Stendhal et le bonapartisme
Je dois préciser que je ne suis pas un très grand lecteur des auteurs du XIX ème siècle. Le cadre scolaire - qui me déplaisait souvent - ne m'y encourageait guère. J'ai lu Balzac, Chateaubriand, Nerval, Musset, Hugo, Flaubert, Proust ou Zola plus par obligation qu'autre chose. Et je n'ai plus guère le temps de me replonger dans cette prose. Pour autant je n'y associe pas que des mauvais souvenirs. J'ai lu la Chartreuse de Parme (au moins en partie) à 20 ans, quand l'envie de tenter le concours de Normale Sup sans passer par la Khâgne m'a effleuré (seulement effleuré car j'ai abandonné le projet au bout d'un mois - la Chatreuse était au programme). J'en ai beaucoup apprécié le style que pendant quelques semaines je m'efforçai même d'imiter (c'était mon côté éponge). Pour moi, de ce fait, Stendhal reste associé à quelque chose de vif et de lumineux qui va bien avec l'Italie.
Le livre de Jacques Dubois a certes quelques petits défauts que j'ai préféré ne pas mentionner. Mais l'intérêt principal du livre est qu'il m'a fait un peu réfléchir aux blocages de la société post-napoléonienne, qui, à certains égards, ressemblent à ceux de notre époque. En plus marqués peut-être parce que la structure de classe restait plus figée.
Du coup cela fait aussi penser à ce que fut le bonapartisme, comme phénomène social.
Je lisais l'an dernier La Démence coloniale sous Napoléon, un réquisitoire implaquable et juste contre le dispositif conquérant raciste que l'Empereur fit peser sur les colonies françaises (et voulait généraliser au monde entier, heureusement l'hégémonie maritime anglaise l'en empêcha). C'est un aspect néfaste et peu connu du premier Empire français. Il y a aussi celui que les autres Européens ne manquent jamais de rappeler : l'invasion sauvage de tout le continent : les meurtres, les viols, les pillages. Sur la place où je me suis fait prendre en photo début avril à Alcaniz il y a une plaque qui commémore l'héroïque résistance espagnole face aux soudards de l'Empereur qui ont causé mille ravages dans cette ville.
Mais l'histoire n'est pas morale, nous le savons. L'ardeur sanguinaire du bonapartisme est aussi ce par quoi les acquis de la Révolution se sont stabilisés dans l'Hexagone, et ont un peu "contaminé" les monarchies avoisinantes (le fameux Code civil, qui ne se serait peut-être jamais imposé autrement). Elle est aussi ce par quoi de brillants individus socialement condamnés par leur appartenance de classe se sont vus ouvrir des "opportunités", comme on dit, extraordinaires. Même un bourgeois, du niveau du Grenoblois Henri Beyle alias Stendhal, ex-auditeur du Conseil d'Etat napoléonien, en a bénéficié. D'une manière générale à peu près toutes les classes sociales profitent d'un pouvoir conquérant (du moins lorsque celui-ci a des tendances redistributrices, ce qui est le cas du bonapartisme). L'équivalent se vérifie autour de Jules César 20 siècles auparavant.
C'est ce qui fait que se multiplient les initiatives audacieuses et souvent admirables dans tous les milieux à l'occasion des phases de conquêtes, pourtant bien sombres pour les peuples qui les subissent - Nietzsche l'a bien compris qui ne manquait pas une occasion de vanter les mérites de Napoléon. Ce constat fait craindre que l'humain garde encore pendant quelques générations quelque goût secret pour les entreprises sanguinaires qui ouvrent des boulevards aux changements sociaux.
Cela dit il est vrai que la tendance conquérante est bien amoindrie aujourd'hui. En Europe du moins. Chaque peuple semble s'accommoder désormais des frontières qui lui échoient, tout arbitraires qu'elles soient - parfois d'ailleurs au prix d'une occupation "internationale" comme dans les Balkans. L'exploitation économique (notamment celle des peuples du Sud) compensant peut-être la frustration de ne plus pouvoir dominer militairement.
Cette sublimation est probablement un progrès. Je visitais hier le monastère de Mortemer auquel s'attache le souvenir glorieux du Plantagenêt Henri II qui aurait pu construire un grand royaume anglo-normand de l'Ecosse aux Pyrénées si la France centrale n'avait contrarié ses projets. Chaque région d'Europe garde le souvenir d'un souverain conquérant qui aurait pu fonder dans le sang un grand Empire (en Béarn par exemple on se souvent de Gaston Fébus). Il est heureux aujourd'hui que les grands empires ne soient plus à la mode (même aux Etats-Unis, l'hégémonisme n'a plus la côte) et qu'on puisse réfléchir aux réformes des structures sociales sans chercher d'exutoire guerrier.
Mais il est toujours bon de tenter de comprendre les générations antérieures. Stendhal raconte dans ses romans ce que Musset disait aussi : cette frustration des orphelins de la Révolution et de Napoléon, nés dans un monde où tout semblait possible, et vieillissant dans une société où l'on ne peut plus rêver que d'aimer une femme, au milieu des baudruches conservatrices les plus niaises... On voit bien pourquoi en France le deuil de Napoléon fut difficile, et, à certains égards, le reste parfois encore de nos jours.
Mon livre sur Nietzsche en 2004
Lui aussi est référencé par la bibliothèque du Congrès aux Etats-Unis (http://catalog.loc.gov/cgi-bin/Pwebrecon.cgi?v1=2&ti=1,2&Search%5FArg=colera&Search%5FCode=NAME%5F&CNT=25&PID=14134&SEQ=20070411045532&SID=1 ).
Il figure également dans diverses bibliographies sur Internet.
Le livre sur les Serbes que j'ai dirigé en 2003
En 2001, peu de temps après la guerre du Kosovo, j'ai fait un mémoire dans le cadre de mon DEA de sciences sociales à Paris V sur les immigrés serbes en France. C'était un moyen pour moi d'étudier l'articulation entre les relations internationales et l'acculturation des gens dans leur pays d'accueil, ainsi que d'enrichir la connaissance sur une population peu connue, souvent caricaturée, et sur laquelle aucun travail universitaire n'existait. On m'a proposé ensuite de diriger un livre collectif sur la "diaspora" serbe en Europe et aux Etats-Unis, et j'ai réuni une dizaine sociologues, politistes et historiens français, allemands et serbes pour composer ce livre. Je n'ai jamais été à 100 % satisfait de l'ouvrage qui fut d'ailleurs très long à composer (il n'est paru qu'en 2003) et qui n'a pas été très soutenu en France (la revue Balkanologie, qui est la revue de l'Afebalk, dont sont pourtant membres trois contributeurs, à ma connaissance s'est bornée à le mentionner sur son site http://www.afebalk.org/page.php3?id_page=104, et hors du milieu universitaire ce fut encore pire). Néanmoins cet ouvrage a eu le mérite d'exister, et certains commentateurs dans Courriers des Balkans, Le Monde Diplomatique, Hommes et Migrations et même Anthropologie et Société au Canada ont été enthousiastes.
Je livre ici pour mémoire les recensions qui ont été faites de ce livre, y compris les deux ou trois qui sont carrément critiques à son encontre (j'expliquerai dans quelques mois les raisons de ces critiques qui la plupart du temps reposent sur des motifs purement personnels, alors que les critiques que méritait vraiment ce livre, les critiques de fond, n'ont jamais été soulevées). Aujourd'hui le livre se trouve dans plusieurs bibliothèques universitaires et autres, y compris la prestigieuse bibliothèque du Congrès aux Etats-Unis (http://catalog.loc.gov/cgi-bin/Pwebrecon.cgi?v1=1&ti=1,1&Search%5FArg=colera&Search%5FCode=NAME%5F&CNT=25&PID=28033&SEQ=20070411040305&SID=1), ce qui, après tout, n'est peut-être pas donné à tous les ouvrages universitaires français.
Voici donc les recensions dont certains figurent aussi sur Internet (j'espère que ce sera lisible à l'écranen zoomant un peu) :
- Courrier des Balkans 9 décembre 2004 (également sur http://fr.search.yahoo.com/search?p=colera+diaspora&fr=yfp-t-501&ei=UTF-8&meta=vc%3D)
- Hommes et migrations n°1253 janvier-février 2005 p. 145
- Anthropologie et société vol 30 n°1 2006 p. 251-252
- Le Monde Diplomatique mai 2004 p. 31 (également sur http://www.monde-diplomatique.fr/2004/05/DERENS/11182)
- Revue d'études comparatives Est-Ouest vol 35 n°1-2 mars juin 2004 p. 386-389
- Südosteuropa n° 53 1/2005 p. 147-148 (voir aussi www.suedost-institut.de/Jg_2005_Inhalt2.doc)
- Medunarodna politika br.1113 janvier-mars 2004 p. 56-57
- Ekonomist magazine décembre 2004 (voir aussi http://www.ekonomist.co.yu/magazin/em234/lib/lib1.htm)- B.I. n°84, janvier 2004 p. 26
Egypte antique
Pour info, je viens de publier un petit commentaire assez critique du dernier essai d'un auteur à succès, Christian Jacq, sur Parutions.com.
En voici le texte : http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=4&ida=8031
Il est une manière de maltraiter l'histoire qui m'agace un peu. On retrouve ce travers aussi dans des livres beaucoup plus savants que celui-là. C'est regrettable.
La procession de El Encuentro à Alcañiz
Comme promis voici la vidéo de la procession de El Encuentro à Alcañiz vue mardi dernier, le 3 avril. Le journal local La Comarca en dit aussi un mot sur http://www.lacomarca.net/noticia.asp?m=6195&s=1.
La vidéo est accessible sur : http://www.youtube.com/watch?v=qmCaIKRoe3Q ou en cliquant ci-dessous
Cette bourgade d'Aragon très éloignée de tout, d'où vient ma famille paternelle, est très attachante. En outre il est toujours étonnant de constater avec quelle aisance les Espagnols vivent leurs traditions populaires, s'en imprègnent, tout comme ils s'immergent aisément dans les conversations, la vie quotidienne de leur communauté, là où nous autres français recherchons davantage la distinction, l'intellectualisation de l'échange, la rupture avec l'héritage historique. Je ne crois pas, dans ce propos, projeter mes propres particularismes d'intellectuel bourgeois. Il y a bien, dans la manière d'être espagnole, quelque chose de plus communautaire, de moins marqué par l'esprit de concurrence inter-individuelle (parce que moins marqué également par les travers que le centralisme étatique français imposait à sa population). Les Espagnols sont moins en guerre contre eux-mêmes que les Français. Et, à travers cette socialisation pacifiée, s'illustre une autre forme d'animalité humaine que celle que nous-mêmes vivons.
Alcañiz
Javier a des ascendants Colera comme moi, mais il y avait plusieurs familles Colera à Alcañiz au début du XVIII ème siècle. Il y en aurait même eu 4 en 1495 selon un recensement effectué par les Rois Catholiques.
Alcañiz dit-on fut jadis une bourgade prospère et à l'avant garde du mouvement humaniste à l'époque de la Renaissance. Elle est aujourd'hui un peu éloignée de tout.
Les processions de la semaine sainte cependant accueillent beaucoup de monde. Je mettrai la vidéo de l'une d'elles sans doute sur Internet sous peu - celle que nous avons vue mardi soir. Tout le monde était dans les rues malgré le froid.