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Vient de paraître "Le Complotisme protestant contemporain" de Christophe Colera

20 Juin 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Publications et commentaires, #Christianisme, #Histoire des idées, #Histoire secrète

Chez l'Harmattan. Un livre qui parle de la lecture que fait l'eschatologie (l'étude de la fin des temps) protestante des Mérovingien, des Templiers, et des Illuminati.

Vous pouvez le commander à l'éditeur ici.

 

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Culte solaire et éloge de la possession

9 Juin 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Généralités Nudité et Pudeur, #Nudité-Pudeur en Europe

Dans "La Saison des apparences, naissance des corps d'été" (eds Anamosa), le sociologue Christophe Granger cible bien la dimension de possession par des entités que revêt le corps estival au contact du soleil aux yeux des auteurs de l'entre-deux guerres.

Il note p. 105-106 que Pierre Laurier dans un article intitulé "Soleil" de la luxueuse "Revue Ford des Sports du monde" (juin 1935, p. 38-39) écrit qu'au soleil "nous devenons parsis, ou, si vous préférez, disciples de Zoroastre, nous adorons le soleil" (pour mémoire c'était là la religion du chanteur Freddy Mercury, de Queen, qui déclarait sur scène avoir passé un pacte avec le diable). Laurier y vante la "douce anesthésie" du cerveau. Roger Ribérac dans Amours de Plage (Gribiche aux bains de mer, 1934, p. 29-30) décrit le fait que  "Le soleil brûle, pénètre la peau, le sang ; on dirait une vie nouvelle qui s'infiltre". Alice Ducaen dans la même veine "Quand il fait bien chaud, quand le soleil tape fort vous fatigue et vous exalte à la fois (....) comme ces choses là vous remuent, vous agitent délicieusement, sans qu'on sache au juste pourquoi,lorsque le soleil vous monte à la tête".

DH Lawrence chantre de l'adultère, en 1926 dans "Soleil" : « Elle sentait le soleil qui pénétrait jusqu’à la moelle de ses os, plus loin encore jusqu’à ses émotions et ses pensées. La sombre tension de ses sentiments se relâcha, les caillots sombres et froids de ses pensées commencèrent à se fondre. Elle sentait enfin la chaleur envahir son être. Elle se retourna pour laisser ses épaules, ses reins, ses cuisses et même ses talons se dissoudre au soleil. Et elle demeurait stupéfaite de la transformation qui s’opérait en elle. Son cœur las et glacé se fondait et s’évaporait au soleil. » La chaleur abolit la lucidité, ajoute le poête Philippe Huc alias Tristan Derème (écrivain d'origine béarnaise) dans Marianne du 10 août 1938, sous le titre "La sirène des vacances" (jetez un oeil aux témoignages sur les esprits de sirènes sur Youtube...)

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Fénelon et les visions de Mme Guyon

5 Juin 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

J'ai fait allusion en mars dernier au quiétisme dans un billet à propos d'un prédicateur protestant provençal.  Le quiétisme est une doctrine mystique consistant en un itinéraire spirituel de « cheminement vers Dieu » caractérisée par une grande passivité spirituelle vis-à-vis de Dieu. Née en Espagne, elle fut relancée par Mme Guyon, laquelle fut condamnée par Bossuet (évêque de Meaux et aumônier à la cour de Versailles) et le pape tandis qu'il était reproché (à partir de 1695) à son ami Fénelon (évêque de Cambrai et précepteur des fils du roi) de ne pas condamner assez fermement le quiétisme. Celui de Mme Guyon avait pour particularité de défendre que tout un chacun, et non pas des natures élues, pouvait par l'oraison du coeur (par la méditation chrétienne ou par la lecture) entrer en union avec Dieu (ce qui n'est pas très éloigné des croyances du yoga, et des sagesses orientales, mais on voit bien quel potentiel luciférien cela recèle).

Comme le résumait l'écrivain Paul Janet au XIXe siècle, dans la méthode de Mme Guyon pour atteindre Dieu : "Il faut que les chrétiens apprennent cette vérité fondamentale que le royaume de Dieu est au dedans de nous. Qu'ils disent leur Pater en pensant que Dieu est au dedans d'eux. Après avoir prononcé ce mot de Père, qu'ils demeurent quelques moments en silence avec beaucoup de respect. Ils ne doivent point se surcharger d'une quantité excessive de Pater et de prières vocales. C'est là le premier degré de l'oraison; le second est l'oraison de simplicité Ou de repos. Aussitôt qu'on a senti un petit goût de la présence de Dieu, il faut en demeurer là sans passer outre; il faut souffler doucement le feu et, lorsqu'il est allumé, cesser de souffler. Il faut y porter un amour pur et sans intérêt. Il ne faut pas se tourmenter des sécheresses. On croit marquer mieux son amour en cherchant Dieu avec sa tête et à force d'actions. Non; il faut qu'avec une patience amoureuse, un regard abaissé et humilié, un silence respectueux, nous attendions le retour du bien-aimé. C'est ici que commence l'abandon ou donation de soi-même à Dieu. Il faut renoncer à toutes les inclinations particulières, quelque bonnes qu'elles paraissent pour se mettre dans l'indifférence, soit pour l'âme, soit pour le corps, soit pour les biens temporels et éternels."

C'était une version édulcorée de ce que l'espagnol Molinos, fondateur du premier quiétisme, avait prôné : l'abandon de toute réflexion, de toute oeuvre et de toute recherche du salut dans la réception passive de la volonté de Dieu, au point qu'on peut laisser son corps au démon sans que l'âme puisse en être atteinte.

Je lisais tantôt justement la réponse de Fénelon à Bossuet sur ce sujet ("Réponse de M. l'archevêque de Cambray [Fénelon] à l'écrit de M. l'évêque de Meaux, intitulé : "Relation sur le quiétisme" "). Il y explique longuement que Mme de Guyon avait toujours déployé une spiritualité irréprochable, au point que Bossuet lui-même n'avait cessé de lui administrer les sacrements après avoir obtenu sa rétractation sur certains points, et que par contre il n'avait jamais connu le fond véritable des visions de cette mystique.

"Madame Guyon, écrit-il, m'avoit dit plusieurs fois qu'elle avoit de temps en temps certaines impressIons mommentanées , qui lui paraissoient dans le moment même des communications extraordinaires de Dieu, & dont il ne lui restoit aucune trace le moment d'après , mais qui lui paraissaient alors au contraire comme des songes. Elle ajoutoit qu'elle ne savoit si c'étoit ou imagination , ou illusion , ou , vérité, qu'elle n'en faisoit aucun cas , que suivant la régie du bienheureux Jean de la Croix elle demeuroit dans la voie obscure de la pure foi , ne s'arrêtant jamais volontairement à aucune de ces choses , qu'elle croyoit que Dieu permettoit qu'on y fut trompé, dès qu'on s'y arrêtoit, & qu'elle n'en avoit jamais parlé ni écrit que pour obéir à son Directeur. La bonne opinion que j'avois de sa sincerité me fit croire qu'elle me parloit sincerement , & je crûs qu'elle pouvoit être tres fidelle à la grâce au mi.lieu même d'une illusion involontaire , à laquelle elle m'assuroit qu'elle n'adheroit point. Loin d'être curieux sur le détail de ces choses, je crûs que le meilleur pour elle étoit de les laisser tomber , sans y faire aucune attention. "

Il compare les visions de Mme Guyon à celles que Satan procura à Ste Catherine de Boulogne pendant trois ans en se déguisant en Jésus et en Marie, selon le catéchisme du P. Burin, ce à quoi ledit catéchisme prônait pour remède l'obéissance à la Sainte Eglise, qui est exactement le parti que Mme Guyon disait avoir pris.

Fénelon témoigne qu'en 1696 il lui fut reproché de n'avoir pas déclaré que Mme Guyon "était ou folle ou méchante puisqu'elle se croyait la pierre angulaire, la femme de l'Apocalypse & l'Epouse au dessus de la mère de Jésus-Christ, & qu'elle croyait former une petite Eglise", et qu'il avait alors répondu que Mme Guyon avait dû mal d'exprimer ou être mal comprise. En réalité ce genre d'extravagance figurait bien dans les manuscrits de la visionnaire, mais Fénelon n'avait pas pris la peine de les lire, et il retournait l'accusation à nouveau contre Bossuet en demandant pourquoi lui qui les avait lus avait continué à donner les sacrements à la mystique.

Selon Fénelon, c'est lui est qui est visé par la polémique et non Mme Guyon : "Une femme ignorante & sans credit par elle meme ne pouvoit faire serieusement peur à personne. Il n'y avoit qu'à la faire taire & qu'à l'obliger de se retirer dans quelque solitude éloignée où elle ne se mêlât point de diriger. Il n'y avoit qu'à supprimer ses livres , & tout étoit fini. C'étoit l'expedient que j'avois d'abord proposé ; mais on le regarda comme un tour artificieux pour sauver cette femme, & pour éviter qu'on ne découvrit le fonds de sa pretendue secte. J'étois déjà suspect & je le fus encore d'avantage : après avoir proposé cet avis. Madame Guyon n'êtoit rien toute seule. Mais c'étoit moi que M. de Meaux (Bossuet) craignoit. "

Fénelon dit s'être reporté aux ascètes anciens -  St Clément d'Alexandrie, St Grégoire de Nazianze - et plus récents comme Jan Van Ruysbroeck, Harphius, Jean Tauler, Ste Thérèse d'Avila, St Jean de la Croix, Balthazar Alvarez, St François de ales ou Madame de Chantal pour montrer qu'il y a souvent des bizarreries dans les visions des mystiques sans que cela en fasse forcément des hérétiques aux yeux de l'Eglise.

Pour Fénelon, le fond du problème est la méfiance de Bossuet à l'égard de la recherche de la béatitude en général qui, du coup, le met en porte à faux aussi avec l'enseignement de St Paul, et de beaucoup d'autres saints. Et d'ailleurs Bossuet lui-même reconnaît dans la controverse que c'est le point décisif.

Concernant la réception passive de la béatitude, Fénelon précise qu'on a exagéré sa position : "Quoi que j'eusse nommé les actes faits dans l'état passif des actes inspirés, je declarois que je n'entendois par cette inspiration que celle de la grâce gratifiante qui est plus forte dans les ames parfaites & passives que dans les imparfaites & actives."    

Il ajoute p. 36 qu'il existe un sens du livre indépendant de ce que son auteur a mis en lui (la distinction d'Umberto Eco entre intentio auctoris et intentio operis). Là distinction est d'importance, car l'enjeu est de savoir si Mme Guyon était digne d'être physiquement brûlée comme Jeanne d'Arc ou pas (la question est posée en toutes lettres) et si Bossuet ou Fénelon ont méconnu leur office de prélats en ayant une attitude trop ferme ou trop modérée sur cette question. Fénelon estime qu'il a eu raison de continuer à Mme Guyon de bons sentiments indépendamment du caractère odieux de ses textes.

Fénelon n'est pas équivoque dans sa condamnation du livre, mais il semble que Bossuet lui ait fait le reproche d'en soutenir certaines hérésies. Le débat tourne alors moins autour de ce que Mme Guyon écrivait que sur certains thèmes généraux auxquels son propos de rattache. A commencer par la question des savoir s'il faut, par moment, ne point trop rechercher la vertu pour ne pas en tirer d'orgueil en la considérant comme un bien qu'on peut acquérir indépendamment de la grâce divine. C'est une idée que Fénelon défend en se réclamant de St François de Sales et d'Alvarez. De même Fénelon croit qu'il faut aimer Dieu "de pure bienveillance... indépendamment du motif de la béatitude" (la béatitude surnaturelle que Dieu ne nous doit pas). Cela n'implique pas qu'il ait été le "Montan d'une nouvelle Priscille", car l'amour gratuit de Dieu est pour lui propre à tous les saints, et n'implique pas un renoncement au salut comme chez les quiétistes.

Ce fascicule est intéressant parce qu'il montre la monstruosité des expériences qui sous-tendent des doctrines erronées (surtout à une époque où les gens avaient facilement des visions - voyez mon billet sur Jacqueline-Aimée Brohon, et l'écho trois siècles plus tôt chez Constance de Rabastens), monstruosité qui n'interdit pas par elle-même l'accès institutionnel à la sainteté catholique comme le montre ce cas étonnant de Ste Catherine de Bologne convaincue elle-même d'avoir été trompée pendant trois ans par le diable...

L'affaire est intéressante aussi sur le rapport de l'intellectuel au visionnaire, l'impact des visions sur le débat rationnel. C'est un point important qu'on retrouve dans divers milieux spirituels. Beaucoup se demandent évidemment ce qu'il faut "faire" des visions des voyant(e)s dans le milieu New Age, dans le bouddhisme, mais aussi au sein du christianisme : dans le protestantisme que valent les vision du mage Swedenborg, ou celles aujourd'hui d'un Allan Rich ou de Sadhu Sundar Selvaraj ? Quid en milieu catholique de Soeur Catherine Emmerich ou de Marthe Robin ? Par delà la question d' "éprouver les Esprits" comme dit Saint Paul, il y a celle de la place à accorder aux charismes comme les dons de vision, ou les dons de guérison, à côté du débat d'idée proprement dit bordé par la valeur dogmatique des Saintes Ecritures. C'est une problématique qui est aussi très présente chez Gougenot des Mousseaux au XIXe siècle dont j'ai parlé sur ce blog en 2015.

La question de savoir comment appréhender les visionnaire (ou ceux qui ont des inspirations "bizarres"),, jusqu'à quel point il faut dissocier le discours qu'ils produisent de leur personnalité intime est aussi d'actualité.

Fénelon se montre dans cette affaire plus souple de caractère que Bossuet. C'est peut-être plus affaire de psychologie que de doctrine. Voltaire eut l'occasion de souligner plaisamment l'effet de contraste à ce sujet en disant que si Bossuet était "l'aigle de Meaux", Fénelon était "le cygne de Cambrai".

Mme de Maintenon, la favorite de Louis XIV,  a estimé que Dieu avait voulu humilier Fénelon qui avait trop confiance en son génie en le soumettant à l'épreuve de la controverse autour de Mme Guyon. Comme le rappelle Janet, la polémique était pourtant partie sur une base assez saine, Fénelon ayant lui-même incité Mme de Guyon à envoyer son manuscrit à Bossuet pour validation. Bossuet connaissait mal les mystiques. Des évêques avaient tenu en 1696 des conférences à Issy, pour poser les principes de l'Eglise sur les sujets controversé, Mme Guyon les avait acceptés et toute la difficulté est venue, selon Janet, de ce que les commissaires s'étaient engagés à publier, chacun de leur côté, un commentaire des articles votés. "C'est de cette promesse que sortirent les deux livres qu'a produits cette controverse : L' Introduction sur les états d'oraison, de Bossuet, et l'Explication des Maximes des Saints, de Fénelon. De là vint le mal. On voulut s'expliquer, et dès lors on ne s'entendit plus".

Le noeud du refus de Fénelon d'approuver l'ouvrage de Bossuet tient au fait qu'il trouvait que Bossuet allait trop loin dans sa proscription de la mysticité (c'est ce qu'on a vu plus haut sur la question de la béatitude).  

La retenue plaintive qu'on sent dans le texte de Fénelon n'aura pas atténué le fiel qui finit par se répandre et lui coûta finalement son siège d'archevêque (alors pourtant qu'au départ le pape lui était plus favorable qu'au très gallican Bossuet). Janet pense que Fénelon n'a jamais vraiment été intéressé par le quiétisme et que cela se sent dans le côté terne de son "Explication des Maximes des Saints" qui tranche avec la beauté de ses autres livres et avec le côté coloré des textes de Mme Guyon. Il avait eu le tort de ne pas suffisamment prévenir les égarements imaginaires de son amie mystique, mais il avait  eu raison ensuite de vouloir défendre sa thèse selon laquelle on doit aimer Dieu indépendamment de la recherche du salut (d'ailleurs le collège papal sur son compte rendit un jugement mitigé). Mais il avait abordé la question d'un point de vue trop "pur", pas assez pratique...

Comme le dit Janet, il faut avoir beaucoup de théologie pour savoir qui avait vraiment raison dans cette controverse. En tout cas le style de ce débat fait réfléchir. Il manifeste à la fois un côté très affectif parfaitement assumé - l'un et l'autre dans leurs échanges n'ont pas hésité à décrire leurs sentiments au vu et au su de tous, comme si cela cautionnait leur sincérité - et en même temps une sorte d'obligation de douceur et de bienveillance qui fait que chacun doit afficher ses bonnes intentions à l'égard de l'autre, et de l'avenir de la communauté chrétienne (l'Eglise, le royaume de France), et montrer en toute humilité que c'est l'autre qui verse dans l'excès et l'injustice sans jamais se laisser aller soi même à l'invective. Il s'agit là d'un impératif lié au catholicisme qui donne à la controverse une tonalité très différente du côté hargneux des débats intellectuels à partir du siècle des Lumières et jusqu'à nos jours. Il est vrai que les prélats étaient très proches, évoluant dans les mêmes cercles de pouvoir, dans les mêmes lieux, auprès des mêmes personnes, et partageant une culture commune. Cette proximité rend le niveau d'argumentation d'autant plus intéressant : ce n'est pas un dialogue de sourds, mais l'équivalent d'un dialogue intérieur qu'un chrétien pourrait avoir avec lui-même. Sur la forme on sent quand même une tension permanente entre le devoir d'humilité et de douceur qu'impose le christianisme et la "libido dominandi" qui résulte de l'habitus intellectuel de prouver qu'on est dans le vrai, d'autant que l'enjeu en termes de statut social est énorme.

A titre personnel j'en retire plutôt l'impression que la notion de "débat intellectuel chrétien" est une contradiction dans les termes. Pourtant elle était imposée aux protagonistes (Bossuet et Fénelon) par les autorités épiscopales elles-mêmes puisque leur débat a été porté jusque devant le pape. L'Eglise a besoin des débats pour clarifier ses idées, et pourtant ces débats sont totalement destructeurs. La même chose se constate dans le giron protestant - je pense au constat du catholique anglais Hilaire Belloc au début du Xe siècle sur l'émiettement des églises protestantes sur les questions dogmatiques qui lui faisait pronostiquer la fin prochaine de ce courant... Le christianisme a besoin du "logos" pour ne pas sombrer dans les égarements charismatiques, celui de l'intellect, mais pas de l'intellectualisme...

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Saint Vincent de Paul et l'alchimiste

5 Juin 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Alchimie

Saint Vincent de Paul, enlevé par des pirates (comme l'avaient été avant lui Jules César et quelques d'autres), sur la mer entre Marseille et Narbonne, fut vendu comme esclave à Tunis d'abord à un pêcheur, ensuite à un médecin (de septembre 1605 à août 1606). Il précise dans une lettre de jeunesse conservée contre sa volonté (car elle mettait selon lui trop en avant son Ego) que ce médecin était un alchimiste  "spagirique, souverain tireur de quintessences, homme fort humain et traitable, lequel, à ce qu'il me disait, avait travaillé l'espace de cinquante ans à la recherche de la pierre philosophale, etc." Il précise : "Il m'aimait fort, et se plaisait de me discourir de l'alchimie, et puis de sa loi, à laquelle il faisait tous ses efforts de m'attirer, me promettant force richesses et tout son savoir. Dieu opéra toujours en moi une croyance de délivrance par les assidues prières que je lui faisais, et à la vierge Marie, par la seule intercession de laquelle je crois fermement avoir été délivré", de sorte que l'espérance de la délivrance (pour retrouver M. de Commet qui avait été son protecteur en Gascogne) le fit s'intéresser plus au moyen de guérir la gravelle, pour laquelle il préparait les ingrédients et les administrait.

Belle image du mépris de l'homme de Dieu pour la sorcellerie. Le film "Monsieur Vincent" de l'immédiat après-guerre déforme de façon mensongère cet épisode de la vie du saint quand il l'évoque.

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Les tatouages ne sont pas "sexy"

2 Juin 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps

Certains chrétiens fondamentalistes disent que les tatouages sont des pactes de sang avec des entités. Et j'ai eu des témoignages de gens sur la signification occultiste de leurs tatouages.

Au niveau statistique, selon l'IFOP 11 % des Français étaient tatoués et 9 % des Françaises (20 % chez les 25-34 ans). En 2016 le taux était passé à 16 % chez les femmes et 10 % chez les hommes (soit 14 % au total).

Et pourtant le tatouage ne fait pas fantasmer. Dans le documentaire "A poil mais stylé" d'Olivier Ghis diffusé par Paris Première hier soir, à la minute 39 le réalisateur de films X Fred Coppula explique, au vu des statistiques d'Internet : "Aux Etats-Unis une nana qui n'a pas de tatouages fais 6 à 7 fois plus clics qu'une nana qui a des tatouages". Voilà un argument profane inattendu contre les tatouages...

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La nudité en France équinoxiale

2 Juin 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Généralités Nudité et Pudeur

Pendant trois ans, de 1612 à 1615, il exista sur l'Ile de Maragnan autour de la ville de Saint Louis une "France équinoxale". Elle a fait suite à la tout aussi éphémère "France antarctique", colonie huguenote située à Rio de Janeiro (1555-1560) sur lequel écrivit Jean de Léry  qui s'y rendit en 1557.

Le capucin Claude d'Abbeville s'y rend en 1612 et rédigea un compte rendu de sa mission.

En p. 269, le P. d'Abbeville fait cette réflexion su la nudité des Indiens Topinamba (chap XLVI).

Il ne se trouve guère de nation tant puisse-elle être barbare qu'elle n'aie recherché de tout temps l'usage des vêtements ou de quelque chose pour couvrir au moins leur nudité : en qui les Indiens Topinamba sont d'autant plus étranges non seulement qu'ils vont ordinairement tout nus comme s'ils sortaient du ventre de leur mère, mais encore de ce qu'ils ne font paraître aucunement qu'ils aient tant soit peu honte ou vergogne de leur nudité.

Si tôt que nos premiers parents eurent mangé du fruit défendu, leurs yeux furent ouverts (dit l'Ecriture) et connaissant qu'ils étaient nus, ils prirent des feuilles de figuier et cachèrent leur nudité pour honte et vergogne qu'ils en avaient.

D'où vient donc que nos Topinamba ayant été faits participants de la coulpe d'Adam et héritiers de son péché, n'ont-ils pas aussi hérité la honte et vergogne (qui est un effet du péché) ainsi qu'ont fat toutes les autres nations du monde ?

On pourrait alléguer pour réponse la très ancienne coutume de ces peuples lesquels de tout temps ont été nus comme ils font, et que pour celui-ci ils n'ont point de honte ni de vergogne de leur nudité, ne s'étonnant non plus de voir le corps tout découvert que faisons ne voyant la main ou la face d'une personne.

Mais je dirai davantage que nos premiers parents ne cachèrent pas leur nudité et ne ressentirent aucune honte ou vergogne d'icelle jusques à ce que leurs yeux furent ouvertes, c'est à dire jusques à ce qu'ils eurent connaissance de leur péché, et qu'ils se virent nus et dépouillés de ce beau manteau de la justice originelle. car la honte ne provient que par la connaissance de la défectuosité du vice ou du péché, et la connaissance du péché ne provient que par la connaissance de la loi, Peccatum non cognovi (di St Paul) nisi par legem. Puis donc que les Maragnans n'ont jamais eu la connaissance de la Loi, ils ne peuvent aussi avoir la connaissance de la défectuosité du vice et du péché, ayant toujours les yeux fermés aux plus profondes ténèbres du paganisme. Et de là vient qu'ils n'ont honte ni vergogne d'aller tout nus sans aucune espèce d'habit ou autre couverture pour cacher seulement leur nudité.

Plusieurs croient que c'est une chose bien monstrueuse de voir ce peuple tout nu et qu'il y a bien du danger de fréquenter parmi les femme set les filles indiennes étant nues comme elles sont, parce qu'il ne se peut faire que cette nudité ne soit un objet bien fort pour attirer ceux qui s'y arrêtent et les faire tomber en quelque précipice de péché.

Il est ainsi que cette coutume de marcher nu est merveilleusement difforme et déshonnête, ressentant infiniment sa brutalité. Aussi le danger semble-il bien grand en apparence, mais en effet je puis dire qu'il a sans comparaison beaucoup moins de danger à voir la nudité des Indiennes que la curiosité des attraits lubriques des Dames mondaines de la France. Car ces Indiennes sont si modestes et retenue en leur nudité que l'on ne voit en elles ni mouvement, ni geste,ni parole, ni action, ni chose quelconque qui puisse offenser les yeux de ceux qui les regardent ; ains êtant fort soigneuses de l'honnêteté en ce qui es même de leur mariage, elles ne feront jamais rien publiquement qui puisse causer scandale ou quelque admiration. Joint que la difformité ordinaire ne donne pas peu d'adversion, la nudité de soi n'était peut-être si dangereuse ni attrayante que sont les attifects lubriques avec les effrénées mignardises et nouvelles inventions des Dames de par deçà, qui causent plus de péchés mortels et ruinent plus d'âmes que ne font les femmes et les filles indiennes avec leur nudité brutale et odieuse.

Et ce qui rend ordinairement les Indiens, soit hommes, soit femmes, d'autant plus désagréables qu'ils s'imaginent beaux, est qu'ils se peignent le visage et tout le corps de diverses couleurs. Vous leur voyez quelquefois la face toute bigarrée de rouge et de noir, quelquefois ils n'en peignent qu'un côté et la moitié du front avec la joue qui est à l'opposite, laissant le reste en son naturel : Ainsi vouez vous leur corps plein de diverses figures devant et derrière, depuis la tête jusques aux genoux, comme s'ils étaient vêtus de pantalon fait d'un satin noir figuré et découpé, ayant les mains et les jambes toutes noires de suc de junipap.

Ce n'est pas toutefois qu'ils soient toujours peints et figurés, cela est quand bon leur semble : et s'il y en a de plus coutumiers les uns que les autres à s'y plaie, ce sont principalement les jeunes filles qui prennent plaisir à se bigarrer et figurer ainsi tout le corps en diverses façons, chacune selon sa fantaisie.

lls ne se peignent pas toujours eux-mêmes, mais ils s'entreparent et figurent ainsi les uns les autres : les filles êtant les plus addrextrées et celles qui sont les plus ordinaires à ce métier. Et bien qu'elles 'aient jamais appris à pendre, vous seriez néanmoins étonnés de voir la diversité des belles figures qu'elles font sur les corps.

Vous verrez quelquefois un jeune homme tout deout les deux mains aux côtés et auprès une fille à genoux ou assise sur un talon avec un couy (espèce de vaisseau fait de la moitié d'un fruit) dedans lequel est une peinture, tenant en sa main un petit bout de pindo qui sert de pinceau dont elle tire les traits sur le corps d'icelui aussi droits que si elle avait une règle, et aussi dextrement que pourrait faire un peintre : si bien que faisant de telles figures qui lui plait vous n'y verriez pas un point passer l'autre.

Néanmoins il s'y trouve quelquefois des femmes lesquelles tenant un miroir en main gauche et en l'autre un petit pinceau de pindo, se peignent elles mêmes la face avec autant de curiosité que les Dames mondaines se fardent par deçà, faisant des petits traits de junipap au lieu des sourcils qu'elles ont arraché : c'est en cela qu'elles passent une bonne partie du temps, s'estimant bien braves d'être ainsi bigarrées.

Pour le regard des plus valeureux et grands guerriers, ils ont coutume, à ce qu'ils soient plus estimés entre ceux de leur nation et redoutés de leurs ennemis, de prendre un os de la jambe de quelques certains oiseaux, qu'ils assillent comme rasoirs, avec lequel ils se gravent et figurent le corps de diverses façons.

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