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Sainte Thècle : de la Cilicie à Tarragone

19 Novembre 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Christophe, #Histoire des idées, #down.under

J'ai déjà parlé sur ce blog de l'arrière-grand-père de ma grand-mère paternelle, Pedro Aguilar (1819-1881), franciscain de l'ordre tertiaire. Sa  propre grand-mère Tecla Cañizar était décédée à Valjunquera (province de Teruel, dans le Bas-Aragon, à la limite de la Catalogne), en 1844, quand il avait 25 ans. Elle s'appelait donc Thècle, comme la compagne légendaire de Saint Paul, dont personnellement j'ai découvert l'existence dans les années 1990 en lisant "Le Renoncement à la Chair" de P. Brown. J'ai été surpris en l'apprenant car ce prénom était peu usité en France à la même époque. C'est un  prénom qui fait miroiter l'Aragon avec la chrétienté d'Orient.

En lisant ce texte de Valentina Calzolari, de l'université de Genève, spécialiste de l'Arménie, The Legend of St Thecla in the Armenian Tradition from Asia Minor to Tarragona through Armenia on apprend comment la spiritualité autour de Thècle s'est nourrie d'un aller-retour avec la culture arménienne. L'article raconte en effet comment Les Actes de Paul et Thècle, qui narrent la vie de la première femme martyr chrétienne, texte syriaque du IIe siècle, ont été traduits en Arménie au début du Ve siècle (l'Arménie était chrétienne depuis le début du IVe siècle). Fauste de Byzance au Ve siècle, dans son Histoire de l'Arménie, fit de Sainte Thècle la gardienne de l'orthodoxie chrétienne face à l'arianisme (une hérésie de l'Arménie, inféodée à l'Empire romain) n'adopta jamais. Selon lui, en 378, quand l'empereur romain arien Flavius Valens (qui succéda à Julien l'Apostat et à Jovien) meurt, ce n'est pas entre les mains des Goths à la bataille d'Andrinople,  mais tué par St Théodore et St Serge, sur ordre d'une assemblée de martyrs à l'initiative de Ste Thècle, ce dont un sophiste fut témoin en vision dans le sanctuaire de la sainte. Ste Thècle est ainsi érigée en protectrice du Crédo de Nicée.

Il semble que l'épisode renvoie au fait qu'il y avait un sanctuaire d'incubation dédié à Ste Thècle à Séleucie au sud de l'actuelle Turquie, où, selon La vie et les  Miracles de Thècle du pseudo-Basile de Séleucie la sainte aurait vaincu le démon d'Athéna.

En 1320, Séleucie en Cilicie est dirigée par une dynastie arménienne car une communauté arménienne s'y était installée fuyant les seldjoukides. C'était un des ports où faisaient halte les marchands catalans sur le chemin de l'Orient. Grâce aux bonnes relations entre le roi arménien Oshin (4 lettres de lui sur la question sont gardées aux Archives générales de la Couronne d'Aragon à Barcelone, copie des authentiques) puis son fils Levon IV et le roi d'Aragon Jacques II, évoquent le transfert des reliques de Sainte-Thècle de Séleucie à Tarragone. Dans une lettre du 4 septembre 1319, Jacques II annonce l'arrivée prochaine en Cilicie de la mission diplomatique aragonaise, qui remettra des dons au roi arménien. Dans la seconde  du même jour, il évoque la création récente de la cathédrale de Tarragone et demande pour elle des reliques "le corps de la bienheureuse Thècle ou une partie"... pourvue que c'en soit une assez grande. Le 4 décembre 1320 le roi signale que le bras de la sainte est arrivé à Valence, et précise qu'aucune autre partie de la sainte n'a été trouvée en Cilicie ni ailleurs dans le monde. La quatrième lettre averti le prévôt de Tarragone Raymond d'Avignon de l'intronisation des reliques à la cathédrale de la ville à la Pentecôte de 1321.

Au Ve siècle il n'y avait pas de reliques ou de tombe de Ste Thècle à Séleucie. Le pseudo-Basile dit d'ailleurs qu'elle n'est jamais morte. Comment en est-on venu, demande Valentina Calzolari, à ce bras comme relqiue ? Un manuscrit latin du XIV s. archivé à la cathédrale de Barcelone, De Sancta Tecla Virgine, fait état d'une légende arménienne traduite en latin par un notaire du roi Oshin, Nicolas de Ray. Cette légende tardive raconte que Ste Thècle poursuivie par ses agresseurs fut hébergée dans un rocher que Dieu ouvrit pour la sauver (ce qui correspond aussi à la tradition de Maaloula en Syrie). Puis quand le patriarche de Séleucie voulut une relique, un ange le conduisit dans les montagnes et l'avant bras droit de la sainte avec sa main apparut au milieu de parfums sublimes, et le bras fut placé dans une église grecque construite pour l'occasion.

Il existe à la cathédrale de Tarragone un retable sculpté par Johan Vallfogana entre 1426 et 1436 montrant l'apparition du bras à Séleucie.

L'importance de Sainte Thècle pour Tarragone s'illustre dans cet épisode de la vie de l'archevêque Pedro Clasquier (ou Pere de Clasqueri/Pedro de Clasquerin). Alors que le roi Pierre IV d'Aragon dit le Cérémonieux réclame la propriété de la ville de Tarragone, l'archevêque s'y oppose. Le souverain dépêche des hommes de troupes sous la direction de Don Raimond Alaman. L'archevêque excommunie les usurpateurs puis s'en va prier à la l'église dédiée à la sainte. Puis Sainte Thècle apparaît au roi, le gifle, il en tombe malade et, plein de repentir, restitue alors à l'archevêque sa ville et ses biens avant d'expirer. Pedro Clasqueri, qui fut aussi patriarche d'Antioche, mourut en 1380. Pedro IV décéda le 5 janvier 1387 (source : Histoire générale d'Espagne, traduite de Juan de Ferreras par d'Hermilly, Paris, 1751, t. 5,p. 529). Il semble que l'intervention de la sainte ait été postérieure à la mort de l'archevêque.

Saint Vincent Ferrer fit une allusion à cette gifle (1350-1419) dans une lettre au roi Martin l'humain (qui régna de 1396-1410), et sa mention la plus ancienne est dans la Chronique d'Aragon du cistercien Gauberto Fabricio de Vagad. On notera que dans le récit de Vagad qu'a restitué Eduard Juncosa Bonet de l'Universidad Complutense de Madrid, le roi d'Aragon dit seulement qu'une très belle "donzelle" le gifle et que les clercs autour de lui en déduisent que c'est Ste Thècle. Amadeo-J. Soberanas (en 1965), lui, date précisément l'apparition de la sainte du 29 décembre 1386, quand le roi est déjà malade, et précise qu'elle ne le gifle que parce que lui même a tenté de la blesser.

Même dans cette gifle, on voit encore en arrière-plan le thème de sa main droite. Déjà dabs La Vie et les Miracles de Thècle elle avait giflé en magistrat d'Antioche qui l'offensait.

Dans "El Triunfo Milagroso de la Omnipotencia, en la Vida, Martyrios, y Milagros de la Esclarecida Virgen, e Invicta Prothomartyr de las Mugeres, Santa Tecla Escrivele, y le dedica a la misma Santa el Padre Iayme Vilar de la Compañia de Iesus" / Jaime Vilar (1697) p. 162 et suiv on peut lire de longues conjectures sur la mort de Ste Thèce à 90 ans, alors qu'elle serait née en l'an 29. Il affirme que Saint Paul vint évangéliser l'Espagne en 61, ce qui pourrait être 14 ans après la mort de la sainte, si, au contraire, on retient qu'elle fut martyrisée à 18 ans (en 47). Saint Paul aurait lui-même présidé à l'érection de l'église de Tarragone. Il n'hésite pas non plus à parler (p. 173) d'un sépulcre de la sainte à Séleucie sur lequel Saint Grégoire de Nazanze se serait rendu en pèlerinage.

La liste des miracles de sainte Thècle en Aragon-Catalogne que répertorie Jaime Vilar, il y a l'apparition en 1644 à la prieure du couvent de Sainte Thècle de Valence de la sainte en compagnie de la défunte Doña Isabelle de Bourbon, première épouse du roi Philippe IV, toutes deux portant des colombes à la main. Thècle lui annonce que la reine consort a atteint le paradis après trois jours de purgatoire et que le roi gagnera la guerre qui l'oppose au roi de France (qui vient de prendre Lerida). L'archevêque recommanda le silence, jusqu'à ce que Philippe IV effectivement pût reprendre Flix, Monzon et Lerida.

Elle est aussi apparue à un prêtre de son église de Tarragone et à l'évêque pour leur reprocher d'autoriser un laïc à y être enterré (p. 198).

Le mérite de l'échec des opérations françaises contre Tarragone de 1641 et 1644 fut attribué à la sainte. En 1644 elle aurait atténué l'impact des boulets français, même dans sa propre église. Le commerçant Esteban Fontanet, qui avait subi deux sévères tempêtes en deux ans, le portant au bord de la faillite, dans ses allers-retours entre Tarragone et Barcelone, se sauva d'une troisième par l'invocation de Sainte Thècle (p. 232). En 1656 trois musiciens embarqués à Barcelone pour se rendre à la fête de la sainte à Tarragone furent capturés par des maures. Ceux-ci filaient vers la Côte des Barbaresques pour les y maintenir en esclavage mais les musiciens invoquèrent la sainte et la galère royale espagnole qui passait à proximité prit en chasse leur bateau de captivité et les libéra.

En 1652 le bras de la sainte transporté en procession sur les champs mit fin à la sècheresse à Tarragone (p. 237). A  Torralba dans la province de Huesca, confrontés à la même sècherese, les habitants décidèrent d'envoyer une procession à l'église Sainte Thècle à Cervera (province de Saragosse) et obtinrent immédiatement la pluie. Le bras de Sainte Thècle à Tarragone rendit la vue à un prêtre aveugle depuis 16 ans (p. 244), ses "reliques" du couvent Sainte Thècle de Valence produisirent aussi des guérisons, un enfant d'Alcogujate (Cuenca en Castille) guérit de ses fractures après une neuvaine de ses parents dédiée à la protomartyre, etc.

Le souvenir de la sainte en Aragon est associé à un mélange de douceur et de rigueur.

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Une anecdote de Léon Bloy sur le Saint Christophe de Cologne

17 Juin 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christophe, #Christianisme, #Histoire des idées

Extrait de Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne : (pour faire suite au Mendiant ingrat et à Mon journal). I : 1900-1902 (p. 223-224) :

"Saint Christophe, l'Auxiliateur et le Géant Martyr qui mourut très-particulièrement pour moi, il y a 1652 ans. A une autre époque où j'ignorais encore à quel point il était mon protecteur et sans trop savoir ce que je faisais, j'ai tenté d'expliquer, à propos de Christophe Colomb, l'importance inouïe de ce personnage, surtout au point de vue prophétique (Voir le Révélateur du Globe). Aujourd'hui j'aurais bien autre chose à dire.

Que pensent les docteurs de la simple histoire que voici? Revenant de Danemark en 1900, nous couchâmes une nuit à Cologne, à quelques pas de la cathédrale. Je ne manquai pas, le lendemain matin, d'aller entendre une première messe. Je m'étais placé, à mon insu, au-dessous de la traditionnelle et colossale statue de saint Christophe qu'on est assuré de trouver dans la plupart des vieilles basiliques. Averti par une sorte de gêne, comme si un poids énorme eût été sur moi, je finis par lever la tête et je reçus en plein cœur la commotion de cette présence d'un ami de dix-sept siècles. Christophorum videas, postea tutus eas. Je me souvins aussitôt de ce vers léonin autrefois passé en adage « Regarde saint Christophe et puis va-t-en tranquille ». On croyait, au Moyen Age, qu'il ne pouvait arriver aucun mal dans la journée à celui qui avait vu, le matin, une image de saint Christophe. Cela pour des causes profondes que l'affaiblissement actuel de la Raison ne permet plus de comprendre.

A l'heure de notre départ, le train sur lequel nous avions compté ne parut pas, mais à sa place, un autre tout à fait extraordinaire. Rien n'était à espérer pour nous de cet interminable convoi dont chaque wagon avait été loué à l'avance par un torrent d'Allemands que l'Exposition attirait à Paris.

Nous glissâmes cependant une humble pièce dans la main d'un employé, en lui exposant notre embarras. Alors voici. Sans hésiter une seconde, cet homme nous conduisit à un compartiment interdit aux fumeurs où trois suceurs de pipes envoyés par saint Christophe nous gardaient nos places. Sur un mot de notre guide, ils nous saluèrent poliment, descendirent avec un air de satisfaction, comme des gens qu'on délivre d'une corvée, et nous arrivâmes le soir à Paris, presque sans fatigue et de très-bonne heure, portés par ce train rapide."

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Jumeaux

28 Juin 2020 , Rédigé par CC Publié dans #Pythagore-Isis, #Christophe, #Médiums

Toute ma vie, jusqu'à ma découverte de l'existence du monde invisible en 2014, je me suis demandé pourquoi il y avait deux saints le jour de ma naissance Côme et Damien. Ma mère qui n'y connaissait rien disait : "on aurait dû t'appeler Côme-Damien". Mais un voile est souvent jeté sur nos yeux qui ne peut être levé qu'en son temps. Dès que je me suis retrouvé entre les mains des médiums, je suis aussi tombé sur une BD de Manara qui m'apprit qu'à la Renaissance on invoquait les Saints Guérisseurs  pour guérir les gens : les jumeaux Côme et Damien... Une médium m'a aussi dit que j'étais issu d'une grossesse gémellaire : elle l'avait annoncé avec une certaine solennité - "est-ce que j'ai l'autorisation de vous le dire ? oui, alors je vous le dis" - et m'avait recommandé la lecture du livre "Le syndrome du jumeau perdu" d'Alfred et Bettina Austermann. C'était une époque où je n'accordais plus un crédit automatique à la parole des médiums, et notamment de celle-là, et je n'ai pas pris spécialement au sérieux son propos sur ce thème.

Ensuite quand j'ai emprunté la voie chrétienne, j'ai plutôt identifié ces recherches du jumeau perdu comme des pièges. Mais j'ai pu constater aussi que les soi-disant spécialistes de la Bible (les évangéliques, les théologiens etc) étaient incapables de m'expliquer cette étrange remarque qu'il y a à la fin du verset 11 du chapitre 28 des Actes des Apôtres : "Après un séjour de trois mois, nous nous embarquâmes sur un navire d'Alexandrie, qui avait passé l'hiver dans l'île, et qui portait pour enseigne les Dioscures."

Jamais dans la Bible aucun auteur ne précise quelle enseigne porte un bateau ou de quelle couleur sont les voiles. Peut-on supposer que Saint Luc dans ce passage-là ait "gratuitement" fait une référence aux Dioscures (les jumeaux Castor et Pollux). D'autres lectures du Nouveau Testament m'avaient montré qu'il arrive que les apôtres ne rejettent pas purement et simplement les références païennes : par exemple quand Saint Paul à Athènes fait l'éloge d'Epiménide le Crétois qu'il qualifie même de "prophète".

Cette année divers détails me ramènent aux jumeaux. Mes travaux sur les géants dans la Bible, à travers Michael Heiser, me révèlent l'importance d'une comparaison entre les récits de l'Ancien Testament et les mythes sumériens (à vrai dire je le savais déjà, mais qu'un chrétien convaincu le dise, voilà qui a du poids) début avril dans ce cadre j'ai découvert les travaux de Raymond Kuntzmann dont j'ai acheté le livre le plus connu "Le symbolisme des jumeaux au Proche-Orient ancien : Naissance, fonction et évolution d'un symbole" (1983).

Divers événements du printemps sont venus aussi relancer la thématique de la gémellité. J'ai travaillé sur le livre d'un Abkhaze, or je ne pouvais ignorer que leur capitale, Soukhoum, est l'antique Dioskourias, la ville des Dioscures. Et puis, le 11 juin mon attention était attirée sur un texte un peu curieux sur le rapport de Nietzsche à la thématique de l'âme soeur. Les médiums très souvent "titillent" votre psyché avec la thématique du double. La voyante Maud Kristen n'avait pas hésité à la faire en janvier 2015 quand je l'avais consultée, et je pense que ce n''est pas forcément pour le meilleur... Ce n'est pas là le meilleur aspect du problème.

Sur un plan psychologique à la mode dans les années 1980, Kuntzmann dans la conclusion de son livre notait à propos de Jacon et Esaü ou de Gilgamesh et Enkidu que "le symbole des jumeaux part de l'expérience angoissante de l'homme devant la divinité ou son destin. L'angoisse naît du fait de l'infifférencié, du manque de limites et de contours ou du flux constant qui marquent la divinité, le destin individuel ou l'histoire du groupe. Quand l'homme s'y affronte, ces réalités ne lui renvoient aucune image nette : au contraire, elles le font douter sur lui-même. Le symbole des jumeaux vient alors à point pour introduire les ruptures nécessaires à l'instauration de la différence rassurante". Et il ajoutait qu'il y a aussi une dimension initiatique à la victoire d'un héros sur son jumeau qui est une victoire contre soi-même.

Mais puisque nous parlons un peu de physique quantique sur ce blog depuis quelque temps (voyez ma remarque sur Dozulé), disons un mot sur l'intrication. Je vous renvoie par exemple à cet article de Sara Ducci. Elle écrit : "L’intrication est une des propriétés les plus fascinantes de la mécanique quantique ; quand deux particules sont intriquées, la mesure des propriétés de l’une permet de connaître instantanément les propriétés de sa jumelle, quelle que soit la distance les séparant. Après avoir été démontrée expérimentalement sur différents systèmes, l’intrication est aujourd’hui au cœur de plusieurs domaines de recherche, comme les communications, le calcul et la métrologie." En juillet 2017 un test avec des paires de photons intriqués émis depuis l'espace vers le sol a permis de battre un record en montrant, dans un premier temps, que l'intrication subsistait sur une distance de 1.200 km, et, dans une seconde expérience, qu'il permettait une téléportation jusqu'à 1.400 km via le satellite chinois Mozi. Mais ce genre d'application technique ne m'intéresse pas trop.

Plus profondes sont les implications spirituelles : l'action à distance sur les particules jumelles participe de la structure holographique de l'univers. Jack Sarfatti : "Tous les systèmes de conscience, indépendamment de leur localisation spatio-temporelle par rapport à l'appareillage expérimental, contribuent à l'ensemble du potentiel quantique ressenti par les photons ou les électrons individuels" (cité par Michael Talbot dans Mysticisme et physique nouvelle, Mercure de France, 1984 p. 53 et par le père Brune).

 

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Saint Christophe par et pour Christophe Colomb

17 Novembre 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Christophe

Saint Christophe par et pour Christophe Colomb

Léon Bloy l'écrit dans son "Le révélateur du globe, Christophe Colomb" : "Aucune chose en ce monde n'est livrée au hasard, et la divine Providence n'est nullement étrangère aux noms que doivent porter les chrétiens jusqu'à leur dernière heure, et sur lesquels ils seront crucifiés ou exaltés selon le caprice de l'inconstante populace humaine. Presque toujours nos noms enveloppent et déterminent nos destinées." (p. 103)

Je le crois bien volontiers, moi qui étais censé m'appeler "Christine" et qui ne suis devenu Christophe après ma naissance qu'au terme de recherches embarrassées. "Il y a 'Christ' dans votre nom" m'ont dit bien des médiums. C'est très vrai, et "Christ" devait s'y trouver de par la volonté de ma mère (inspirée par qui ?) même en version féminine. Ce nom devait donc absolument tendre vers le Christ. Une universitaire italienne vivant aux Etats-Unis acquise aux combats anti-colonialistes trouvait qu'il n'y avait point de prénom plus marqué à ses yeux par le christianisme que Christophe. "Cristoforo" disait elle avec un sourire ironique que les universitaire aussi pédants qu'ignorants comme il y en a tant de nos jours. C'est vrai qu'en italien, la notion de Christophore, fait mieux entendre le "porte-Christ" qu'en Français où "ore" a disparu (l'or de l'alchimiste dirait-on dans la langue des oiseaux, je vous renvoie à Fulcanelli sur St Christophe ici).

Les Italiens pensent davantage à Christophe Colomb que nous, les Espagnols aussi pour qui le mystérieux "phoros" grec est devenu un inélégant "bal" comme Balzébuth...

Pourtant ce sont les Français qui au XIXe siècle ont milité (en vain) pour la canonisation du navigateur, pour compenser disait Bloy le fait qu'à cause d'eux l'Amérique ne porte pas son nom. Moi l'image de Christophe Colomb m'a autant collé à la peau que celle du géant porteur de Jésus sur ma médaille de baptême. Peut-être parce que mon nom de famille commence aussi comme celui de la "colombe porteuse du Christ" ... par Col.

Christophe Colomb et son pendant satyrique, le "tonton Cristobal" de Pierre Péret, grand navigateur et aventurier lui aussi.

Je découvre aujourd'hui que Léon Bloy démontre, en s'appuyant avec brio sur son biographe catholique Roselly de Lorgues, que "sans Christophe Colomb, il est impossible d'expliquer la légende de St Christophe". L'image du géant qui traverse la mer avec le Christ sur son épaule ne peut être que prophétique, puisqu'elle ne valorise pas la prédication de St Christophe ni son martyr passés. La sphère dans la main de Jésus sur son épaule montre qu'elle vise la future découverte de Colomb. Son tronc est la verge fleurie d'Aaron, il porte des dattes qui sont déracinées pour être apportées au nouveau monde. Sa devise est Qui te mane vident, nocturno tempore rident (p. 109), ce qui vise le futur. Christophe Colomb, l'homme héroïque qui offrit avec un pieux désintéressement (à l'opposé des sordides conquistadores qui allaient lui succéder) la moitié inconnue du monde à l'Eglise, était annoncé par toute la dévotion médiévale comme un saint à venir, parachevant la prédication évangélique au delà de la mer la plus périlleuse et la plus ténébreuse. D'ailleurs après la découverte de l'Amérique la dévotion à St Christophe allait sérieusement décliner.

Christophorum videas, postea tutus eas.

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Le sens alchimique de Saint Christophe

1 Octobre 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Notes de lecture, #Histoire secrète, #Christophe

Le sens alchimique de Saint Christophe

En février 2013, nous avons parlé de Saint Christophe ; pour compléter ce billet, on voudrait signaler ces pages de Fulcanelli (Le Mystère des Cathédrales) où celui-ci à partir d'un décor de l'hôtel Lallemant de Bourges fait de Christophe-Offerus un alchimiste (Hermès criophore) et Jésus l'or :

Le sens alchimique de Saint Christophe
Le sens alchimique de Saint Christophe
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Saint Christophe cynocéphale

11 Février 2013 , Rédigé par CC Publié dans #Notes de lecture, #Christianisme, #Christophe, #Pythagore-Isis, #Histoire secrète

Je voudrais juste dire ici un mot de ce saint dont le nom n'est plus du tout à la mode en France (après l'avoir été dans les années 70), et dont une correspondante américaine, baignant dans l'atmosphère des cultural studies, me faisait remarquer qu'il était très marqué par le christianisme (comme Christian, Christel etc). Si l'on en repère facilement l'empreinte chrétienne, il est bon aussi d'en connaître les origines pré-chrétiennes. Le lien qui l'unit à Hermès, à Anubis, au monde sauvage mais "en voie de domestication" des cynocéphales (les hommes à tête de chien), et le rituel du grand voyage au confins de l'humanité et de la mort.

 

Citons à ce propos l'intéressant article en ligne  "Cynocéphales et Pentecôte" de l'ethnologue Jean-Loïc Le Quellec qui rend justice à la richesse de l'histoire de ce prénom :

 

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christophe.jpg"Les origines du culte et de l'iconographie de saint Christophe ont fait l'objet de nombreux travaux ayant établi que sa légende originale appartient au domaine oriental 41. C'est le récit de la vie d'un certain Adokimo (ou Reprobus
(« Réprouvé ») 42,sorte de cynocéphale anthropophage qui, sitôt converti, perd sa tête de chien et acquiert la parole. D'après les Actes apocryphes de Barthélemy, composés en Égypte sous influence gnostique dans la deuxième moitié
du IVe siècle, il apparaît que ce monstre aurait été envoyé par Jésus à Barthélemy, se trouvant alors au Pays des Cannibales 43. Converti par Barthélemy, il aurait pris au moment de son baptême le nom de Christianus (« Chrétien») ou dans des textes plus récents, celui de Christophorus (« Porte-Christ ») 44, ces deux noms étant alors, comme Victor, des titres honorifiques de martyrs en général 45. Dans les versions occidentales des IXe-Xe siècles, sa tête de chien sera sciemment supprimée, et elle n'apparaîtra plus dans les versions ultérieures 46,alors que l'image du « porte-Christ» ne s'est superposée à ce récit qu'en Occident, à partir du XIIe siècle, par suite d'une remotivation du terme Christophorus 47, et cependant qu'un jeu sur canineus (« canin») et chananeus (« cananéen») permettait une nouvelle interprétation 48. Au XVe siècle, Dionysos du Mont Athos le représentera avec la légende suivante: Christophoros o reprobos o ek tôn kunokephalôn, c'est - à - dire : « Christophe Reprobos, l'un des Cynocéphales» 49.

 

Voici comment les Actes des saints André et Barthélemy seront développés dans le Gadla Hawâryât, livre éthiopien du XIVe siècle, mais inspiré de textes coptes du VIe :

 

"Alors notre Seigneur Jésus Christ leur apparut [à André et Barthélemy] et
dit: « Partez dans le désert, et je serai avec vous, ne soyez pas effrayés,
car je vous enverrai un homme dont le visage est comme la face d'un chien
et dont l'apparence est très effrayante, et vous l'emmènerez avec vous dans
la ville. » Alors les Apôtres s'enfoncèrent dans le désert, en grande tristesse,
car les hommes de la cité n'avaient pas été touchés par la foi. Ils s'étaient
seulement assis depuis très peu de temps pour se reposer, qu'ils
s'endormirent, et que l'Ange du Seigneur les emporta jusqu'à la Cité des
Cannibales. Alors, de cette Cité des Cannibales, sortit un être qui cherchait
quelqu'un à manger [...]. Mais l'Ange du Seigneur lui apparut et lui dit:
« Ô toi dont la face ressemble à celle d'un chien, tu vas trouver deux hom-
mes [...] et avec eux sont leurs disciples, et lorsque tu arriveras à l'endroit
où ils se trouvent, fais qu'aucun mal ne leur arrive par ta faute [...]. Et lorsque
l'homme dont la face ressemblait à celle d'un chien entendit cela, il se
mit à trembler de tous ses membres et répondit à l'Ange: « Qui es-tu? Je
ne te connais pas, ni toi ni ton dieu. Dis-moi donc quel est ce Dieu dont tu
me parles! » [...] L'Ange dit: « Celui qui a créé le Ciel et la Terre, c'est
Dieu en vérité» [...]. Mais l'homme à la face de chien demanda: «Je voudrais
voir quelque signe qui me permît de croire en ses pouvoirs miraculeux.
» [...] Et au même moment, un feu descendit du ciel et encercla
l'homme dont la face ressemblait à celle d'un chien, et il était incapable de
lui échapper, car il était au centre de ce feu [...] et il s'écriait: « Ô Dieu, toi
que je ne connais pas, prends pitié de moi, sauve-moi de cette épreuve, et je
croirai en Toi ». L'Ange lui demanda: « Si Dieu te sauve de ce feu, suivrastu
les Apôtres partout où ils iront, et feras-tu tout ce qu'ils te commanderont
? » ~ L'homme dont la face était comme celle d'un chien répondit: « Ô
mon Dieu, je ne suis pas comme les autres hommes, et je ne connais pas leur
langage [...]. Lorsque j'aurai faim et que je croiserai des hommes, je me
précipiterai certainement sur eux pour les dévorer [...] ». Mais l'Ange lui
dit: « Dieu va te donner la nature des enfants des hommes, et Il limitera en
toi la nature des bêtes. » Au même moment, l'Ange étendit les mains et tira
du feu cet homme à la face comme celle d'un chien, fit sur lui le signe de la
croix [...] et aussitôt la nature animale le quitta, et il devint aussi gentil
qu'un agneau [...]. Alors, l'homme dont la face était comme celle d'un chien
se leva, et se rendit au lieu où se tenaient les Apôtres. Il se réjouissait et il
était heureux, car il avait appris à reconnaître la vraie foi. Mais son apparence
était extrêmement impressionnante. Il mesurait quatre coudées de
haut et sa tête était celle d'un gros chien,. ses yeux étaient comme deux
charbons ardents, ses dents étaient comme les défenses d'un sanglier ou les
crocs d'un lion, les ongles de ses mains étaient comme des serres crochues,
ceux de ses pieds comme des griffes de lion, ses cheveux descendaient jusque
sur ses bras et ressemblaient à la crinière d'un lion, et toute son apparence
était horrible et terrifiante [...]. Lorsque cet homme à la face comme
celle d'un chien arriva au lieu où ils se tenaient, il y trouva les disciples
- [d'André] qui en étaient morts de peur. [...] André lui dit: «Que Dieu te
bénisse, mon fils, mais dis-moi, quel est ton nom? » Et l' homme à la face
comme celle d'un chien dit: «Mon nom est Hasum» [c'est-à-dire
'abominable ']. Et André lui dit: « Tu as bien dit, car ce nom te ressemble,
mais [...] à partir de ce jour, ton nom sera Chrétien ». Au troisième jour, ils
arrivèrent à la ville de Bartos, en vue de laquelle ils s'assirent pour se reposer.
Mais Satan les avait précédés dans les murs de la cité. Alors André se
leva et pria, disant: «Que toutes les portes de la cité s'ouvrent rapidement!
» Et comme il disait, toutes les portes tombèrent, et les Apôtres péné-
trèrent dans la ville avec l'homme dont la face était comme celle d'un chien.
Alors le gouverneur ordonna [...] d'apporter des bêtes sauvages et affamées
pour les faire attaquer par elles, et lorsque celui qui avait la face comme
celle d'un chien vit cela, il dit à André: «Ô Serviteur du Seigneur, me
commanderas-tu de me dévoiler la face ? » (car il l'avait voilée en entrant).
André lui répondit: « Ce que Dieu te commande, fais-le. » Alors celui qui
avait la face comme celle d'un chien se mit à prier, disant: « Ô Seigneur
Jésus Christ, Toi qui me délivras de ma vile nature [...] je te supplie de me
rendre à ma nature précédente [...] et de me prêter ta force, afin qu'ils sachent
qu'il n 'y a d'autre Dieu que Toi. » Et au même instant sa nature précédente
lui revint, il fut pris d'une colère extrême, le courroux emplit son
coeur, il dévoila sa face et regarda les gens avec fureur, il bondit sur toutes
les bêtes sauvages qui se trouvaient au milieu des foules, il les déchira,
tordit leurs boyaux et dévora leur chair. Lorsque les gens de la cité virent
cela, ils furent pris d'une grande peur [...]. Et Dieu envoya un grand feu des
Cieux tout autour de la cité, et nul ne pouvait en sortir. Alors ils dirent:
« Nous croyons et nous savons qu'il n 'y a d'autre Dieu que votre Dieu, Notre-
Seigneur Jésus Christ, sur la Terre comme aux Cieux. Et nous vous demandons
d'avoir pitié de nous, de nous sauver de la mort et de la double
épreuve du feu et de celui qui a la face comme celle d'un chien. » Et les
Apôtres eurent pitié d'eux [...], ils s'approchèrent de celui dont la face était
comme celle d'un chien, posèrent leurs mains sur lui, et lui dirent: «Au
nom de Notre-Seigneur Jésus Christ, laisse repartir hors de toi ta nature de
bête sauvage, ce que tu as fait ici est suffisant, ô mon fils, car vois-tu, tu as
accompli la tâche pour laquelle tu avais été envoyé. » Et au même instant, il
retrouva la nature d'un enfant, et redevint doux comme un agneau 50."


Selon David Gordon White, l'origine de ce texte tardif est à rechercher dans les légendes nestoriennes de Barthélemy et d'André, circulant au Ve siècle. Le nestorianisme en transmit des versions aux hagiographes syriaques, latins et arméniens, d'où elles passèrent, avec des ajouts, à l'église jacobite égyptienne puis, au XIIIe siècle, dans les synaxaires arabes, lesquels furent traduits en éthiopien au siècle suivant 51.

 

Par exemple, à la date du 21 novembre, les anciens synaxaires arabes présentent ainsi la vie de saint Mercure, martyrisé entre 249 et 251, et que les coptes appellent Abou Seifen :

 

"En ce jour mourut martyr saint Mercure. Il était de la ville de Rome. Son
aïeul et son père étaient chasseurs de métier. Un jour, ils sortaient comme à
l'ordinaire. Ils furent rencontrés par deux cynocéphales anthropophages
qui dévorèrent l'aïeul et voulurent manger le père. Mais l'ange du Seigneur
les en empêcha en disant: « Ne le touchez pas, car il sortira de lui un fruit
excellent» : et il les entoura d'une haie de feu. Comme la situation leur
était pénible, ils allèrent trouver le père du saint et se prosternèrent devant
lui: Dieu changea leur nature en douceur.. ils furent comme des agneaux et
entrèrent avec lui dans la ville. Ensuite cet homme eut pour fils saint Mercure
qu'il appela d'abord Philopator, ce qui signifie «aimant ses parents ».
Quant aux cynocéphales, ils restèrent chez eux pendant quelque temps et
embrassèrent le christianisme: cela dura jusqu'à ce que Philopator fût
devenu grand. Il devint soldat et ils partaient avec lui à la guerre. Quand
c'était nécessaire, Dieu leur rendait leur nature et personne ne pouvait leur
résister "52.

 

Il est remarquable que ce dernier texte, démarqué des Actes de Barthélemy, concerne un saint fêté le 25 juillet dans le calendrier copte (c'est-à6dire le même jour que Christophe pour l'église de Rome) et dont le nom n'est autre que celui du Dieu latin correspondant au grec Hermès, partageant avec Christophe la fonction de protecteur des voyageurs. Or cette date, placée au début de la Canicule, était celle de la fête grecque dite kunophontis 53 (« massacre des chiens») et de la fête latine des furinalia (lors de laquelle on sacrifiait une chienne rousse), festivités destinées à se protéger des méfaits de la chaleur et de la sécheresse caniculaires. Quant à la fin de la Canicule, elle est traditionnellement fixée au 24 août, jour où l'on fête... saint Barthélemy.

 

Dans tous les cas, ces récits précisent qu'une fois civilisé, le cynocéphale converti par le Saint-Esprit cesse d'aboyer pour clamer sa reconnaissance de Dieu en langue humaine, face aux peuples païens dont il provoque ainsi la conversion. C'est donc cette scène qui est représentée sur les figurations arméniennes de la Pentecôte où le cynocéphale apparaît. Mais en ce qui concerne Christophe, une explication evhemérisante a été tentée pour justifier la légende: «Sous le règne de Dèce [il fut] fait prisonnier dans un combat par le lieutenant de ce prince. Comme il ne pouvait parler grec, il fit une prière à Dieu.. et un ange lui fut envoyé, qui lui dit: Rassure-toi, et touchant ses lèvres, il fit en sorte qu'il parlât grec » 54. Mais ce miracle du « parler en grec », version appauvrie du «parler en langues» des Apôtres, n'est que l'écho affaibli d'un miracle autrement plus impressionnant: celui de l'apparition du langage articulé chez un être qui, jusqu'alors, ne savait qu'aboyer. Le détail qui, sur les miniatures arméniennes, montre le cynocéphale
habillé (parfois sommairement) résulte d'un procédé graphique destiné à rendre visible ce miracle essentiellement sonore, en montrant bien que le monstre est, maintenant, en partie civilisé: cela se retrouve à Vézelay, où cette humanisation partielle est marquée par le fait que l'un des cynocéphales est montré nu, alors que l'autre est déjà habillé. Les textes précisent enfin que, toute domestiquée qu'elle soit par le baptême, la fureur caniculaire du cynocéphale nouvellement converti réapparaît périodiquement: ce n'est plus alors que pour mieux combattre les païens, et seconder par la terreur une proclamation apostolique qui, sans cette aide, serait quelque peu démunie. (...)

 

Il apparaît tout d'abord que, pour la constitution d'une métaphore théromorphique de la Pentecôte, l'utilisation d'un homme à tête de chien plutôt que de tout autre monstre plinien présentait l'intérêt d'utiliser une espèce animale conçue comme médiatrice et qui, en divers temps et lieux, s'avéra souvent des plus utiles dans le cadre d'une réflexion sur les frontières ou les transitions entre homme et animal, présent et au-delà, réel et imaginaire 56.

 

De plus, dans le cas du chien, l'opposition domestique/sauvage se réfère essentiellement à l'habitat (domus) et donc plus à l'espace qu'à l'espèce: les chiens dits « domestiques» manifestent une propension à retourner vers la nature, dans une perpétuelle errance entre nature et culture 59. Déjà, les anciens textes mésopotamiens insistaient sur cette ambivalence profonde du chien, considéré par les Babyloniens comme à la fois sauvage et familier 60. Or les diverses espèces de canidés sont inter-fécondes et offrent toutes les gradations entre le domestique et le sauvage, ouvrant donc des possibilités de symbolisation proprement impensables avec, par exemple, le chat domestique et les grands félins 61.

 

On comprend alors que les canidés en général (et les cynocéphales en particulier) sont quasi universellement commis à deux rôles principaux: d'une part ils constituent une commune allégorie de l'autre, du « sauvage»
qui ne sait qu'aboyer et dévorer de la viande crue, et d'autre part ils jouent le rôle de gardiens de l'au-delà car ils doivent, dans des mythologies très diverses, surveiller l'orée du monde des morts, c'est-à-dire LA transition par excellence, puisque ce sont des êtres de la porte et du passage."

---- voir aussi le livre de Saintyves

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Notes

 

54. Ménologe de Basile, cité dans Saint yves 1935 :9.
55. THIERRY 1987, fig. 503.
56. LURKER1969, 1983, 1987. ~ LINCOLN1979.
57. Liu 1932.
58. LE QUELLEC1995.
59. Sur ce: POPLIN 1986.
60. ANET 1993, LIMET 1993.
61. BAINES1993 :66.

 

 

 

 

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