l'arrivée du messie en Israël ne pouvait pas fonctionner car à cette époque il n'y aurait pas eu assez de Juifs pour le recevoir.
Kant et Swedenborg
Kant commença sa carrière philosophique en écrivant en 1755 un livre "Histoire générale de la nature et théorie du ciel" puis y renonce, non pas, comme l'a prétendu Jules Vuillemin ("Physique et métaphysique kantiennes", PUF, 1955) parce qu'il lui manquait des éléments scientifiques sur la chaleur, mais parce que, comme il l'écrit en 1766 dans son "Rêves d'un voyeur d'esprits expliqués par des rêves de la métaphysique", parce que cette théorie lui semble aussi délirante que celles du médium Swedenborg (1688- 1772) dont les thèses parurent entre 1749 et 1756 "Arcana caelestia". Swedenborg y exposait le caractère uniquement apparent de la nature (Monique David-Ménard, "La Folie dans la raison pure", Vrin, 1990 - un livre qui ne rend pas complètement justice à l'ampleur du revirement du philosophe sur les prodiges du médium). Kant ne se contente pas de récuser l'occultisme. Dans "Rêves d'un voyeur" il admet que la pathologie des occultiste pourrait avoir pour cause des esprits réels, puis fait volte-face et revient à une causalité physiologique" de l'occultisme, puis, conscient du caractère dogmatique et indémontrable de la seconde hypothèse conclut sur la philosophie comme critique (de sorte que c'est à la confrontation avec Swedenborg et non à Hume que Kant doit l'invention de son criticisme). Impressionné par le fait que l'homme ignore les esprits et le visionnaire ignore la nature, Kant s'était penché de près sur le livre de Swedenborg au point de ne pouvoir signer son "Rêves d'un voyeur" malgré le ton railleur à l'égard de l'occultisme qu'il emploie. Dans une lettre à Moïse Mendelssohn (8.4.1776) il reconnaît sa fascination pour Swedenborg, mais il y a des éléments encore plus percutants sur l'adhésion de Kant aux prodiges du mage suédois, éléments que tous les livres de la seconde moitié du XXe siècle ont passé sous silence.
En décembre 1911 dans la revue "La Femme" p. 179, on pouvait lire sous la plume de Mme Marie d'Abbadie d'Arrast (membre du comité de l'Oeuvre protestante des prisons et du Conseil national des femmes françaises) :
Svedenborg a eu des songes et des visions plus dignes d'attirer notre attention que les rêves enfantins et bizarres des pauvres filles dont nous saluons la mémoire. Svedenborg n'était ni un simulateur, ni un homme d'intelligence ordinaire. Sa clairvoyance paraît avoir été surprenante et indéniable. Le philosophe Kant (1) rapporte de lui le fait suivant, je cite la page : « M. de Svedenborg, revenant d'Angleterre, prit terre à Gothembourg. M. William Gastel l'invita chez lui le samedi soir en même temps qu'une société de quinze personnes. Ce soir-là, à six heures, M. de Svedenborg, qui était sorti, rentra pâle et consterné au salon, il dit qu'un grave incendie venait d'éclater à Stockholm et que le feu s'étendait rapidement. Or, Gothembourg est situé à 400 kilomètres environ de Stockhom. Il était inquiet et sortit plusieurs fois, indiquant la marche du désastre. A 8 heures, après être sorti de nouveau, il s'écria tout joyeux : « Dieu soit loué ! L'incendie s'est éteint à trois portes de ma maison. » Mandé devant le gouverneur de la ville, Svedenborg décrivit exactement l'incendie de telle sorte que toute la ville en fut informée. Le surlendemain, c'est à dire le lundi soir, un estafette arriva à Gothembourg, confirma de point en point le fait de seconde vue de Svedenborg. » Kant a admis ce fait extraordinaire comme certain. M. Edouard Schuré (2) répond : "On peut discuter sur la réalité objective des visions de Svedenborg, mais on ne peut douter de sa seconde vue attestée par une multitude de faits." ».
(1) "Svedenborg" par le pasteur Charles Byse, p. 115. Lausanne, eds Georges Bridel, 1911. Il s'agit de l'incendie du 19 juillet 1759 que Kant situe à tort en 1756 "Le fait suivant me paraît avoir entre tous la plus grande force démonstrative, et certainement il coupe court à tous les doutes imaginables" aurait écrit Kant. Byse se réfère à deux correspondances de Kant dont une qu'il dit traduire mot à mot mais dont il ne mentionne pas la date et une seconde quatre ans plus tard à Mlle Charlott de Knobloch devenue en 1763 ou 1764 baronne de Klingshorn, dont une serait reproduite partiellement dans la "Children's encyclopedia" (Byse p. 17). Il estime que c'est ensuite sous la pression de ses pairs que Kant aurait mis en doute dans une "brochure brumeuse" (le "Rêves d'un voyeur d'esprits expliqués par des rêves de la métaphysique" de 1766) les dons du médium. Il semble que Kant ait aussi fait allusion à un deuxième prodige de Swedenborg arrivé à Mme de Marteville à propos d'une quittance de son défunt premier mari (racontée par courrier de son second époux d'Eiben) et d'un troisième à propos de la reine Louise-Ulrique, soeur de Frédéric le Grand de Prusse, en 1761 (mais Byse cite Kant mot en mot sans préciser la source, on peut supposer que c'est dans le "Rêves d'un visionnaire").
(2) Les grands initiés de M. Edouard Schuré (1841-1929) cité par Ch. Byse.Schuré dans la version de poche du livre (édition 2015) p. 352, qui compare ce fait avec la vision qu'Apollonios de Tyane eut à Ephèse de l'assassinat de l'empereur Domitien, précise que Kant demanda à un ami d'enquêter sur l'incendie de Stockholm et que Kant évoque cela dans une lettre à Charlotte de Knobloch citée par Jacques Matter dans Swedenborg, sa Vie et sa doctrine (eds Didier et Compagnie, Paris 1863). Effectivement Matter, conseiller honoraire de l'université dont le livre se trouve ici cite effectivement en page 148 de la deuxième édition du livre l'incendie de Stockholm, et fait précisément référence à une lettre du 10 août 1768 (deux ans après la publication du Rêves d'un visionnaire) à Charlotte de Knobloch. Dans cette lettre il évoque la quittance de Mme de Marteville et l'incendie de Stockholm qu'il situe en 1756 dans cette lettre (et non plus en 1759 comme dans le "Reves d'un visionnaire"), et Matter cite mot-à-mot la partie de la lettre qui concerne l'incendie.
"La seule ville de Manchester compte 7 000 disciples de Svedenborg ; et l'on estime qu'il y en a près de 20 000 en Angleterre" précisera (p. LXVIII) l'auteur anonyme de l'Abrégé des ouvrages d'Em. Swedemborg, publié à Strasbourg en 1788 tandis que des magnétiseurs utilisaient les pouvoirs de somniloquespour démentir les thèses de Svedenborg (ibid p. LVII)
Sur l'importance du swedenborgisme dans la mouvance protestante, on lit encore p. 181 de la revue précitée "La Femme" : "A Paris même, dans le quartier des Invalides s'élevait un lieu de réunion où les Svedenborgiens célébraient un culte spiritualiste, sans faste, sans cérémonies pompeuses. Il y a une vingtaine d'années, on pouvait encore croiser quelquesuns de ces chrétiens paisibles, hommes de bien, membres de cette petite communauté de la nouvelle Jérusalem ; car c'est ainsi que se désigne elle-même i'Eglise.de l'apôtre suédois. Les premiers disciples, d'après les biographes de Swedenborg (1), auraient cru qu'une Eglise de la nouvelle Jérusalem existait parfaitement organisée au centre de l'Afrique. Entrainés par la force de leurs convictions, ils s'embarquèrent pour la visiter. Grâce au dévouement de ces missionnaires, l'Evangile fut répandu dans quelques districts du continent noir: ils contribuèrent à la fondation de colonies libres ; ils firent de courageux efforts en faveur de l'affranchissement des nègres et de la suppression de la traite; ils coopérèrent à l'établissement de Sierra Leone, où Ulric Nordenskioeld a fondé, avec son compatriote Azélius une communauté svedenborgienne qu'a visitée plus tard Walstrôm et Sparmann. Les trafiquants de chair humaine et les marchands d'alcool ont été les adversaires résolus et redoutables de la petite colonie de ces paisibles chrétiens."
(1) M. M. Gatteau Galleville et de Gluny, Biographie universelle.
Le succès de Swedenborg (qui eut Goethe et Balzac pour admirateurs) dans les cercles protestants est étrange. Jonathan Black dans son Histoire secrète (p. 191) décrit ce découvreur du cortex cérébral et des glandes endocrines comme franc-maçon et il me semble avoir lu des choses assez horribles sur ses moeurs... sous réserve de vérification...
A noter que Wesley dont nous parlions récemment ne prit jamais Swedenborg au sérieur :
Selon le Dr Gilbert Ballet ("Swedenborg, Histoire d'un visionnaire au XVIIIe siècle" -1899), il appréciait de la façon suivante les écrits de Swedenborg dans son journal, en 1770 : "Je me suis mis à lire les écrits du baron de Swedenborg et à y réfléchir sérieusement. J'ai commencé cette lecture avec beaucoup e prévention en sa faveur, sachant que c'était un homme pieux, d'un grand entendement, de beaucoup d'instruction et d'une foi vive. Je fus pourtant bien détrompé. Il suffit de connaître une seule de ses visions pour se mettre hors de doute sur son vrai caractère. C'est un des fous les plus ingénieux, les plus agréables, les plus amusants qui aient jamais mis la main à la plume. Ce sont des rêves à dormir debout, mais si extravagants, faisant si complètement divorce avec l'écriture et le bon sens, que l'on pourrait avaler aussi franchement les contes du Petit Poucet ou de Jack le destructeur de géants." (18)
(18) Matter, Notes, p. 429
John Wesley et la sorcellerie
Je travaille sur John Wesley (1703-1791), fondateur du méthodisme, qui était une des grandes références de feu le pasteur Derek Prince. Je lisais il y a peu un article de l'artiste canadienne Lorette C. Luzajic qui accusait Wesley de sorcellerie parce qu'il aurait guéri des gens et même ressuscité un mort selon Stephen Tomkins. Mais Lorette C. Luzajic ayant dit du bien de Michael Jackson dans un de ses livres, on n'est pas obligé de la croire (voir ce que moi-même j'écrivais à propos de ce chanteur il y a un an ici)...
Mais il est vrai que l'accusation de sorcellerie existe dans le méthodisme comme dans d'autres cultes chrétiens. A preuve cette accusation de connotation wiccane des United Methodist Women (UMW) à Orlando (Floride) en mai 1998 dans un article de Tom Graffagnino .
Wesley eut une attitude intéressante. A la fois il combattait la sorcellerie, et il insistait pour qu'on la prenne au sérieux pour pouvoir mieux la combattre et parce qu'elle était une sorte de preuve négative de l'existence de l'au-delà.
“Most of the men of learning in Europe have given up all account of witches and apparitions as old wives’ fables…. The giving up of witchcraft is the giving up of the Bible. With my last breath I will bear testimony against giving up to infidels one great proof of the invisible world, witchcraft … confirmed by the testimony of the ages,” a-t-il écrit dans son Journal de 1768.
A une époque où le rationalisme anglais préparait la dépénalisation de la sorcellerie (qui allait entraîner l'explosion de la Wicca) parce que beaucoup de gens n'y croyaient plus, Wesley, du haut de l'autorité de sa solide formation à Oxford, décrit précisément la sorcellerie, par exemple dans ses notes sur la Bible ici :
" 10. Useth divination - Foretelleth things secret or to come, by unlawful arts and practices. An observer of times - Superstitiously pronouncing some days lucky, and others unlucky. Or, an observer of the clouds or heavens, one that divineth by the motions of the clouds, by the stars, or by the flying or chattering of birds, all which Heathens used to observe. An inchanter - Or, a conjecturer, that discovers hidden things by a superstitious use of words or ceremonies, by observation of water or smoke or any contingencies. A witch - One that is in covenant with the devil. 11. A charmer - One that charmeth serpents or other cattle. Or, a fortune-teller, that foretelleth the events of men's lives by the conjunctions of the stars. Spirits - Whom they call upon by certain words or rites. A wizard - Hebrew. a knowing man, who by any forbidden way's undertakes the Revelation of secret things. A necromancer - One that calleth up and inquireth of the dead."
Comme l'écrit Pavel Rutkowski, de l'université de Varsovie : "Wesley’s Journal – written and published with the purpose of communicating his views and opinions to fellow Methodists – contained numerous extraordinary accounts of prophetic dreams, appearances of Christ and angels, instances of spontaneous combustion of corpses, treasure troves revealed by spirits, use of second sight, etc. Most space, however, was devoted to people’s contacts with the souls of the dead, demonic possession, and the way such phenomena were related to witchcraft".
L'intérêt de Wesley pour la sorcellerie serait venu du fait qu'après avoir échappé de justesse d'un incendie pendant son enfance, il avait été à 13 ans témoin du Poltergeist (manifestation d'esprits) d'Epworth (dans le Lincolnshire) dans sa propre maison en décembre 1716 qui dura jusqu'en février (voir The life and Times of the Rev. Samuel Wesley par L. Tyerman, London, Simpkin, Marshal & Co, 1866 p. 350).
Les partisans de Wesley suivaient le sillage du chapelain du roi Charles II, Joseph Glanvill, qui avait publié Sadduccismus Triumphatus en 1681 et tenait la négation de l'existence des démons pour un sadduccéisme moderne. Le magazine du mouvement méthodiste Arminian Magazine,reprit même l'épisode du "frappeur de Tedworth" (Drummer of Tedworth) cité par Glanvill. Mais Wesley savait faire preuve de discernement à l'égard de certains excès des croyances aux esprits.
Wesley, explique Rutkowski, à la différence de la plupart des protestants, ne croyait pas que les morts aillent au Ciel ou en Enfer, et que les apparitions spirites étaient de simples démons. Il croyait que les morts revenaient réellement livrer des informations aux vivants. Cela lui fit adhérer sans réserve au témoignage d'Elizabeth Hobson une jeune fille de Sunderland qui disait avoir des apparitions de gens morts depuis son enfance (tout comme il prenait au sérieux les cas de possession...). Mais dire que le spiritisme n'est pas d'essence démoniaque, n'est-ce pas une manière de le légitimer d'un point de vue théologique ?
Gambat et les séries sud-coréennes
Rediffusion sur France O le 8 janvier dernier à 13 h de l'émission de 2010 "Rendez-vous en terre inconnue - Virginie Efira chez les Tsaatans" où l'on voit l'actrice se livrer à un rituel de sorcellerie (j'espère qu'il ne lui est rien arrivé de mal à la suite de cela, la pauvre). Son hôte Gambat et son chamane y avouent regarder à la TV sous leur yourte glaciale les séries sentimentales sud-coréennes en guettant les femmes dénudées qu'on y aperçoit parfois... "Civilisation" quand tu nous tiens...