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Retour sur des pratiques taoïstes, shivaïtes et bouddhistes tantriques

2 Juin 2012 , Rédigé par CC Publié dans #Shivaïsme yoga tantrisme

taoisme.jpgJ'ai signalé dans mon livre sur la nudité, certaines tendances libertines voire anarchistes du taoïsme chinois. C'est un sujet que je connais mal, et je voudrais, pour l'explorer en détail, me fonder sur quelques développements de Robert Van Gulik (La vie sexuelle dans la Chine ancienne p. 426) repris de Sir John Woodroffe.

 

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Van Gulik est une source déjà ancienne et Woodroffe est controversé, mais personne ne nie l'existence des rituels mentionnés. L'auteur toujours à partir de la même référence précise que le tantrisme hindouïste était très respectueux des femmes (et condamnait d'ailleurs la crémation des veuves). Ce qui m'intéresse c'est qu'il identifie au fond trois mouvements qui ont travaillé à partir du coïtus reservatus dans des sortes de cérémonies telles que celles qu'évoque Woodroffe : le taoïsme chinois (surtout vers l'époque Tang de 618 à 907), le Vajrayana bouddhiste (disparu d'Inde au XIIe siècle avec la conquête musulmane), et le shaktisme saiva hindouïste, variante du shivaïsme qui existe encoe aujourd'hui. Pour certains le Vajrayana serait apapru au IVe siècle. Pour Van Gulik il naît vers 650, et le shaktisme lui n'est vraiment mis en forme que vers 900.

Selon lui le mysticisme sexuel (qui contribuera beaucoup à l'idée que la vérité du monde se trouve en soi et non dans le cosmos) est né en Chine au début de notre ère et s'est répandu en Inde via l'Assam (la région entre le Bouthan et le Bangladesh actuel) où la femme jouissait d'un meilleur statut qu'ailleurs (il rappelle que Bhaskara Varman, souverain de Kamarupa se disait d'ascendance chinoise tout comme une certaine tradition vajrayanique - cf Xuan Zang). C'est l'inverse du cheminement classique des idées qu'on connaît (de l'Inde vers la Chine). Alors qu'un climat guerrier règne au nord-est de l'Inde au VIIe siècle, "le mysticisme sexuel chinois, auquel le Tao donnait un arrière-plan anticonventionnel et antiautoritaire, stimula en Inde l'essor de la doctrine tantrique, cette protestation contre l'état des choses" (p. 436) qui notamment proclamait l'égalité des castes et des genres. Reprenant Giuseppe Tucci, Van Gulik estime que les pratiques autour du coitus reservatus (censé permettre une inversion des courants d'énergie et le développement de landogynie psychique pour une vie plus longue) venaient de Chine, l'imaginaire solaire qui habite le Vajrana, lui serait venu de l'Ouest (du Cachemire influencé par la manichéisme et le nestorisme iraniens). Tout cela selon Gulik aurait ensuite contribué à l'essor du culte de la Grande déesse Parvati au nord de l'Inde, puis se serait aussi retrouvé dans le lamaïsme, puis allait faire retour en Chine sous cette forme indianisée dans les bagages des khans mongols (mais déjà vers 800 des formes indianisées avaient fait retour vers la Chine). Les restes de cette histoire glorieuse aurait été sédimenté dans les textes de la secte japonaise Tachikawa Ryu.

Il faudrait ici les compétences d'un bouddhologue pour nous dire jusqu'à quel point les hypothèses de Van Gulik sont confirmées par les recherches récentes ou infirmées. Le passage de Woodroffe en tout cas me faisait penser à la mode japonaise du bukakke, qui aurait gardé des rituels le collectivisme en inversant cependant de façon ostentatoire la tradition mystique du coïtus reservatus. Les Japonais en ont-ils (même confusément) conscience, ou sont-ils trop accaparés par leur dialogue avec (ou leur immersion dans)  la modernité occidentale pour y songer ?

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