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Cité par le Nouvel Observateur en ligne sur le mouvement TopFreedom

31 Mai 2012 , Rédigé par CC Publié dans #Interviews en rapport avec mon livre "La nudité"

bernard2.jpgJ'ai donné une petite interview à toute vitesse au Nouvel Observateur hier à propos du mouvement "TopFreedom" aux Etats-Unis et de sa réception en Europe. L'article est ici. Pas facile de bien choisir ses termes dans une conversation téléphonique entre deux trains, mais j'espère que cela donnera envie aux lecteurs/lectrices de creuser le sujet.

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Un chien abattu à la gare du Nord hier

11 Mai 2012 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie

Hier, alors que deux policiers se livraient au contrôle d'un vigile gare du Nord à Paris, au niveau du quai 41, le chien de ce dernier s'est jeté sur l'un d'entre eux, puis semble-t-il sur le second, et, comme celui-ci tentait de tirer sur l'animal, après la première détonation le chien prit l'escalier, continuant de mordre des gens au passage, puis à l'étage il menaça à nouveau un agent de police (une femme) qui dégaina son arme de service et le tua.

 

L'incident a provoqué un certain nombre de commentaires, notamment dans les pages Internet du journal conservateur  Le Figaro. Dans les conflits de voisinage autour d'un arbre mal placé qui voue à l'ombre éternelle (à la vermine, aux feuilles mortes etc) la maison située à proximité, des débats féroces opposent les tenants des droits de la végétation à ceux du droit des êtres humains à vivre sans nuisances. De la même manière les amis des animaux se sont cette fois-ci opposés aux amis des enfants et des passants sans défense (ainsi qu'aux amis de la force publique, bizarrement suspectée ici d'avoir fait du zèle alors qu'elle a semble-t-il plutôt fait preuve de retenue, se laissant abondamment mordre avant d'abattre le contrevenant quadrupède). Un vague consensus sous-tend cependant cette opposition acerbe : le fait que beaucoup de vigiles (souvent de pauvres gens qui habitent des banlieues lointaines) éduquent mal leur chien, les violentent à outrance, et leur inculquent ainsi une agressivité disproportionnée. Certains suspectent même le vigile d'avoir volontairement lâché son chien contre les policiers, "parce qu'il avait quelque chose à se reprocher".

 

Nous voici encore dans un cas de figure où le domaine des animaux domestiques porte les fantasmes (les espoirs, les culpabilités) que l'humanité projète sur eux, et parfois prend le relais pour le meilleur et pour le pire de ce que l'humain ne peut plus faire. Dans une humanité où l'instinct de meurtre a sensiblement diminué au cours des siècles (ou du moins dont le passage à l'acte s'est atténué, y compris dans le cadre des guerres - je vous renvoie là dessus au dernier livre de Steven Pinker), la question du degré de tolérance à l'égard de la violence des animaux, aussi bien que de la violence exercée sur eux, prend une tournure nouvelle. Une des questions qui se posent ici est de savoir si l'animal peut être humanisé au point d'être dressé pour n'attaquer qu'opportunément. Et si la réponse est affirmative, alors il faut déterminer dans quelle proportion et si tout le monde peut éduquer son chien à ne mordre qu' "utilement". Si l'ont parvient à des résultats impressionnants de "rationalisation des morsures" l'humanité pourra se vanter d'avoir étendu à une autre espèce la maîtrise de ses propres pulsions. Ce ne sera pas rien. Peut-être aura-t-elle recours à des manipulations génétiques pour ce faire, allez savoir.

 

L'anecdote m'en rappelle une autre qui montre aussi combien l'animal reflète et les prolonge des pensées et des conflits à l'oeuvre dans l'espace humain. En 2000, dans une région montagneuse du Kosovo, des soldats américains de la force de l'ONu (la KFOR) sont intervenus d'une manière musclée dans un village serbe avec des chiens (comme ils l'ont aussi beaucoup fait en Irak) pour procéder à des fouilles de caches d'armes. Les habitants du village sont parvenus à mettre en déroute leurs chiens grâce à leurs propres contingents canins, des grands chiens de bergers des montagnes, sans doute de la même stature que ceux qui existent dans les Pyrénées, qui parvinrent avec succès à effrayer les bergers allemands américains. L'anecdote avait été relatée par les médias serbes à l'époque. Si elle est vraie (mais à propos des Balkans il faut toujours se méfier des histoires inventées), voilà un cas singulier où l'animal est mobilisé pour mener une guerre que les humains, en vertus d'une résolution des Nations Unies, ne peuvent plus mener ouvertement. Peut-être y a-t-il d'autres précédents dans l'histoire. Il faudrait faire une recherche. Je songe aussi à une histoire de brave vache qui encouragée par une paysanne russe en Sibérie fit battre en retraite un loup, que raconte Sylvain Tesson dans son dernier livre. Les interactions entre espèces sont fascinantes.

 

 

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Expositions et morale : la valorisation du césarisme autour d'Arles

8 Mai 2012 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées

Il y a souvent dans les expositions artistiques ou archéologiques un impensé que personne n'explicite et qu'il est pourtant utile de connaître. Qu'on songe par exemple à l'exposition de l'Institut du Monde arabe sur l'art du nu qui pouvait laisser penser (mais était-ce son objectif ?) qu'une tradition du nu est solidement ancrée au Proche-Orient alors qu'à y regarder de près, ce style semble s'être surtout développé par mimétisme à l'égard de l'Occident (c'est d'ailleurs très frappant au début du XXe siècle où l'on a le sentiment qu'il concerne surtout des milieux chrétiens influencés par l'Europe).(En réalité dans le cadre de mes recherches sur la nudité je n'ai croisé de permanence du nu en art après la conquête islamique que dans la miniature persane, laquelle n'entre pas dans le champ de l'exposition).

 

cesar.jpgUn esprit universel qui s'intéresse aussi bien à ce qui s'est passé il y a 2 000 ans qu'il y a dix ans devrait aussi s'interroger sur le sens moral de l'écriture ou de la réécriture de l'histoire lorsqu'elle est vieille de plusieurs siècles.

 

En ce moment on s'extasie beaucoup sur la découverte d'un buste de César dans le Rhône (exhibé dans d'importantes expositions) et sur la prospérité d'Arles qui doit tout à ce dictateur. On rappelle éventuellement que cette prospérité s'est bâtie au détriment de Marseille, mais qui songe à expliquer que la spoliation de Marseille (la puissante cité grecque, tête de pont de la civilisation méditerranéenne en Gaule) par César fut vécue en son temps comme une des pires atteintes à la morale républicaine romaine, parce que cette ville avait toujours été l'alliée fidèle de Rome - elle l'avait notamment sauvée des invasions gauloises et aidée à s'installer en Transalpine ?

 

L'humiliation de Marseille par César est citée par Cicéron dans son Traité des Devoirs comme un exemple paradigmatique du cynisme césarien et de la destruction des valeurs républicaines. Voici exactement ses termes : « C'est ainsi qu'après la désolation et la ruine de nations étrangères, nous avons, pour bien montrer que le temps de la domination romaine pacifique était passé, vu figurer l'image de Marseille dans un triomphe, un triomphe célébré pour la prise d'une ville sans laquelle jamais nos généraux n'eussent pu mériter le triomphe pour avoir vaincu nos ennemis d'au-delà des Alpes. Je pourrais énumérer bien d'autres crimes envers des alliés, mais celui-là est le plus scandaleux qu'ait éclairé la lumière du soleil.» (Cicéron, Traité des devoirs, II, VIII, 28)

 

Notre époque ne s'intéresse plus aux guerres civiles romaines comme le firent tant de générations entre Montaigne et Chateaubriand. Mais nos contemporains ont quand même le devoir de regarder les traces du passé en connaissance de cause...

 

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