"De nuditate sacra sacrisque vinculis"
La Revue Sociologique de 1911, p. 231-232, expédie assez rapidement le "De nuditate sacra sacrisque vinculis" de Josef Heckenbach publié en 1911, commenté par la Revue
"Cette petite étude ou plutôt cette suite de deux petites études s'attaque à deux problèmes différents : le problème de la nudité sacrée et celui des liens ou plutôt des noeuds et de leur usage dans la religion et dans la magie. On retrouvera un groupement utile des principaux textes de l'antiquité où il est question de la nuditas sacra : l'auteur montre la nécessité de la nudité pour celui qui accomplit un certain nombre de rites, pour le sacrifiant et pour le sacrifié dans certains cas. C'est une vierge nue qui nourrit le serpent d'Apollon en Epire ; Polyxène est immolée nue. certaines processions, certains rites funéraires, des rites agraires, des rites magiques n'obtiennent leurs effets que si celui qui les accomplit s'est dépouillé de tout vêtement. Malheureusement, l'auteur ne distingue pas suffisamment les tabous exigeant la nudité, la nudité lustrale, et les cultes phalliques ou génésiques qui sont des choses tout à fait distinctes. L'auteur voit dans la nudité des pieds exigée de celui qui pénètre dans un temple, un reste de la nudité antique exigée en pareil cas.
A propos des noeuds, M. H. met en lumière la force inhibitoire des noeuds dans les choses sacrées, et l'usage que la magie fait de cette force. La crainte superstitieuse de lien magique s'attache aux noeuds : pour les actions saintes, on doit les éloigner. Au contraire, le magicien utilise cette vertu des noeuds pour nuire à autrui."
Sur la nudité des pieds, on y reviendra peut-être ultérieurement sur un livre fort étrange d'un avocat de Melun du XVIIe siècle, Sébastian Rouillard, "Les Gymnopodes ou De la nudité des pieds", 1624. A lire dans le prolongement du chapitre sur la nudité des pieds dans "Nudités romaines" de Cordier.
Il est dommage que ce texte latin ne soit pas traduit. On en trouve des références et des discussions chez divers auteurs. Par exemple Ch. Josserand en 1932, dans un texte sur les symboles pythagoriciens s'appuie sur Heckenbach pour rappeler que Médée dans Sophocle cueille les herbes maléfiques nues, de même que deux magiciennes sur un vase antique décrit par Hamilton en 1795, représentant un katadesmos selènès : deux magiciennes nues regardent la lune, figurée par un cercle où l'on distingue une figure de femme, elles tiennent d'une main l'une un glaive l'autre une baguette, toutes deux tendent vers l'astre l'autre main et la descente de la lune est suggérée par une chaîne qui joint le globe à la terre, et l'on sait depuis Tibulle et Horace (Horace le dit à propos d'une Thessalienne) que les magiciennes tentaient de faire descendre les astres. Hérodote (Op. 729) fait allusion au danger de se dévêtir la nuit, ce que Pline l'Ancien dans Histoires naturelles XXVIII 69 interprète comme une offense aux dieux à qui appartient la nuit. l signale que le Flamen Dialis ne peut se dépouiller de sa Tunique, si ce n'est dans un endroit couvert (Aulu Gelle et Plutarque), et Josserand rapproche de cela l'interdiction d'uriner devant le soleil chez Plutarque.
Le Tadjikistan durcit sa législation contre la sorcellerie
Le président tadjik Emomali Rakhmon a annoncé avoir modifié le Code pénal le jeudi 23 septembre lors d'une réunion du gouvernement, pour porter à sept ans de prison la punition des actes de sorcellerie déjà sanctionnés par des amendes depuis 2008. 5 000 personnes seraient passibles de ces sanctions. A titre de curiosité, pour un regard salifiste tunisien sur la sorcellerie, vous pouvez jeter un oeil à ce billet,
Le Dalaï-Lama machiste ?
Le Dalaï Lama a déçu ses supporters féministes en déclarant que si une femme devait lui succéder, elle devrait être jolie.
Le marché les médiums en Italie
4,5 milliards d'euros par an correspondant à 33 000 personnes chaque jour, c'est le chiffre avancé par le directeur de l'Osservatorio Antiplagio dans ABC. Age moyen 47 ans, 51 % de femmes.
Notre Dame de la Charité du Cuivre
Dans mon livre autobiographique j'ai rappelé qu'un de mes ancêtres avait servi comme volontaire dans la guerre de Cuba. A l'heure où le pape à Cuba rend hommage à Notre Dame de la Charité du Cuivre, je lis ceci dans "La Croix Supplément" du jeudi 13 juillet 1899, à propos des brigandages commis par d'anciens guerilleros espagnols vaincus (des "reconcentrados") :
"Le fait qui a le plus surexcité l'émotion générale est la violation du sanctuaire de Notre Dame de la Caridad del Cobre (littéralement Notre Dame de la Charié du Cuivre), très vénéré à Cuba et en particulier à Santiago de Cuba où il est situé. La statue de la Vierge et de l'Enfant Jésus est un souvenir des premiers temps de la découverte de Cuba par Christophe Colomb et ses compagnons. Parmi ces derniers se trouvait un capitaine célèbre par ses exploits et ses audaces, Alfonso de Ojeda. Il avait une grande dévotion pour la Sainte Vierge et portait toujours sur lui son image, à laquelle il attribuait l'invulnérabilité dont il semblait jouir dans les combats.
Pour reconnaître l'hospitalité d'un cacique, il lui fit don d'un grand médaillon en cuivre représentant la Sainte-Vierge et l'Enfant jésus, et ce cacique se sentit pris d'une si grande vénération pour cette image qu'il la plaça dans un ermitage que, de concert avec Ojeda, il éleva, et qui fut le premier sanctuaire de l'île de Cuba. Il disparut, on ne sait à quelle époque, mais, en 1628, deux Indiens trouvèrent flottant dans la baie de Nipe un cadre en bois contenant une plaque de cuivre où étaient figurés la Vierge et l'Enfant avec cette inscription : "Je suis la Vierge de la Charité".
On supposa que c'était l'image donnée par Ojeda au cacique un siècle auparavant, et on la plaça dans un chapelle, où elle fut longtemps vénérée. C'est d'après cette image qui a disparu qu'on modela la statue actuelle de Notre Dame de la Caridad del Cobre. Souvenir d'une époque héroïque, elle a toujours été vénérée avec une dévotion qui, malheureusement, ne s'est pas traduite seulement par des prières. Une piété trop démonstrative l'avait ornée de riches bijoux, d'or, de pierreries, de dentelles, dont on estime la valeur à 125 000 francs. Riche proie offerte à la tentation des voleurs.
Un matin, on s'aperçut que la tête de la Vierge et celle de l'Enfant Jésus avaient été enlevées pendant la nuit, avec toutes les richesses qu'elles portaient. Ce vol sacrilège porta au comble l'indignation des fidèles. On n'est pas parvenu à mettre la main sur les voleurs ; mais, heureusement, ce qui est plus important, on trouvé abandonné en divers endroits la plupart des bijoux soustraits, et, dans un champ près du sanctuaire, la tête de la Vierge. On n'a pu encore rentrer en possession de celle de l'Enfant Jésus. Evidemment l'impossibilité de se défaire des objets volés a forcé les malfaiteurs à en abandonner la plus grande partie.
La cérémonie pour la réparation du sacrilège eut lieu en présence d'un concours énorme de fidèles.
Ces choses-là n'arrivent pas qu'à Cuba : les églises de France ont été trop souvent victimes de pareils larcins.
Mais ce qui est plus spécial à Cuba c'est l'existence de bandes armées qui terrorisent les campagnes, c'est aussi les vengeances exercées contre les résidents espagnols" (la lettre du correspondant de La Croix est datée du 27 juin 1899).
Près d'un siècle plus tard Etudes de décembre 1988 (p. 597) faisait état de l'importance du pèlerinage au sanctuaire national de Notre Dame du Cuivre dans le Sud de Cuba à Santiago où se rendaient des milliers de personnes, ce qui étonnait la hiérarchie catholique elle-même.
Le 17 septembre dernier le journal Granma précisait que c'étaient deux enfants noirs et un enfant indien qui avaient trouvé l'image, transférée à Saint-Jacques des Prés (El Cobre) par le père franciscain Francisco Bonilla, puis à l'ermitage Cerro de Cardenillo où des descendants d'affranchis angolais lui édifièrent un sanctuaire. Le récit de Granma est très différent de celui de La Croix évidemment, insistant plus sur la créolité de la Vierge et son rôle dans la formation du sentiment national cubain. Le souvenir de Ojeda notamment, découvreur du Venezuela, passe totalement à la trappe.
Visions de Ste Anne-Catherine Emmerich
Anne-Catherine Emmerich dans ses visions de 1821 voit quatre générations d'ascendants de la vierge Marie, tous pieux. Des prêtres parmi eux, des gens bienveillants. Ils couraient, dénudaient leur poitrine pour appeler Dieu. Les ancêtres de Ste Anne vivaient à Mara, près du mont Horeb. Ils avaient des rapports avec les Esséniens (Escariens, khasidéens), c'étaient des Esséniens mariés. Leur chef Arcas ou Archos à l'époque de la grand mère de ste Anne, Marouni ou Emoroun, (vers - 50), avait des visions prophétiques dans la grotte d'Elie, mais ils savaient que la naissance du sauveur était empêchée par les péchés des hommes. Il y avait déjà des ancêtres d'Anne esséniens au moment de la formation des communautés monachiques par Isaïe (les esséniens étaient déjà des prêtres de l'arche à l'époque de Moïse). Sur instruction d'Arcas, elle épousa son sixième prétendant, l'essénien Stolanus, qui n'était pas du pays de Mara. Emera une des trois filles, eut pour fille Anne selon ce qu'on disait à la mystique, mais elle a toujours vu que c'était Ismeria. Ismeria épousa un certain Eliud des environs de Nazareth et mena avec lui une vide d'essénienne. Ismeria eut une fille Sobé, mais ne vit pas de signe de prédestination. Elle se rendit auprès d'Archos qui l'exhorta à la prière. Après 18 ans de stérilité, un ange traça un "M" sur le mur de sa chambre, son mari vit aussi la lettre. Trois mois après ils enfantaient Anne qui avait ce signe sur l'estomac. Elle fut scolarisée au Temple de 5 à 17 ans et se retrouva à son retour à la maison avec une petite soeur et un frère. Ismeria décéda l'année suivante et nomma Anne chef de la maison. Elle lui dit qu'elle était un vase d'élection et de s'entretenir avec le prêtre Archos. Anne était née à Bethléem, ses parents avaient des terres dans la vallée de Zabulon près de Nazareth et s'installèrent à Sephoris. Anne épousa Joachim. Anne enfant n'était pas belle, mais simple et pieuse.
Ils habitèrent chez le père d'Anne près de Sephoris, avec toujours des visages graves. Il y avait des serviteurs dans leur maison. Anne eut une fille prématurée à cause d'une dispute avec une servante. Celle-ci ne portait pas de signe de prédestination. Ils l'appelèrent Marie. Ils firent pénitence, Anne était devenue stérile. Ils s'établirent près de Nazareth. Leur maison était sur une hauteur entre la vallée de Nazareth et celle de Zabulon. La stérilité d'Anne à 43 ans pendant 19 ans lui valut du mépris. Un ange annonça la naissance de Marie. Des lettres rouges dorées furent sur le mur de sa chambre. Vision d'un tabernacle rideaux retirés. Le démon qui guète sur les marches de l'annonciation.
Toute cette vision de la pureté de Marie voulue de toute éternité est très émouvante.
Dommages causés aux cultes mariaux dans le Sud-Ouest
En vertu de l'adage "Regnum Galliae, Regnum Mariae" qui figure au début de son livre, le curé de Saint-Sulpice, André Jean Marie Hamon, entreprit entre 1861 et 1866 la publication d'un "Notre-Dame de France, ou Histoire du culte de la sainte Vierge en France depuis l'origine du christianisme jusqu'à nos jours,...." en sept volumes.
Le volume 3, qui est le seul accessible sur Gallica est intéressant notamment par le fait qu'il rend compte des dommages causés aux sanctuaires mariaux dans le Sud-Ouest de la France par les Réformés protestants et des efforts des paroissiens pour les reconstruire.
L'abbé Hamon se penche notamment sur le cas de Notre Dame de Buglose, lieu de pèlerinage traditionnel dans les Landes :
"Placée sur la paroisse de Pouy, qu'a tant illustrée la naissance de saint Vincent de Paul, à cinq kilomètres du chêne qui abrita la première enfance de cet homme de Dieu, au milieu des sables du désert, cette antique chapelle était, de temps immémorial, l'objet de la vénération de toute la contrée, ainsi que la statue de Marie, qu'on y conservait, lorsque, le 28 novembre 1569, Jeanne d'Albret rendit une ordonnance portant que « les oratoires champêtres qui servaient, disait-elle, à de folles superstitions, ensemble les autels et retables des églises dans » les villes et les villages seraient rasés, démolis et les » pierres converties a des besoins utiles ». L'année suivante, 1570, en vertu de ce décret, le sanctuaire de Buglose fut livré aux flammes; et la statue, sauvée de la destruction par quelques catholiques, fut jetée secrètement par eux dans un marais, aujourd'hui desséché, à trente ou quarante pas de la fontaine miraculeuse qui existe encore. Ils se proposaient de l'en retirer quand luiraient des jours meilleurs; mais, ces jours n'étant pas venus de leur vivant; ils emportèrent leur secret dans la tombe.
En 1620, Louis XIII venait de rétablir le culte catholique dans le Béarn, quand un pâtre, qui avait coutume de mener paître son troupeau près du marais, vit, de dessus un chêne où il était monté, un de ses bœufs entrer dans le marais et y lécher une statue en poussant des mugissements.
Il descend aussitôt, court avertir le curé de Pouy; celui-ci arrive, on retire la statue, et l'on reconnaît l'image de la sainte Vierge. Alors les traditions a demi effacées dans le souvenir se réveillent : on réunit des pierres éparses, on dresse à la statue de Marie un piédestal à la place même où est aujourd'hui la chapelle de la Fontaine; et depuis lors, la sainte Vierge ne s'appelle plus que Notre-Dame de Buglose, soit qu'on ait formé ce nom du mot français beugler; soit qu'on l'ait tiré de deux mots grecs bOUÇ et yXiocrcra, la langue du bœuf.
Cette statue, dit l'ancien historien de la chapelle, était en pierre très-fine, et haute seulement de trois pieds trois pouces. Elle représentait la Mère de Dieu ceinte d'une couronne, assise sur un fauteuil, et tenant entre ses bras l'Enfant Jésus également couronné. Le bruit de cette découverte se répandit bientôt; des malades vinrent devant la merveilleuse image demander leur guérison, et l'obtinrent. Averti de ce qui se passait, l'évêque de Dax, Jean-Jacques du Sault, se transporte, avec plusieurs chanoines de son chapitre, dans cet endroit ignoré. Il procède à une enquête juridique, constate les faits; et, pour faciliter la dévotion à la sainte image, il en ordonne la translation à l'église paroissiale de Pouy.
Mais les bœufs attelés au chariot qui porte la statue s'arrêtent tout a coupa une distance de quatre cents pas, et on ne peut plus les faire avancer. A ce spectacle, on s'écrie de toutes parts : C'est ici que Marie veut être honorée ; la volonté du ciel est manifeste. En conséquence, on dépose l'auguste image sur les ruines de l'ancien sanctuaire, et l'évêque donne l'ordre d'en élever un nouveau dans ce lieu la même. La libéralité épiscopale fournit aux premières dépenses, le marquis de Poyanne suivit l'exemple donné par l'évêque; le peuple tout entier s'y associa; les travaux marchèrent avec rapidité, et, en moins de deux ans, l'édifice fut achevé. Jean-Jacques du Sault, pour réparer, autant qu'il était en son pouvoir, l'outrage fait par l'hérésie à la Mère de Dieu, voulut le bénir lui-même, le lundi de la Pentecôte 1622, avec toute la pompe possible, et prescrivit en conséquence que, ce jour-là, une procession générale du clergé et du peuple partirait de la cathédrale de Dax et se rendrait à la chapelle de Notre-Dame de Buglose.
L'appel du prélat fui en tendu au loin. Au jour annoncé, partirent de la cathédrale, sur deux lignes immenses, le clergé de la ville et l'évêque entouré de son chapitre, le marquis de Poyanne, gouverneur des châteaux de Dax, Mont-de-Marsan et Navarens; les membres du présidial, en robes rouges; les autres magistrats de la cité, et une multitude de peuple. Tous firent à pied, sur la terre sablonneuse des landes, au milieu des plus fortes chaleurs, au chant des hymnes et des cantiques, cette route de deux lieues. Après la bénédiction de la chapelle, le saint sacrifice fut célébré, et le prélat consacra à Marie son diocèse et sa personne.
Un grand concours de pèlerins ne tarda pas à se diriger vers Buglose. Il en vint non-seulement de toutes les parties du diocèse de Dax, mais encore des diocèses d'Aire, Bordeaux, Bayonne, Auch, Tarbes, Lescar et Oloron, et les miracles se multiplièrent en proportion du concours. Dès l'année 1622, on en compta dix-neuf; l'année suivante, il y en eut vingt-quatre. Ces grâces étaient si nombreuses et si éclatantes qu'on voulut en conserver le souvenir authentique. A la requête du curé de Pouy, premier directeur de la chapelle de Notre-Dame de Buglose, l'évêque de Dax nomma une commission d'examen, composée de six prêtres choisis et de M. de Lalanne, conseiller du roi et lieutenant assesseur, nommé a cet effet, sur la demande de l'évêque, par le tribunal du présidial dont il faisait partie. L'enquête fut faite avec soin, les procès-verbaux dressés exactement, et les originaux restèrent en dépôt dans les archives de la sainte chapelle jusqu'à la révolution, où ils disparurent.
C'est à ce moment, où le sanctuaire de Buglose, sorti récemment de ses ruines, attirait une foule de pèlerins, qu'un visiteur déjà célèbre par sa sainteté se mêla à leurs rangs.
Saint Vincent de Paul était né dans la paroisse de Pouy, en 1576, quarante-quatre ans environ avant la découverte de la statue, six ou sept ans après la destruction de l'antique oratoire de Marie. En 1623, il venait de prêcher aux galériens de Bordeaux les exercices de la mission. Se trouvant peu éloigné du lieu de sa naissance, il se détermina à faire une visite à ses parents". Il reçut l'hospitalité chez le curé de Pouy, son parent et son ami, qui avait pris une si grande part au rétablissement du pèlerinage. Ému de ce qu'il entendait raconter de Notre-Dame de Buglose, dont il avait vu les débris quand il n'était qu'un simple pâtre, le saint voulut, le jour de son départ, aller nupieds depuis l'église de Pouy jusqu'à la sainte chapelle, qui en est éloignée de six kilomètres. Ses frères, ses sœurs, ses autres parents et presque tous les habitants du lieu l'y accompagnèrent et s'y rendirent sous sa conduite en procession. Arrivé à la chapelle du pèlerinage, saint Vincent y chanta la messe solennelle sur un autel que les pèlerins peuvent encore y voir aujourd'hui, reçut ensuite a dîner tous ses parents, leur recommanda de ne pas quitter l'état où le ciel les avait fait naître, mais de s'y attacher pour la vie; puis il leur donna sa bénédiction et leur dit adieu pour toujours. Comme saint Vincent, des multitudes étaient attirées à Buglose par la confiance en la Vierge qu'on y honorait. Les habitants des côtes du Maremne et du Labour venaient y demander à Marie une heureuse navigation; et, chaque année, les paroisses voisines venaient, en procession , l'implorer pour leurs divers besoins, surtout dans les temps de calamités.
On voulut asseoir sur des bases solides le service d'un pèlerinage si fréquenté; les lazaristes furent appelés à garder le berceau de leur père, sur une terre encore toute pleine des souvenirs de son enfance; Mgr Bernard d'Abbadie d'Arboucave les y établit en 1706; ils devinrent curés -et seigneurs de Pouy, qui embrassait Buglose.
La présence de ces bons prêtres jeta un nouveau lustre sur le pèlerinage. Les faveurs signalées qu'on y obtenait en jetèrent un plus grand encore; et la renommée de ce sanctuaire gagna de plus en plus. En 1709, la reine douairière d'Espagne, Marie-Anne de Newbourg, souffrant de vives douleurs au bras gauche, fit vœu d'aller à Buglose, si, par l'intercession de Notre-Dame, elle était délivrée de son mal. Ses douleurs cessèrent tout à coup.
Fidèle à sa promesse, elle se rendit avec sa cour de Bayonne à la sainte chapelle, où elle fut reçue au chant du Te Deum, et s'approcha de la sainte table.
Les mêmes douleurs reparurent deux autres fois; deux autres vœux à celle qui lui avait déjà obtenu la guérison l'en délivrèrent de nouveau. Pour remercier la Mère de Dieu de ces deux faveurs, Anne de Newbourg envoya a sa place, suivant un usage assez répandu alors, six religieux de l'étroite observance de saint François, sous la conduite du P. Hermann de Colmar. Ces religieux partirent du couvent de Saint-Jean de Luz, se rendirent a Buglose; et, après avoir rempli les intentions de la reine, ils dressèrent du tout un procès-verbal.
En 1725, le pape Benoît XIII, pour encourager de plus en plus cette dévotion, accorda à perpétuité, une fois chaque année, une indulgence plénière à tous les fidèles qui visiteraient Notre-Dame de Buglose et y prieraient suivant les intentions du Saint-Siège."
Il s'agit là d'un exemple de sanctuaire rené de ses cendres.
Comme le note l'abbé Hamon, Jeanne d'Albret ne craignait pourtant pas de renier ses propres croyances lorsque sa vie était en danger :
"Pau étant une ville assez moderne , elle ne peut avoir de sanctuaires de Marie datant d'une haute antiquité. On y voit seulement un monastère de Notre-Dame du Carmel, un ancien cimetière dit de Notre-Dame, où les principales familles se faisaient enterrer, et les vestiges d'un oratoire célèbre bâti par les anciens seigneurs du pays, à l'entrée du pont, qui seul donnait accès au château de Pau; c'était comme une sentinelle avancée, destinée a protéger la forteresse. Les Béarnais y avaient une grande confiance, et, dans les dangers, dans la souffrance, ils invoquaient celle qu'ils appelaient Notre-Dame du Bout-du-Pont. Chose curieuse, Jeanne d'Albret elle-même, sur le point d'accoucher de Henri IV, oubliant l'hérésie au milieu des douleurs de l'enfantement, entonna d'une voix ferme le cantique des femmes du Béarn :
Nouste Dame Deu-Cap-deu-Poun Adjudat me ad aqueste ore.
Frégats au diii deu ceuQu'em bouilhe bié deliura Ieii.
C'est-à-dire : Notre-Dame du Bout-du-Pont Aidez-moi à cette heure.
Priez le Dieu du ciel Qu'il veuille bien me délivrer."
La liste des destructions ne s'arrêta pas au sanctuaire landais. En Béarn au sud d'Oloron Notre-Dame de Sarrance, qui doit son origine, dit la légende, à la découverte d'une statue de la Vierge par un berger, auquel un bœuf de son troupeau l'avait indiquée, en allant, chaque soir, de l'autre côté de la rivière, s'agenouiller devant elle, où Gaston Phebus, Louis XI et Marguerite de Navarre (qui lui rend hommage dans son Heptaméron) se rendirent en pèlerinage, fut attaquée.
"Les protestants envahirent Sarrance, écrit l'abbé Hamon, pillèrent ou livrèrent aux flammes le couvent, les appartements du roi de Navarre et des seigneurs, les titres de la maison, les chartes des privilèges, les procès-verbaux des miracles opérés par la sainte Vierge. Ils firent pis encore ; ils tuèrent tous les chanoines, qui préférèrent la mort à l'apostasie qu'on leur proposait, comme seul moyen de sauver leur vie. Un seul, l'abbé de Capdégui, put s'évader, emportant avec lui les vases sacrés de la chapelle, les ornements et autres objets précieux, et surtout la statue, qu'il cacha dans une grotte de la montagne. Il se réfugia en Espagne, d'où il revint quand cessa la - persécution. Alors il rendit à l'église tout ce qu'il avait sauvé, rétablit la Vierge sur le maître-autel, répara tous les dégâts le mieux qu'il put; et Notre-Dame de Sarrance parut renaître de ses ruines "
A Lescar Gabriel Ier de Montgomery en août 1569, saccagea la cathédrale où reposaient pourtant les restes de la mère de Jeanne d'Albret.
Dans la paroisse de Pardies, Les habitants, qui avaient autrefois deux églises, les. avaient vues tomber sous le marteau du protestantisme endurèrent dix ans de récoltes perdues et une famine.
"Louis XIII ayant rendu aux catholiques du Béarn la liberté de leur culte, les paroissiens de Pardies firent vœu, pour apaiser la colère céleste par l'intercession de Marie, d'élever à Notre-Dame de Pitié un oratoire sur le haut de la colline Testamale. L'évêque de Lescar ayant approuvé ce vœu, à condition qu'on s'engagerait à tenir toujours la chapelle pourvue de tout ce qui serait nécessaire au culte, et que les exercices qu'on y ferait ne préjudicieraient ni à l'église paroissiale, ni au curé, ni au patron du lieu, on se mit aussitôt a l'œuvre avec une ardeur que ne rebuta ni la difficulté des lieux, ni l'éloignement des matériaux; et en deux mois et demi l'édifice fut achevé. Le 15 août 1661, l'évêque de Lescar y autorisa la célébration de la messe ; le 31 du même mois, eut lieu la consécration ou dédicace de cette église, en présence des catholiques des environs accourus en foule ; aussitôt la terre reprit sa fertilité, et ceux que la famine avait fait partir rentrèrent dans leurs foyers. Dès lors, il y eut à la nouvelle chapelle une affluence chaque jour plus grande, provoquée par les grâces qu'on y obtenait, et, en 1662, on put y ajouter un clocher, avec une cloche portant l'inscription : Mater misericordiœ, ora pro nobis.
Plusieurs prêtres vinrent s'établir dans une maison voisine, pour prêter leur saint ministère aux nombreux pèlerins; et le curé de Pardies, qui s'était borné jusqu'alors à célébrer les offices dans la chapelle aux fêtes de la sainte Vierge, en fut nommé chapelain, à la charge par lui de donner un vicaire au gré de la population, et qui y résidât habituellement. La multitude des pèlerins rendait nécessaire cette présence habituelle du prêtre : car ils étaient si nombreux qu'ils étaient réduits a passer la nuit, les uns en plein air, les autres dans l'église, chantant des cantiques à la Mère de miséricorde; et même, pour éviter les désordres qui pouvaient se glisser dans une telle foule agglomérée, surtout pendant l'obscurité, les paroisses voisines réglèrent qu'elles n'y viendraient plus qu'en procession. C'était un spectacle édifiant de voir dans ces processions tout le monde si recueilli, et les malades qui avaient été merveilleusement guéris par l'invocation de Notre-Dame de Piétat, apportant pour offrande les uns dès lampes, des tableaux, des images, des ornements, des linges sacrés, les autres de l'argent pour orner le sanctuaire de Marie.Le souverain pontife, par une bulle du 12 mai 1709, y autorisa l'établissement d'une confrérie; il accorda même des indulgences à ceux qui contribueraient à agrandir cette chapelle, manifestement trop petite pour le nombre des visiteurs; et les évêques du Béarn permirent une quête à cet effet dans tout le pays. Grâce à ces ressources, l'oratoire primitif fut, en 1753, élargi, exhaussé et décoré d'un grand tableau représentant l'Assomption. Aujourd'hui, c'est une chapelle convenable, desservie par des missionnaires qui y sont établis, toujours disposés a accueillir les pèlerins. Il y a trois autels ornés de - tableaux; la statue de la Vierge, placée à l'autel principal, est en bois peint ; sous ses pieds se tord le dragon infernal, et à sa droite comme à sa gauche est un ange.
Les populations y viennent prier comme autrefois ; elles y apportent des offrandes en argent ou en, nature, vont boire à la fontaine bénie qui coule à quelques pas, et en remportent des grâces souvent signalées. Nous n'avons point dit dans l'histoire de ce pèlerinage les bienfaits nombreux qui y ont été obtenus. L'auteur, qui en a écrit l'histoire en 1781, se plaint du peu de soin qu'on a mis à les constater. Il cite pour sa part ceux dont il a été témoin, et qui consistent dans la guérison soudaine de plusieurs maladies réputées incurables, ou de longues infirmités." (p. 428-429)
A Lestelle-Betharam qui doit son nom au "beau rameau" qui sauva une jeune fille des flots du Gave quand elle appela la Vierge à son secours ("Par reconnaissance, la jeune fille plaça sur l'autel de sa libératrice une branche aux feuilles d'or" explique l'abbé Hamon), mais qui était déjà un lieu sacré au Moyen-Age. "Les troupes protestantes du comte de Montgomery pillèrent ou incendièrent tout, et ne laissèrent que les murailles, qui résistèrent au feu. La statue miraculeuse qu'on y honorait fut soustraite aux profanateurs, cachée pendant cinq ans à Lestelle, bourgade voisine, et enfin mise en sûreté à Jaca, en Aragon, où elle est encore vénérée sous le nom de Notre-Dame la Française ou la Gasconne.
Vers l'an 1600, l'évêque de Lescar, étant venu faire sa visite dans la contrée, s'affligea de l'état de désolation où etait un sanctuaire si renommé, et obtint du roi l'autorisation de le relever. Le conseil souverain de Béarn n'eut pas plutôt, quoique composé de calvinistes, vérifié les
lettres patentes d'autorisation, que les habitants de Lestelle se mirent au travail. Pendant ce temps-là, l'évêque de Lescar demanda au supérieur de la communauté des prêtres de Notre-Dame de Garaison, dans le diocèse de Tarbes, un de ces prêtres propres par leur piété, leur intelligence et leur zèle, à fonder des établissements durables; il s'appelait Hubert Charpentier. Ce supérieur envoie le prêtre demandé, et apprenant, quelque temps après, les difficultés que rencontre son ministère, il se rend lui-même en procession depuis Garaison jusqu'à Lestelle, avec six prêtres de sa communauté, la musique de son église et deux mille catholiques. Partout la procession est bien accueillie, malgré les protestants, qui couvraient le pays; partout les populations catholiques se joignent à elle; et à l'arrivée à Bétharam, on comptait plus de cinq mille personnes. Le supérieur célèbre la messe dans la chapelle, prêche sur la place publique, et annonce l'établissement d'une communauté de prêtres voués à la propagation du culte de la sainte Vierge. Cette institution attira à Bétharam de nombreux pèlerins; l'archevêque d'Auch y vint lui-même processionnellement, accompagné des principaux personnages du pays, d'un nombre considérable de prêtres du Béarn et de Bigorre, et de tous les religieux de l'abbaye de Saint-Pé. Il déposa sur l'autel une statue de la Vierge qu'il avait apportée, reçut l'abjuration d'une dame calviniste, prit possession de la colline du calvaire donnée par les habitants de Lestelle, et y planta une croix au nom de Jésus et de Marie.
Cependant la communauté des prêtres de Bétharam avait beaucoup à souffrir : d'une part, c'étaient des privations de toutes sortes dans une maison naissante, une église commencée, mais non achevée; d'autre part, c'étaient les protestants qui leur suscitaient mille désagréments. Enfin, Louis XIII étant venu en 1620 pour assurer la liberté religieuse dans ces contrées, l'évêque - Lescar rappela Hubert Charpentier, qui s'était retiré momentanément a l'hôpital de Bordeaux, où il se consacrait au service des pauvres. Ce saint prêtre, revenu à Bétharam, et nommé supérieur par l'évêque, avec autorisation de se choisir six chapelains au plus, pour [l'exercice du culte et la réception des pèlerins, organisa s sa congrégation, en dressa les statuts, qui furent approuvés par le prélat et confirmés par lettres patentes du roi, reprit les constructions de la chapelle, l'agrandit et l'enrichit de vases sacrés et autres objets nécessaires au culte, dont la ville de Bordeaux lui avait fait présent." (p. 430 et suiv)
A nouveau profané à la Révolution, le sanctuaire allait être rénové par le basque Saint Michel Garicoïtz, professeur du séminaire majeur de Betharram, En 1856, des Basques émigrés à Buenos Aires demandèrent à ce prêtre l'envoi de pères missionnaires. Ces pères du diocèse du Bayonne (surnommés "les bayonnais" essaimèrent en Uruguay et au Brésil). Et Notre Dame de Betharram est aujourd'hui patronne entre autres de Martín Coronado en Argentine, paroisse qui lui consacre une page sur Facebook.
La liste des attaques contre les sanctuaires et de leur rénovation s'étend à d'autres diocèses, mais je reviendrai dans quelque temps sur les sites mentionnés ici, car ce sont des lieux que j'ai bien connus durant mon enfance.
Moissons
Période de moissons au nord de la Loire, avec les fêtes populaires qui vont avec.
On lit dans un journal normand du 4 septembre :
"Le père Michel Bourdon, prêtre auxiliaire de la paroisse Notre-Dame et Saint Michel d’Eu sur Bresle et Yères, a célébré la messe des moissons en l’église Saint-Martin de Melleville, le dimanche 30 août. Il a rappelé l’origine de cette fête et l’importance que revêt cette activité agricole dans notre société. Les fidèles se sont rendus nombreux dans une église superbement décorée de croix en épis de blé et de fleurs et, après la bénédiction des pains, le prêtre a béni une dizaine de tracteurs, eux aussi pavoisés."