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"The rational optimist" de Matt Ridley (I)

22 Février 2011 , Rédigé par CC Publié dans #Notes de lecture

Voilà un livre impressionnant qu'il faut mentionner absolument. Le petit génie des neurosciences et de l'anthropologie Steven Pinker l'a qualifié de "delightful and fascinating" et ce n'est pas pour rien. Il y a quatorze ans les lecteurs du Monde Diplo lisaient Polanyi, d'une certaine façon, le bouquin de Ridley répond à Polanyi, à partir d'un savoir anthropologique plus actuel.

 

Je n'ai guère envie de faire une recension classique de ce livre. Je préfère juste jeter quelques notes sur ce blog, à mesure que je le lis, quitte à ruminer un peu sans trop savoir que penser dans un premier temps.

 

Ce que je trouve très fort et très convaincant dans l'analyse de Ridley, c'est cette analyse profonde de la psyché de l'animal humain à partir de ce que nous savons du fonctionnement des primates, des hormones, et de l'évolution de l'espèce depuis qu'elle s'est séparée de l'homo erectus. C'est devenu une méthode incontournable d'étude des phénomènes humains, mais nous ne nous y livrons pas facilement en France, souvent par manque de compétence en ethologie animale et dans les neurosciences.

 

Dans un sens Ridley ce n'est "que" du libéralisme anglo-saxon classique - dont il cite d'ailleurs souvent les pères fondateurs - une défense enthousiaste de la division du travail et du libre échange dans la veine d'Adam Smith et de Ricardo. Mais c'est du libéralisme "mieux assis" aurait-on envie de dire" sur les fondements d'une science plus sûre.

 

Au nombre des points forts, je vois d'abord cette notion d'intelligence collective : une réalité très étudiée chez les animaux sociaux. Une fourmi seule ne connaît pas le plus court chemin qui va de la fourmilière au morceau de pain à exploiter, mais les hormones des fourmis-soeurs qui l'ont précédée sur l'itinéraire éclairent son ignorance. Le savoir collectif est décuplé, les individus économisent du temps et de l'énergie. Grâce à cela nous utilisons des tas d'objets qui ont mobilisé l'activité de milliers de gens et dont nous ignorons la chaîne complète de fabrication (d'une simple crayon à papier nul ne peut savoir toutes les opérations qui ont conduit à faire pousser l'arbre qui donna le bois qui l'a extrait, le charbon de sa mine, la fabrication des machines qui elles-mêmes ont permis de le découper etc).

 

Cette intelligence collective est ce qu'il faut valoriser. Là-dessus difficile d'aller à l'encontre de l'opinion de Ridley.

 

D'autant que sa démonstration sur l'émergence de l'intelligence collective de l'homo sapiens est magistrale.

 

Il montre un élément auquel je n'avais jamais songé : toutes les espèces avant la nôtre qui se sont risquées à employer des outils n'ont guère cherché à les améliorer. L'homo erectus notamment a employé pendant des centaines de milliers d'années le même biface pour découper la viande, de même qu'un oiseau de génération en génération utilise le même matériaux pour faire son nid (certaines espèce avec des plumes, d'autres avec des brindilles etc). L'outil devient un prolongement du corps qu'il est saugrenu de vouloir améliorer. L'aberration n'est pas l'absence d'innovation (Ridley note d'ailleurs que l'évolution darwinienne innove peu - elle maintient surtout les caractéristiques de l'espèce et les progrès naissent plutôt de l'extinction de l'espèce remplacée par une espèce "fille" qui la surclasse dans la compétition pour la survie). Le phénomène improbable c'est précisément qu'une espèce, l'homo sapiens, ait brisé la règle de la non-innovation pour conquérir le monde et anéantir de la sorte les espèces dont elle était elle-même issuen ainsi plus largement que tous les grands mammifères (sauf ceux qu'il a domestiqués).

 

Ce goût pour l'innovation, explique Ridley, n'est pas dû à un volume cérébral supérieur, ni a aucune modification génétique. Chaque individu Sapiens est aussi intelligent ou stupide qu'un Erectus. Simplement l'intelligence collective du Sapiens s'est démultipliée.

 

D'où provient cette démultiplication ? D'une invention économique : la division du travail. Celle-ci naît d'une idée simple mais qu'aucun animal ne comprend (même les chimpanzés domestiques auxquels on enseigne l'art du don) : je peux échanger quelque chose que j'aime contre quelque chose que j'aime davantage. Cela s'appelle le troc. Ca n'a rien à voir avec la réciprocité du "je te gratte tu me grattes", ou la propension à donner des choses dont on ne veut pas (ce que font les autres animaux).

 

Cette idée révolutionnaire du troc, ne peut fonctionner qu'entre gens qui se font confiance. Et donc au début gens de la même famille. La première division du travail chez les homo sapiens s'est effectuée entre les sexes : le mâle chasse, la femelle cueille. Une petite réserve à ce stade. Je crois me souvenir que Picq et Brenot dans Le sexe, l'Homme et l'Evolution mettent en doute ce partage des tâches. Pourtant Ridley y croit et affirme même qu'elle n'existe pas chez les Néandertaliens, plus proches des Erectus, où les femelles chassent avec les mâles (mais Ridley reconnaît que c'est difficilement démontrable vu le peu de sites néandertaliens retrouvés).

 

D'après Ridley - et on le suit aisément là dessus - la spécialisation du travail constitue une énorme gain de temps et d'énergie pour chaque individu qui ne se consacre qu'à une activité ou une série plus limitée d'activités, ce qui lui laisse plus de latitude pour perfectionner ses techniques, et aussi pour l'oisiveté. Cela dégage de la richesse.

 

Ridley en déduit une apologie sans surprise du commerce, y compris du commerce intercontinentale qui déjà concernait l'homo sapiens. Il démontre a contrario la stérilité de l'isolement à partir du cas des homo sapiens de Tasmanie qui, isolés à partir du moment où l'île se sépara de l'Australie, non seulement cessèrent de progresser mais perdirent aussi l'usage de certains outils comme les aiguilles à coudre en os, ce qui leur fit perdre par la même occasion le sens de la confection des vêtements. Il oppose à ce cas celui d'insulaires de Terre de Feu qui continuèrent de progresser en entretenant un commerce maritime avec une tribu voisine. Andaman par contre irait dans le sens de l'exemple tasmanien.

 

Par ce biais Ridley rejoint la philosophie bien connue des libéraux selon laquelle le commerce, méprisé par les intellectuels de tous les temps, contribue au progrès et à la pacification des peuples - la comparaison des chiffres des homicides de la Préhistoire, de la Renaissance et de notre époque plaide sans conteste en faveur de cette thèse. Pour lui il y aurait eu une extension continue du cercle de la confiance - grâce auquel nous pouvons aujourd'hui acheter un tube de dentifrice au supermarché sans avoir à vérifier qu'il n'est pas rempli d'eau ou d'une substance frauduleuse avant de passer à la caisse - qui irait dans le sens d'un adoucissement des moeurs et de d'une augmentation de la philanthropie (si présente par exemple dans l'Angleterre commerçante du 19ème siècle).

 

Il y a là évidemment des arguments intéressants, sans doute au moins partiellement vrais, sinon même intégralement. Cela dit bien sûr, s'il faut appliquer à tout auteur une principe de "charité" (comme disait Pascal je crois), consistant dans un premier temps à accorder le maximum de crédit possible à ses démonstrations, j'entrevois déjà des objections possibles. Par exemple la théorie de Ridley sur l'apparition de l'agriculture au Proche-Orient (natoufien) qu'il attribue à une disposition au commerce et à une gestion intelligente d'une modification du biotope, contredit ouvertement la thèse de Chauvin selon laquelle l'innovation agricole ne doit rien aux conditions matérielles et tout à une révolution idéologique (l'invention des dieux).

 

Je pense qu'il faudrait faire aussi dialoguer Ridley avec un autre anthropologue politiquement opposé à lui, David Graeber, sur la dimension spécifique de la philanthropie dans l'échange.

 

Nous reviendrons sur tout cela plus tard.

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Déesses mères et immanence

20 Février 2011 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées

Cabanel_The_Birth_of_Venus_1863.jpgMc Evilley le remarque dans son bouquin "The Shape of Ancient thought", chez les Grecs comme chez les Indiens (il pense, sous les cieux helléniques, à Parménide et à Démocrite, d'une certaine façon prolongés à Rome par Lucrèce) : la référence à la déesse-mère, au vieux fond théologique matriarcal, vient toujours étayer une philosophie de l'immanence. Et sous les deux latitudes, c'est toujours une féminité ambivalente qui s'affirme, créatrice et destructrice, comme la Shakti en Inde, ou Gorgone qui en Grèce a un sein qui donne du lait et un qui donne du poison... Je me demande bien sur quel sentier je pourrais approfondir ce lien féminité-immanence sans retomber dans les théories fumeuses de beaucoup d'historiens des religions. Je trouve que la problématique va au delà du lien Père-loi-trancendance qu'on a identifié sous les cieux judéo-chrétiens (ou judéo-christiano-islamiques), car c'est une question de rapport au masculin et au féminin en dehors même de tout contexte de révélation : ce n'est donc pas une parole masculine qui est identifiée comme loi verticale, mais une spéculation humaine qui, suivant qu'elle se porte sur le masculin ou sur le féminin, va rechercher une spiritualité abstraite ou au contraire produire une pensée ancrée dans le monde (et une pensée, observons-le, d'essence tragique).

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Scories des idéologues de l'histoire des religions

11 Février 2011 , Rédigé par CC Publié dans #Shivaïsme yoga tantrisme

Voilà le genre de scorie que l'on trouve chez Daniélou  (Shivaïsme et Tradition primordiale  p. 57) mais qu'on pourrait aussi trouver chez Evola (ou, à l'autre bout de l'échiquier politique chez Onfray ou chez Jerphagnon) : "La conception du monothéisme, sa force d'agressivité, l'audace avec laquelle une doctrine aussi simpliste était présentée comme un progrès, impressionnaient les philosophes qui cherchèrent à l'adapter, l'interpréter, l'incorporer. Il s'agit d'un phénomène analogue à celui du marxisme, qui pénètre clandestinement toute pensée religieuse et dont personne n'ose relever les contre-vérités et l'irréalisme des postulats".

 

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Voilà typiquement une pétition de principe idéologique qui n'a pas sa place dans un traité d'histoire des religions. Que faut-il en faire ? En retirer le potentiel heuristique : en effet, l'analogie entre l'influence du monothéisme et celle du marxisme est sans doute en partie pertinente, mais on peut aussi avancer bien d'autres exemples d'influences "clandestines" de courants d'idées sur des traditions philosophiques ou religieuses : l'influence du shamanisme asiatique sur la pensée grecque via l'orphisme, celle du rationalisme postsocratique sur les religions grecque et romaine, celle aujourd'hui de l'évangélisme anglo-saxon sur l'Islam etc. L'analogie est aussi sans doute pertinente à un autre niveau pour révéler combien le marxisme, comme les monothéismes, ont un pouvoir révolutionnaire "perturbateur" de l'ordre social de par la simplicité (Daniélou parle de "simplisme") de leur message (ce qui n'empêche pas qu'ensuite une très grande subtilité exégétique, de nature académique et scolastique, se greffe sur cette simplicité).

 

Mais naturellement, une fois ce "bon aspect" de l'analogie incorporé à notre réflexion, il faut se hâter de neutraliser la scorie du texte de l'idéologue, et continuer à lire son histoire du shivaïsme avec un regard objectivant, c'est à dire un regard qui n'épouse si ne condamne aucune doctrine, et n'en place aucune au dessus des autres : de ce point de vue ni le shivaïsme, ni les monothéismes, ni le marxisme, ni aucune autre doctrine n'est bonne ou mauvaise, ni meilleure et supérieure à une autre, chacune pouvant présénter des bons et des mauvais côtés "fonctionnels" au regard du milieu social dans lequel elle fait son chemin, et chacune devant constituer un objet d'étude éthiquement neutre aux yeux du chercheur rationnel.

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Déesses primitives, déesses nues

7 Février 2011 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Shivaïsme yoga tantrisme, #Histoire secrète, #Ishtar, #Pythagore-Isis

Les éditions du Cygne publient un ouvrage sur un culte d'une déesse mère nord-caucasienne que l'auteure Mariel Tsaroïeva identifie aux déesses primitives proche-orientales (je renvoie à mes comptes-rendus de lecture sur l'invention des déesses et des dieux au Néolithique).

 

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Le hasard fait que juste à ce moment là je lis dans la Métaphysique du sexe de Julius Evola le passage sur la secte russe des Khlystis et celle des Skoptzis qui toutes deux prônent la chasteté dans la vie ordinaire mais organisent dans leur cérémonie des rites sexuels autour d'une jeune femme nue. "Ce détail permet de reconnaître aisément dans la cérémonie secrète des Khlystis, observe Evola p. 154, un prolongement des rites orgiaques de l'Antiquité qui étaient célébrés sous le signe des Mystères de la Grande Déesse chtonienne et de la "Déesse nue" ". L'auteur hélas n'explicite pas les voies de filiation entre la Grande Déesse (peut-être Cybèle qu'il cite plus loin et le rituel de ces sectes)

Ces considération sont l'appendice d'un chapitre sur les orgies rituelles comme voies de dissolution du Moi dans l'élément féminin préalable possible à d'autres formes d'élévation spirituelle, thématique qu'il y avait déjà dans la Naissance de la Tragédie de Nietzsche si je me souviens bien.

Je ferai juste mention ici pour mémoire (et pour y revenir plus tard, éventuellement même dans une approche critique) des remarques intéressantes d'Evola sur la nudité des déesses.

Il évoque en premier lieu la nudité de l'archétype démétrien-maternel, fécond et protecteur, mais ne la thématise guère.

En second lieu Evola se montre plus prolixe sur ce qu'il appelle le nu abyssal aphrodisien. Dans le domaine spirituel, rappelle-t-il (p. 176), on observe une dénudation masculine pour atteindre l'être absolu et simple aussi bien dans les mystères antiques que dans le déchirement des vêtements des soufis. Dans l'ordre de la nature, la dénudation d'Isis comme d'Ishtar (ou celle d'Athèna ou d'Artêmis dont la vision tue) est une façon de délier la matière de toute forme. Cet accès à la matière interdite (vierge) et destructrice (guerrière) dans sa dimension la plus informe n'est autorisée qu'aux initiés, Evola montrant par exemple que dans le tantrisme l'union avec une femme complètement nue n'est possible qu'au stade terminal de l'initiation.

Il y a chez Evola un aller-retour intéressant entre une phénoménologie presque anthropologique (je dis "presque" parce qu'il ne recourt pas au travail rigoureux de recension de tout ce qui existe dans toutes les cultures existantes, ce qui est la grande faiblesse de sa théorisation) et l'étude des mythes (surtout grecs et hindouistes d'ailleurs, suivant une habitude très répandue en Europe entre disons 1850 et 1950), aller-retour qui peut aider ensuite, selon lui à trouver une définition "non empirique" (p. 200) du masculin et du féminin.

A l'heure où l'on s'efforce de retrouver cette définition par la voie du néo-darwinisme et des neurosciences, il n'est peut-être pas inutile de placer les deux visions en miroir l'une de l'autre pour les faire dialoguer. De même il faut peut-être dialoguer avec le propos d'Evola sur la pudeur, emprunté à un certain Mélinaud (p. 135) - auteur d'après mes recherches, en 1901, d'un article sur la  Psychologie de la Pudeur - qui rejoignent celles de Duer, et qu'il faudrait aussi peut-être mettre en perspective avec les réflexions de Sartre. Plutôt que d'ignorer ces considérations un peu littéraires sur la mythologie et la psychologie sexuelles l'anthropologie contemporaine devrait s'y confronter et évaluer rationnellement les intuitions qu'elles portaient, dans leur potentiel heuristique comme dans leur égarement.

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Code vestimentaire russe

1 Février 2011 , Rédigé par CC Publié dans #Nudité-Pudeur en Europe

Je lis dans Ria Novosti :

 

"Récemment l’une des principales têtes pensantes de l’Eglise orthodoxe, l'archiprêtre Vsevolod Tchapline, a exigé l’instauration d’un dress-code pour les femmes en Russie, estimant que "certaines d’entre elles confondent la rue avec un club de strip-tease". Ce pamphlet contre les spécialités Russes modernes que sont le micro-short ou la mini-jupe pourrait faire sourire si l’homme d’église n’avait rajouté que "la minijupe provoquerait des conflits interethniques et la violence et des crimes de la part de Caucasiens, mais aussi de Russes". Cette analyse des conséquences d’un tel code vestimentaire est à mettre en lien avec l’idée de création d’un "code des Moscovites", annoncé par le président du comité chargé des liens inter-ethniques l’année dernière, qui visait à réguler le comportement des non Moscovites, en vue de leur bonne intégration dans la capitale. Le code prévoyait notamment l’interdiction de marcher dans la ville en tenue traditionnelle.

Cette volonté de l’église d’influer sur les comportements est à comprendre dans une double logique. Tout d’abord tenter de sauver une structure familiale garante d’une démographie en bonne santé et qui est aujourd’hui gangrénée par la tentation, les avortements et les divorces. Mais surtout désamorcer les tensions pouvant résulter de la cohabitation à Moscou de nombreux peuples aux habitudes et mœurs très différentes. L’archiprêtre l’avait annoncé en décembre dernier, l’église orthodoxe va désormais interférer dans la politique et se poser en garant de la cohabitation et de l’harmonie entre les communautés. Comme je l’avais écrit dans une précédente tribune, le maintien du fragile modèle multiculturel russe est en effet menacé par la confrontation des mondes modernes et traditionnels.

Bien entendu, cette phrase de l’archiprêtre a provoqué un tollé dans les milieux laïcs, féministes ou libéraux, mais en revanche elle a immédiatement trouvé le soutien du clergé musulman de Russie, des représentants des autorités juives du pays, ou encore du président de la Tchétchénie, Ramzan Kadyrov"

 

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"Perspectives athéistes de l'Univers" de Bruno Munier

1 Février 2011 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie

0016.jpgOn trouvera sur http://parutions.com/index.php?pid=1&rid=76&srid=0&ida=13156 le compte rendu que j'ai fait récemment du livre de Bruno Munier "Perspectives athéistes de l'Univers - L'Infini, la Nature et les Hommes " paru en janvier aux éditions du Cygne.

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