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Articles avec #nudite-pudeur en europe tag

La possession de Louviers - histoire d'un couvent adamite

20 Septembre 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Nudité-Pudeur en Europe, #Histoire secrète, #Christianisme

Un livre intitulé "La Piété affligée", imprimé à Rouen en 1651 , raconte d'un façon très détaillée une affaire de possession au couvent franciscain Saint-Louis de Louviers. L’auteur, le révérend père Esprit de Bosroger, provincial des RR. PP. capucins de la province de Normandie, prouve, dans 450 pages in-octavo, par de nombreuses citations des Ecritures, par des procès-verbaux rédigés par Péricard, évêque d’Evreux, par de Montechal, archevêque de Toulouse, par des chanoines de Paris, par des docteurs en théologie, la possibilité et la véracité du fait de la possession des religieuses de Saint-Louis. Le procès-verbal de l'archevêque de Toulouse, du 10 septembre 1640,  se termine par : « Enfin, nous aurions tous » jugé, d’un commun avis, en nos consciences, que lesdites filles sont les unes et les autres vraiment possédées et maléficiées. Fait à Louviers, ce jeudi, etc., etc. » Le curé du Mesnil-Jourdain, nommé Picard, et un vicaire de l’église de Louviers, nommé Boullé, furent accusés d'être les auteurs de ces maléfices. Alors l’un d’eux était mort, c’était Picard. L’évêque d’Evreux ordonna que son cadavre fût exhumé de l’église Saint-Louis et jeté dans un puits connu sous le nom de Puits Cornier. Une religieuse déclara « qu’étant possédée, elle fut beaucoup soulagée depuis l'exhumation. » Le cardinal Mazarin lui-même adressa une lettre de congratulation à l’évêque d’Evreux. « Monsieur, M. l’archevêque de Toulouse nous a fait une si avantageuse relation de votre conduite en l’affaire des religieuses de Louviers, qu’elle a beaucoup augmenté l’opinion que nous avions du soin et du zèle que vous apportez à faire les fonctions de votre charge. Pour moi, qui fais profession d’honorer le mérite, et qui ne lui ai jamais refusé mon témoignage, vous devez croire que je ne manquerai point de faire valoir le vôtre auprès de sa majesté, et de rechercher les occasions qui me donneront lieu de vous faire paraître, que vous estimant beaucoup il est impossible que je ne sois passionnément, monsieur, Votre affectionné serviteur , Le cardinal Mazarin. Paris, le 21 septembre 1643. » (Le fripon Mazarin protégea les fripons" allait dire Michelet - Oeuvre T. 38 p. 578)

La famille du curé Picard attaqua devant les tribunaux l’évêque d’Evreux. Une religieuse, nommée Madeleine Bavent, joua un grand rôle important dans l’instruction judiciaire qui eut lieu devant Routier, lieutenant criminel du Pont-de-l’Arche. "Ses déclarations sont le produit de l’imagination la plus déréglée et la plus bizarre, écrira en 1834 M. Philippe, qui se présente comme un membre de plusieurs sociétés savantes de l'Eure, sans doute inspiré par Floquet. Au récit de profanations de toute espèce, vint se mêler celui de scènes ridicules et grotesques. De bons bourgeois de Louviers furent entendus comme témoins : les uns avaient été au sabbat, les autres avaient refusé d’y aller. Un homme de bien, suivant le style de l’enquête, aperçut un grand et vilain personnage noir, qui s’entretenait avec Picard et Boullé, et qui disparut comme une vapeur au moment où il mettait le pied dans la chambre..." Le dénouement de tout cela fut une sentence de mort. Le 21 août 1647, le parlement de Rouen déclara Picard et Boullé sorciers et magiciens, condamna Boullé à être brûlé vif sur la place du marché de Rouen (ce qui fut exécuté ), et ordonna que le corps de Picard fût livré au bourreau pour être placé sur le bûcher, et que leurs cendres fussent jetées au vent. Le provincial des capucins Esprit de Bosroger (ou Boscroger), qui rapporte cet arrêt, appelle les conseiller au parlement de Rouen : les dieux de la province.

Michelet s'est penché en1862 (28 ans après M. Philippe) sur cette sombre affaire dans "La Sorcière" (ch VIII). Reprenant le livre du prêtre oratorien Charles Desmarets (1602-1675) qui l'avait confessée en 1647 à la conciergerie du Palais de Rouen, il y fait le portrait du personnage central de Madeleine Bavent, née en 1607 (ou 1602 ?) à Rouen (son père tenait une boutique de grossiers rue Ecuyère). Orpheline de ses deux parents à neuf ans, apprentie couturière à douze, chez "dame Anne" (qui en avait six autres). Elle fabriquait des vêtements pour les religieux. Son confesseur est un franciscain, frère Bontemps. Il a déjà trois jeunes filles sous son aile qu'il dit pouvoir mener au sabbat et marier au diable Dagon sous la forme d'un jeune homme (avec le secours d'un peu de belladone et autres breuvages, souligne Michelet). Madeleine, qui a quatorze ans, sera la quatrième. Elle est dévôte de Saint-François.

Notons que Madeleine n'a pas le souvenir de ces choses. dans sa confession elle dit que si elle a avoué avoir participé à ces sabbats, c'est uniquement parce que c'est ce qui se disait d'elle au couvent... Elle précise même que son confesseur d'alors, le père Feuillant, a démenti le fait, et reconnait n'avoir gardé aucun souvenir physique de ce Bontemps (sa couleur de cheveux, de peau etc). Elle en appelle au témoignage des voisins de Dame Anne pour démontrer sa bonne moralité de l'époque. Pour elle, les soeurs l'ont chargée pour en faire l'autrice des sortilèges (puisqu'elle était censée être déjà sorcière), alors que le couvent était déjà infesté à son entrée. A preuve, dit-elle, Charlotte Pigeon entrée avant Madeleine ("il y a 28 ans"), puis une seconde fois pour huit jours seulement à 21 ans et qui y fut aussi possédée les deux fois. Pourquoi Michelet fait-il l'impasse sur le démenti de la religieuse ?

Peut-être parce que le démenti n'est pas très crédible. Une notice biographique en préface parue en 1878 rappelle qu'elle a avoué devant ses juges sa débauche avec Bontemps.

Justement, vient de se créer à Louviers un couvent fondé, d'après Dibon (Essai historique sur Louviers) par la veuve d'un procureur pendu en 1622 pour escroquerie. Son directeur est le curé David, homme à la démarche grave selon Boscroger et à la barbe négligée, qui a une bonne réputation à Paris (il est confesseur des dames de la paroisse de Saint Jean-en-Grève, près de l'actuel Hôtel de Ville de Paris) Michelet le considère comme un illuminé,moliniste avant Molinos... David a publié un livre contre les couvents corrompus : "Le fouet des paillards" nous dit Michelet. En fait il confond (et ce n'est pas la seule ineptie que Michelet écrit. Ce livre a pour auteur Mathurin Le Picard, cet ouvrage accessible sur Google Book qui figurait au registre de vente à l'Hôtel Drouot de 1881 a été publié en 1623 et non avant l'entrée de Madeleine au cloître comme le prétend Michelet. Madeleine précise que David qui fut son confesseur leur faisait lire "Le livre de la Volonté de Dieu". Cet ouvrage avait été publié par William Fitch (1562-1610), plus connu sous son nom de capucin, Benoît de Canfield ou encore Benoît l’Anglais. Ce livre circulait dans les monastère sous forme de cahiers recopiés. Benoît allait le publier qu'en 1608. Le titre indiquait la visée de l’auteur de proposer un chemin spirituel menant à la perfection de la vie chrétienne par l’observance d’une règle unique et simple : faire la volonté de Dieu. Les deux premières parties, en effet, donnaient un enseignement sur la vie active et contemplative qui voulait mener l’âme progressivement, par degrés, jusqu’à la perfection de la vie chrétienne. Saint François de Sales les faisait lire aux visitandines de Grenoble. Saint Vincent de Paul aussi allait les faire lire dans sa congrégation. Mais la troisième partie laissait penser que la perfection de l’union avec Dieu résiderait davantage dans l’expérience extatique et que dans l’humble accomplissement de la volonté du Créateur.

C'était l'unique règle au couvent de Louviers, nous dit-on. ("On sait alors que, 'derrière' les accusations d'endiablement, c'est bien à la spiritualité camfeldienne que l'on s'attaque" allait écrire Daniel Vidal dans Jean de Labadie, 1610-1674: passion mystique et esprit de Réforme p. 28)

La notice biographique de 1878 ajoute comme ouvrages "La Perle évangélique" (ouvrage christocentrique écrit par une béguine flamande un siècle plus tôt, imprégné de pré-quiétisme, qui avait été notamment central dans la spiritualité de Berulle), "Le Thrésor caché dans le Champ" (peut-être "Le livre des tesmoignages du thrésor caché au champ" paru en 1575 ?), la "Théologie germanique" (réédité par Paquier en 1928 sous le titre "Le livre de la Vie Parfaite). A priori rien de réellement sulfureux.

Mais David était adamite : il croyait à la pureté de l'humanité, et prônait la nudité en public, dit Michelet. Madeleine rapporte ainsi sa théorie (p. 9) : " Il disait qu'il fallait faire mourir le péché par le péché, pour rentrer en innocence, et ressembler à nos premiers parents, qui étaient sans aucune honte de leur nudité devant leur première coulpe".

Esprit de Bosroger présentera ainsi sa doctrine : il enseignait "que le péché n'était pas au corps, ni aux actions corporelles, mais au discernement de la prudence humaine, et que celui qui discernait, était maudit, et damné selon les apôtres, que la pudeur des filles était une erreur ; qui ne sait, disait ce vilain, que la nudité est l'apanage de la vraie innocence, il faut donc mortifier la honte, et la crainte naturelle sans aucune exception : car pour peu qu'on ne voie point péché, il n'y en aura pas, parce que l'esprit intimement uni à Dieu de pèche jamais" (p. 52). Il prétendra pour sa part que seulement 3 ou 4 nonnes suivront ses préceptes, et il assure qu'à la mort de David l'évêque d'Evreux se rendit sur place et remit les esprits des nonnes en ordre. Selon lui le discours adamite n'avait pas donné lieu à des réalisations et il serait resté sans lendemain si le tandem Picard-Bavent n'avait répandu des charmes ensuite dans le couvent.

"Dociles à ses leçons, écrit au contraire  Michelet qui se fonde sur ma confession de Madeleine, les religieuses du cloître de Louviers, pour dompter et humilier les novices, les rompre à l'obéissance, exigeaient (en été sans doute) que ces jeunes Èves revinssent à l'état de la mère commune. On les exerçait ainsi dans certains jardins réservés et à la chapelle même. "

Magdelaine Bavent, qui qualifie cela d' "ordures et de saletés" est plus précise : "Les religieuses passaient pour les plus saintes, parfaites et vertueuses, qui se dépouillaient toutes nues et dansaient en cet état, y paraissaient au choeur et allaient au jardin".

Elle ajoute "ce n'est pas tout", consciente d'aller crescendo dans l'horreur. "On nous accoutumait à nous toucher les unes les autres impudiquement, et ce que je n'ose dire, à commettre les plus horribles et infâmes péchés contre la nature, que mon confesseur m'a dit avoir été remarqués par Saint Paul en son Epitre aux Romains pour avoir été les plus excessifs désordres sous le règne du prince de  l'enfer parmi les païens". "J'y ai vu même abuser de l'image du crucifié", ajoute-t-elle. Elle parle aussi d'une circoncision sur une "figure ce me semble de pâte, que quelques unes prirent après pour en faire ce qu'elles voulurent". Elle cite aussi les hosties consommées après être restées quelques jours dans le fumier.

Madeleine a été admise comme novice dans ce couvent juste avant ses 16 ans (en 1619). Elle est tenue en habit séculier dans la clôture six ou sept mois. mais elle n'accepte guère d'être nue parmi ses compagnes. "Elle déplut et fut grondée pour avoir, à la communion, essayé de cacher son sein avec la nappe de l'autel", précise Michelet. Madeleine est plus précise (p. 10). Elle devait communier nue jusqu'à la ceinture, mais refusé. Arrivée à la petite grille, elle essaie de se couvrir de la nappe de la communion, mais Pierre David la fait enlever. Elle veut se couvrir avec ses bras, mais on lui ordonne de joindre ses mains.

La pratique a été corroborée par un certain M. Marcel, bibliophile, cité par la note biographique de 1878, qui, dans l'exemplaire de la l'Histoire de Madgelaine Bavent de Desmarets dont il a fait don à la bibliothèque de Louviers, a ajouté (p. XI) :

Elle ne pouvait même pas se confesser correctement car Pierre David refusait d'entendre comme péché ce dont les soeurs pouvaient avoir envie de s'accuser, et Madeleine n'obtint pas de la maîtresse des novices d'avoir un autre confesseur. Elle se met en marge comme tourière (chargée du parloir).

David allait mourir en 1628, en odeur de sainteté, le lundi de la Semaine sainte qui suivit au retour d'un voyage à Paris. Madeleine ne confesse qu'un péché avec lui : "quelques attouchements lubriques réciproques, une fois principalement"(p. 11)

Madeleine dément avoir soigné "un ulcère vilain entre son siège et ses parties honteuses" dans les derniers jours, comme ses soeurs allaient le rapporter, mais reconnaît que le P. David en partant à Paris lui avait laissé une boite fermée à clé, qu'il lui défendit d'ouvrir mais qu'elle ouvrit néanmoins et dans lequel se trouvait un papier.

A son décès le lundi Saint, ayant désigné Mathurin Picard comme son successeur, il lui donna ce papier et pria Madeleine de se retirer dans sa chambre pour que les deux compères puissent parler d'elle librement. Ce papier cosigné des deux prêtres comportait "des blasphèmes et imprécations horribles" qui allaient être lues lors des cérémonies. Des charmes ont été mis aux quatre coins du papier dont Madeleine ne sait ce qu'il est devenu.

Elle va rester 9 mois au tour, mais à Pâques quand elle se confesse Picard dit que ce qu'elle avoue n'est pas un péché, et commence à lui déclarer sa flamme et à la caresser lubriquement. Les confessions suivantes il met sa main sur son sexe à travers les vêtements. Elle proclame ne l'avoir pas aimé, mais reconnait "je ne puis dire ce qui m'attachait à lui, ni par quel malheureux pouvoir il me retenait" sous-entendant qu'elle était sous le coup d'un sortilège. Elle avoue d'autres caresses intimes même sur l'autel. Picard continua même quand elle tomba malade et était "plus morte que vive" (il allait aussi profiter de sa faiblesse à ce moment là en lui faisant signer sans le lire un pacte qu'il présentait comme un testament) mais proclame qu'il n'y eut pas de coït. Il la força aussi à prendre l'hostie consacrée dans sa main, la briser en en laissant tomber des morceaux, boire le sang du Christ dans le calice.

Un jour dans le jardin, il profite des menstrues de Madeleine, glisse une hostie dessous pour la mêler à ce sang tombé en terre, l'enveloppe,prend le doigt de Madeleine "pour lui aider à mettre le tout dans un trou proche d'un rosier". "Les filles qu'on exorcise ont dit que c'était un charme pour attirer toutes les religieuses dans la lubricité." "Je n'en saurais que dire parce qu'il ne m'en a jamais parlé, dit-elle, ni si l'hostie était consacrée parce qu'il ne m'en a rien appris". Elle reconnaît qu'elle allait être ensuite attirée par ce lieu et y vivre des tentations sales.   Ensuite il se livre encore à des rituels assez bizarres (dont un où il fait lier le sort de son âme à celui de Madeleine, les deux seront sauvées ensemble ou perdues ensemble), et Magdeleine commence à voir le démon qui se présente à elle sous la forme d'un chat de la maison qui lui met les pattes avant sur les épaules et approche son museau de sa bouche pendant une heure essayant de lui retirer l'hostie ("tu verras ce qui t'arrivera" avait dit Picard lors de la communion). Puis il la fait traverser les murs à 11 h du soir pour se retrouver hors du couvent et la fait participer à un sabbat, ce qu'elle fera ensuite plusieurs fois.

Ils auront des enfants ensemble (P.13) dont ne se sait ce qu'ils deviendront. Il la partage dans des sabbats. Je passe les descriptions sur le commerce de Magdeleine avec le diable.

A noter que dans la Revue des Deux Mondes de 1880, Charles Richet ("Les démoniaques d'aujourd'hui et d'autrefois" p. 368) allait prendre le contrepied de Michelet sur Bavent (texte repris 4 ans plus tard dans L'Homme et l'Intelligence, p. 380, où il taxe le travail de Michelet de "légèreté déplorable". Mais son analyse de l'hystérie de la possédée est aussi idiote que les remarques du libertin Cyrano de Bergerac dans le tome 2 de ses Oeuvres sur la "fille d'Evreux" (il la croit d'Evreux parce que Jean Le Breton en 1643 publia à Evreux un mémoire intitulé "Défense de la vérité touchant la possession des religieuses de Louviers").

Après la mort de Picard, une "soeur Anne de la Nativité, sanguine et hystérique, au besoin furieuse et demi-folle, jusqu'à croire ses propres mensonges" est introduite dans le couvent. "Un duel fut organisé comme entre dogues" (p. 571)

Les exorcismes ont commencé le 1er mars 1643. Les démons dirent que le principal charme venait du corps de Picard. Le 14 juin 1643 le démon révéla un charme dans la chambre de Soeur Marie du St Sacrement qui était possédée. Bosroger nomme les autres charmes retrouvés, les endroits et les démons qui les dénoncèrent (p. 103). Le démon prit même la forme d'un humain à Soeur Marie du St Sacrement pendant les investigations de l’évêque et lui fit signer un pacte pour qu'elle ne parle pas.

On inspecta Madeleine. Le chirurgien de la reine, Yvelin, chargé de l'enquête dénombrera sur 52 religieuses 6 possédées, 17 charmées. Elles prophétisent, parlent le grec font des sauts prodigieux devant les habitants (mai spas devant les juges) tandis que Madeleine va croupir dans une cave de la Conciergerie et y devenir folle. Elle allait plusieurs fois essayer de s'y suicider.  Elle mourut en 1653 à l'Hôpital général de Rouen, asile des aliénés.

La condamnation de Bullé au bûcher et la crémation du cadavre de Picard bien conservé aura contribué à l'efficacité des exorcismes. Simonne Gaugain dite la Petite Mère Françoise de la Croix, originaire de l'Orléanais, protégée de David puis de Picard (ils l'avaient nommée mère supérieure alors qu'elle n'était que novice) qui s'était exilée à Paris avec cinq novices en 1643 (ou en 1624 ?) se refit une réputation dans la capitale (elle y fondera l'hôpital de la Place Royale), entra à la cour d'Anne d'Autriche et fit casser par le Conseil d'Etat l'arrêt du parlement de Rouen pour ce qui la concernait en 1647. C'est parce que le Parlement de Normandie voulait la garder comme témoin contre la Mère Françoise que Madeleine Bavent n'avait pas été exécutée.

A titre de curiosité on peut lire le regard laïque du Dr Albert Richard sur la possession de Madeleine Bavent dans "Le Mensonge chez la Femme hystérique" 1902 p. 34). On attribue à Jean Nicolle (1614-1650) peintre de Louviers un tableau intitulé "Un exorcisme" qui pourrait représenter Madeleine Bavent.

Mais peut-être la pièce la plus intéressante du débat sur les possédées de Louviers est-elle "L'innocence opprimée", opuscule écrit par le successeur de Picard à la paroisse de Mesnil-Jourdain pour défendre ce dernier après sa mort (en tout cas pour rétablir la vérité) et qui a longtemps circulé sous le manteau (voir ici). L'opuscule charge Bosroger en laissant entendre qu'il s'immerge trop dans les tourments de l'exorcisme alors que ses collègues le prient de prendre du recul, David qu'il accuse clairement d'être adamite, et Simonne Gaugain qui a l'air d'être une vraie mystique puisqu'elle peu, selon l'opuscule, léviter à près de deux pieds (plus de 0,5 mètres) au dessus du sol...  Le témoignage du père Dufour, jésuite (les Jésuites allaient défendre Picard au procès devant le Parlement contre les capucins), qui y prêcha 15 fois le carême qui y est cité est intéressant : « Si, dit-il, Picard a été méchant, c’est depuis quatorze ans que j’ai prêché le caresme à Louviers, [p. 151] car en ce temps-là, je le trouvais si homme de bien que je l’avais choisi pour mon confesseur, et j’étais le sien ; et dès lors il est constant qu’il y avait du mal et du désordre dans la maison de ces filles ; car, comme un jour il m’était venu voir, avec un visage assez triste, et que je lui demandais d’où lui venait cette humeur et ce chagrin extraordinaire, il me dit en ces termes : « Je vous avoue, mon Père, que j’ai grand sujet de déplaisir et je ne viens ici que pour tâcher de me consoler avec vous, ou bien vous supplier de vouloir vous condouloir avec moi, car il y a assez longtemps que j’ai le cœur serré, il faut qu’aujourd’hui, je vous le décharge entièrement. C’est, mon père, que je suis tellement occupé à oter à ces filles les damnables maximes des Adamites, qu’elles disent avoir apprises de David, leur autre directeur que je désespère de venir à bout, de moi seul, à moins que monseigneur l’évêque ne s’en veuille mêler lui-même, avec plus de soin, et y apporter toute son autorité. Je sais que vous avez auprès de luy un accès et une connaissance toute particulière, c’est pourquoi, je m’adresse plus librement à vous dans l’espérance que vous lui ferez entendre confidemment le sujet de mes plaintes et de mes peines et la résolution même, où je suis, s’il n’y donne promptement ordre, de tout abandonner ; et puis après je ne réponds plus du désordre et « du scandale qui en peut naître, ne m’étant plus possible d’empêcher comme je l’ai fait jusqu’ici que la chose n’éclate et ne fasse du bruit. » Sur quoi, dit le Père Dufour, après l’avoir un peu remis, je lui promis de voir M. l’Evêque au plus tôt, que je fis, et peu de jours après, étant venu visiter ce monastère pour y extirper les abus, qu’il y trouva tels qu’on les avait rapportés, il se saisit de plus de soixante petits livres qui traitaient de la vue de Dieu et que ces filles lui [p. 152] dirent avoir reçu de la main de David leur autre directeur, lesquels il brula sur le champ. »

Hélas on ne saura pas ce que contenaient ces livres. Et hélas, l'historien qui présente l'opuscule dans le  Bulletin de la société de l’histoire de Normandie 1900-1904 Henri Barbe ne prend pas au sérieux le témoignage de la dernière religieuse du couvent morte en 1834 (celle que citait Marcel plus haut) sur la perpétuation de la tradition adamite dans le couvent.

Par delà l'éthologie de la possession de Madeleine Bavent et de ses consoeurs, il serait intéressant de sonder un peu plus en détail l'adamisme qui gouvernait le couvent à l'époque du P. David. Etait-il "plus bénin" que les possessions ultérieures ? A-t-il été "noirci" à l'excès par la confession de Madeleine Bavent, et les témoignages des autres religieuses, qui y avaient intérêt pour laver leurs fautes ? La rigueur morale imputée au P. David, ses lectures "pré-quiétistes" pourraient-elles signifier qu'il se déployait là une forme de nudité religieuse relativement pure que des complications sataniques ultérieures auraient ensuite salie ? Quid par exemple de cette obligation de jeûne de dix jours avant de pratiquer la communion dans la nudité ? Et comment cela a-t-il pu se perpétuer au couvent Saint-Louis jusqu'en 1845 (!) malgré tout le scandale provoqué par la condamnation au bûcher de Bullé par le Parlement de Normandie en 1647 ?

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Le marronnier du topless : interview de BFM TV

22 Juillet 2020 , Rédigé par CC Publié dans #Interviews en rapport avec mon livre "La nudité", #Généralités Nudité et Pudeur, #Nudité-Pudeur en Europe

Comme tous les ans, difficile d'y échapper sur ce sujet : j'ai été interviewé par BFM TV sur le topless (voir leur article ici). J'ai parlé de la Bretagne et de la Charente...

Ils ont mentionné par erreur mon statut de chercheur associé que je n'ai plus depuis 2014, je leur ai demandé de bien vouloir le corriger ce point.

A propos de sociologie du corps, notez l'étonnant sondage IFOP-Xcams du 15 juillet que BFM TV cite par ailleurs dans un autre article - cf ci dessous.

 

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Les Etrusques, la liberté des femmes et les sacrifices humains

2 Octobre 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Histoire des idées, #Nudité-Pudeur en Europe, #Philosophie

Il m'est arrivé de citer Larissa Bonfante sur les Etrusques - par exemple ici en 2007. Je ne saurais trop vous conseiller, donc, si vous vous intéressez à l'Antiquité, de jeter un coup d'oeil à son dernier article récemment téléchargé sur Academia.edu, "The Greeks in Etruria". Les comparaisons entre les civilisations sont toujours intéressantes pour comprendre les divers choix humains. Comme à son habitude Bonfante s'attarde beaucoup sur les représentations du corps. Elle s'interroge, comme nous l'avions fait dans nos écrits sur Praxitèle, sur l'obstination grecque à refuser la nudité féminine dans la statuaire, quand au contraire les Etrusques refusaient la nudité masculine. Par là ceux-ci signent leur appartenance au Moyen-Orient (d'où ils proviennent probablement) riche en représentation des déesses-mères nues.

Tout en insistant sur les bonnes relations entre Grecs et Etrusques (et l'adoption par les seconds du panthéon des premiers), Bonfante souligne aussi les incompatibilités entre eux : les Etrusques admettent la présence des femmes à la tête des banquets aux côtés de leurs maris (à l'occasion ils vont même jusqu'à représenter un couple d'aristocrates nu dans son lit, ce qui pour les Grecs eût évoqué la prostitution). Plus bienveillants que les Grecs envers le corps de ce qu'autrefois on appelait le "beau sexe", les Etrusques représentent la femme allaitant son enfant, et même Héra donnant le sein à son fils Héraklès complètement divinisé et totalement adulte, dans un geste rituel en présence des Olympiens.

Les Grecs et les Romains ont très tôt abandonné les sacrifices humains. Pas les Etrusques qui tuent pour donner du sang aux morts et se plaisent encore au IVe siècle av JC à représenter le sacrifice de Troyens à la Patrocle.

Les Etrusques (surtout leurs femmes) ont dans l'Antiquité une réputation de luxure, et ils sacrifient les humains comme les Germains et les Celtes (qui eux aussi accordent bien des libertés à leurs épouses). Sur ces deux points les Grecs leurs sont opposés. Y a-t-il un lien structural dans ce rapport à Eros et Thanatos ? Voire quelque chose qui, ici, nous aiderait à comprendre, par contraste, le "Miracle grec" et l'apparition du Logos ?

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Culte solaire et éloge de la possession

9 Juin 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Généralités Nudité et Pudeur, #Nudité-Pudeur en Europe

Dans "La Saison des apparences, naissance des corps d'été" (eds Anamosa), le sociologue Christophe Granger cible bien la dimension de possession par des entités que revêt le corps estival au contact du soleil aux yeux des auteurs de l'entre-deux guerres.

Il note p. 105-106 que Pierre Laurier dans un article intitulé "Soleil" de la luxueuse "Revue Ford des Sports du monde" (juin 1935, p. 38-39) écrit qu'au soleil "nous devenons parsis, ou, si vous préférez, disciples de Zoroastre, nous adorons le soleil" (pour mémoire c'était là la religion du chanteur Freddy Mercury, de Queen, qui déclarait sur scène avoir passé un pacte avec le diable). Laurier y vante la "douce anesthésie" du cerveau. Roger Ribérac dans Amours de Plage (Gribiche aux bains de mer, 1934, p. 29-30) décrit le fait que  "Le soleil brûle, pénètre la peau, le sang ; on dirait une vie nouvelle qui s'infiltre". Alice Ducaen dans la même veine "Quand il fait bien chaud, quand le soleil tape fort vous fatigue et vous exalte à la fois (....) comme ces choses là vous remuent, vous agitent délicieusement, sans qu'on sache au juste pourquoi,lorsque le soleil vous monte à la tête".

DH Lawrence chantre de l'adultère, en 1926 dans "Soleil" : « Elle sentait le soleil qui pénétrait jusqu’à la moelle de ses os, plus loin encore jusqu’à ses émotions et ses pensées. La sombre tension de ses sentiments se relâcha, les caillots sombres et froids de ses pensées commencèrent à se fondre. Elle sentait enfin la chaleur envahir son être. Elle se retourna pour laisser ses épaules, ses reins, ses cuisses et même ses talons se dissoudre au soleil. Et elle demeurait stupéfaite de la transformation qui s’opérait en elle. Son cœur las et glacé se fondait et s’évaporait au soleil. » La chaleur abolit la lucidité, ajoute le poête Philippe Huc alias Tristan Derème (écrivain d'origine béarnaise) dans Marianne du 10 août 1938, sous le titre "La sirène des vacances" (jetez un oeil aux témoignages sur les esprits de sirènes sur Youtube...)

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Qui était derrière le lobbying pour la nudité publique en 2015 ?

29 Avril 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Généralités Nudité et Pudeur, #Nudité-Pudeur en Europe, #Pythagore-Isis, #Histoire secrète

Le grand public ne l'a peut-être pas su, mais, en 2015, les partisans de la nudité publique ont voulu profiter de l'ouverture de la garde des sceaux Christiane Taubira au thème des réformes sociétales (le mariage homosexuel avait été adopté en mai 2013) pour promouvoir une dépénalisation de la promenade publique en tenue d'Adam ou d'Eve. A cette fin la journaliste escort girl ex-Femen Eloïse Bouton lançait un colloque sur ce thème à l'assemblée nationale sous la houlette du député EELV  Sergio Coronado. L' association pour la promotion du naturisme en liberté (Apnel), ainsi que Me Tewfik Bouzenoune, avocat à la Cour (défenseur d'un randonneur nu à Périgueux en 2013 puis en 2017 de l'artiste Déborah de Robertis, mais aussi de Cécile Duflot, ) étaient présents aux côtés de la Fédération française de naturisme (FFN) à laquelle l'Apnel appartient. Le colloque s'est tenu le jeudi 18 juin 2015 de 9h30 à 12h à l'assemblée en salle Colbert.

Etaient intervenus Geneviève Fraisse, philosophe, directrice de recherche au CNRS, ancienne déléguée interministérielle aux droits des femmes et ancienne députée européenne, Me Tewfik Bouzenoune, avocat à la Cour, l'artiste nudiste Déborah De Robertis, Rachel Mulot, membre de La Barbe (et Cheffe du service Enquêtes au magazine Sciences et Avenir), groupe d’action féministe, Philippe Colomb, membre de la Vélorution et organisateur de la manifestation cyclo-nudiste de Paris (il se présente sur Twitter comme un "bibliothécaire engagé, écolo politique, internationaliste pro-migrants").

L’artiste américaine féministe Rhiannon Schneiderman (qui comme De Robertis aimait se montrer nue sur ses photos) avait réalisé une série de photos intitulée "Exhibitionist" "en soutien au colloque" (sic).

Pour continuer à faire avancer cette cause, l'Apnel adressait le 20 juin une invitation (dont j'étais destinataire car à l'époque les médias m'interviewaient souvent sur la nudité publique)  "à l’adresse de personnalités, associations et partis politiques pouvant contribuer, par leur action, à la  dépénalisation complète de l’état simple de la nudité humaine" le 4 juillet, à 9 heures au siège de la FFN à Pantin. Elle annexait à cette invitation un projet de Proposition de Loi portant diverses dispositions tendant à dépénaliser l’état de nudité et clarifier l’article 222-32 du Code Pénal sur l’exhibition sexuelle. Je n'ai pas pu me rendre à cette réunion pour savoir ce qui s'y disait.

Le 23 juillet 2015 un naturiste m'écrivait " je ne crois pas trop à la voie législative, trop lourde, ni même réglementaire. Je pense que l'évolution sera plutôt jurisprudentielle, quelques arrêts de relaxe bien médiatisés, ou, comme pour les seins  nus il y a 40 ans, une circulaire aux procureurs leur enjoignant de ne plus poursuivre. Mais je ne suis pas devin, on verra bien."

Il semble que la proposition de loi n'ait jamais abouti. Peu de gens en France étant partisans de la liberté d'aller et venir nu. Les lobbyistes ont peut-être estimé qu'une action discrète à coup de circulaires serait politiquement moins risquée. Ils ont aussi investi dans les expériences municipales locales comme le parc naturiste de Vincennes.

Pour ma part je me suis demandé après coup s'il n'y avait pas des lobbies occultes derrière l'initiative de Bouton. A la fin des années 2000 une responsable de centre naturiste avait attiré mon attention sur le fait que les francs-maçons avaient tout au long du XXe siècle encouragé le développement du naturisme, tout comme ils avaient été à l'origine des lois sur la sécurité sociale (en Angleterre et en France), sur la contraception, sur l'avortement...

Éloïse Bouton a été condamnée en février 2017 pour exhibition dans l'église de la Madeleine, ce qui a été confirmé en appel. Le 20 décembre 2013 dans l'église de la Madeleine, à Paris, elle avait avait mimé un simulacre d'avortement de l'enfant Jésus avec des morceaux de foie de veau devant l'autel de l'église de la Madeleine. Sur sa poitrine, on pouvait lire «Christmas is canceled» («Noël est annulé») et «344e salope», en référence au manifeste des 343 femmes qui avaient signé un appel en 1971 pour la dépénalisation de l'avortement. Par cet acte, elle entendait dénoncer les prises de position de l'Église, alors que des restrictions sur l'avortement étaient envisagées en Espagne. L'action n'est pas sans rappeler celle de certains lobbies pro-avortement aux Etats-Unis dont les actions mobilisent parfois des rituels occultistes (voir photo). On peut se demander s'il n'y avait pas une dimension rituelle aussi dans son geste à la Madeleine.

Eloïse Bouton tirant argument de ce qu'une Femen qui avait mené une action au Musée Grévin en 2014 avait été relaxée s'est pourvue en cassation mais ce pourvoi fut rejeté le 9 janvier 2019, la condamnant définitivement à un mois de prison avec sursis. Un an plus tôt elle avait sorti un documentaire co-écrit avec le rappeur "Dr de Kabal" dont le nom à lui seul évoque la kabbale et l'occultisme (son premier maxi en 1992 était dédié à la secte des Assassin, à l'origine de certaines traditions templières). Elle multiplie les conférences à ses côtés depuis lors, par exemple à l'université de Villetaneuse les 29 janvier et  9 avril derniers avec une affiche illustrée par un damier maçonnique. Son association "Madame Rap" mobilise beaucoup l'imagerie du poing levée issu de la galaxie du milliardaire Soros (Otpor, Canvas, la Women March de 2017 aux USA etc) dont Wikileaks a montré les liens avec les milieux occultistes proches d'Hillary Clinton. Tout cela pourrait plaider pour une implication maçonnique (ou du moins celle de l'aile la plus anti-chrétienne de la maçonnerie) derrière le colloque de 2015, mais évidemment cela ne sera jamais tout à fait démontrable.

Sergio Coronado, qui avait défendu des positions très pro-LGBT sous la précédente législature après avoir fait son "coming out" sur Twitter en 2012, est maintenant candidat mélenchonien aux européennes. Il n'est pas évident qu'il ait impliqué les LGBT dans le soutien au projet de loi. Son soutien au colloque semble avoir été ponctuel mais il serait intéressant de faire une généalogie de son lien avec E. Bouton.

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Une interview pour le Figaro qui passe à la trappe

29 Mars 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Interviews en rapport avec mon livre "La nudité", #Généralités Nudité et Pudeur, #Anthropologie du corps, #Shivaïsme yoga tantrisme, #Nudité-Pudeur en Europe

Le 26 mars dernier, une journaliste du Figaro (Emilie Faure)  m'écrivait :

"Bonjour, 
je prépare un papier sur les 50 ans du Festival de Woodstock et sur les similitudes entre la jeunesse de 1969 (ses attentes, son apparence...) et celle de 2019. Le point qui diffère le plus est la nudité, et j'aurais aimé avoir votre éclairage sur la question, si le sujet vous tente!"

J'ai répondu :

"Il faut bien voir que dans les années 60 la nudité passait pour un signal subversive de libération des corps face à une morale judéo-chrétienne répressive encore prédominante qui censurait les élans pulsionnels. Ce culte de la nudité était aussi lié à l'engouement pour les sagesse orientales qui nourrissait le festival de Woodstock : n'oublions pas qu'une des principales figures de Woodstock était le sitariste Ravi Shankar qui a contribué à l'initiation spirituelle des Beatles (on comprend ensuite que la carrière de Lennon ait été marqué par une photo de lui nu avec Yoko Ono) et le festival s'était ouvert par une invocation de Swami Satchidananda dont vous trouverez le texte ici et les 500 000 participants ont chanté à l'ouverture "Hari Om" ce qui conférait au festival un côté clairement rituel et mystique. La nudité joue un rôle important dans les rituels hindous, notamment certaines branches du yoga, et tout le monde a entendu parler des ascètes nus indiens, les sadhus. C'est cet esprit là qui soufflait sur Woodstock et auquel participait la nudité publique pour créer une unification sexuelle du monde par l'élévation "vibratoire".

Aujourd'hui la nudité a intégré complètement la culture dominante dans les productions hollywoodiennes, les publicités etc - parfois d'ailleurs dans une perspective tout aussi rituelle, n'oublions pas que beaucoup de chanteuses qui se sont exhibées nues dans des clips comme Madonna, Miley Cyrus, Niki Minaj des actrices comme Rose McGowan, Asia Argento ne cachent pas leurs liens avec des spiritualités "alternatives", ou les salons de massage et bien être. Admise au niveau de la culture dominante sur les écrans et dans les revues, la nudité n'a plus à être pratiquée par le public lui-même. Le prêtre-sorcier montre sa nudité, ou y fait allusion dans ses propos, et le public n'a plus qu'à y communier symboliquement sans se dévêtir lui-même. Il la pratique aussi dans des lieux "réservés" (comme les espaces naturistes) ou des occasions festives comme les marches cyclonudistes, parce que la nudité a maintenant ses espaces institutionnels. La révolution par la nudité n'a plus lieu d'être."

Mais plus de nouvelles depuis lors. La journaliste a disparu dans la nature sans laisser d'adresse. Je vous laisse spéculer à loisir sur les raison de l'avortement de cette interview.

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Nudisme et eschatologie

17 Décembre 2018 , Rédigé par CC Publié dans #Nudité-Pudeur en Amérique, #Anthropologie du corps, #Nudité-Pudeur en Europe, #Pythagore-Isis, #Christianisme

Comme je l'ai déjà souligné ici, le nudisme naturiste est très lié à la franc-maçonnerie à ses origines à travers des figures comme Crawford ou Gardner (fondateur de la Wicca). Pas étonnant que Daladier par exemple l'ait pratiqué. Et je n'ai pas étonné d'apprendre que les Femen pouvaient être liées au financier Soros dont le fils fréquente les soirées de charité organisées par les occultistes Lady Gaga et Marina Abramovic, tout comme la chantre des concerts nus Miley Cyrus.

Des gens de la mouvance naturiste comme Francine Barthe-Deloizy aiment à souligner que les manifestations de femmes nues existaient déjà dans l'Afrique coloniale, mais c'était alors des pratiques de sorcellerie traditionnelle puisqu'il s'agissait de manières de jeter des sorts. Ca n'a été repris de façon "moderniste" (ou "post-modernise") que, comme je l'explique dans mon livre "La Nudité, pratiques et significations" à la veille de la guerre d'Irak en 2002 par l’artiste californienne Donna Sheehan (décédée le 30 avril 2015) et son groupe « Baring Witness » (Donna Sheehan, ancienne agent du contre-espionnage américain - ça ça intéressera les chercheurs qui relient le mouvement hippie aux militaires - et disciple de la secte Synanon, allait ensuite créer la fondation "Global orgasm" qui tous les ans au moins de 2006 à 2013 (mais il semble que cette "institution" perdure encore même si on en parle moins) allait tenter de "modifier le champ d'énergie de la Terre " de provoquer des orgasmes simultanés tous les 21 décembre - fête occultiste du solstice d'hiver chez les néo-païens - ou parfois les 22 décembre en fonction de l'alignement astrologique entre Jupiter et Aries).

Indépendamment de cette "récupération" de la sorcellerie africaine,  l'origine véritable de l'utilisation de la nudité féminine à des fins politiques dans les pays développés remonte  à l’initiative de la pédiatre australienne Helen Caldicott, ancienne icône du combat anti-nucléaire aux Etats-Unis dans les années 1980 qui souhaitait faire un come back à la fin des années 1990 pour protester contre le maintien à un niveau élevé du budget des armements nucléaires, notamment aux Etats-Unis, malgré l’effondrement de l’URSS. En octobre 1999, profitant des craintes que suscitait le bug de l’an 2000 (on redoutait alors une apocalypse nucléaire provoquée par un incident informatique), elle organisa une marche nue avec le docteur Patch Adams dans les rues de San Francisco. Elle a souvent déclaré que l'idée leur est venue pour attirer l'attention des médias en lançant le sloge "nude not nuke".

Je repensais à cette affaire en écoutant ce matin le chrétien conspirationniste Fritz Springmeier qui rappelait dans cette vidéo "Demons, aliens, underground basis" à la minute 16, que dans les années 90 beaucoup de chrétiens croyaient à l'arrivée de l'Antéchrist en 2000, ce qui avait été aussi annoncé deux cents ans auparavant, mais que les "illuminati" ont reporté la date. Il est étrange que les amis du Dr Caldicott (sur laquelle on  ne sait pas grand chose) aient pensé à utiliser la nudité publique juste dans ce contexte là. Cela m'a fait songer à des sectes  millénaristes comme les Doukhobors qui se dévêtissaient volontiers en groupe et aussi au film "Les derniers jours du monde" de 2012 où la nudité avait une place importante.

Cela forme d'étranges convergences autour de l'Apocalypse... Et je ne comprends toujours pas pourquoi dans l'Evangile de Marc (Mc 14, 51-52) il y a un homme nu à l'arrestation de Jésus...

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Facebook, la nudité, et le revenge porn

8 Octobre 2018 , Rédigé par CC Publié dans #Nudité-Pudeur en Europe, #Nudité-Pudeur en Amérique, #Nudité-Pudeur en Asie-Océanie

Dans cette vidéo, un chrétien américain explique sur la base d'USA Today du 8 novembre 2017 que Facebook Australie, officiellement pour combattre le "revenge porn" et activer des logiciels automatique de destruction d'images de gens nus que des amants éconduits pourraient être tentés de publier demande aux usagers de directement envoyer des photos d'eux-mêmes nus pour les stocker sur une base de donnée confidentielle que des logiciels de reconnaissance d'image exploiteraient pour instaurer des dispositifs de censure. Un organe du gouvernement australien participe à cette opération pilote qui pourrait être généralisée aux Etats-Unis et à la Grande Bretagne par la suite.

L'auteur de la vidéo pose la question simple : ne serait-il pas plus simple pour Facebook d'éliminer automatiquement toute image de nudité sans avoir besoin d'un logiciel de recoupement d'images pour cibler les censures. Il soupçonne d'utiliser le Revenge Porn comme un prétexte au stockage d'images qui violeront leur intimité, tout comme les autorités gouvernementales et les transnationales sont parfois accusées d'organiser des troubles à l'ordre public ou des problèmes sanitaires pour mettre en oeuvre de nouvelles règlementations attentatoires aux libertés.

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Naturisme béarnais

9 Août 2018 , Rédigé par CC Publié dans #Nudité-Pudeur en Europe

Dans l'esprit de son nouveau logo qui schématise le Pic du Midi d'Osseau sous les traits des pyramides égyptiennes - peut-être en hommage à la franc maçonnerie qui a joué un rôle important dans le développement du nudisme, La République des Pyrénées (le principal quotidien local du Béarn) consacre deux pleines pages au camp de naturiste du Club du Soleil des pays de l'Adour installé à Lasseube, le village où habitait le sociologue Pierre Bourdieu. Deux pages publicitaires avec interview de la présidente du club.

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#JeSuisCute et la sorcellerie

3 Août 2018 , Rédigé par CC Publié dans #Médiums, #Nudité-Pudeur en Europe, #Anthropologie du corps, #Christianisme, #Histoire des idées, #Pythagore-Isis, #Shivaïsme yoga tantrisme, #Histoire secrète, #Généralités Nudité et Pudeur

Une certaine Laetitia Reboulleau qui travaille pour la multinationale Yahoo a trouvé récemment une doctorante, Ludivine Demol de Paris VIII, pour dire du bien du dernier hashtag à la mode #JeSuisCute (Je suis mignonne) sous lequel des jeunes femmes s'affichent en tenue légère pour défendre l' "empowerment" féminin contre les harceleurs. Le média américain pro-Clinton Huffington Post dans sa version française dans la même veine apologétique préfère n'interviewer que des militantes.

Pour ma part je vois ce mouvement un peu différemment de ces médias. J'essaie d'en comprendre l'inspiration spirituelle en examinant son imaginaire et celui des témoins qui y participent.

Quand le cuisinier occultiste Antony Bourdain est mort en Alsace, en juin dernier, Amber Tamblyn, contributrice du New-York Times postait, en défense de sa petite amie Asia Argento, fille d'un réalisateur de films d'épouvante satanistes, sur Twitter  : "Sorcières, s'il vous plaît préparez les plus forts sortilèges de protection pour notre soeur Asia Argento. S'il vous plaît portez la avec tout l'amour et toute la lumière que votre force de conjuration est capable de projeter #AnthonyBourdain" ( “Witches: please prepare the strongest protection spell you have for our sister Asia Argento today. Please lift her up with all the love and light your conjuring is capable of casting. #AnthonyBourdain.") Tout un programme (en harmonie avec les posts d'Argento qui par exemple en 2013 promouvait sur son compte le grimoire rosicrucien Magia Rossa - Magie rouge - et se qualifiait elle-même de "sorcière rouge"). Rose Mc Gowan leader du #MeToo  prenait aussi la défense d'Argento. Une petite recherche sur Rose McGowan permettait de rattacher celle-ci aussi à l'univers de la sorcellerie. Elle avait écrit sur son compte Instagram du 16 octobre 2017 : "Je suis une sorcière, et je veux hanter les malfaisants. A Hollywood, au gouvernement, dans les affaires. Arrêtez de nous faire du mal ou il y aura des conséquences" ( "I'm a witch. And I will hunt wrongdoers. In Hollywood, in government, in business. Stop hurting us or there will be consequences"). Rose McGowan a joué la sorcière dans Conan le Barbare et dans Charmed, tout comme Asia Argento a joué des rôles de femmes possédées (comme dans Mothers of Tears en 2008). Elle a été la petite amie du sataniste Marilyn Manson de 1997 à 2000 aux côtés de qui elle a tourné dans un film de 2004. Voilà qui plaçait le mouvement "Me Too", co-dirigé par Argento et McGowan sous les auspices étranges de la sorcellerie...

On retrouve la même tonalité sous le hashtag français  #JeSuisCute lancé par la modèle nue militante Manny Koshka. Dans l'article de Reboulleau (au demeurant illustré par un modèle dont le tatouage au bras représente la divinité indienne Ganesh avec le troisième oeil frontal ouvert, celui qui voit les démons), figure, parmi les soutiens au mouvement une performeuse de burlesque... Tout le burlesque des années 2000 est sous le haut patronage moral de Dita Von Teese, qui a épousé Marilyn Manson en 2005 (on n'épouse pas un prêtre autoproclamé de la Church of Satan par hasard, et on ne se montre pas par hasard sur des photos en cachant un oeil...). Cette auvergnate sur Twitter avec ses multiples tatouages, adepte de la religion sorcière wiccane (une religion néo-païenne influencée par le satanisme du mage Aleister Crowley) qui parle publiquement de sa cérémonie de handfasting le 1er juillet, a un accident avec la nouvelle moto qu'elle a achetée et se coince le cou après avoir fait l'apologie du yoga (ah ! l'ouverture des chakras !).

Pour faire l'apologie de ce hashtag, on trouve aussi sur Twitter des féministes aux pseudos qui flirtent (soi disant sur un mode humoristique, c'est toujours l'alibi) avec l'occultisme comme l'employée de librairie "Succube", laquelle affiche à longueur de journées (on peut donc le reprendre puisqu'elle le rend public), sa révolte intérieure, son imaginaire Disney-DeMolay, raconte comment elle s'est cognée avec son propre téléphone (je ne sais pas ce que cela signifie dans le monde des esprits) et  poste - là encore c'est peut-être censé être de l'humour, mais ça révèle un certain état d'esprit -, le 27 juillet deux jours après avoir été larguée par son copain : "J’envisage un rituel vaudou, pour que le problème se règle tout seul dans la nuit ", ou encore une militante au nom de dieu égyptien, anarcho-communiste qui retweetait le 31 juillet des messages critiquant les "shitstorms sur la sorcellerie" hostiles aux guérisseurs dans les villages...

Je ne mets pas en cause tous ces gens qui, sous pseudo, dévoilent à tous leur vie privée, dans le but de leur nuire, mais je les cite seulement suivant la méthode classique en sociologie comme des exemples pour montrer aux lecteurs à quels courants culturels (et donc d'une certaine façon cultuels, même si eux-mêmes n'en sont pas forcément conscients) leur engagement se rattache (pour en savoir plus voir mon live "Les Médiums" publié chez L'Harmattan en 2017).

Sur un plan spirituel le nouveau hashtag est donc très lié lui aussi à la sorcellerie, laquelle, dans la religion wiccane, mais aussi sous d'autres aspects, utilise la nudité...

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Cité par LePoint.fr ("Le Point" en ligne)

16 Juin 2018 , Rédigé par CC Publié dans #Interviews en rapport avec mon livre "La nudité", #Nudité-Pudeur en Europe

Cette semaine je suis cité par "Le Point" en ligne ici.

Voici l'intégralité de ce que j'ai dit à la stagiaire qui m'a interviewé à propos des espaces naturistes promus par la mairie de Paris :

"La nudité urbaine est une revendication d'une certaine classe moyenne qui y voit à la fois une forme de communion avec la nature et de "social impowerment" pour la mise en valeur de la liberté de l'individu.

Pas étonnant qu'à Paris le projet soit piloté par l'adjointe Pénélope Komites qui est une ancienne directrice de Greenpeace, quand on sait combien Greenpeace a utilisé la nudité dans les thématiques écologiques (notamment avec l'aide du photographe Spencer Tunick). Mais le mouvement vient de loin, puisque Greenpeace a été fondé par des membres de la mouvance des Quakers (des protestants disciples de George Fox), quakers qui au 17e siècle se dénudaient devant les églises anglicanes pour dénoncer la corruption de la foi et annoncer la venue prochaine de l'Antéchrist. La nudité publique a longtemps été promue par les sectes religieuses dissidentes et la la franc-maçonnerie. La christianisme depuis les Evangiles l'associe à une forme de possession démoniaque.

La maire de Paris utilise la nudité urbaine sous la pression des Verts pour valoriser sa politique de lutte contre la pollution (et contre les voitures, dans la même logique que les "cyclonudistas" de Saragosse dans les année 2000 qui ont essaimé à Bruxelles, à Brighton etc).

Mais, comme j'ai eu l'occasion de l'exposer à d'autres médias, notamment à vos collègues de l'Observateur, la mesure est très marquée socialement car ce sont plutôt les classes diplômées qui aiment se dénuder (elles représentent la majeure part des effectifs des naturistes) et peut choquer une bonne partie de la population (ce n'est pas si fédérateur que l'on croit). Notamment cela pose certains problèmes par rapport au modèle de société que l'on veut proposer aux enfants. Le réflexe de pudeur jusqu'ici était le plus universellement et le plus anciennement ancré dans l'espèce humaine. En outre cela heurte une tradition française qui, à la différence des Allemands ou des peuples de culture slave, réservait la nudité à la relation érotique.

Je n'ai pas connaissance de pareils projets en province. Mais vu l'effet d'imitation des grandes municipalité de centre-gauche à l'égard de Paris il n'est pas impossible qu'un effet de contagion apparaisse un jour."

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Charles Edward Gordon Crawford, pionnier du nudisme anglais

7 Mars 2018 , Rédigé par CC Publié dans #Nudité-Pudeur en Europe

On sait que la nudité individuelle au soleil est une pratique ancienne que partageaient dans le monde occidental aussi bien le père fondateur des Etats-Unis franc-maçon Benjamin Franklin que le philosophe athée Nietzsche. La nudité collective s'est pratiquée dans les sectes hérétiques dans des perspectives plus ou mois adamites puis dans les milieux anarchistes au XIXe siècle, avant de trouver un institutionnalisation en Allemagne avec le Freiluchtpark de Hambourg en 1903.

Les anglo-saxons reconnaissent comme pionnier de leur naturisme nu (car il y eut un naturisme habillé) Charles Edward Gordon Crawford, un juge britannique veuf qui fonda une micro colonie de quatre nudistes à Thane en Inde, The Fellowship of the Naked Trust, avec deux fils de missionnaires en 1891. L'existence de ce groupe (mise en exergue en 2010 par le Mumbai Mirror repris par CNN) qui ne dura qu'un an à l'abri des regards jusqu'au remariage de Crawford (mariage qui le conduisit à déménager à Ratnagiri) est connue seulement à travers la brève correspondance de Crawford avec le "gourou gay" Edward Carpenter, un poète socialiste végétarien anglais proche du philosophe indien Rabindranath Tagore (à quel titre se connaissaient-ils ?).

On ne sait pas si ce Crawford fut lié à la franc-maçonnerie comme le sera un peu plus tard l'autre célèbre fonctionnaire colonial britannique Gerald Gardner amateur de nudité au grand air qui allait mélanger nudisme et sorcellerie néo-païenne dans la religion wiccane dont il fut le fondateur.

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L'Aphrodite ouranienne nue et l'Aphrodite Pandemos habillée

30 Septembre 2017 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Anthropologie du corps, #Nudité-Pudeur en Europe, #Philosophie, #Spiritualités de l'amour

Dans un commentaire sous mon billet "Le néo-platonisme est-il chrétien ?", le lecteur Hyarion me demandait de préciser ma remarque sur l'Aphrodite ouranienne nue et l'Aphrodite Pandemos habillée qui selon lui pourraient être toutes deux indifféremment nues.

Dans la limite de mon faible temps de disponibilité ce matin, je vais donc détailler ce point tout en précisant que je ne suis pas érudit en matière d'art antique ou d'art de la Renaissance. J'ai seulement croisé la problématique de la nudité dans les arts visuels (dans mon livre "La nudité pratiques et significations") à travers les réflexions profondes de François Jullien dans son dialogue original (mais controversé) avec l'art chinois et à travers la problématique pythagoro-platonicienne de la mathématisation du beau, plus deux ou trois lectures comparatives sur la nudité des dieux dans des cultures périphériques au monde greco-latin, et une réflexion sur Andromède que j'ai postée sur ce blog, bref, assez pour me donner deux ou trois intuitions, mais insuffisamment pour avoir un recul véritable par rapport à ce que je vais exposer ici (sauf le recul de mon expérience auprès des médiums relatée dans mon dernier livre paru chez L'Harmattan et qui est lié à la problématique de la nudité).

Le savoir que j'expose ici, je le tire d'Edgar Wind, "Mystères païens de la Renaissance" chapitre VIII, un livre anglais de 1958 qui s'inscrit dans la même veine d'intelligence que le "Les Grecs et l'irrationnel" d'ER Dodds quoiqu'il porte sur une période différente.

Voici donc ce que nous apprend Edgar Wind et qui mérite sans doute d'être médité.

Je vais tenter de l'exposer en des termes compréhensibles par tout le monde, quoique le sujet soit censé en réalité être très complexe et source d'un savoir hermétique, occulte, dont un esprit de notre époque ne peut nécessairement entrevoir que la face émergée.

A la base donc, il y a deux Vénus, ou deux Aphrodites. La Vénus du peuple ou de tout le monde (Venere vulgare) ou Aphrodite Pandemos, qui est la fille du roi des dieux Jupiter/Zeus et la Venus céleste (Venere celeste) ou Aphrodite Ourania, fille du dieu du ciel Ouranos. L'une est née de l'accouplement de Zeus avec Dioné la déesse grecque de la beauté, l'autre de la castration d'Ouranos dont le sperme forme l'écume de la mer d'où sort Venus (Wind p. 153).

L'opposition entre les deux nait des spéculations orphiques (ce mouvement poétique et religieux venu de Thrace et peut-être du chamanisme qui irrigua la culture grecque à partir du VIe s av JC), sachant que la castration d'Ouranos est une des figures du démembrement de Dionysos (ou d'Osiris), c'est-à-dire le démantèlement de la pureté du divin dans la matière.

Les platoniciens de la Renaissance florentine Politien, Marsile Ficin et Pic de la Mirandole méditèrent sur cette opposition entre les deux Vénus. Et cela aboutit aux deux tableaux de Botticelli, disciple de Ficin, Le Printemps et la Naissance de Vénus, qui provenaient de la même villa, celle de Lorenzo di Pierfrancesco de' Medici (p. 146) et se comprenaient donc par un effet de miroir. Dans "Le Printemps" ci-dessus est représentée au centre la Venus vulgaire, habillée, et dans "La Naissance de Vénus" (ici à droite), c'est la Vénus céleste.

Pourquoi la Vénus de tout le monde, qui "dans un bocage qu'illuminent des fruits d'or, préside avec douceurs aux rites de la Primavera" (p. 153) est-elle vêtue alors que la Venus céleste est nue ? Parce que "dans l'échelle platonicienne des choses, il s'agit d'une descente, d'une vulgarisation ; car la richesse de couleurs et la diversité de formes qui ravissent l'oeil lorsqu'il perçoit la beauté ne sont qu'un voile derrière lequel se cache la splendeur de la beauté céleste pure".

Plus on est dans le dépouillement de la nudité, et plus on est dans le divin. C'est pourquoi dès l'Antiquité par exemple, en ce qui concerne les trois grâces qui sont une émanation de Vénus, on finit par les parer de voiles transparents, puis, dès l'époque romaine, à les représenter nues, car le on préférait toujours l'absence de vêtements pour illustrer la pureté divine (ce qu'on avait déjà vu avec les spéculations de François Jullien sur le sujet).

J'ajouterai que, selon Wind, et contrairement à ce qu'a voulu nous faire croire un documentaire diffusé sur Arte il y a quelques années (méfiez vous des simplifications outrancières de la télé), ce mystère n'est pas incompatible avec le christianisme intégriste de Savonarole qui avait été disciple de Ficin, mais je referme là la parenthèse.

Wind insiste sur le fait que cela ne signifie pas que la Vénus vulgaire "est purement sensuelle et n'a point part à la gloire céleste" puisque chez Platon, rappelle Pic, la beauté terrestre a à la fois un versant bestial et un versant humain. L'instinct bestial veut nous faire jouir érotiquement de la beauté terrestre mais l'amant humain "reconnaîtra que la Vénus qui paraît habillée d'un vêtement est une image de la Vénus céleste" (comme la souligné Plotin en appelant Vénus l'âme plongée dans la matière.

On peut aussi remarquer aussi que, dans le système de Pic de la Mirandole disciple (infidèle) de Ficin, la Vénus céleste quant à elle, est d'autant plus divine qu'elle médiatise en elle-même deux opposés (le sang de la castration et l'écume de la mer), comme les grâces dans sa dialectique presque pré-hegelienne (mais Hegel et Pic ont puisé aux mêmes sources platoniciennes), conformément à l'idéal de réunion dans deux opposés dans un moyen terme tiers qu'incarnent les trois grâces.

Mais avec le système ternaire subtil de Pic, l'amour terrestre est aussi ternaire puisqu'il a deux composantes, céleste et animale, avec une troisième humaine qui en assure le moyen terme, de sorte qu'on pourra même parler d'un amour "céleste humain", qui apparente l'Aphrodite terrestre à son Idée céleste.

Botticelli (1445-1510) n'est pas le seul à avoir pris le parti de vêtir l'Aphrodite Pandemos en dénudant la l'Aphrodite Ourania.

Silvestro Calandra (1450-1503) à Mantoue mentionne "deux Vénus, l'une drapée, l'autre nue" dans une lettre où il détruit une toile de Mantegna achevée par Costa, La Légende du Dieu Comus, qui se trouve maintenant au Louvre. Dans une note de bas de page qui renvoie à un autre de ses livres (Bellini's Feast of the Gods p. 47), Wind fait remarquer que "dans cette oeuvre, la caractérisation des deux Vénus ne laisse aucun doute sur le fait que, quoique inférieur à la nue, la Vénus habillée est aussi la plus humble des deux", ce qui dans mon esprit renvoie au livre dirigé par Masquelier que je cite dans "La nudité, pratiques et significations", qui lie habillement et modestie (en anglais, modesty c'est aussi la pudeur). Sous des cieux chrétiens cela rendrait aussi la Vénus "inférieure" au moins visuellement plus vertueuse... bref, on peut nuancer et complexifier à loisir.

Le parti pris de ce courant néo-platonicien ^de dénuder la seule Aphrodite céleste (celle qui est la moins matérielle) est un cas isolé de l'histoire de l'art, mais il me semble rendre le plus justice à l'essence du platonisme, voire, dans la logique de François Jullien, à l'essence de la pensée grecque, même si c'est ce qui peut sembler le plus contre-intuitif à notre époque.

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Inauguration du Parc nudiste à Vincennes

1 Septembre 2017 , Rédigé par CC Publié dans #Nudité-Pudeur en Europe

Penelope Komites, maire adjointe aux espaces verts, à l'honneur dans la couverture médiatique de l'ouverture du parc nudiste à Paris par CNN. Elle fut dans les années 1990 responsable de Greenpeace-France qui avait mobilisé la nudité en Bourgogne pour la défense du climat devant l'objectif de Spencer Tunick en 2009, LCI évoque les ombres au tableau : l'absence des femmes, le problème des enfants etc...

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Des nudistes se font tirer dessus

11 Août 2017 , Rédigé par CC Publié dans #Nudité-Pudeur en Europe

Le naturisme nudiste est à la mode. Causette fait sa "une" dessus.Le JT de 20 h de TF1 avait un sujet là dessus le 7 août aussi. Mais il reste loin de faire l'unanimité. Mercredi après midi (9 août) rapporte France3-Corse, un homme, patron d’une paillote sur la plage, a ouvert le feu sur un groupe de nudistes, après leur avoir demandé en vain de se rhabiller. une touriste italienne aurait été légèrement blessée à la fesse par les tirs. Dix plaintes ont été déposées. L'homme a malgré tout été relâché par les gendarmes “faute d’éléments suffisants”. La plage où les faits ont eu lieu est référencée comme un lieu tolérant le naturisme, un village de vacances naturiste est situé à proximité. M6 Info a repris la nouvelle aujourd'hui.

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