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Nietzsche, Dionysos, Orphée et Pythagore

17 Novembre 2014 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie

nietzsch.jpgJe ne m'en doutais pas quand j'ai écrit mon livre "Individualité et subjectivité chez Nietzsche", mais c'est un article de Benjamin Biebuyck, Danny Praet et Isabelle Vanden Poel, "The Eternal Dionysus. The influence of Orphism Pythagoreanism and the Dionysian Mysteries on Nietzsche's Philosophy of Eternal Recurrence", qui me donne envie de creuser un peu ce point.

 

Les auteurs montrent que Nietzsche pensait que l'orphisme remontait à avant Homère, et qu'il voyait en lui un refus de la vie en raison de son attachement au principium individuationnis, aux abstractions et à l'au-delà. Il prête à l'orphisme un "dégoût de la vie" (Ekel am Dasein). De même Nietzsche n'aime pas Pythagore qu'il rattache à l'orphisme. Il ne valorise pas spécialement son attachement au retour des essences, doctrines qu'il attribue à Philolaos après la scission entre mathématiciens et acousmates. Pour lui, il y aurait quelque chose de "bouddhiste" chez Pythagore, qui, sans aller jusqu'à nier la volonté comme les bouddhistes, la tournerait contre la vie. Vers la fin de sa vie consciente, Nietzsche voit dans Pythagore la cause du refus de la vie platonicien.

 

dionysm-nade.jpg

Dionysos Zagreus est un apport des orphiques, mais ce n'est pas ce Dionysos-là que le philosophe valorise. Pour lui, le culte dionysien constitue une attaque aux frontières de la Grèce, contre laquelle l'hellénisme a dû mobiliser Apollon. Apollon acquiert ainsi sa pleine gloire et sauve Dionysos de la destruction, en faisant émerger une autre Dionysos. L'équilibre Dionysos-Apollon se serait concrétisé dans les mystères d'Eleusis. Les auteurs de l'article soulignent que la conception du temps chez Nietzsche a à voir avec le dépassement de la souffrance de l'individuation dans un acte de volonté. Contre Klossowski et contre Christian Kerslake, ils ne pensent pas que c'est la multiplicité des "soi" ni l'altérité en soi qui prime, puisque l'unicité de la volonté reste déterminante. Mais cette volonté était nécessairement aux antipodes de l'orphisme et du pythagorisme ascétique.

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La théophanie d'Isis dans l'Ane d'Or d'Apulée (livre XI)

13 Novembre 2014 , Rédigé par CC Publié dans #Pythagore-Isis

ISIS2"(XI, 3, 1) Après cette prière, accompagnée de lamentations à fendre le coeur, je retombai dans mon abattement, et, m'étant recouché, le sommeil vint de nouveau s'emparer de moi. (2) À peine avais-je fermé les yeux, que du sein des mers s'élève d'abord une face imposante à commander le respect aux dieux mêmes; puis un corps tout entier, resplendissant de la plus vive lumière. Cette auguste figure sort des flots, et se place devant moi. (3) Je veux essayer de tracer ici son image, autant qu'il est possible au langage humain. Peut-être l'inspiration divine viendra-t-elle féconder mon expression, et lui donner la couleur qui lui manque.

(4) Une épaisse et longue chevelure, partagée en boules gracieuses, flottait négligemment derrière le cou de la déesse. Une couronne de fleurs mêlées, placée au sommet de sa tête, venait des deux côtés se rejoindre sur son front à l'orbe d'une plaque circulaire en forme de miroir, dont la blanche clarté faisait reconnaître la lune. (5) Le long de ses tempes, régnait en guise de bandeau des vipères dressant la tête. Elle portait une robe du tissu le plus délié, dont la couleur changeante se nuançait tour à tour de blanc pâle, de jaune safrané, et du rose le plus vif; mais ce qui surprit le plus mes yeux, ce fut son manteau; il était du noir le plus brillant, et jeté, comme un bouclier, en travers de son dos, du flanc droit à l'épaule gauche. Un des bouts, garni des plus riches franges, retombait à plis nombreux.
ane d'or
(XI, 4, 1) Sur le fond du manteau se détachait un semis de brillantes étoiles, et dans le milieu se montrait une lune dans son plein, toute rayonnante de lumière. Les parties que l'oeil pouvait saisir de l'encadrement offraient une série continue de fleurs et de fruits entremêlés en guirlandes. (2) La déesse tenait dans ses mains différents attributs. Dans sa droite était un sistre d'airain, dont la lame étroite et courbée en forme de baudrier était traversée de trois petites baguettes, qui, touchées d'un même coup, rendaient un tintement aigu. (3) De sa main gauche pendait un vase d'or en forme de gondole, dont l'anse, à la partie saillante, était surmontée d'un aspic à la tête droite, au cou démesurément gonflé. Ses pieds divins étaient chaussés de sandales tissues de la feuille du palmier, arbre de la victoire. Dans cet imposant appareil, exhalant tous les parfums de l'Arabie, la divine apparition daigna m'honorer de ces paroles:

(XI, 5, 1) Je viens à toi, Lucius, émue par tes prières. Je suis la Nature, mère de toutes choses, maîtresse des éléments, principe originel des siècles, divinité suprême, reine des Mânes, la première entre les habitants du ciel, type universel des dieux et des déesses. L'Empyrée et ses voûtes lumineuses, la mer et ses brises salubres, l'enfer et ses silencieux chaos, obéissent à mes lois: puissance unique adorée sous autant d'aspects, de formes, de cultes et de noms qu'il y a de peuples sur la terre. (2) Pour la race primitive des Phrygiens, je suis la déesse de Pessinonte et la mère des dieux; le peuple autochtone de l'Attique me nomme Minerve Cécropienne. Je suis Vénus Paphienne pour les insulaires de Chypre, Diane Dictynne pour les Crétois aux flèches inévitables. Dans les trois langues de Sicile, j'ai nom Proserpine Stygienne, Cérès Antique à Éleusis. (3) Les uns m'invoquent sous celui de Junon, les autres sous celui de Bellone. Je suis Hécate ici, là je suis Rhamnusie. Mais les peuples d'Éthiopie, de l'Ariane et de l'antique et docte Égypte, contrées que le soleil favorise de ses rayons naissants, seuls me rendent mon culte propre, et me donnent mon vrai nom de déesse Isis. (4) Sèche tes larmes, cesse tes plaintes; j'ai pitié de tes infortunes: je viens à toi favorable et propice. Bannis le noir chagrin; ma providence va faire naître pour toi le jour du salut. Prête donc à mes commandements une oreille attentive. (5) Le jour qui naîtra de cette nuit me fut consacré par la religion de tous les siècles. Ce jour, l'hiver aura fui avec ses tempêtes; le calme sera rendu aux flots agités, la mer redeviendra navigable. Et mes prêtres vont me faire offrande d'un vaisseau vierge encore du contact de l'onde, comme inauguration du commerce renaissant. Attends cette solennité d'un coeur confiant et d'une âme religieuse.

(XI, 6, 1) Au milieu de la marche, le grand prêtre tiendra par mon ordre une couronne de roses de la main qui porte le sistre. (2) Courage; va, sans hésiter, te faire jour à travers la foule, et te joindre à cette pompe solennelle. Tu t'approcheras du pontife comme si tu voulais lui baiser la main, et, prenant doucement les roses, soudain tu te verras dépouillé de l'odieuse enveloppe qui depuis si longtemps blesse mes yeux. (3) Point d'inquiétude sur l'exécution de mes ordres; car en ce moment même, et toute présente que je sois pour toi, mon pontife, pendant son sommeil, reçoit de moi des instructions sur ce qui reste à faire. (4) Par mon ordre, les flots pressés de la foule vont s'ouvrir devant toi. Ta grotesque figure, au milieu de cette solennité, n'effarouchera personne; nul ne trouvera étrange ou suspecte ta soudaine métamorphose. (5) Mais souviens-toi, et que cette pensée soit gravée au fond de ton coeur, que ce qui te reste de vie, jusqu'à ton dernier soupir, m'est désormais consacré. Rendus à l'humanité par mon bienfaisant pouvoir, tes jours m'appartiennent de droit. (6) Tu vivras heureux, tu vivras glorieux sous ma puissance tutélaire; et lorsqu'au terme prescrit tu descendras aux sombres bords, dans ce souterrain hémisphère, tu me retrouveras, moi que tu vois en ce moment, tu me retrouveras brillante au milieu de la nuit de l'Érèbe, tenant le Styx sous mes lois. Hôte des champs élyséens, tu continueras tes pieux hommages à ta divinité protectrice. (7) Apprends d'ailleurs que, si tu le mérites par ton culte assidu, ton entière dévotion, ta pureté inviolable, j'ai le pouvoir de prolonger tes jours au delà du temps fixé par les destins."

 


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Emission "Le Temps de le Dire" sur RCF

10 Novembre 2014 , Rédigé par CC Publié dans #Interviews en rapport avec mon livre "La nudité"

Christophe Colera sera l'un des invités de l'émission "Le Temps de le Dire" de Stéphanie Gallet

 

Sur le thème de la pudeur

 

Mercredi prochain à 9 h 30

 

Sur RCF (Radios chrétiennes de France)

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