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Oublier les médiums

31 Octobre 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Médiums, #Christianisme

Je sais d'expérience que les médiums et grands voyants (de renommée internationale ou locale) ne sont aimables que tant qu'on leur sert docilement la soupe et flatte leur égo. Tant que vous allez dans leur sens, ils se présenteront comme des parangons d'amour universel et vous décriront vous-même comme un être lumineux qu'ils sont ravis d'aider. Commencez à douter des sources de leur inspiration et ils vous rayeront de leur carnet d'adresse avec une muflerie qu'aucun psychanalyste n'égalerait ( alors que les médiums se disent pourtant comme eux des thérapeutes). En somme ce ne sont pas les rois du dialogue constructif ni du respect des divergences, et l'on comprend pourquoi, leur don ne s'étant la plupart du temps forgé que dans une grande solitude. Voilà qui devrait encourager leurs clients à ne pas perdre trop de temps avec eux. Lorsque l'essentiel des messages des "Guides" ou des "esprits" ont été communiqués, il faut savoir chercher vers d'autres horizons. De toute façon le "développement personnel" que ces visionnaires promettent, avec toutes ses connotations petites bourgeoises, ne saurait être une fin en soi. Le véritable objectif est que le meilleur ordre universel possible se réalise, un ordre qui, en tant que tel, ne peut pas être antagoniste de nos aspirations profondes, lesquelles il nous suffit de retrouver, en dialogue avec l'au-delà, par d'autres intermédiaires que les médiums. On en connaît les techniques : l'écoute des synchronicités, l'ouverture des chakras, la respiration, la concentration, la prière, l'écoute des rêves.

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Esotérisme languedocien

30 Octobre 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Médiums, #Christianisme, #Histoire secrète

Lorsque j'entends le mot "cathare", je repense souvent à cette description que fait Céline dans "D'un Château d'Autre" d'un évêque "cathare" autoproclamé à Sigmaringen. Toutes les spéculations ésotériques autour de cette hérésie ont souvent eu le ridicule et l'abjection morale de cet évêque.

J'y songeais encore en lisant Rennes-le-Château: le dossier, les impostures, les phantasmes, les hypothèses (1988) de Gérard de Sède où l'occultisme et l'ésotérisme occitan hantent toutes les pages. Je n'ai pas d'avis définitif sur ce livre qui réduit peut-être un peu trop l'énigme de Rennes-le-Château à de dérisoires affaires de politique habsbourgeoise, un peu comme d'autres ne voient dans les sociétés secrètes que des repères d'espions des services secrets. Mais il n'est pas mauvais de découvrir une histoire intriguant à travers toute la malhonnêteté et toute la rouerie stupide que les mythomanes de tous horizons sont susceptibles d'y investir (et il est vrai que l'ésotérisme se prête particulièrement à ce genre de délire, en cela il est à bon droit considéré comme un terrain de prédilection des démons).

Je suis venu à m'intéresser à Rennes-le-Château en lisant une mise au point qu'une écrivaine espagnole avait faite sur l'histoire de la Catalogne (où j'ai quelques origines lointaines et encore de la famille). J'y ai trouvé la triste histoire du premier comte de Barcelone, Bera, nommé par Charlemagne, puis exilé de force par les Francs à Rouen (ce que les Normands ne savent sans doute pas). Ce nom de Bera, cherché sur Google me renvoya à des groupes de discussion passionnés qui débattent sur Rennes-le-Chateau où l'abbé Bérenger Saunière fit fortune, il y a cent ans, grâce à de mystérieux manuscrits ésotériques, une affaire qui inspira le Da Vinci Code (Saunière est le nom de l'érudit français tué dans le roman de Dan Brown).

De Sède a peut-être raison de douter du fait que les manuscrits de Saunière portent vraiment une révélation d'une importance capitale pour notre époque autant qu'il doute (mais là dessus je crois qu'il a tort) de l'apparition de Sainte Vierge à La Salette. En tout cas, l'histoire de Rennes-le-Château, comme celle de la Catalogne, a le mérite de nous plonger dans le monde wisigothique de la Novempopulanie et de la "marche hispanique" de l'empire franc, un monde peu visible depuis Paris et donc gommé de nos manuels d'histoire. C'est un bon moyen de "dépayser son regard", préalable nécessaire à toute méditation sérieuse.

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La passion du Christ et le centurion arabe

16 Octobre 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme

Dans ses visions de la passion du Christ, la bienheureuse Anne-Catherine Emmerich voit à un moment le centurion romain être relevé par un centurion arabe qu'elle appelle Abenadar et qui, selon elle, allait ensuite être surnommé Ctéphison.

Elle le dit originaire de l'Arabie nabatéenne (l'actuelle Jordanie), qu'elle nomme à tort Arabie heureuse (l'actuel Yémen). Il avait relevé le chef d'un détachement de cent hommes, à la tête lui-même de 50 hommes (p. 170) alors que les ténèbres entouraient déjà le Golgotha (éclipse solaire). A l'instant de la mort de Jésus, il reçoit la Grâce qui lui révèle que Jésus était vraiment Dieu incarné, donne son cheval et sa lance à son adjoint Cassius-Longin, et va dans la vallée de Gihon annoncer aux apôtres cachés la mort de Jésus et sera de ceux qui porteront en civière le cadavre. Puis il aurait évangélisé l'Espagne avec Jacques le majeur.

Un texte postérieur de Brentano précise les visions de la bienheureuse à son sujet le jour de sa fête. Un certain LD Alford lui a consacré un roman en 2008 et Fabio Sartor joue son rôle dans la Passion du Christ de Mel Gibson en 2004 (11ème rôle).

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Ishtar dans le Livre de Nahum (Bible)

14 Octobre 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Ishtar, #Christianisme, #Anthropologie du corps, #Histoire des idées, #Histoire secrète

"14 - Voici ce que le Seigneur a décrété contre le roi de Ninive : Nulle descendance ne perpétuera ton nom. De la maison de tes dieux je supprimerai les idoles, qu’elles soient sculptées ou en métal fondu. Je te prépare un tombeau car tu es méprisable. "

Le chercheur indépendant Grégory Dean Cook dans son étude "Nahum’s Use of Ambiguity and Allusion to Prophesy the Destruction of Spiritual Powers" (accessible ici) montre dans son chapitre 5 que les imprécations du prophète Nahum contre Ninive sont d'abord des attaques contre ses dieux pour détruire leurs pouvoirs, aussi bien celui du dieu tutélaire du pouvoir assyrien, Assur, que celui d'Ishtar la déesse de sa capitale, Ninive.

Commençons par citer les passages qui nous intéressent :

2 / 8 : "La Princesse est déportée ; ses servantes sont emmenées, elles gémissent comme des colombes, elles se frappent la poitrine. "

3 / 4-7 :"04 Voilà pour les prostitutions sans nombre de la Prostituée, belle et pleine de charme, maîtresse en sortilèges, prenant des nations dans ses filets par ses prostitutions, et des peuples par ses sortilèges !

05 Maintenant je m’adresse à toi – oracle du Seigneur de l’univers – : je vais relever ta robe jusqu’à ton visage, j’exhiberai ta nudité devant les nations, devant les royaumes ton infamie.

06 Je vais jeter sur toi des choses horribles, te déshonorer, te donner en spectacle.

07 Tous ceux qui te verront s’enfuiront en disant : « Ninive est dévastée ! Qui la plaindra ? » Où donc te trouver des consolateurs ? "

Contre les études féministes qui voyaient dans ces passages de simples imprécations machistes guerrières, Cook remarque que ceux ci n'accusent pas la reine de Ninive de se prostituer mais d'être une sorte de "maquerelle" d'une "opération internationale de trafic humain", et de la plus grande maison close du monde. C'est son pouvoir d'asservir d'autres femmes qui est en cause. L'attaque vise Ishtar mais aussi la reine phénicienne Jezabel qui ayant épousé le roi Achab introduit le culte d'Ishtar-Astarté en Samarie au IXe siècle av JC.

Le verbe "déportée" dans le vers 2/8 est parfois traduit par "dépouillée", ce qui peut faire allusion à la descente d'Ishtar aux Enfers dans la mythologie suméro-assyrienne où elle est rituellement dénudée. Cela fait aussi écho à l'incapacité du roi d'Assyrie à protéger les femmes, mission qui fait partie de son sacerdoce, et qui se révèle dans le fait que les femmes assyriennes ne figurent pas sur les bas reliefs assyriens (elles sont protégées par leurs maisons et leurs maris), tandis que celles des autres peuples le sont parce que leurs mauvais rois ne les ont pas protégés.

Cook remarque que dans le Livre des rois, ce ne sont pas les soldats qui ont dépouillé Jézabel, mais les chiens plus intéressés par sa chair que par ses vêtements ("Quant à Jézabel, les chiens la dévoreront dans le champ de Yizréel ; personne ne l'enterrera" - 2 Rois 9/9). Les verbes pour "renverser" ou "emmener au sacrifice" sont les mêmes pour la reine de Nahum que pour Jézabel dans le second livre des rois.

Ishtar pratiquait la sorcellerie (2 Rois 9/22), ce que rappelle Nahum avec ce passage "la Prostituée, belle et pleine de charme, maîtresse en sortilèges", la "maîtresse" בעלת renvoyant aussi au fait qu'elle est la partenaire de Baal. C'est aussi un terme appliqué à la sorcière d'Endor dans le livre de Samuel.

Cook observe que les vers suivants sur la robe de la reine ou de la déesse de Ninive relevée ne peuvent pas se réduire à une scène de viol en temps de guerre (comme le fait la lecture féministe américaine récente du Livre de Nahum), car on ne comprend pas ensuite pourquoi cela fait fuir les gens.

Quand Yahvé dit "je vais jeter sur toi des choses horribles" le mot hébreu pour "horrible", "abominable" שקצים (sheqets) qui est employé se réfère toujours à des cultes idolâtres.

Par conséquent Yahvé signifie en relevant la robe qu'il va révéler la vraie nature de la déesse, son côté démoniaque, en la désacralisant, et c'est cela qui provoquera la fuite de la population qui prendra conscience du leurre dont elle a été victime. Cook rappelle que, comme Ishtar avec Guilgamesh, l'Assyrie a souvent usé de son pouvoir de séduction autant que de son pouvoir de menace.

"Ishtar’s naked body played a crucial role in her cult, as evidenced by both literature and art", note Dean. Et là, la robe relevée ironiquement est une inversion totale de l'attirance de sa nudité divine (Zainab Bahrani, Women of Babylon: Gender and Representation in Mesopotamia, London: Routledge, 2001, 43). En Assyrie toute représentation d'une femme nue renvoyait à Ishtar (Julian Reade, “The Ishtar Temple at Nineveh,” Iraq 67, no. 1 (March 2005): 347).

Ishtar de Ninive est la Prostituée זונה, et c'est ainsi que les textes mésopotamiens la désignent. "Hiérodule de An, destructrice de la terre étrangère" dit le premier texte sumérien connu dédié à Ishtar. Dean n'hésite pas à comparer l'Assyrie avec le monde actuel du trafic sexuel globalisé.

La charge du prophète Nahum peut être lue comme une condamnation de ce système de prostitution à grande échelle des nations et des cœurs, dans lequel le trafic des femmes servait de monnaie d'achat de la clientèle des rois soumis.

Cette vaste dénonciation du système de prostitution des âmes autour d'Ishtar peut aussi inclure la reine Naqia (vers 715 av JC), femme du roi Sennacherib et belle fille de Sargon II. Elle parvint à cumuler des pouvoirs politiques et religieux, donner le pouvoir à son fils Esarhaddon que les Assyriens finirent par attribuer à des actes de magie de sa part. Il est possible que Nahum ou Yahvé ait pensé à elle comme un agent qui a contribué à l'assise magique de Ninive et d'Ishtar. Dans Nahum 1/8 et 1/11 la prophétie fait un jeu de mots sur Calah, ville assyrienne où Naqia imposa des rites religieux. Cependant si le texte du Livre de Nahum est de 639 av JC il est trop tardif par rapport à la vie de Naqia. Cela supposerait que Naqia soit devenue une sorte d'image générique de la dépravation morale et spirituelle dans la hiérodulie d'Ishtar.

L'article de Gregory Dean incontestablement aide à comprendre l'ampleur du crime auquel les prophètes israélites s'attaquaient quand ils prophétisaient contre Ninive, et spécialement le versant séducteur de ce crime à travers la figure d'Ishtar. Il est en tout point particulièrement convaincant et l'on pourrait même trouver d'autres arguments que ceux de Dean allant aussi dans son sens (par exemple le fait que les servantes chassées "gémissent comme des colombes", oiseau auquel on identifie Ishtar).

Pour finir, terminons par ce bref rappel sur l'Assyrie.

"Quelque opinion qu’on ait sur la véracité de Justin ou de Trogne-Pompée, car il y a des historiens plus exacts qui les ont convaincus plus d’une fois d’infidélité, toujours est-il qu’on tombe d’accord que Ninus étendit beaucoup l’empire des Assyriens. Et quant à la durée de cet empire, elle excède celle de l’empire romain, puisque les chronologistes comptent douze cent quarante ans depuis la première année du règne de Ninus jusqu’au temps de la domination des Mèdes" écrivait Saint Augustin au chapitre 6 du livre IV de la Cité de Dieu en se fondant sur la chronologie d'Eusèbe. Il y avait donc à cette époque une perception de l'empire assyrien comme ayant battu un record de longévité. Si l'on va du début de l'Assyrie au 20e siècle av JC la fin du royaume en 609, on couvre une période de 1 400 ans, et même la période impériale stricto sensu, 800 ans, est en effet plus longue que la période impériale de Rome.

Aujourd'hui on le reconnait comme étant le premier empire universel de l'Antiquité (voir Frederick Mario Fales, Guerre et paix en Assyrie, Cerf), cet empire ayant commencé son expansion au 14e siècle av JC, et son roi ayant le qualificatif de "roi des quatre régions du monde".

Fales montre comment l'impérialisme assyrien, comme celui de César-Auguste, fonctionnait sur la base d'un ordre divin, celui du dieu Assur, auquel les autres divinités locales étaient inféodées (les statues des dieux des peuples conquis étaient amenées à Ninive pour intégrer la cour céleste d'Assur, comme les rois de ces peuples étaient vassalisés), et qui ordonnait l'action militaire, comme il présidait aux pactes de paix. Son ordre divin juste, qui se traduisait par l'ordre social "civilisé" de la société assyrienne, avait pour serviteur tout puissant mais humble le roi d'Assyrie. L'Assyrie récupérait à son profit tous les acquis civilisationnels et théologiques de Sumer et de la Babylonie. Le roi se rendait rituellement à Ninive, Babylone, Harran (ville du culte lunaire) pour y rendre hommage aux dieux respectifs de ces cités et se concilier leurs pouvoirs.

Les similitudes entre l'Assyrie et l'Empire occidental de notre époque crèvent les yeux, je trouve.

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Assyrie

13 Octobre 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Ishtar

"Quelque opinion qu’on ait sur la véracité de Justin ou de Trogne-Pompée, car il y a des historiens plus exacts qui les ont convaincus plus d’une fois d’infidélité, toujours est-il qu’on tombe d’accord que Ninus étendit beaucoup l’empire des Assyriens. Et quant à la durée de cet empire, elle excède celle de l’empire romain, puisque les chronologistes comptent douze cent quarante ans depuis la première année du règne de Ninus jusqu’au temps de la domination des Mèdes" écrivait Saint Augustin au chapitre 6 du livre IV de la Cité de Dieu en se fondant sur la chronologie d'Eusèbe. Il y avait donc à cette époque une perception de l'empire assyrien comme ayant battu un record de longévité. Si l'on va du début de l'Assyrie au 20e siècle av JC la fin du royaume en 609, on couvre une période de 1 400 ans.

Aujourd'hui on le reconnait comme étant le premier empire universel de l'Antiquité voir (Frederick Mario Fales, Guerre et paix en Assyrie, Cerf), cet empire ayant commencé son expansion au 14e siècle av JC, et son roi ayant le qualificatif de "roi des quatre régions du monde".

Fales montre comment l'impérialisme assyrien, comme celui de César-Auguste, fonctionnait sur la base d'un ordre divin, celui du dieu Assur, auquel les autres divinités locales étaient inféodées, et qui ordonnait l'action militaire, comme il présidait aux pactes de paix. Son ordre divin juste, qui se traduisait par l'ordre social "civilisé" de la société assyrienne, avait pour serviteur tout puissant mais humble le roi d'Assyrie. L'Assyrie récupérait à son profit tous les acquis civilisationnels et théologiques de Sumer et de la Babylonie. Le roi se rendait rituellement à Ninive, Babylone, Harran pour y rendre hommage aux dieux respectifs de ces cités et se concilier leurs pouvoirs.

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Saint Augustin dialogue avec les divinités païennes

9 Octobre 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Médiums, #Histoire secrète

A titre préliminaire, je précise que le présent article ne s'adresse pas aux esprits laïques mais à ceux qui sont convaincus de ce que des entités de l'au-delà parlent par les esprits inspirés et par les médiums.

Ceux-là admettront facilement que les dieux de l'Antiquité ont réellement parlé par les oracles, notamment à Delphes, sanctuaire auquel la revue Books consacrait un article en janvier dernier, et ne sont pas juste une "arnaque" ou une "hallucination collective", comme le supposent les esprits épais. La question n'étant pas de savoir si les dieux ont parlé, mais ce qu'étaient ces "dieux" devenus largement muets après la victoire du christianisme (les oracles se sont tus) ou parlant seulement de façon marginale dans l'alchimie, les hérésies du christianisme, ou la sorcellerie.

La Cité de Dieu de Saint-Augustin peut être lue comme un dernier regard (et quel regard !) du christianisme lettré (l'évêque d'Hippone étant un des derniers auteurs latins à aussi lire le Grec et avoir accès à beaucoup de classiques) sur l'Antiquité, avec notamment un procès extraordinaire de la République romaine et de ses crimes.

Par delà le style en apparence polémique, il s'agit d'un dialogue brillant avec les dieux du paganisme et leurs divers sous-produits dans la Cité des hommes, produits philosophiques, politiques etc.

Toute l'oeuvre réserve mille surprises mais je n'en examinerai qu'une seule, en page 135 du tome 3 (édition de poche).

Augustin y entame une discussion intérieure avec le néo-platonicien Porphyre, qu'il qualifie de "plus savant des philosophes, quoique le plus ardent des chrétiens", ce qui prouve bien qu'il ne s'agit pas de simple polémique.

Contrairement à ce que peuvent penser les esprits laïques de notre temps, notamment les universitaires "intellocentriques", il ne s'agit pas non plus d'un échange intellectuel comme il peut y en avoir entre philosophes athées, c'est à dire d'une confrontation des intelligences sur la base d'une rationalité coupée de Dieu ou des dieux. Il s'agit d'une confrontation entre deux destinataires de révélations surnaturelles incompatibles entre elles, le christianisme et le paganisme, dont ni l'un ni l'autre ne peuvent douter que la révélation dont l'interlocuteur/adversaire est bien une émanation de l'au-delà, la question étant "simplement" de savoir de quel au-delà il s'agit.

Au fondement de cette confrontation, nous dit Saint Augustin, il y a un passage du traité "Philosophie des Oracles" de Porphyre, dans lequel le philosophe examine de très près une prophétie adressée peut-on supposer à Delphes (Augustin ne précise pas où) à un païen qui voulait "retirer sa femme du christianisme". Dans cet oracle Apollon a parlé, et il a dit au pèlerin de laisser sa femme "célébrer, suivant de faux et d'abominables rites, les funérailles de ce Dieu mort (Apollon parle de Jésus), condamné par d'équitables juges, et livré publiquement au plus ignominieux des supplices".

Cela n'a l'air de rien, mais nous avons là le témoignage du point de vue "officiel" porté par Apollon - à travers la Pythie - sur Jésus-Christ. Ce n'est pas une spéculation de Porphyre, c'est une base factuelle, sur laquelle Porphyre et Augustin vont s'entendre pour travailler.

Le verdict des dieux antiques sur les dieux chrétiens ne s'arrête pas là, puisque ceux-ci toujours par la voix d'Apollon à l'occasion de cet oracle, allèrent jusqu'à affirmer que le vrai Dieu au dessus des Dieux n'est pas le Dieu des Chrétiens mais celui des Juifs : "Père souverain, les saints Hébreux dont il est la loi, l'honorent religieusement."

Augustin bien sûr devant cette aberration, a beau jeu de répondre que le Dieu des Juifs par la voix de ses prophètes a proscrit aux hommes de sacrifier à d'autres dieu que lui, ce qui est incompatible avec la Foi païenne d'un Porphyre. Augustin peut ainsi en conclure que le prétendu Apollon est en fait un démon facétieux et destructeur qui construit juste des sophismes pour égarer le coeur et l'intelligence de l'homme. Tout comme étaient, pour Augustin, inspirés par des démons menteurs ceux croyaient qu'on pouvait construire une vraie République (c'est à dire une République juste) sans l'inspiration du Dieu unique.

Il va trouver un autre exemple qui va lui permettre de disqualifier les oracles des dieux antiques en la personne d'une "canalisation" (diraient les médiums contemporains) d'Hécate (déesse lunaire depuis l'époque de Plutarque), mais l'on ne sait pas si c'est une "canalisation" quelconque ou si elle fut rendue dans un de ses sanctuaires officiels (ce qui peut-être lui donnerait plus de poids). Interrogée sur la divinité du Christ, Hécate répond que l'âme du Christ est celle du "plus religieux des hommes", qu' "après sa mort son âme, comme celle des autres justes, a été douée de l'immortalité, mais que c'est aux chrétiens une erreur de l'adorer". On notera que c'est là typiquement l'opinion de la théosophie sur Jésus, et celle que beaucoup de médiums aujourd'hui reçoivent par "canalisation" : Jésus était un homme merveilleux, très sage, religieux, et son âme est devenue éternelle comme celle de tous les grands hommes, c'est un "guide de lumière", comme Bouddha, qui vient nous aider, voilà tout, une âme plus avancée que d'autres, mais pas le Dieu unique ressuscité... Et même, pour Hécate, Jésus a commis une petite erreur : il n'a pas su connaître ou reconnaître Jupiter, et c'est pourquoi il a été crucifié. Dans sa magnanimité Jupiter l'a admis dans son ciel, car c'était un juste, et donc il ne faut pas le maudire, mais il ne faut pas non plus le vénérer car il n'est pas très haut dans la hiérarchie divine".

On comprend qu'Augustin s'exclame devant cet oracle : "Qui est assez insensé pour ne pas voir, ou que ces oracles sont des inventions de ce perfide et implacable ennemi des chrétiens (le diable) ou qu'ils ont été rendus à mêmes fins par des démons impurs ?". Pour l'évêque d'Hippone l'éloge du Dieu des Juifs contre celui des Chrétiens par Apollon, ou celui de l'humanité de Jésus au détriment de sa divinité par Hécate ne sont que des leurres pour désamorcer le potentiel révolutionnaire du christianisme en renvoyant ceux qu'il attire, soit vers le judaïsme, soit vers les hérésies (celle du culte du Christ homme par Photin évêque de Smyrne condamné en 301) et empêcher que se réalise l’œuvre de rédemption de l'humanité produite par la crucifixion du fils de Dieu.

On ne détaillera pas plus avant le reste de l'argumentation qu'Augustin déploie à l'encontre des conclusions que Porphyre tire de ces deux oracles, mais on retiendra juste qu'il y avait là un "point de vue" des dieux antiques sur le christianisme, exprimé moins par la voix d'un intellectuel (Porphyre) que par la voix canonique des oracles (même si on ne sait pas hélas s'il s'agissait d'oracles isolés de prêtresses ou de prêtres peu inspirés ou d'oracles "validés" par la présence de sanctuaires, encore qu'on puisse douter que le paganisme ait eu des instances de validation des oracles comme le catholicisme en a pour valider les apparitions et les miracles).

On remarquera que ces oracles sont d'une forme très différente du style sibyllin qui était en vogue avant le siècle de Périclès, au moment par exemple de la fondation des colonies phocéennes... Est-ce parce que des dieux (ou des démons) s'étaient substitués aux dieux d'origine, ou parce que Prophyre "élague" les messages et en appauvrit la complexité ou l'ambigüité ? On comprend en tout cas qu'Augustin ne perçoive dans ces deux "canalisations" que des facéties démoniaques. Si Apollon et Hécate ont tenu effectivement le langage que leur prêtait Porphyre (tel que rapporté par Augustin), on peut estimer effectivement que cela ne "volait pas bien haut", ni poétiquement, ni intellectuellement (car ce n'était cohérent avec rien de l'histoire même des notions que cela mobilisait - la religiosité des Juifs par exemple). C'était aussi facile à balayer par un intellectuel chrétien que le paganisme l'a été (en quelques siècles seulement) du Bassin méditerranéen.

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Le sens alchimique de Saint Christophe

1 Octobre 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Notes de lecture, #Histoire secrète, #Christophe

Le sens alchimique de Saint Christophe

En février 2013, nous avons parlé de Saint Christophe ; pour compléter ce billet, on voudrait signaler ces pages de Fulcanelli (Le Mystère des Cathédrales) où celui-ci à partir d'un décor de l'hôtel Lallemant de Bourges fait de Christophe-Offerus un alchimiste (Hermès criophore) et Jésus l'or :

Le sens alchimique de Saint Christophe
Le sens alchimique de Saint Christophe
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