Quelques notes sur l'eschatologie protestante contemporaine
L'eschatologie protestante sur le Net est souvent le fruit de vulgarisateurs pas forcément très habiles, comme Pierre Gilbert que nous avons récemment cité, eux-mêmes se fondant sur des ouvrages destiné grand public. Cela ne rend pas cette prédication pour autant fausse, le christianisme n'étant pas par essence associé à des dispositions philosophiques (il s'agit "simplement" d'une affaire d'élection - voir l'élection des apôtres). Je voudrais revenir sur cette eschatologie en prenant juste en note cu dessous quelques aspects des enseignements de Jean-Marie M.A Chevrier (par exemple son enseignement sur l'enlèvement de l'Eglise à partir de la prédication paulinienne 1 Thessalonicien 4), un ancien catholique, sur l'Apocalypse et sur le rôle de l'Eglise catholique dans la venue de l'Antéchrist (pour m'en tenir à ce seul aspect de l'Apocalypse). Je prends juste quelques notes cursives dans l'idée de redécortiquer cet enseignement plus tard.
Jean-Marie M.A Chevrier explique l'enlèvement de l'Eglise (corps mystique de Jésus qui ne correspond à aucune réalité humaine identifiable, plus précisément, il concerne l'Epouse en son sein) : elle aura lieu au son de la dernière trompette au moment de la résurrection des morts. Le retour de Jésus aura lieu après l'apostasie et l'apparition de l'Antéchrist qui s’assoit dans le 3e temple (2 Thessalonicien 2). Celui-ci signera d'abord un traité de paix entre Israël et ses ennemis après la bataille de Gog et Magog (Ezech 39,1, Apoc 20,7), vers la fin de la première partie de la grande tribulation (3 ans et demi sur les deux parties de cette tribulation). Dans la seconde moitié de la seconde tribulation Israël est châtié et Christ pose, à la fin, son pied sur le Mont des Oliviers et commence le Millénium avec l'Epouse et les croyants non enlevés qui auront persévéré dans la foi malgré la persécution par l'Antéchrist qui les décapite, ainsi que 144 000 Juifs marqués par le sceau de Dieu. Les noces de l'Agneau, mariage de Christ avec son Epouse aura lieu sur Terre (et non pas pendant le châtiment de son peuple dans la Tribulation). L'Epouse enlevée, et les cinq vierges folles restées fidèles pendant la Tribulation ainsi qu'Israël converti (Ephésien 2,14).
Pour mémoire la guerre de Gog et Magog qui est souvent vue maintenant comme une coalition de nations arabes et de l'Iran sous la direction de la Russie. Dans l'Univers en 1912 l'architecte Ragatien Le Mail voyait en Gog et Magog les nations musulmanes au vu de l'arrivée massive des Juifs en Palestine depuis janvier 1910. Pour Grotius (17e s) c'étaient les Perses, pour Me Gossuin au 13e s, l'Inde, pour St Ambroise, les Goths.
Dans ce dispositif, l'Eglise catholique ne semble pas devoir compter d'élus. Selon la vision de l'histoire de JM Chevrier, cette Eglise (dans laquelle certaines sources de Chevrier voient la grande prostituée d'Apocalypse 17) est discréditée par les meurtres de l'Inquisition à laquelle a succédé la Congrégation pour la doctrine de la foi qui a pour préfet depuis le 1er juillet 2017 le jésuite espagnol Luis Francisco Ladaria Ferrer. Le conférencier rappelle que Samuel Morse, inventeur du code, en 1835 dénonça dans Foreign Conspiracies against the liberties of the United States une mission religieuse pour renverser la république américaine. Les jésuites ont le soleil comme symbole, et dirigeraient le téléscope "Lucifer" en Arizona depuis 2010 sur une montagne sacrée indienne (c'est aussi un jésuite formé en Arizona qui dirige l'observatoire du Vatican). Les jésuites selon JM Chevrier seraient liés à des mafias, et aux Rothschild. Ils seraient derrière de nombreuses guerres. Chevrier renvoie à Jules Marcel Nicole dans son Précis d'Histoire de l'Eglise,et à Eric Jon Phelps ("Vatican assassins") sur la création des Illuminés de Bavière par Adam Weishaupt un jésuite (Eric Jon Phelps est un homme tout de même un peu excessif, sur son site il explique sans rire que les trois plus grands Jésuites du Vatican, dont le pape Francis, dirigent les plus armées des plus grands pays du monde - sic). En 1754 c'est le collège des jésuites de Clermont qui aurait écrit le rite écossais. Alberto Rivera aurait révélé que le général jésuite de l'époque était communiste et franc maçon. Le pape Jean XXIII et Jean-Paul II auraient été francs maçons.Chevrier renvoie aussi à Schnoebelen. "Skull and bones", société secrète de l'université de Yale fondée en 1833 dont les Bush firent partie, aurait aussi quelque chose à voir avec tout cela. "Le nouveau gouvernement mondial verra sa réalisation en Europe après la chute des Etats-Unis" prophétise JM Chevrier. L'empire romain catholique avec ses deux branches Rome et Constantinople de l'empire romain renaîtront avec l'empire ottoman (Daniel 2,37) avec l'intégration de la Turquie à l'Union européenne (Apoc 17,6).
Il est vrai que la vision catholique est de plus en plus hostile à l'idée qu'un jugement séparera les bénis des maudits que ce soit au stade de l'enlèvement (auquel le catholicisme ne croit pas) au stade du jugement dernier. Sur KTO TV cette semaine Mme Thabut expliquait (comme beaucoup de prêtres) que dans Mathieu 25:31-46 quand Jésus dit : "il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche", il s'agirait en fait de trier le bon grain de l'ivraie dans le coeur de chacun d'entre nous... Les protestants lui répliqueraient sans doute : Et dans Matthieu 24:41 " Deux femmes seront au moulin en train de moudre : l’une sera prise, l’autre laissée." s'agit-il aussi d'un tri "à l'intérieur" de chaque individu ? En outre certaines prophéties catholiques sur la fin des temps semblent assez différentes de celle de la Bible (voir celle de La Salette).
On reviendra sur tous ces sujets.
Goldorak et le 5e commandement
L'auteur de Goldorak, qui déplaisait beaucoup aux adultes dans les années 1980, et dont la sensibilité est empreinte d'obsession sexuelle et de sorcellerie, déclare dans Le Monde "« “Goldorak” offrait aux enfants la possibilité d’être plus forts que leurs parents ». "Les enfants se sont mis immédiatement dans la peau d’Actarus, comme s’ils allaient eux aussi pouvoir déployer une force incroyable. Goldorak leur offrait la possibilité d’être plus forts que leurs parents. Les enfants rêvent tous de devenir adulte le plus rapidement possible. Soudainement, un robot leur permettait de sauter plusieurs étapes."
Sur la valorisation du démoniaque dans la culture populaire
Toute l'imagerie diabolique est très valorisée dans la culture du divertissement de masse.
Dans l'émission "On n’est pas couché" diffusée sur France 2 le 18 novembre dernier, le chroniqueur Yann Moix, qui a « adoré » l'album "French Touch" dont la chanteuse et épouse d'un ancien président de la République Carla Bruni était venue faire la promotion, a rendu hommage à l’artiste en se disant « étonné » qu’elle n’ait pas livré une version revisitée de Sympathy for the Devil des Rollings Stones [elle a en revanche repris Miss You] et d’ajouter : « car pour moi, vous êtes le diable ». "Face à la mine interloquée de Carla Bruni, il a embrayé : « C’est un compliment. » " précise le journal 20 minutes du 20 novembre dernier à ce sujet, en ajoutant que la chanteuse a beaucoup apprécié le compliment.
Il y a un mois, le chroniqueur Guy Carlier dont les interventions à la radio sont principalement fondées sur la complaisance narcissique - voir son texte sur la maladie de Bernard Tapie principalement destiné à rendre hommage à la culture de gosse de banlieue qu'il partage avec lui - évoquait, après une blague censée mêler salacité et autodérision dans la veine des goûts de l'intelligentsia urbaine contemporaine, sa crainte du vieillissement en avouant qu'il assistait régulièrement aux concerts des Stones.
Dans "Season of the witch" Peter Bebergal, qui est pourtant un admirateur de la "spiritualité" de la pop music des dernières années détaillait les pratiques occultistes des Rolling Stones dans les années 60 (pratiques qui en principe créent des liens indissolubles). En 2016 au Brésil les Stones affichaient aussi des pentagrammes et un Baphomet dans leur concert.
"Le christianisme aux trois premiers siècles" de Jean-Henri Merle d’Aubigné (1794-1872)
Je lisais ce matin "Le christianisme aux trois premiers siècles" du pasteur suisse protestant Jean-Henri Merle d’Aubigné (1794-1872). Le début du livre est très tributaire de l'historiographie de son époque, et partage les mêmes simplifications du regard catholique : à la fin de la République romaine le polythéisme était usé jusqu'à la corde, la philosophie trop élitiste et sans prise sur la vie même des penseurs (voir Sénèque) ne pouvait lui offrir d'alternative, bien qu'elle eut donné quelques notions d'élévation morale. Il se détache du catholicisme après avoir parlé de la grandeur des apôtres. Pour lui le christianisme sombre avec les pères de l'Eglise quand il cherche à devenir religion d'Etat, c'est-à-dire, religion à rompre le rapport individuel de la conscience à Dieu.
D'autres ouvrages protestants recensés ici. Pour lui la persécution des martyrs est l'essence du paganisme (et c'est pourquoi le catholicisme eut tort de se faire persécuteur - d'Aubigné a aussi écrit de belles pages sur le supplice d'Hamilton en Ecosse -dans Ecosse, Suisse,Genève ch V, et sur le côté persécuteur du catholicisme "à la française" à Londres sous Charles Ier). En ce qui concerne les hérésies, pour lui Simon le Magicien est un précurseur des nicolaïtes condamnés par l'Apocalypse, mais il voit aussi des ferments d'hérésie aussi dans l'ascétisme dans l'épître aux Colossiens de Paul. pour d'Aubigné les ébionites sont une hérésie judaïsante et le gnosticisme une hérésie orientalisante, un "dualisme par émanation" qui postule une démiurge mauvaise émanation de Dieu et auteur de la matière renversé par un Christ immatériel (un "Eon"). Les premiers pères apostoliques (Clément Romain, Ignace, Polycarpe, Barnabas, Hermas, Papias) sont des auteurs naïfs. L'école philosophique d'Alexandrie et du Maghreb ne viendra que plus tard. déjà Clément d'Alexandrie reparle de "mériter par la charité" et oublie la doctrine paulinienne de la grâce. Ignace après lui est dans la soif sacrificielle très différente du langage de Paul (Clément d'Alexandrie et Cyprien condamnent cet empressement en expliquant qu'un chrétien qui choisit le martyr se précipite sans attendre que Dieu l'y appelle) et défend une soumission aux évêques. Polycarpe cite plus le Nouveau testament, mais lui aussi abandonne la justification par la foi. Hermas introduit la pénitence organisé et la casuistique. La tradition commence à supplanter la parole (p. 120).
Dans les persécutions antichrétiennes il y a la violence, le dénigrement gratuit. Et puis cette opposition de l'école platonicienne d'Alexandrie. Certains platoniciens comme Justin et Clément sont devenus chrétiens, mais l'école d'Alexandrie les détesta, parce qu'elle était proche d'eux, comme les jansénistes détestèrent les protestants parce qu'ils leur ressemblaient. Celse avec son Discours Véritable vers 150 est de ceux là. Attaquant la religion avec des arguments confus et absurdes, il essaie de faire voir dans le paganisme quelque chose de sublime et de pur, dissimulant les histoires scabreuses des dieux et les pratiques douteuses. Hélas le XVIIIe siècle allait les réhabiliter, par exemple Voltaire faisant l'apologie de l'empereur qu'ils façonnèrent : Julien (p. 185). Lucien est plus sceptique sur les vertus du paganisme, meilleur connaisseur du christianisme, mais sa raillerie des martyrs semble empêtré dans la maladresse. "c'est une coutume diabolique de faire de l'antiquité un argument en faveur du mensonge ; les voleurs et les adultères pourraient aussi se targuer de leur antiquité" (Augustin, Questions sur l'Anc. et le Nouv. testament) Les païens sont sur l'oreiller de paresse qui les décharge du devoir d'examen devant lequel les pères de l'Eglise mettent les chrétiens en les exhortant à lire les textes (par exemple Chrysostome ou Cyprien p. 198). Les pères qui raillent les décrets du Sénat portant les empereurs au Ciel sont aux antipodes du l'éloge des saints divinisés dans le Génie du christianisme de Châteaubriand. Minutius Félix refuse les images. Pour Origène les temples sont nos corps, où chacun oeuvre comme un Phidias. Point de temple dans la Jérusalem céleste (Apoc 21:22).
Le christianisme d'Orient était intellectuel comme celui d'Occident était pratique, comme au 19e siècle la dualité entre l'Allemagne et l'Angleterre (p. 214). Origène qui avait le tort d'être trop ascétique se distingua par son goût de l'Ecriture (il corrigea beaucoup la Bible altérée) et son assistance aux martyrs. Il fut excommunié pour sa croyance en une vie antérieure dans le ciel (et une vie postérieure dans d'autres dimensions, toutes marquées par la chute). Au IIIe siècle se développe le catholicisme en lieu et place de l'évangélisme. Ce n'est pas encore le papisme. Face aux hérésies, les formes et les lois (l'adoration des lieux et des hiérarchies) supplantent l'esprit. Cyprien de Carthage est à la fois un chrétien léger et un prêtre ascétique lourd (traditionaliste, sacramentaliste. Dans l'église aussi il y a la démocratie (le presbytérisme), l'aristocratie (l'épiscopat) et la monarchie (la papauté). A l'époque de Cyprien, ce fut la lutte entre les deux premières formes, avant que le procurateur romain ne lui coupe la tête.
Le livre de d'Aubigné est très subtil et agréable à lire et je le recommande aux internautes oisifs.
La Virgini pariturae à Chartres
J'écoutais sur You Tube récemment le début d'une conférence d'une catholique devenue historienne sur le tard, Mme Marion Sigault, donc des accents hélas ne sont pas toujours très harmonieux à l'oreille, et qui évoquait les mentions de la "vierge mère" en Gaule avant même l'ère chrétienne, ce qui me rappelait des remarques d'Epiphane de Salamine sur le culte de Vierge dans le paganisme proche-oriental.
Ce soir je lisais des annotations précises sur la dévotion à cette Vierge pré-chrétienne à Chartres sous la plume de l'abbé Bulteau dans son Manuel du pèlerin à ND de Chartres (Domina carnotensis) en 1855 : "D'après la tradition constante de l'église de Chartres, l'emplacement actuel de la cathédrale était, cent ans avant l'ère chrétienne, un lieu consacré à la Vierge Mère. Là se trouvait un bocage sacré et une grotte où les Druides, prêtres des anciens Gaulois, élevèrent une statue avec cette célèbre inscription : Virgini pariturae, à la Vierge qui doit enfanter ; ils attendaient de cette Vierge le salut moral et intellectuel du genre humain". La Vierge de Chartres est ainsi au nombre de ces signes avant-coureurs du christianisme comme la prophétie prêtée à Virgile dans son discours Pollio et dans ses Buccoliques sur la venue du Sauveur.
Bulteau rappelle que le rabbin Drach converti au christianisme fit un inventaire de ces présences des vierges mères avant l'heure, que l'on trouve aussi dans Esaïe VII,9. En ce qui concerne les vierges druidiques, il y en eut dans beaucoup d'endroits dit le P. Bulteau qui ne voit d'ailleurs pas de difficulté à voir aussi dans le culte des druides pour Isis (après la romanisation) un prolongement de l'attente du culte marial (même si Isis n'a rien d'une vierge).
Charles VII en 1452 accorde ses lettres de pardon données à Loches "en pitié et en faveur de ladite église de Chartres, laquelle est la plus ancienne église de son royaume fondée par prophétie en honneur de la glorieuse Vierge Marie avant l'incarnation de nostre Seigneur Jésus-Christ".
Le P. Bulteau n'hésite pas à décrire un St Savinien et un St Potentien envoyés à Sens par St Pierre découvrir le culte druidique à la vierge mère et leur annoncer que cette vierge existait désormais. Mais Potentien est un martyr du IIIe siècle... L'abbé Bulteau reproduit en fait l'en-tête du Cartulaire de l'église ND de Chartres qui est de 1389.
Une légende allait perdurer selon laquelle la statue druidique de cette vierge (une vierge noire) avait été conservée sous le nom de "Notre Dame sous Terre" jusqu'en 1793. Elle était placée dans une crypte et eut beaucoup de succès, au XIIe siècle notamment lorsque le "feu sacré", cette maladie mystérieuse, gagna beaucoup de Français (vers 1130). " La crypte, œuvre de Fulbert, où se trouvait la statue druidique, note Bulteau, avait treize chapelles; la plus remarquable était celle de Notre-Dame sous-terre ; elle se trouvait sous le latéral gauche du chœur, à la hauteur de la chapelle actuelle de la Vierge noire du Pilier. Les rois et les princes, hôtes assidus de la sainte grotte, se plurent à l'embellir par les présents de leur généreuse piété. " AJM Hamon onze ans plus tard allait détailler le rapport des différents rois de France à ND de Chartres.
Oui, mais voilà. Aucune référence à cette Virgini pariturae avant 1389... Comment en trouver des traces plus anciennes ?
Daniélou sur les transes de la "pop culture" et du rock
"La musique que l'on peut appeler rituelle ou magique a pour but d'établir une communication avec l'invisible, avec les forces transcendantes qui régissent le monde, avec les principes cosmiques, le monde mystérieux des esprits et des dieux. Ce sont ces formes de musique qui sont à la base de tous les rites extatiques, de toutes les pratiques magiques. Il n'existe aucun rite qui ne comporte un élément sonore.
Toute musique construite selon les lois naturelles de l'acoustique et de l'audition présente en fait des possibilités magiques et des aspects rituels, mais il existe des formes sonores qui servent uniquement à la communication avec l'invisible.
C'est grâce aux parallélisme existant entre formules musicales et celles qui sont à la base des structures de la matière et de la vie que l'on peut réaliser l'évocation des êtres subtils que nous appelons des esprits et des dieux, et leur permettre de se manifester et d'agir. Les danses extatiques sont un moyen d'établir des contacts avec les forces surnaturelles qui peuvent alors s'exprimer par la bouche du danseur qui paraît possédé par un esprit. C'est ce qui se passe dans les danses de possession et dans les anciennes pratiques de caractère dionysiaque que nous pouvons toujours aisément observer de nos jours dans le zikhr du Moyen-Orient et les danses des sorciers africains. Ces danses utilisent des formes rythmiques qui créent un état de semi inconscience. Puis de subites ruptures de rythme provoquent un choc psychologique qui mène à l'état de transe dans lequel la personnalité du danseur s'efface, devient alors perméable à des influences extérieures qui s'incarnent en lui.
Curieusement, dans l'Occident moderne, la musique qui présente certaines données qui se rapprochent de celles de la musique extatique ne se rencontre plus dans les lieux de culte mais dans de tout autres lieux tels que les discothèques où les danseurs éprouvent cette sorte d'isolement hypnotique, nécessaire à l'expérience mystique, qui, s'il était mieux dirigé, pourrait aboutir à la perception de réalités supra sensorielles. Les dieux sont beaucoup plus proches de l'exaltation des séances de rock que des fades cantiques des églises et leurs chorales bien disciplinées, de même que les hippies vagabonds sont bien plus proches des mystiques errants, des fous de dieu, que les moines frustrés calfeutrés dans de riches monastères".
(Alain Daniélou, Shivaïsme et tradition primordiale, Editions Kailash, 1986, p. 131-132) Passage très anti-clérical sur la fin mais qui est assez exact dans son analyse du phénomène du rock. Sauf qu'à la place de Daniélou, je n'aurais pas écrit "curieusement". Quand on sait ce que le rock doit à l'occultisme et à des médiums comme Aleister Crowley, on ne trouve pas "curieux" que cette musique s'apparente aux transes proche-orientales et indiennes. Et je n'aurais pas rapproché cela des "fous de dieu", car dans le monde byzantin il y a eu un vrai débat sur la question de savoir si ces ermites errants adeptes de la provocation étaient des hommes de Dieu et des possédés. Souvent la question fut tranché d'après des principes assez canoniques, surtout sur leur aptitude à chasser des démons. Que je sache cela n'a pas été le cas des "hippies vagabonds"...
J'ai jeté le livre de Bebergal "A season of the witch" qui était trop favorable à l'influence de l'occultisme sur la pop culture.
Les seins au Grand siècle
Des journalistes, sous l'influence d'un certain féminisme, me demandent parfois si les seins sont des organes sexuels.
Pour éclairer la question, un petit détour par le Grand Siècle français :
La Princesse Palatine (et non pas Saint-Simon comme l'écrit par erreur Aimé Richardt dans son livre sur Bossuet en p. 150), n'hésitait pas à traiter Mlle Choin (Marie-Thérèse Emilie Joly de Choin dite "la Chouin"), favorite du Grand Dauphin dans les années 1690 de "vieille guenipe" dans une lettre à la princesse de Galles, et, dans une lettre à la princesse Louise, elle ajoute « Elle était petite elle avait de petites jambes, un visage rond, un nez court et relevé, une grande bouche remplie de dents pourries qui avaient une puanteur telle qu'on pouvait la sentir à l'autre bout de la chambre. Elle avait une gorge horriblement grosse, cela charmait Monseigneur, car il frappait dessus comme sur des timbales. » Les timbales étaient des tambours à caisse d'airain, pour l'usage de la cavalerie, attachés de chaque côté de la selle du timbalier. Les régiments, dit Furetière, n'ont droit d'avoir des timbales que quand ils les ont conquises, ou tant qu'ils les conservent... Les gros seins plaisaient donc au Grand Dauphin.
Et dans le "Médecin malgré lui" de Molière au début de la scène IV de l'acte II, Sganarelle s'exclame devant la nourrice Jacqueline: "Ah ! nourrice ! charmante nourrice, ma médecine est la très humble esclave de votre nourricerie ; et je voudrais bien être le petit poupon fortuné qui tétât le lait de vos bonnes grâces" et il lui porte la main sur le sein. Donc, pas de doute, on voit bien à quoi les seins servaient à l'époque de Louis XIV...
Bossuet et la théorie de la grâce
Si vous croisez un protestant aujourd'hui, évangélique ou pas, il vous dira que ce qui est important c'est que le sacrifice de Jésus nous a sauvé de tout péché et que, dès lors, nous n'avons plus à culpabiliser sans cesse ni à tenter de gagner notre salut (qui est déjà gagné) par les prières ou par la charité (les oeuvres). Eviter le péché et nous appliquer dans les oeuvres ne peut que nous aider à fermer des portes aux démons (qu'on ouvre par ailleurs sans cesse parce qu'on ne peut éviter de pécher) mais pas à nous sauver, car le salut vient d'ailleurs, du sacrifice surnaturel du Verbe incarné survenu à Jérusalem sous le règne de l'empereur romain Tibère.
Cette doctrine, dite "doctrine de la grâce" est une heureuse redécouverte, il y a 500 ans, d'un propos archi-martelé par Saint Paul et qu'on trouve aussi ailleurs dans le Nouveau Testament.
Ce que l'on sait moins (et pour ma part je le découvre dans l'agréable livre d'Aimé Richardt "Bossuet, conscience de l'Eglise de France" p. 137 et suiv.), c'est que Jacques-Bénigne Bossuet, brillant prédicateur à la cour du roi très catholique (et très païen par bien des côtés) Louis XIV et grand maître de la langue française comme le savent bien les lettrés, a écrit un ouvrage en 1671 qui donnait raison à la doctrine de la grâce de Luther : l'Exposition de la doctrine de l'Eglise catholique (que Bossuet publia à l'instigation du Maréchal de Turenne, protestant converti au catholicisme).
Il ne l'a pas fait à titre isolé, dans le cadre d'une spéculation personnelle, mais en sa qualité de protégé du roi, après avoir obtenu l'approbation de son texte par plusieurs évêques (à l'époque nommés par le roi). Richardt explique que cette réflexion était parfaitement conforme aux décisions de Concile de Trente. Le livre fut traduit en plusieurs langues et Louis XIV allait même le faire distribuer aux calvinistes après avoir révoqué l'édit de Nantes, car la monarchie française avait à coeur de réintégrer tout le protestantisme dans une église chrétienne unifiée.
Beaucoup de protestants, notamment les ministres de Charenton, accueillirent favorablement le livre et proclamèrent que si le livre ne reflétait pas le seul point de vue de son auteur (or le pape Innocent XI le valida en 1679) ils n'avaient plus de raison de rester en dehors de l'Eglise catholique.
Richardt sousentend qu'ensuite les théologiens protestants Claude, Daillé, Alix, de Langle, de La Bastide et Noguier montèrent au créneau en dénonçant une manoeuvre intéressée de Bossuet et de ses soutiens, uniquement dans un but d'autodéfense corporatiste ou sectaire. Exagère-t-il ? Bossuet allait-il autant que cela dans le sens du protestantisme et est-on passé à deux doigts d'une réunification des Eglises, à ce moment là, en France ? Il faudrait lire l'ouvrage sur Gallica pour vérifier cela point par point. Mais on ne peut pas soupçonner Bossuet, qui était profondément un homme de Dieu - même si Richardt note à juste titre qu'il le fut moins face aux débauches de Louis XIV que le prophète Nathan face à celles du roi David - d'avoir écrit sous l'inspiration d'une pure Realpolitik. Il est étrange en tout cas que la main tendue de la monarchie française ("fille ainée" de la papauté) aux protestants soit allée si loin (car poussée au bout de sa logique elle aurait entraîné un profond changement de l'Eglise française catholique). Il est probable que ni les catholiques ni les protestants de notre époque n'aient pas connaissance de cet épisode et n'aient donc pas l'occasion de méditer à ce sujet. Une piste de réflexion à creuser ?