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Articles avec #notes de lecture tag

La Nestorienne d'André Maurois

27 Janvier 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire secrète, #Christianisme, #Notes de lecture

En 1935, André Maurois/Émile Salomon Wilhelm Herzog (1885-1967) publie dans Le Figaro, puis dans le journal Le Canada qui le reprend (et ensuite dans "Choses Nues") ce compte rendu de conversation avec une Mongole nestorienne :

"- Non, dit-elle, je ne suis pas bouddhiste ; je suis nestorienne... Naturellement j'assiste aux cérémonies bouddhistes de mon peuple, qui sont si nobles et pures... Mais par tradition de famille nous avons toujours été nestoriens.

Nestorienne... Elle avait un beau visage mongol et parlait un français ravissant. Il y eut un silence.

Chacun remuait des souvenirs de lecture» sans y trouver la réponse à de muettes questions. Les plus heureux se souvenaient vaguement d'un patriarche Nestorius, d’une hérésie, de quelque synode ou concile, vers le cinquième siècle... Ou était-ce le sixième ?... Pensées qui demeuraient trop confuses pour être exprimées... L’un de nous osa demander, timidement :
— Existe-t-il encore une église nestorienne ?
— Bien sûr, dit-elle, un peu choquée... Entre Mossoul et le Kurdistan vit tout un peuple de Nestoriens. Ils ont leurs évêques, leurs églises sans images et leur Bible nestorienne... Ne savez-vous donc pas que, du huitième au douzième siècle, le nestorianisme s’était répandu en Syrie, en Arménie, en Perse et dans toute l'Asie ?... Ce sont les Nestoriens qui ont introduit le christianisme en Tartarie, aux Indes, en Chine... Marco Polo rencontra leurs prêtres depuis Bagdad jusqu'à Pékin. La croisade nestorienne" en Asie fut probablement, dans l’histoire du christianisme, la plus grande entreprise de conquête et de conversion. La fameuse légende du Prêtre Jean eut pour origine Ia conversion au nestorianisme d’un chef de tribu mongol...

De nouveau nous restâmes silencieux. Un continent couvert d’églises... Des siècles de luttes, de prédications. d ’enthousiasme... Des conflits, des persécutions, des martyrs, des saints... Une histoire assez belle et assez profondément gravée dans l’esprit des peuples pour qu ’elle devînt une légende universelle... Et nous ne savions même plus ce qu ’avait été cette
doctrine pour laquelle des nommes, pendant plus de mille ans, acceptèrent de s’exiler, de souffrir, de donner leur vie.

Rentrant chez moi, j’ouvris une Encyclopédie. Là, j’appris que Nestorius, patriarche de Constantinople de 428 a 431, enseigna qu'il fallait distinguer en Jésus-Christ, deux personnes, l'une divine et l'autre humaine, et que la Vierge Marie, considérée comme mère de la personne humaine, mais non de la personne divine, devait être appelée Mère du Christ, non Mère de Dieu. Ce fut donc autour du mot grec theotokos, Mère de Dieu, que s’engagea la lutte qui se termina par un schisme. *** Bizarrement ce passage a été coupé dans 'Choses nues' : Le Concile d’Ephèse condamna Nestorius qui d ’abord se réfugia dans un couvent d'Antioche, puis en Haute-Egypte. Mais ses fidèles, plutôt que d’accepter le mot theotokos, s’enfuirent en Perse et ce fut de là que Ia doctrine se répandit dans toute l’Asie. Ainsi, dix siècles plus tard, les Puritains, pour un autre mot, abandonnèrent l'Angleterre de Mary Tudor et fondèrent l’Amérique anglo-saxonne.***

Devant le dictionnaire encore ouvert, je rêvai : “Valéry nous enseigne, pensai-je, que l'histoire est grande maîtresse d ’erreurs... Ne serait-elle pas aussi sage maîtresse de modestie... Elle montre la cruauté et la folie de tant de souffrances que les hommes. ou lieu de s'unir pour lutter contre la misère, contre le désordre, s’infligent en vain les uns aux autres... Theotokos... A cause de ce mot, des familles divisées, des vieillards suppliciés, des maisons brûlées... Tout cela pour qu ’un jour, après quinze cents ans, quelques hommes cultivés se regardent, hésitants, et se demandent qui était Nestorius..."

J’imaginais une pièce de théâtre. Prologue : Dans un salon de 1935, des hommes et des femmes parlent gaiement. Conversation analogue à celle du début de cet article. “Et qui donc était Nestorius dit quelqu’un. A ce moment des vapeurs envahissent,la scène ; on entend glisser les décors. Quand la lumière revient, on est à Constantinople au temps de Nestorius. Suivent trois actes douloureux au cours desquels on verrait le lent sacrifice d'une famille à un mot. Puis, après la dernière réplique et quand le spectateur, conquis par la puissante suggestion du théâtre participerait enfin aux passion» soulevées par cette controverse défunte, ne nouveau la scène s’embrumerait et ce serait l'épilogue : une école en 1934 : un enfant, debout, récite sa leçon d'histoire. “Et qui était Nestorius ?" dit le professeur. L'enfant hésite, cherche : “Je ne sais pas."

Cet article fait un peu penser aux considérations d'Emmanuel Berl, qui lui aussi grenouillait dans les milieux bien-pensants parisiens de centre-gauche à la même époque, sur la face cachée ou oubliée de l'histoire.

La Croix, en décembre 1935, s'était indignée de cet article de Maurois : "Si nous comprenons bien, M. André Maurois s'étonne, peut-être même s'indigne-t-il, de ce qu'on puisse souffrir et mourir pour un mot.

Les hommes moururent-ils jamais dignement pour autre chose ? Car derrière le mot il y a l'idée et c'est un privilège humain que d'accorder quelque valeur à celle-ci, un privilège à la fois humble et superbe, douloureux et fécond. Quand l'idée a l'éclat du dogme, quand sa vérité s'appuie sur la révélation divine, quand la foi lui confère son prestige, alors il devient de nécessité vitale de souffrir et de mourir pour elle. L'union « pour lutter contre la misère, contre le « désordre », que souhaite M. André Maurois, s'opère à ce prix puisque la misère et le désordre naissent de l'erreur.

Que les siècles oublient cette dernière en cours de route avec le nom de son auteur, qu'importe, si la vérité a triomphé la vérité qui prend la forme de tel ou tel mot une forme immuable alors que l'erreur change et autour duquel les hommes accomplissent leur destin en continuant à lutter."

C'était le temps où ce journal, et toute l'Eglise catholique avec lui, avait un peu plus de convictions qu'aujourd'hui.

On ne sait pas qui était cette nestorienne mongole qui avait ouvert les yeux de ses commensaux parisiens sur l'histoire de sa religion en cette fin d'année 1935.

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Ste Rita a-t-elle existé ?

17 Décembre 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Notes de lecture

En page 420-422 de son livre Un siècle, une vie (1984) l'académicien Jean Guitton, que je cite sur ce blog depuis 12 ans, raconte l'histoire de son épouse, Marie-Louise Bonnet (1902-1974), professeur d'histoire de l'art au lycée de Montpellier qu'il avait au départ (en 1940) seulement recrutée comme femme de ménage. Celle-ci avait un côté un peu médium car "lorsqu'elle avait cinq ans, on venait la chercher pour trouver une bague égarée et elle la trouvait - comme elle trouvait, en se promenant avec moi, un trèfle à quatre feuilles qui semblait lui faire signe" - "Il ne s'agit pas de vouloir le texte mais de la valoir". "

C'était une "chrétienne" assez singulière qui disait prier Dieu sans jamais le nommer (p. 422) et ajoutait "qu'il existe ou pas, au sens des philosophes, cela m'est bien égal ; La matière m'a fait signe". Elle n'a jamais voulu dire quand ni comment elle avait eu ce signe. Elle avouait par contre qu'avant de répondre à la sollicitation de Guitton elle était entrée dans une église et avait entendu le mot "Va !" ce qui la poussa à accepter.

Il ajoute à propos de cette histoire de signe de la matière :

"Et, lorsque je lui disais que la sainte qui ne lui refusait rien, sainte Rita de Cascia, n'avait « peut-être pas existé », elle me répondait encore : "Cela m'est bien égal, sainte Rita est le canal par lequel je monte à Dieu". Marie-Louise avait  une foi à déplacer les montagnes. Et je vais raconter un cas où elle les a déplacées.

La fête de la Sainte-Rita est le 22 mai. Marie-Louise lui fixait rendez-vous ce 22 mai, il lui arrivait des événements favorables. J'avais en 1961 été élu à l'Académie. En janvier 1962, Marie-Louise me dit : "J'ai prié pour que vous soyer reçu sous la Coupole, le jour de Sainte-Rita, le 22 mai. - Mais, lui répondis-je, cela est exclu. Le 22 mai est un mari, les réceptions ont lieu le jeudi. - J'ai prié pour le 22 mai : et sainte Rita est la sainte des cas désespérés. " En ce temps là on ravalait la Coupole ; les réceptions se faisaient en d'autres lieux. La mienne fut fixée au Conservatoire de musique. Et on me fit savoir que ce serait le mardi 29 mai. Marie-Louise dit : "Ce n'est pas mal. Mais ce n'est pas ça". "

Finalement il y eut un contre-ordre et la réception eut effectivement lieu le 22 mai.

"Marie Louise ne s'étonnait pas : elle pensait que, si la foi est pure, totale et simple, elle peut obtenir l'impossible : mais sans miracle, par le jeu des circonstances. Elle me citait, à cet égard, l'épisode du didrachme dans l'Evangile" (en Matthieu 17:24-27).

Elle fréquentait la fille de Bergson à Nice et connaissait donc des secrets sur les expériences mystiques au quotidien de ce dernier. Guitton ajoute qu'en la voyant vivre il découvrait une forme de "mysticisme à l'état sauvage" "différent de celui qu'on voit dans les récits ou dans les livres, où les phrases convenues, les schémas religieux prévalent sur l'expérience".

Il choisit des extraits de son carnet  : sur Mme Heidegger qui lave son linge elle-même (1957), l'église de son baptême à Puget dans le Vaucluse (1971).

Décédée en 1974 elle est enterrée avec son mari dans le hameau de Deveix à Champagnat (Creuse) dans une chaumière sans électricité qu'elle avait transformé en mini-monastère avec une chapelle et où Guitton inspiré par Cocteau (qui avait fait de même à Villefranche, et Matisse à Vence) avait peint des fresques sur la Philosophie et la Mystique. L'académicien dit que cette chapelle est comme un oeil infiniment agrandi en rattachant la thématique des yeux  à l'Apocalypse et au Cantique des cantiques. Sa femme mourut dans un hôpital à Nice après une maladie dont elle ignora longtemps l'existence. Elle crut pouvoir en guérir puis eut droit à une journée pour se rendre compte que c'était la dernière et se mettre en règle avec ses sacrements, et partir en paix, non sans s'être fait répéter en anglais ce mot de la Marquise de Vogüé :"it is wonderful to die" -"Il est merveilleux de mourir".

Le récit de la canonisation de Sainte-Rita le 24 mai 1900 à Rome se trouve dans La Croix.

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Les caodaïstes selon Graham Greene

24 Novembre 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Notes de lecture, #Histoire des idées

Pour poursuivre avec nos caodaïstes, un portrait fait par Graham Greene que je trouve dans ses Reflections, p. 156 (un texte de 1952 "Indochine : La couronne d'épines de la France") :

"De tous les alliés de la France en Indochine, les plus étonnants sont les caodaïstes, membres d'une secte fondée vers 1920. Leur capitale qu'ils appellent leur 'Sanit Siège' est Tay Minh, à environ 80 km de Saïgon, où leur Pape vit entouré de cardinaux des deux sexes. A l'entrée de leur fantastique cathédrale en technicolor sont suspendus les portraits de trois saints mineurs de la religion caodaïste : le Dr Sun Yat Sen, Trang Trinh, un poète vietnamien primitif, et Victor Hugo bardé de son uniforme de l'Académie française avec un halo autour de son tricorne.

Dans la nef de la cathédrale, dans la pleine splendeur asiatique d'une fantaisie de Walt Disney, des dragons de pastel s'enroulent autour des colonnes et de la chaire ; de chaque vitrail le grand œil de Dieu vous suit, un énorme serpent forme le trône papal et tout en haut sous les arcs se trouvent les effigies des trois saint majeurs : Bouddha, Confucius, et le Christ qui montre son sacré cœur.

Les saints, Victor Hugo en particulier, s'adressent encore aux fidèles par le biais d'un crayon et d'un panier couverts d'une sorte de planche de oui-ja ; les cérémonies sont intolérablement longues, et un régime végétarien rigoureux est imposé. On ne sera donc pas surpris d'apprendre que des missionnaires ont été envoyés à Los Angeles.

Le souvenir qu'on retient de toute cette fantasmagorie : un pape enfumeur qui discourt pendant des heures sur l'Atlantide et l'origine commune de toutes les religions, mais qui en fait utilise cette façade avec toute sa pompe pour entretenir une armée de 20 000 hommes avec son arsenal sommaire pour se prémunir contre une éventuelle interruption d’approvisionnement d'armes françaises (les mortiers sont fabriqués avec de vieux pots d'échappement qui, après un an d'utilisation, sont refilés aux paysans pour leur autodéfense)... Sous la protection de l'armée, les membres de la secte pacifiste caodaïste compte un million et demi d'adhérents. Comme Victor Hugo l'a demandé aux fidèles le 20 avril 1930 à une heure du matin : 'Instruisez l'infidèle par toute méthode disponible'.

Mais l'été dernier une scission est survenue dans les rangs des caodaïstes : le Colonel Trinh Minh Thé, chef d'Etat major, s'est enterré avec 2 000 hommes (le premier signe de cette dissidence a peut-être tenu aux petits déjeuners au champagne qu'il accordait aux journalistes visiteurs). Le Général Thé - comme il se fait appeler maintenant en s'autopromouvant - déclare qu'il est autant l'ennemi des communistes que des Français, mais jusqu'ici ses exploits - comme l'assassinat du Général Chanson, un des meilleurs jeunes généraux français, ou l'installation d'explosifs à Saïgon - ont tous été dirigés contre ces derniers. Lors d"un déjeuner à Tay Minh, un colonel caodaïstes s'est plaint devant moi des difficultés que causait le Général Thé.

'Les Français veulent que nous le capturions, mais à l'évidence c'est impossible, dit-il.

- Pourquoi est-ce impossible ? ai-je demandé.

- Parce qu'il n'a attaqué aucun caodaïste.'

Voilà qui semble illustrer avec subtilité et précision la nature de l'alliance entre les caodaïstes et l'administration franco-vietnamienne. Depuis lors le QG du général Trinh Minh Thé a été attaqué mais, bien que sévèrement blessé, il s'est échappé."

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Autobiographie spirituelle - Simone Weil

5 Septembre 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Philosophie, #Histoire des idées, #Notes de lecture

Après "Cette foi est la mienne", je me suis essayé à lire Autobiographie spirituelle de Simone Weil publiée dans la même collection, qui est aussi une simple lettre adressée à un ami dominicain en 1942. Simone Weil est bien sûr le genre de personne qui vous console de vous lever chaque matin avec un sentiment de tristesse profonde. Car sur ce point, avec son sentiment mélancolique, et ses douleurs de tête permanentes, elle vous dit "je suis comme toi". Et elle n'aura pas le mauvais goût elle, de prétendre qu'elle a le "droit" d'en guérir en allant se faire soigner chez un coach ou en faisant de la sophrologie (c'est-à-dire en allant importer des démons dans une médecine alternative quelconque). Et en plus elle aura l'élégance de vous dire qu'elle n'est pas quelqu'un de tourmenté. Et, c'est vrai, je suis bien placé pour le confirmer : être d'un naturel triste n'est pas être d'une naturel tourmenté. C'est très différent.

Tout le monde le dit : Simone Weil était quelqu'un d'une probité intellectuelle remarquable (elle est même de ce point de vue là un OVNI dans le monde des penseurs qui sont rarement doués pour l'honnêteté). C'est d'ailleurs la seule qualité qu'elle daigne s'attribuer. Et donc au nom de cette vertu, elle pense avoir le droit de dire qu'elle ne prie pas, qu'elle ne veut pas être baptisée etc, alors pourtant qu'elle est une mystique de la vérité, qu'elle est chrétienne qu'elle croit totalement au rôle de l'Eglise militante pour le salut du monde, et qu'elle a même reçu la visite personnelle de Jésus-Christ.

On peut se le demander si c'est de l'orgueil. Elle même envisage que son ami puisse le penser. Elle parle à juste titre d'orgueil "luciférien". On ne peut pas sonder les coeurs et les reins, mais on peut penser que peut-être ses positions ne doivent rien à la fierté, elle qui par ailleurs se considérait comme un "déchet", une pièce mal fichue bonne pour le rebut. On peut supposer, la créditer du fait, que simplement ses prises de position à son sujet sont la conséquence logique de la probité. Et d'ailleurs elle ne les a pas publiées dans un livre - seulement écrites dans une lettre privée -, ce qui tend à prouver qu'il n'y a là aucune volonté de se mettre en valeur.

Il y a donc là une singularité, dérangeante, irréductible, qui n'entre ni dans les cases de la sainteté, ni dans celle du démoniaque. A-t-elle sa place dans l'Eglise, dans la communauté chrétienne, comme elle le revendiquait pour elle-même (tout en précisant que pour elle l'Eglise n'est pas une ensemble de membres du Christ comme l'affirmait Saint Paul), mais aussi pour toutes les hérésies qui pratiquaient la charité à commencer par les cathares ?

Question difficile. Tout en reconnaissant la validité du dogme, Weil voulait une place pour tous dans cette Eglise qui se veut catholique, donc universelle. Ce n'est qu'à ce prix qu'elle peut vraiment s'incarner, précisait-elle. On sent qu'il y a quelque chose de vrai là-dedans. Comme on sent que c'est plus dans le Dieu qui chez Maurice Clavel va au devant des impasses existentielles de l'homme, de ses apories sociales, de ses révoltes que se trouve la grandeur du christianisme, plus que dans l'institution qui ordonne et qui juge. Mais en même temps on sent bien que les deux sont nécessaires.

Si Simone Weil a sa place dans l'Eglise, et les cathares aussi, alors il y a plusieurs religions dans le christianisme. Notons d'ailleurs que c'est déjà le cas si l'on s'en tient étroitement au dogme, et beaucoup ne se sont pas privés de voir dans l'Evangile même beaucoup de contradictions, qui font qu'il y a déjà au moins deux ou trois Jésus, deux ou trois christianismes. Faut-il faire du christianisme, comme de l'hindouïsme, un courant dans lequel tout se côtoie, tout est admis pourvu que la charité soit là ?

Peut-être est-ce la direction que prend l'Eglise en ce moment, ce que beaucoup d'ailleurs lui reprochent à l'heure où le pape participe à des cérémonies amérindiennes chamaniques.

Weil affirme que Dieu tient deux discours différents quand il parle en secret à une seule personne et quand il s'adresse à la foule par la Bible, comme nous mêmes le faisons... La remarque est séduisante.

Certains diraient que la philosophe réduit trop Dieu au comportement humain et la religion à ce que l'humain peut en comprendre (c'est presque la religion dans les limites de la simple Raison comme chez Kant), car d'ailleurs Weil ne parle jamais du monde invisible - les anges, les démons... Le reproche pourrait être un peu justifié, bien que celle-ci quand même soit très ouverte au mystère. Mais en même temps, il n'est pas totalement absurde non plus de prêter au Créateur quelques schémas éthiques et logiques qui sont aussi les autres, et en vertu desquels nous sommes créés à son image et pouvons être appelés à être ses fils, sans quoi on aurait à Dieu le même rapport que les Juifs et les Musulmans : celui d'un pur rapport de soumission, sans aucun espace de compréhension ni d'échange affectif possible, car la distance entre Lui et nous serait trop grande...

Devant toutes les questions que nous pose l'idiosyncrasie de Simone Weil, on ne peut, je crois que garder un silence embarrassé et respectueux. Encore une fois elle aura été un OVNI, envoyé par Dieu ou que Dieu aura laissé exister. Peut-être est-ce le cas de tous les mystiques. Et peut-être le serait-ce encore plus si on avait laissé ces mystiques parler sans prendre soin que leurs confesseurs rabotent leur message. S. Weil en tant qu'agrégé de philo dans la France moderne avait au moins toute latitude de dire ce qu'elle voulait. Je ne sais pas pourquoi en terminant ce billet je songe soudain à Antoinette Bourignon, ou à Madame Guyon, autres mystiques hérétiques à la vertu irréprochable, qui n'ont cessé d'intriguer les philosophes. Parler de ces visionnaires est presque impossible. Et les entourer de silence n'est pas leur rendre justice. Que faire de ces étranges météorites tombées d'une façon presque absurde dans le jardin de la spiritualité occidentale pourtant si délicatement taillé et ordonné par les théologiens orthodoxes, catholiques et protestants ?

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La vraie mission de Jeanne d'Arc

17 Juillet 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Notes de lecture, #Christianisme, #Histoire des idées

On s'est déjà penché sur ce blog sur l'ascendance davidique de la monarchie française, sur les révélations privées autour du grand monarque et l'essence divine de la monarchie française. Il existe une filiation d'intellectuels au XXe siècle qui ont défendu ces idées : Léon de Poncins (1897-1975), Jean Vaquié (1911-1992), Louis-Hubert Rémy (né en 1943).

Je voudrai dire un mot ici d'un livre de ce dernier, co-écrit avec Marie-Christine Rémy (1944-2017), paléographe, "La vraie mission de Sainte Jehanne d'Arc", publié à Marseille en 2012 pour le sixième centenaire de la naissance de la sainte.

Le livre, qui prend le contrepied de l'aveuglement universitaire sur le sujet, est articulé autour d'un événement clé pour comprendre le sens du "phénomène Jeanne d'Arc" : cela s'est passé le 21 juin1429, à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire (Fleury-sur-Loire). Il est relaté par un ancien inquisiteur de Toulouse, le P. Jean Dupuy, informé par les dominicains de Poitiers, qui le communiquera au pape Martin V, texte que les auteurs du livre ont trouvé dans le Brevarium historiale à la bibliothèque vaticane. Il sera aussi mentionné par Windecke dans son Mémorial et par le duc d'Alençon lors du procès en réhabilitation.

Cet événement s'appelle la triple donation, et Jean Dupuy la raconte ainsi :

Jehanne dit à Charles : «Sire, me promettez-vous de me donner ce que je vous demanderai ?»

Le Roi hésite, puis consent.

«Sire, donnez-moi votre royaume».

Le Roi, stupéfait, hésite de nouveau ; mais, tenu par sa promesse et subjugué par l'ascendant surnaturel de la jeune fille : «Jehanne, lui répondit-il, je vous donne mon royaume». (1 ère donation)

Cela ne suffit pas : la Pucelle exige qu'un acte notarié en soit solennellement dressé et signé par les quatre secrétaires du Roi; après quoi, voyant celui-ci tout interdit et embarrassé de ce qu'il avait fait : «Voici le plus pauvre chevalier de France : il n'a plus rien».

Puis aussitôt après, très grave et s'adressant aux secrétaires : «Écrivez, dit-elle : Jehanne donne le royaume à Jésus-Christ''» (2 éme donation)

Et bientôt après :«Jésus rend le royaume à Charles». (3 ème donation)

Déjà 3 mois plus tôt, le 11 mars, à Chinon, à la sortie de la messe royale, Jeanne avait demandé au dauphin de faire donation de son royaume au roi du ciel. Le 11 mars il n'avait pas répondu. Le 21 juin, il signe.

Cet acte explique que Jeanne ait eu le Christ sur sa bannière et ait tenu cette bannière source de victoires pour plus importante que son épée pourtant découverte miraculeusement. Le livre rend hommage à ce propos au jésuite érudit le RP Jean-Baptiste Ayroles (1828-1921), spécialiste de Jeanne d'Arc, qui, au moment du procès en canonisation, avait une vision claire de l'entreprise de restauration de la Pucelle d'Orléans au service de Jésus-Christ, contre notamment le réductionnisme ridicule d'Anatole France.

C'est un aspect crucial de la saga de Jeanne d'Arc qui effectivement mérite d'être mis en relief.

A part cela, concernant Jeanne, mon fils, devant l'histoire de Shadrak, Méshak et Abed-Nego dans le livre de Daniel chapitre 3, les trois Juifs condamnés à périr par le feu par Nabuchodonosor et sauvés miraculeusement des flammes, me faisait remarquer que la sainte de Domrémy n'avait pas joui de la même grâce. Dans un premier temps je lui ai répondu que la Pucelle avait terminé sa mission, ce qui expliquait qu'elle n'ait pas bénéficié de cette faveur. Mais je sentais bien que mon explication ne tenait pas. Du coup j'ai regardé à nouveau l'excellent film de Robert Bresson fait à partir des actes du procès en sorcellerie (voir la bande annonce ci-dessous). On voit bien que cette crémation pose à juste titre un vrai problème à la sainte car en principe elle prohibe la voie de la résurrection du corps à la fin des temps (voilà pourquoi ceux qui optent aujourd'hui pour la crémation sur la foi d'une concession accordée par le pape dans les années 1960 aux adversaires de l'Eglise feraient mieux d'y réfléchir à deux fois). Les voix d'ailleurs avaient promis à Jeanne de la sauver de ce supplice infâme. Si ces voix venaient de Dieu, elles n'ont pu se dédire. Donc si elle n'a pas été providentiellement soustraite au bûcher, cela doit provenir de sa faute (un peu comme Moïse prohibé d'entrée en Terre Promise, pour avoir frappé deux fois sur le rocher au lieu d'une). Et sa faute, à n'en pas douter, une faute énorme quoique très humaine, tient à son abjuration et à sa soumission à "l'Eglise militante" (terrestre) pour échapper au feu alors qu'elle était déjà titulaire d'une promesse de "l'Eglise triomphante" (céleste). Au passage on voit tous les dangers qu'il peut y avoir à faire preuve d'une trop grande soumission au clergé (devant les enjeux sanitaires et écologiques actuels notamment), et, concernant Jeanne, cela a conduit à la reconnaissance gravissime du fait que ses voix lui venaient de Satan et que tout son combat au service de la France était maléfique ! S'abaisser à un tel reniement est incroyable quand on y songe : combien de résistants (songeons aux communistes pendant la seconde guerre mondiale par exemple) sous les effets d'actes de torture bien pires que la menace du bûcher ne sont pas tombés aussi bas. L'acte est plus odieux encore que le reniement de Saint Pierre qui, lui, avait nié son contact avec Jésus-Christ sans avoir encore agi indépendamment de lui, et donc, sans entraîner dans son reniement, l'ensemble de ses actes et l'ensemble de ses partisans comme le faisait Jeanne. L'étonnante faiblesse psychologique de la jeune fille se retrouve d'ailleurs à d'autres moments du procès (alors qu'à d'autres moments elle fait preuve de beaucoup d'élévation et de courage), par exemple quand elle dit s'être promis de ne pas révéler quel signe fut donné au Dauphin, puis, ensuite elle consent à l'avouer, ou quand elle s'abandonne parfois à des réponses un peu évasives qui peuvent être utilisées contre elle.

Les voix ont reproché à la sainte son parjure, sur lequel elle est finalement revenue pour mourir. Mais la rétractation n'a peut-être pas effacé totalement la faute, ce qui affranchissait Dieu de la promesse de lui épargner le bûcher. Evidemment nul ne sait si à la fin des temps Dieu fera pour Jeanne une exception au principe de non-résurrection des corps brûlés... ni si la faute de la sainte aurait dû être de nature à empêcher sa canonisation (très tardive)... En tout cas les Français, compte tenu de l'immense dette qu'ils ont à son égard, ne peuvent pas juger impartialement de cette affaire - car, comme l'a souligné Louis-Hubert Rémy, ce fut la première fois dans leur histoire, et peut-être la seule depuis Clovis, que Dieu intervint si visiblement, d'une façon si surnaturelle, à travers cette humble fille de Lorraine.

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Mahomet, prophète de la paix, selon Juan Cole

24 Avril 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Notes de lecture

Je recommande aux lecteurs ce livre de l'universitaire américain Juan Cole "Muhammad, prophet of peace amid the clash of empires" publié en 2018 aux édition Nation Books.

Mahomet, explique Cole, était orphelin de père qui mourut de retour d'un voyage de commerce à Gaza quand la mère Amina était enceinte vers 567.  La mère elle-même mourut juste après avoir déposé l'enfant de 6 ans à la Mecque chez son grand père Abd al-Muttaleb de la tribu des Hashim (les gestionnaires de la Kaaba). Lui-même était conservateur du puits sacré de Zamzam et fournissait de l'eau aux pèlerins. Etant parmi les moins "gradés" du clan, Mahomet dut garder les moutons et était souvent humilié par ses collègues. Au bout de 2 ans l'aïeul mourut et Mahomet fut confié à son oncle paternel Abu Talib.

A 25 ans (dans les années 590) il se met au service de Khadidja, riche veuve qui contrôle la moitié des caravanes, et se distingue en menant à bien une escorte de caravane jusqu'à l'empire romain au nord. Mahomet va jusqu'à Wadi Ramm au sud de la Transjordanie peuplée de chrétiens.  Mais il reste des populations païennes. Ioannes Moskhos parle d'un jeune chrétien kidnappé par des idolâtres arabes qui veulent le sacrifier. En 579 une enquête de Tiberios II montre que l'aristocratie païenne de Baalbek (Heliopolis) opprime les chrétiens pauvres, et à Edesse on vénère Zeus dans les maisons. Les sanctuaires de la déesse Allat sont des havres de protection car c'est la déesse de la paix. La paix entre la Perse et Byzance profite au commerce dans les Etats arabes autour de Bosra.

Impressionnée par les succès économiques de Mahomet, Khadidja décide de l'épouser vers 592 et sera sa seule épouse jusqu'à sa mort en 620. Ensuite il épousera la veuve Aïcha bint Zam'a qui sera une source majeure de sa biographie. Elle explique qu'après avoir épousé Khadidja, il était devenu solitaire et pratiquait des adorations nocturnes à la grotte d'Hira. C'était une coutume locale de s'exiler au désert de temps en temps et faire des dons aux pauvres (Juan Cole renvoie à deux historiens sur ce point). Mahomet s'y adonnait un mois par an et semblait attendre un signe. Il allait être comblé en messages angéliques, décorporation (sourate de l'Etoile).

Dès lors Mahomet va développer une prédication pacifique dans la péninsule arabique en alliance avec l'Empire byzantin (p. 65 du livre de Cole), dont il avait besoin pour maintenir son commerce contre les agressions des Sassanides qui assiègent Jérusalem en 614 (la sourate sur Rome en porte la preuve). Il n'usera de la force que pour défendre sa communauté quand les païens de la Mecque (alliés aux Perses) intrigueront contre lui.

La thèse de Cole est qu'ainsi c'est surtout la force spirituelle de la prédication de Mahomet et son message de paix qui permettent l'unification de la péninsule arabique, et qu'elle eut aussi du succès auprès des populations arabes de Transjordanie, ce qui facilita ensuite la pénétration de l'Islam (qui ne s'appelait pas encore Islam) en Palestine. Cette religion pacifique, relativement tolérante à l'égard des chrétiens, des juifs, des zoroastriens et même des païens (certains versets reconnaissent des voies de salut à chacun), devenait une alternative attractive à l'affrontement incessant entre Byzantins et Iraniens.

La violence (la théorie de la guerre juste, la punition du péché d'adultère par la lapidation etc) n'aurait été introduite dans le Coran qu'après la mort du prophète par les tribus bédouines, avec notamment cette idée que les versets de paix auraient été abrogés (tandis que les Chrétiens byzantins allaient ensuite rétrospectivement nourrir le mythe d'une conquête armée par les disciples de Mahomet). Cole trace d'ailleurs une analogie intéressante avec la religion sikh en Inde fondée par le gourou Nanak vers 1539, dont les successeurs auraient inclus a posteriori dans la doctrine une dimension guerrière empruntée à l'ethos des tribus pastorales, dimension absente du message spirituel initial.

Cette recherche de Juan Cole mérite sans doute qu'on lui accorde quelque attention...

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Recension du livre "Le Secret de Mélanie falsifié"

24 Avril 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées, #Histoire secrète, #Notes de lecture

Recension initialement destinée à être publiée sur le site Parutions.com auquel j'ai occasionnellement collaboré jadis et donc adaptée à son lectorat, mais je viens d'apprendre que ce site est désormais archivé et suspendu. Je la publie donc ici.

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Paul-Etienne Pierrecourt, Le Secret de Mélanie falsifié
Editions Pierrecourtoises 2022 /  19 €  / 254 pages
ISBN : 978-2-9581145-9-6
FORMAT : 21 X 15 cm

Au XIXe siècle, l’opinion publique catholique française s’est passionnée pour les secrets livrés par une apparition de 1846, celle de Notre Dame de La Salette, dans l’Isère, à deux jeunes bergers, Mélanie Calvat et Maximin Giraud. Les milieux catholiques en attente d’une restauration des Bourbons y étaient particulièrement sensibles car dans les révélations de la Sainte Vierge, il était question, disait-on, du futur Grand Monarque, ce qui émut au premier chef le comte de Chambord, prétendant au trône. Si d’autres secrets, ceux de Notre-Dame de Fatima, ont quelque peu éclipsé au XXe siècle ceux de La Salette, ceux-ci rencontrent un regain d’intérêt aujourd’hui dans les cercles traditionalistes, en ces temps où les tribulations de la mondialisation réveillent les anticipations apocalyptiques et où le Pape accueille au Vatican des idoles pré-colombiennes. Notre Dame sur les contreforts des Alpes n’a-t-elle pas en effet annoncé que Rome ne serait bientôt ni plus ni moins que le siège de l’Antéchrist ?

Dans un petit livre d’enquête récemment publié, l’écrivain musicien Paul-Etienne Pierrecourt entreprend d’écrire une nouvelle page de la saga de ce secret, à la manière de Sherlock Holmes, en s’appuyant sur un constat troublant : si en 2002 chez Fayard le père Michel Corteville (qui avait consacré sa thèse de doctorat au sujet) et l’abbé René Laurentin s’étaient fait l’écho de la découverte en octobre 1999 de la soi-disant toute première rédaction du secret confié par la Saint Vierge aux deux bergers (une lettre remise au Pape Pie IX en 1851), des éléments peuvent laisser sérieusement croire que ce document serait un faux. Selon la voyante Mélanie, en effet, il comportait la date d’un événement prophétisé, alors que le papier de 1999 n’en porte pas ; il mentionnait aussi un reproche au clergé absent du nouveau manuscrit ; toujours selon des souvenirs rapportés par Mélanie et d’autres témoins d’il y a plus d’un siècle le secret tenait en trois grandes pages, celui de 1999 n’en fait que deux petites etc. Il s’agirait donc d’un faux.

A qui profite le crime ? se demande alors Pierrecourt avant de pointer du doigt le cardinal Ratzinger futur Benoît XVI, alors préfet de la Congrégation de la doctrine de la foi (ex-Saint Office) dont il dénonce pêle-mêle le modernisme à l’époque du concile de Vatican II, et une supposée allégeance au culte du dieu païen Pan (dont nous avions nous-même dans notre livre Le Complotisme protestant contemporain rappelé l’importance dans l’occultisme classique et dans la pop-culture crowleysienne anglo-saxonne des années 1960-70), allégeance manifestée selon l’auteur par une image sur sa mitre d’intronisation, et qui renvoie à une possible prise de pouvoir des francs-maçons (voire de leur volet le plus sataniques, version Illuminati…) à la tête de l’Eglise moderne (une thèse très répandue de nos jours, voir par exemple Infiltration du youtubeur catholique texan Taylor Marshall, aux éditions Crisis), ce qui vérifierait après-coup la prédiction de Notre Dame de La Salette sur le siège de l’Antéchrist.

Sans être nécessairement d’accord avec toutes les thèses qui sous-tendent le regard de l’auteur sur le sujet qu’il aborde (notamment en ce qui concerne le rôle du judaïsme dans l’avènement de l’Antéchrist, qui part d’une lecture contestable du livre de l’Apocalypse et fait l’impasse de la spécificité de la tribu de Dan dans l’économie de la dictature de l’Impie), on reconnaîtra à ce travail de recherche beaucoup d’érudition et de précision dans l’argumentaire, ainsi qu’une indépendance d’esprit salutaire qui ne peut manquer de ranimer les discussions aujourd’hui à tort censurées sur la véritable nature de l’Eglise catholique contemporaine et sa capacité à garder les âmes de ses fidèles dans les enseignements du Christ.

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Jacqueline Kelen et la spiritualité hérétique solitaire

23 Septembre 2021 , Rédigé par CC Publié dans #Spiritualités de l'amour, #Christianisme, #Notes de lecture

Je parcourais tout à l'heure "Sois comme un roi de ton coeur" de Jacqueline Kelen. J'essaie de m'intéresser à cet auteur ("cette autrice") parce que je veux toujours plus comprendre ce qui m'est arrivé en 2015 avec Ste Marie Madeleine (voyez mon livre sur les médiums), or elle a beaucoup écrit sur cette figure du christianisme. Mais j'avoue ne pas être à l'aise du tout dans la pensée de cette ex-productrice de France Culture. Elle a une âme profondément platonicienne (par nature très étrangère au monde, de sorte que la "sortie du monde" ne lui demande aucun effort), et visiblement très éclectique, et pour tout dire, hérétique. Elle aime tout : Victor Hugo, Fellini, Lewis Carroll... On peut me reprocher d'être très dogmatique, et j'essaie de lutter contre cette tendance, notamment par l'humilité et le silence. Mais quand des gens qui prétendent "témoigner de leur spiritualité" ouvrent grandes les portes du n'importe quoi, je peine à retenir mes mots. En page 75, elle cite Madame Guyon apparemment sans se soucier des aberrations dans lesquelles tomba cette mystique, qui alla jusqu'à se prendre pour la Femme de l'Apocalypse, ce qui attira tant de problèmes à Fénelon qui l'avait défendue (voyez notre billet ici). Quand on est solitaire mais entourée de micros prêts à faire la promotion de vos livres comme l'est cette Mme Kelen, on n'a peut-être pas peur d'entraîner avec soi des âmes vers des terrains marécageux. Mais je ne suis pas sûr que cette désinvolture décrochera quelque indulgence finale au jour du Jugement. "Ses nombreux péchés lui sont pardonnés, parce qu’elle a beaucoup aimé". A notre époque où l'amour est devenu l'alibi de toutes les complaisances et de toutes les trahisons, je doute que les âmes soient jugées à cette aune. Les lecteurs de Mme Kelen devraient prendre le temps d'y songer.

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