Sardou
Cette année le mois d'août a été marqué par une polémique entre "progressistes" et "conservateurs" autour de la chanson "Les Lacs du Connemara" de Michel Sardou.
Quand j'avais 8-10 ans, entre 1978 et 1980, et encore quand j'eus 11 ans, alors que je venais d'entrer en 6ème au collège, mes parents et moi allions regarder la TV chez mon grand père maternel, veuf, pour le distraire un peu, le samedi soir. C'était la soirée variété devant les émissions de Marity et Gilbert Carpentier, puis celle de Michel Drucker, et même la série Dallas. C'était un univers étrange, car mes parents s'asseyaient à côté d'une cuisinière en fonte des années 1940, le carrelage au sol était de la même époque, et les décennies semblaient se télescoper alors que la télévision diffusait Goldorak et Droit de Réponse.
Tout était ritualisé. Mon grand père faisait chauffer du café dans une vieille casserole et moi, assis à la table de cuisine sur une toile cirée, je dessinais en regardant l'écran du téléviseur posé devant moi. Déjà créatif, en 1979 j'achetai un magnétophone et commençais à enregistrer des chansons (à défaut de magnétoscope qui n'allait arriver dans les foyers qu'à la décennie suivante). Je crois que c'est vers ce moment-là que j'enregistrai une émission spéciale de Drucker sur Sardou, avec des chansons comme "En chantant", "Musica", "La Pute"... Dans le milieu populaire où je vivais, en Béarn, nous n'étions pas intéressés par les polémiques gauche/droite qui existaient autour de ce chanteur. Il me semble que j'ai toujours su que sa chanson sur le "France" passait pour nationaliste, qu'il était pour la peine de mort etc, et j'ai lu vingt cinq ans plus tard un article de sociologie sur la polémique entre lui et Bernard Lavilliers qui disait de lui "Sardou c'est fasciste et puissant". Tout le monde savait que Sardou était de droite comme Yves Duteil et bien d'autres personnalité du petit écran, comme Dalida et Charles Trenet. Des pétitions qui ont circulé pour la présidentielle de 1981 qui se chargèrent de nous le faire savoir, mais peu importait. Ma mère, qui avait voté Mitterrand, accordait seulement de l'importance au fait qu'il avait une belle voix. Et moi j'ai appris ses chansons. Quand j'ai eu un dictionnaire français-anglais je me suis même amusé à traduire "Les lacs du Connemara" en anglais. C'est une chanson qui me faisait penser au "Monstre du Loachness" dont parlait Pif Gadget... J'y percevais quelque chose d'assez sombre, mais, à l'époque, l'obscurité faisait partie intégrante de beaucoup de productions culturelles qu'on nous servait sans discernement à des heures de grande écoute.
J'ai été surpris de voir ressurgir cet été la polémique sur les choix politiques de Sardou. Je ne puis m'empêcher d'y voir une sorte d'article de consommation, comme toute sorte d'autre débat pré-fabriqué absurde, uniquement destiné à "augmenter l'audimat" comme on disait jadis, provoquer des discussions absurdes sur les réseaux sociaux, mobiliser des énergies pour rien et détourner les gens des vrais sujets de leur vie.
Mais ce qui m'a plus étonné encore, ce fut de voir que des gens plus jeunes que moi voire carrément de la génération suivante connaissaient "Les lacs du Connemara" et même le chantaient dans des karaokés. Je suppose que c'est pour eux comme ce qu'étaient pour moi "Oh Catarinetta bella", "Le dimanche au bord de l'eau" et "La mer qu'on voit danser" que je fredonnais toujours, à 10-12 ans, avec un petite dose d'amusement attendri, comme on ressortirait de vieux articles auxquels nos aïeux accordaient quelque prix pour des raisons aujourd'hui inexplicables.
En ce qui me concerne, je n'ai plus maintenant aucun attachement aux chansons de Sardou. Son "Afrique adieu" que je passais à fond sur ma "chaîne stéréo" nouvellement achetée à Pau en 1982 est une apologie épouvantable de la sorcellerie africaine, qui plus est bourrée de clichés façon XIXe siècle sur le continent noir (à une époque pourtant où l'Angola, le Mozambique, le Burkina et la Tanzanie menaient des combats méritoires pour l'émancipation et la justice sociale). Tout l'imaginaire que ce chanteur mobilisait fait de sexe, d'alcool et de désespoir à deux balles, me paraît très brutal, et je n'accorde pas un centime à la nostalgie de pacotille dont il a fait son fond de commerce.
Il y a peu une Bigourdane qui a des dons de médiumnités me disait qu'elle avait vu des flammes et des formes très sombres apparaître à ses concerts. Je sais que ce genre de vision révèle des choses très profonds (mon fils, du temps où il avait aussi ce genre de don, qu'heureusement il n'a pas cultivé) avait perçu la même chose devant un clip de Mike Oldfield. Ce n'est pas le fruit de l'imagination, et il suffit de faire une analyse de texte des chansons balancées au public pour y trouver la confirmation des intuitions de cette Bigourdane. Je m'étonne même que Sardou n'ait pas balancé à son public des symboles liés au 666 comme le faisaient dans les années 1970 Johnny Hallyday, Queen ou Led Zepplin. Du coup, je suis assez enclin à croire ce que disait le "dealer des stars" Gérard Fauré à son sujet.
Cela ne veut nullement dire que les "progressistes" auxquels il s'oppose valent mieux que lui. Sur le plan des inspirations spirituelles, ce sont les deux faces d'une même pièce. Sardou est simplement utilisé comme la marionnette incarnant artificiellement le "boomer de droite" dans un exercice rituel de haine façon 1984 (ou de punition publique façon société secrète), mais tout cela est absolument fake, et il faut simplement rester totalement en dehors des manipulations d'émotions auxquelles les débats sur son compte peuvent donner lieu.
Le voyage dans l'au-delà zoroastrien de Kartir
Sous le règne du roi sassanide Chapour Ier (241-272), vainqueur de l'empereur romain Valérien, son grand prêtre zoroastrien Kartir a laissé sur une stèle à Naqsh-e Rajab, le récit de sa montée au paradis. Un article universitaire iranien de 2016 nous rappelle comment cette ascension est introduite.
Dans l'inscription Kartir mentionne ses prières aux dieux
et leur demande, si possible, de lui montrer le chemin du ciel et l'enfer. Il prépare son âme par de "bonnes actions". "Probablement, avant le voyage, il a effectué des ablutions (= Thmart) et a bu du narcotique boissons pour aller dans l'autre monde" avance l'article en se référant à des historiens, mais cela ne figure pas dans l'inscription, et d'ailleurs il n'y a pas de consensus sur la drogue qui aurait pu être utilisée. Il a été avancé qu'il a pu aussi utiliser une litanie rituelle nommée Mansar. Certains chamanes se décorporent seulement par des incantations (mais l'analogie avec les chamanes est-elle pertinente ici ?).
Cet autre article de l'Encyclopaedia Iranica précise aussi que Kartir entreprit ce voyage pour prouver au peuple la vérité de ses dogmes sur le paradis et l'enfer (notamment face à l'apparition de l'hérésie manichéenne). Il décrit ainsi les visions :
Un prince (šahriyār) couleur d'aube (spēdagān ; cf. Pers. sepīde dam « première apparition de l'aube ») apparaît monté sur un superbe cheval (aγrāy) et tenant une bannière. Une personne de même forme que Kartīr (son double ) apparaît. Puis une superbe femme venant de l'Est (xwarāsān) sur une route très lumineuse (rāh, abēr rōšn) vient vers le double de Kartir, ils se rencontrent et se saluent (s'inclinant et se joignant les mains) puis partent par où elle est venue, elle devant, lui derrière. Un prince de la couleur de l'aube avec une balance (tarāzūg) devant lui, sur laquelle il pèse, apparaît, qu'ils croisent. Un autre prince couleur d'aube se manifeste, plus superbe que ceux qu'ils ont vus au début, tenant dans sa main un *čayēn/čiyēn (peut-être une louche pour ajouter du bois de chauffage) qui apparaît alors comme un puits sans fond (čāh) plein d'animaux malfaisants (xrafstar), au-dessus sur lequel un morceau de bois (dār) repose comme un pont; le pont devient maintenant plus large que long. S'ensuit la description de l'enfer et des palais du paradis mais que l'article ne détaille pas.
Je complèterai ce billet dès que j'aurai plus d'éléments sur ce point.
La géométrie spectrale selon Nalini Anantharaman
En 2008, je me suis aventuré sur le terrain des mathématiques en parcourant pour Parutions.com un livre de Penrose. J'y étais revenu six ans plus tard à l'occasion de mes incursions dans le pythagorisme.
Saisissons l'occasion de la leçon inaugurale de Nalini Anantharaman (née en 1976, docteure depuis 2000) pour son accession à la chaire de Géométrie spectrale (une théorie qui s'intéresse au lien entre la géométrie d'un objet et ses fréquences de vibration) au Collège de France en octobre 2022 pour remettre un orteil dans ce sujet.
Le premier à avoir employé le mot spectre en sciences est Newton, dans une lettre à la Royal Society de 1672. il raconte qu'ayant fait passer la lumière du soleil à travers deux prismes il a vu le spectre coloré et s'est étonné de sa forme allongée. Il en a conclu que la lumière blanche mélangeait diverses couleurs qui peuvent se séparer parce que diffractées. Au XIXe siècle on découvert que le spectre des couleurs présente de fines discontinuités (raies de Fraunhofer), et si on chauffe certains éléments chimiques la lumière émise a spectre ne contenant que de fines raies de couleur (cf les raies jaunes du sodium- cf à droite). Chaque élément chimique a son propre spectre.
Cela a incité à explorer l'infiniment petit sans outil d'observation. Le caractère discontinu (discret) de ces spectres surprend, comment nait-il dans un monde continu ? En mathématiques un ensemble discret peut être indexé par des nombres entiers (positifs ou nuls sans décimales ni fraction). Un ensemble continu n'est pas dénombrable car il y en a autant que de nombres réels (nombres qui peuvent être représentés par une partie entière et une liste finie ou infinie de décimales). Planck, Einstein et Bohr ont essayé d'incorporer le discret dans des modèles mathématiques en postulant que certaines quantités physiques doivent être des nombres entiers. Planck dans un article de 1900 a fait apparaître que ce côté discret, granulaire doit être dans la nature des choses. La mécanique des quantas (grains d'énergie indivisibles, comme le photon par exemple) est née. Bohr introduit le quantum dans la description de l'atome : si l'électron autour de l'atome d'hydrogène est imaginé comme une planète autour du noyau, le moment cinétique doit être un nombre entier. C'est la règle de quantification de Bohr, et effectivement les énergies correspondant aux différentes trajectoires possibles rendent exactement compte du spectre discret de l'hydrogène.
Ainsi il fut rendu compte du spectre du premier atome de la table des éléments. Mais il y en a plus de cent et il faut trouver la règle de quantification pour chacun d'entre eux. Max Born à partir des travaux de Poincaré en mécanique céleste travaille sur le mouvement des 3 corps de l'atome d'hélium (le second corps de la table). Mais en 1923 il avoue son échec dans un article. Mais deux ans plus tard son élève à Göttingen Heisenberg transforme son échec en succès et même en révolution.
Dans un article de 1925, Heisenberg trouve des règles de calcul algébriques reposant sur des principes a priori qui permettent de calculer des spectres, c'est-à-dire les fréquences qui sont la signature de chaque élément. Il utilise sans le savoir l' "algèbre de matrices", connue en mathématiques depuis les années 1850. Le spectre des physiciens c'est la valeur propre en mathématiques. Les couleurs sont des fréquences, 'est-à-dire des nombres exprimés en hertz. On peut les calculer en cherchant les valeurs propres de matrices, ou leurs analogues en dimension infinie, appelés "opérateurs".
John von Neumann (1903-1957) qui a eu de multiples apports à la mécanique quantique, à l'informatique, au projet Manhattan, a rédigé un traité de théorie spectrale mathématique orienté vers la mécanique quantique. Celle-ci devient si mathématisée qu'il devient difficile d'en parler avec un vocabulaire ordinaire. La théorie spectrale explique comment le discret peut naître du continu. Même pour un modèle physique continu les valeurs propres peuvent former un ensemble discret (cf l'oscillateur harmonique - en mécanique quantique son énergie est remplacée par un opérateur dont il faut calculer les valeurs propres, qui sont des nombres entiers, donc le spectre comprend un ensemble discret ; cela ne peut être calculé pour tous les phénomènes ; à noter aussi que la description en une dimension dans la mécanique quantique on doit faire des calculs dans un espace vectoriel de dimension infinie).
L'opérateur de Laplace delta décrit le potentiel gravitationnel. Il calcule la différence entre la valeur d'une fonction en un point et la moyenne de cette fonction sur les points voisins. Il estime la valeur de la grandeur étudiée à vouloir s'équilibrer entre points voisins. Le laplacien est réapparu en 1807 dans les travaux de Joseph Fourier sur l'équation de la chaleur. Il exprime que la chaleur se diffuse dans toutes les directions du chaud vers le froid, tendant à compenser le déséquilibre entre un point et ses voisins, ce qui uniformise la température. Le laplacien est aussi utilisée dans l'équation des ondes (qui généralise l'équation de d'Alembert sur les cordes) ou dans l'équation (non linéaire, l'addition des causes n'aboutit pas à une addition des effets - principe de superposition) de Navier-Stokes sur la viscosité (la non-linéarité explique pourquoi cette théorie appliquée au climat ne permet pas des prédictions fiables), et encore dans le mouvement brownien.
En 1925, Schrödinger après De Broglie introduit une version ondulatoire de la mécanique. La lumière était d'abord considérée comme une onde, puis divisée en petits grains d'énergie (les photons). Pour Schrödinger les électrons sont aussi des ondes, et il veut introduire une équation qui remplacera celle de Newton pour décrire leur évolution. Les précédentes équations étaient déduites de phénomènes physiques appliqués au niveau microscopique, Schrödinger ne raisonne que sur l'équation. Il se demande ce qu'il en attend, comment la construire.
L'équation se présente ainsi :
Il a placé dedans le laplacien (pour qu'elle ressemble à une équation d'onde) ainsi que la constante de Planck (qui représente le grain élémentaire d'énergie - quand elle tend vers 0 on doit retrouver la mécanique newtonienne / approximation semi-classique).
Les prédictions de Eisenberg et de Schrödinger qui sont concurrentes se rejoignent tout en s'éloignant de la physique classique : un atome n'est plus une collection de petites planètes. Pour Schrödinger les électrons sont des ondes, et pour l'école de Copenhague, ils sont mathématiquement représentés par des opérateurs.
Nous n'avons pas d'images visuelles pour la mécanique quantique. La géométrie spectrale permet de satisfaire notre besoin d'intuition.
Nalini Anantharaman s'est beaucoup intéressée au chaos. Einstein en 1917 a étendu le principe de quantification de Bohr à des situations plus générales non pas d'atomes mais de systèmes physiques abstraits. La règle qu'il a énoncée n'a de sens que pour des systèmes très spéciaux dits "complètement intégrables". Un système dynamique est un système dont on étudie l'évolution dans le temps. Pour ceux qui sont "complètement intégrables", l'évolution est calculable et prévisible sur de grandes échelles de temps. Il y a beaucoup de quantité conservée ce qui concerne chaque trajectoire à rester dans une toute petite partie de l'espace et à suivre un mouvement quasi-périodique : par exemple la gravitation d'un corps autour d'un autre (mouvement elliptique périodique képlérien, du moins jusqu'à trois corps). Au delà de trois corps pour la gravitation ça ne marche pas (d'où l'échec des travaux sur l'hélium). en 1917 Einstein pose la question de la prédiction des systèmes pas complètement intégrables, notamment les systèmes ergodiques (dans lesquels la conservation de l'énergie est la seule contrainte qui pèse sur les trajectoires).
La particule visite de façon équitable tout l'espace laissé à sa disposition. La description du spectre quantique associé aux systèmes ergodiques est une des principales questions du domaine appelé "chaos quantique".
En 1955, le physicien Eugene Wigner a proposé l'idée que le spectre du noyau des très grands atomes (pour lesquels le formalisme de Schrödinger ne permet pas de calcul) devrait ressembler à une matrice aléatoire de grande taille. Autrement dit à ce niveau de complexité le physicien renonce à chercher des lois fondamentales, et se contente de modèles pratiques pour le calcul, qui peuvent être aléatoires. On ne va pas calculer le spectre de l'opérateur de Schrödinger, mais seulement celui d'une très grande matrice, avec des coefficients mis au hasard (ce qui marche assez bien statistiquement).
Wigner a confessé son amour pour les mathématiques appliqués aux sciences. L'application de la méthode de Wigner avec des ordinateurs dans les années 1980 se répand, par exemple pour le calcul du spectre de l'opérateur de Laplace dans des domaines du plan euclidien. On fait apparaître des comportements universels où des histogrammes de valeurs propres épousent la courbe théorique de Wigner. Mais il y a aussi des types de billards où cela fonctionne moins bien, surtout les billards non ergodiques.
Beaucoup de physiciens ne trouvent plus utiles d'en démontrer les raisons mathématiques. Mais Nalini Anantharaman voudrait trouver un modèle mathématique qui permette de relier la trajectoire d'un billard ergodique, le spectre du laplacien, et le spectre des matrices aléatoires.
Un système dynamique est chaotique si une variation infinitésimale de la condition initiale est amplifiée de façon rapidement exponentielle.Si on applique cela au système dynamique du billard, le caractère chaotique vient de la courbure du bord. Le billard est dispersif si le bord est courbé vers l'extérieur. Chaque rebond amplifie immédiatement une petite variation de la condition initiale, ce qui conduit à un comportement chaotique. Pour un billard convexe (parois tournées vers l'intérieur), les situations sont plus diverses. Quand c'est une ellipse, il y a des familles de trajectoires qui épousent une courbe intérieure, c'est un système intégrable.
Alexander Schnirelman a été un des premiers à montrer qu'il y a un lien direct entre l'ergodicité du billard et la délocalisation (propension à occuper tout l'espace) du mode propre du laplacien (théorème d'ergodicité quantique). Si le billard est ergodique, alors l'immense majorité des modes propres occupe uniformément l'espace quand on considère les petites longueurs d'ondes.
Pour relier de façon plus forte le caractère chaotique du billard à un comportement désordonné des ondes, l'intuition géométrique classique est d'un faible secours. La mécanique quantique ne s'y prête pas. Chez Feynman, le mouvement d'une particule n'est pas une trajectoire mais une superposition de tous les chemins possibles. Chaque chemin est affecté d'un coefficient de probabilité d'emprunter ce chemin.
Dans la limite semi-classique, les chemins qui satisfont à l'équation de Newton l'emportent sur tous es autres.
N. Anantharaman a été fascinée par un cours de G. Ben Arous concernant la représentation par intégrales de chemins des solutions de l'équation de la chaleur. Elle a essayé de mettre en œuvre un calcul du même type pour l'équation de Schrödinger sur des échelles de temps arbitrairement grandes. Elle a démontré que pour un système chaotique toutes les trajectoires classiques apparaissent avec des coefficients comparables, même sur des temps très longs. Les ondes doivent donc emprunter beaucoup" itinéraires très différents. Elle espérant même démontrer ainsi la Conjecture d’Unique Ergodicité Quantique qui prédit une délocalisation parfaite des modes propres sur les variétés de courbures négatives. Elle est parvenue à quantifier le caractère désordonné de la propagation des ondes grâce à une quantité appelée l'entropie.
La théorie spectrale ayant pour but de distinguer le spectre discret du spectre continu, et parmi les continus, ceux qui sont absolument continus de ceux qui sont singuliers. Mais dire si un opérateur donné a un spectre continu ou discret reste un problème très difficile. Cf le modèle d'Anderson : qui modélise la transition d'un comportement conducteur vers un comportement isolant dans un métal. Il a été possible de modéliser plus finement les transitions d'un comportement à l'autre.
Si l'on prend un pavage hyperbolique, on n'en connaît pas la nature du spectre, bien qu'il possède une forme de périodicité pour un groupe de transformation totalement explicite (espace non euclidien). Anantharaman , avec Le Masson et Sabri ont mis en évidence la délocalisation des ondes sur certaines familles de graphes finie mais de grande taille. Ils ont appelé cela l'ergodicité quantique pour les graphes en le rattachant au théorème de Schnirelmann, mais d'autres préfèrent le rattacher à la thermalisation des fonctions propres, il faut comprendre la lien entre les deux notions.
Il s'agit uniquement de démontrer des théorèmes. La géométrie spectrale est apparue comme branche des mathématiques à partir du théorème de l'indice (1963) qui pose une égalité entre un invariant topologique et le bas du spectre d'un opérateur elliptique. L'invariant topologique le plus classique est la caractéristique de l'aire Poincaré d'une surface.
Soit une sphère plongée dans l'espace euclidien de dimension 3, avec un axe vertical disons nord-sud.
Si on trace des parallèles (sept courbes de points de même latitude). Tous les parallèles sont des cercles sauf deux parallèles particuliers qui sont des points : le pôle nord et le pôle sud.
Soit une sphère déformée (mais avec la même topologie).
La plupart des tranches sont encore des cercles (certaines deux cercles) avec 4 parallèles sur 9 qui ne sont pas des cercles. En comptant les points critiques en comptant +1 pour un sommet ou pour un puits et - 1 dans le cas d'un col (sur la figure en 8). la somme pondérée donne 2, comme dans l'exemple précédent. Cette somme ne dépend pas de la géométrie mais uniquement de la topologie.
Ce nombre 2 pour la sphère est aussi la caractéristique de l'aire Poincaré définie en découpant la sphère en polygones. Nombre de sommets - nombre d’arêtes + nombre de faces donne toujours 2. En chaque point de la surface je peux calculer la courbure. La courbure X l'aire divisée par 2pi donne toujours 2. Et pour la courbe déformée la moyenne de la courbure fois l'aire divisée par 2pi donne toujours 2 (formule de Gauss Bonnet). La quantité continue de la courbure et de l'aire pour des raisons topologiques ne peut prendre que des valeurs entières. Et cela vaut pour n'importe quelle surface.
Reprenons l'équation de Laplace Delta-phi=0 (bas du spectre). On peut compter la dimension de l'espace des solutions, c'est un nombre entier (pour une variété compacte c'est le nombre de morceaux de la surface). Il vaut 1 pour n'importe quelle surface en un seul morceau. On peut le chercher dans des formes différentielles de degré 1, 2, 3 etc. A chaque degré j'obtiens un entier qui donne la dimension de l'espace des solutions. En faisant l'addition alternée (+ et -), Le total est la caractéristique de l'aire (2 pour la sphère), ce qui veut dire que la topologie impose une contrainte sur le bas du spectre du laplacien. Le théorème de l'indice (1963) montre que cette relation existe pour tout opérateur pseudo-différentiel elleptique (l'opérateur de Dirac en mécanique quantique relativiste, un opérateur en géométrie complexe etc).
Le livre de Berger-Gauduchon-Mazet de 1971 "Le Spectre d'une variété riemannienne" a marqué à Paris VII une école dont la descendance est impressionnante. Le théorème de l'indice est d'ailleurs essentiel en physique dans la matière topologique (manifestation concrète des contraintes que la topologie exerce sur le spectre). Il y en a eu des illustrations récentes comme sous la plume de Dang-Rivière.
Un des thèmes les plus importants de la géométrie spectrale c'est la question des problèmes inverses : en mesurant le spectre d'un objet ou la manière dont ses ondes se propagent, peut-on deviner la géométrie de l'objet ? comment le reconstruire à partir de mesures spectrales ? En 1992, Gordon, Webb et Wolpert ont montré que deux polygones différents avaient le même spectre. Des familles entières d'objets présentent aussi cette caractéristique. Tous les contrexemples au lien spectre-forme sont des polygones non convexes. Par contre si un objet a le même spectre qu'un disque c'est nécessairement un disque identique. pour une ellipse on ne sait pas sauf si elle est presque circulaire.
Connexe à cette problématique est aussi celle du contrôle des ondes. Peut-on les téléguider d'un état initial vers un état final donné en plaçant des termes sources comme second membres de l'équation de d'Alembert ou de Schrödinger ? La question est : dans quelles zones vaut-il mieux placer ces sources. Soit des ondes se propageant dans deux dimensions dans un disque ; si je me place à l'intérieur du disque, je ne peux pas tout contrôler, certaines ondes m'échappent. Certaines ondes (whispering-gallery modes) se propagent en restant confinées près du bord (cf dans le dôme de la cathédrale). Pour tout contrôler il faut être près du bord et sur une zone qui mesure près de la moitié de la circonférence. Si l'onde se propage selon l'équation de Schrödinger, les ondes sont mieux dispersées que selon l'équation de d'Alembert et donc on peut les contrôler à partir d'une région du bord même très petite, ce qu'N. Anantharaman a démontré il y a quelques années avec Matthieu Léautaud et Fabricio Macia.
Aujourd'hui, dans son échange avec les chercheurs qui travaillent sur les graphes aléatoires, N. Anantharaman cherche à démontrer des théorèmes valables pour 99 % des graphes, avec une ignorance sur les autres. Relâcher l'exigence ainsi permet d'aller plus loin, et notamment de faire de même pour des modèles géométriques plus généraux (des surfaces aléatoires). Cela nécessite de développer de nouvelles techniques de calculs d'intégrales en partant des formules de Maryam Mizakhani (1977-2017), pour évaluer la probabilité que la surface contienne tel ou tel motif géométrique.
Voilà, j'ai voulu tirer profit de cette leçon inaugurale du Collège de France de 2022 pour faire un petit détour par la recherche mathématique actuelle et ses applications à la physique quantique. J'ai essayé de coller au plus près au vocabulaire de Nalini Anantharaman, car, évidemment, n'ayant pas fait de maths au delà du bac, je n'ai pas du tout les moyens de comprendre la plupart des points qu'elle évoque. Mais ce n'est pas parce qu'on ne comprend pas un domaine qu'il faut complètement le négliger. Pour pouvoir développer un point de vue philosophique sur le monde, même très sommaire comme le mien, il faut avoir ne serait-ce qu'une vague idée de ce que les scientifiques en défrichent. Cela fut évident pour les penseurs jusqu'au milieu du XIXe siècle et je crois que cela devrait le redevenir, même sur un mode très approximatif. J'ajouterai que cela me paraît d'autant plus nécessaire qu'il existe un usage très abondant de la notion d' "énergie", de "connaissance quantique" etc. dans le domaine de la spiritualité auquel je m'intéresse (voyez par exemple les travaux du Père Brune auxquels je me référais en 2019). Fournir un petit effort pour entrevoir ce que cela peut signifier chez les chercheurs universitaires professionnels ne me paraît pas complètement superflu.
Le pythagorisme astral de Scipion l'Africain
Il y a 14 ans sur ce blog j'avais dit un mot de l'excellent livre de Schiavone sur l'histoire du droit romain.
Je retombe aujourd'hui dans cet ouvrage sur les pages où il explique comment dans son organisation du corpus juridique, Quintus Mucius Scaevola (140 av JC-82 av JC) essaya de rénover l'héritage sans pour autant accepter une refonte suivant les canons de la philosophie grecque comme la proposait Cicéron.
A partir d'une citation de Mucius par St Augustin, Schiavone note notamment que ce jurisconsulte (qui fut pontifex maximus en 89) refusa la théorie stoïcienne selon laquelle les héros (Hercule, Castor et Pollux) ou même des dieux comme Esculape étaient des humains divinisés car cette idée pouvait donner de mauvaises idées aux généraux et aventuriers prêts à prendre le pouvoir dans la République finissante (qui pourraient se légitimer en se présentant comme des dieux potentiels).
J'ai pensé en lisant cela aux vers de Lucain qui racontent l'apothéose de Pompée, mais Schiavone, lui, cite Scipion l'Africain, Marius et César (p. 251)
"Le risque n'était pas imaginaire, car la professionnalisation et la prolétarisation de l'armée, écrit Schiavone, rendaient ces fantasme réels. Du reste, une partie de l'aristocratie n'était nullement épargnée par ces influences, qui se répandront de façon plus ou moins souterraine à partir du 'mysticisme' pythagoricien de l'Africain jusqu'à toucher jusqu'à César".
En 2014, à propos de Massalia, j'ai rappelé en quoi pythagorisme allait plutôt de pair avec républicanisme. Mais ce républicanisme n'est pas antithétique du recours à l'homme providentiel si celui-ci est un philosophe.
Schiavone ne développe pas la question du "mysticisme pythagoricien" du vainqueur de Carthage Scipion l'Africain (236 av JC-183 av JC) et ne renvoie à aucune référence. Je vais donc ici la creuser en suivant une autre piste, celle d'un article du philologue Jean Préaux (1920-1978) intitulé "Caeli civis" extrait de : L'Italie préromaine et la Rome républicaine. I. Mélanges offerts à Jacques Heurgon de 1976 .
Préaux montrait comment le récit classique (par trois auteurs romains) du retrait de Scipion dans le temple de Jupiter à minuit pour dialoguer avec la divinité était construite sur la base d'un thème classique : l'image de Pythagore scrutant la voûte céleste sur les épaules du titan Atlas (dans Ovide, Métamorphoses15). Atlas, comme Prométhée, Héraclès et Iopas, connaissent les lois du monde, en tant qu'astronomes et astrologues (concernant Atlas, voir aussi Martianus Capella ici).
L'astronomie, mesure du ciel explorée par les titans, comme la géométrie est mesure de la terre, "prépare, nourrit et organise grâce aux connaissances des rythmes saisonniers, bref par la science du calendrier, garante de la supériorité 'divine' du chef de guerre". Scipion en avait percé les secrets quand il a fait retraite au temple de Jupiter. Dans son Cato Maior (49), Cicéron a montré que dans la famille de Marius il y avait cette idée que le chef de guerre était initié à l'astronomie, et Paul-Emile vainqueur de Pydna avait un astronome auprès de lui qui prédit l'éclipse de lune du 21 au 22 juin 168 av J.-C.
La familiarité de Scipion avec l'astrologie-astronomie se retrouve dans cette allusion de Cicéron "nous avons vu un Gallus de la famille de votre père, Scipion, à la poursuite de la libération du ciel et de la terre." Elle relie Scipion à S. Sulpicius Gallus qui après l'assassinat d'Archimède en 212 avec la prise de Syracuse permit à Rome de déchiffrer son planétaire.
L'épitaphe d'Ennius à Scipion renvoie à une apothéose par le succès des armes, mais qui a été précédée par lui de l'étude des astres : "Si je fais ce qu'il faut, c'est à n'importe qui de monter au ciel. la plus grande porte de mon soleil est ouverte sur le ciel, . . c'est vrai, Africain; car la même porte était ouverte à Hercule."
D'ailleurs quand Scipion en 204 remporte une victoire sur les Carthaginois en Sicile, il préfère jouer les philosophes au gymnase de Syracuse (selon Tite Live). Le savoir des muses dans Horace recommande une puissance raisonnée et non pas privée de réflexion. C'est le propre de celle d'Alexandre et de Scipion.
Tite-Live précise : P. Cornelius Scipio Africanus, avant de partir, a placé un portique dans le Capitole face à la route par laquelle il monte au Capitole, avec sept statues dorées et deux chevaux et deux lèvres de marbre devant le portique.
Sept, comme les sept planètes alors connues, les deux chevaux représentent les Dioscures, maîtres des hémisphères ou le cheval à dompter dans le Phèdre.
Préaux conclut son texte en se disant persuadé que la songe de Scipion a une base historique : "maints traits de la biographie de Scipion l'Africain relèvent de l'histoire plus que de la légende, même lorsque Cicéron fera de l'homme et du citoyen éclairés le héros d'une révélation sur l'au-delà". D'après lui, il était un initié d'une religion astrale.
Il faut ajouter que Tite-Live écrit aussi que "chaque fois ou presque qu’il parlait à la foule, ou bien il faisait
état d’apparitions nocturnes ou bien il invoquait des avertissements divins". Scipion en Espagne fait écarter les eaux pour faire passer ses légions et l'on ne sait si cela relève du calcul ou de la magie divine car Scipion l'attribue aux dieux : "Attribuant ce qui était le résultat d’une enquête soigneuse et du calcul à un prodige et aux dieux, qui écartaient la mer pour livrer passage aux Romains, supprimaient les lagunes et ouvraient des routes jamais encore foulées par un pied humain, Scipion leur ordonnait de suivre Neptune qui leur montrait le chemin et par le milieu de la lagune, de parvenir jusqu’au rempart". N'oublions pas comme on l'a vu avec Pytheas de Massalia que le travail sur les marées est typiquement pythagoricien, et le pythagorisme lie calcul et mysticisme indissociablement. Sur les vertus romaines (mais aussi pythagoriciennes) qui accompagnent la religiosité de Scipion voyez aussi le mémoire ici.
La remarque de Schiavone sur le mysticisme pythagoricien de Scipion apparaît donc fondée, quoiqu'il faille tout de suite ajouter qu'il s'agit là d'un mysticisme "pratique" nourri notamment d'études astrologiques.
Les ensorcelés de Garz/Carentia
Dans le livre III chapitre IX, de ses Essais, Montaigne écrit :
"Nous n'avons pas fait marché, en nous mariant, de nous tenir continuellement accoués, l'un à l'autre, comme je ne sais quels petits animaux que nous voyons, ou comme les ensorcelés de Karenty, d'une manière chiennine".
Depuis longtemps (cela figurait dans l’édition des Essais que je lisais au lycée) on nous dit que cette anecdote renvoie à la Gesta Danorum. Le commentateur de l'édition posthume de 1802, Jacques-André Naigeon, de l'institut national des sciences, nous dit même "C'est Saxon le grammairien qui nous a conservé l'histoire de ces ensorcelés. Voyez le liv. 14 de son hist. de Danemark".
L'édition de 1834 est plus circonstanciée encore puisqu'il y est précisé (p. 576) à côté de Karenty : "Ou Karantia, ville de l'île de Rugen, dans la mer Baltique. C'est Saxon le grammairien qui nous a conservé l'histoire de ces ensorcelés dans le livre XIV de son Histoire de Danemark. Il raconte que les habitants de cette ville, après avoir renoncé au culte de leurs idoles, les craignaient encore, se souvenant de la manière bizarre dot elles les avaient autrefois punis de leurs adultères : Siquidem maresin ea urbe cum feminis in concubitum ascitis, canum exemplo, cohoerere solebant, nec ab ipsis morando divelli poterant. Interdum utrique, perticis e diverso appensi, inusitato nexu ridiculum populo spectaculum proebuere. Si ce fait était véritable, on ne pourrait guère s'empêcher d'en conclure que le diable était alors beaucoup plus rigide et plus malin qu'il ne l'est aujourd'hui. "
Ce passage se trouve effectivement en p. 578 de ce document ou ici au niveau du 14.39.43.
En traduction française cela donne : "Il n'est pas étonnant qu'ils craignaient la puissance de ces dieux, par lesquels ils se souvenaient qu'ils avaient été punis plusieurs fois pour leurs crimes. En effet, les mâles de cette ville avaient l'habitude de cohabiter avec les femelles à la manière des chiens ascétiques, et ne pouvaient en être séparés. Cette abomination miraculeuse était venue par les statues ignominieuses du culte" . Cette remarque de Saxon intervient à propos de la réticence des habitants de Karentia/Karantia/Carentia/Korenica (aujourd'hui Garz, en Poméranie, au bord de la Baltique) à détruire la statue du dieu à plusieurs têtes Porenut, sur ordre de l'archevêque danois Absalon (1128-1201).
On ne manquera pas de noter ici que Montaigne avait lu en latin la Gesta Danorum, sans s'arrêter au neuf premiers livres (ceux traduits en anglais) résumés par les auteurs de la fiche Wikipedia sur cette chronique.
Montaigne, comme les commentateurs du XIXe siècle après lui, ont été surpris de ce que des divinités païennes aient pu à titre de punition condamner les couples à vivre collés l'un à l'autre, inséparables, comme un chien à l'égard de son maître.
La Vierge et le serpent selon Saint Silouane
Comme il menait une vie de jeune paysan chrétien ordinaire dans son village de Chovsk (province de Tambov en Russie), Saint Silouane de l’Athos (né Syméon Ivanovitch Antonov 1866-1938) à jouer de l'accordéon sur la place centrale et même à entrer dans des bagarres pour sauver son honneur devant les filles s'assoupit un jour (dans les années 1880) et vit dans l'état d'un léger sommeil un serpent qui se glissait dans sa bouche et pénétrait dans son corps. A ce moment, il entendit une voix qui lui disait : "Tu as avalé un serpent en rêve, et cela te répugne. De même je n'aime pas voir ce que tu fais. " "Syméon ne vit personne, ajoute son disciple l'archimandrite Sophrony dans la biographie qu'il lui consacre (eds du Cerf p. 18) ; il n'entendit que la voix qui prononçait ces paroles. La douceur et la beauté de cette voix étaient tout à fait extraordinaires. Malgré toute la douceur de cette voix, l'effet en fut bouleversant. Selon la profonde et inébranlable conviction du Starets, la voix qu'il avait entendue était celle de la Sainte Vierge. Jusqu'à la fin de ses jours il rendit grâce à la Mère de Dieu de ce qu'elle ne l'avait pas dédaigné mais qu'elle avait bien voulu le visiter (...) Le Starets attribuait à l'impureté dans laquelle il se trouvait à ce moment le fait de n'avoir pas été jugé digne de voir la Reine des Cieux".
Silouane l'Athonite était sensible à l'histoire de Saint Antoine conduit par Dieu à admirer le cordonnier d'Alexandrie convaincu de ce que tout le monde serait sauvé sauf lui, et lui-même était enclin par le Créateur à "maintenir son âme en enfer".
Il y a aussi chez ce saint des considérations très intéressantes et nuancées sur la façon font le starets prodigue les conseils qu'il tient de Dieu ou fait la part entre la lumière qui vient de l'âme et celle qui vient du divin, ce qui prouve bien que toutes ces questions n'ont rien d'évident en soi. La seule chose très manifeste c'est la force de l'expérience intérieure que vit le mystique.