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Articles avec #notes de lecture tag

"On the Path of the Immortals" de Thomas Horn et Cris Putnam

4 Août 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire secrète, #Notes de lecture

Je voudrais dire un mot du livre de Putnam et Horn, publié en 2015 "On the Path of the Immortal" qui rend compte de leur enquête sur les portails censés ouvrir sur d'autres dimensions de l'espace-temps par où peuvent pénétrer des entités. Ce livre, qui n'a pas porté chance à Putnam décédé deux ans plus tard d'un arrêt cardiaque assez mystérieux à 51 ans, abordait cette question délicate d'un point de vue chrétien en capitalisant sur le succès de leurs deux ouvrages de 2012, Petrus Romanus, qui aurait prophétisé la démission de Benoît XVI, et Exo-Vaticana, sur l'implication du Vatican dans l'observatoire Lucifer en Arizona, censé préparer le "baptême" des entités extra-terrestres.

L'ouvrage constitue un apport intéressant à la réflexion sur ces thèmes controversés. Les  remarques angéologiques du premier chapitre par exemple permettent de fixer quelques concepts. En hébreux, notent les auteurs, ange (malak) est une fonction : messager. Le psaume 148 qui dit Louez-le, vous tous ses anges! Louez-le, vous toutes ses armées! parle des malakim (anges) et pour les armées (tsaba). Contrairement à ce qu'indiquent Kenneth Boa et Robert Bowman dans "Sense and nonsense about angels and demons" les anges peuvent être masculins (Daniel 10:5) féminins (Zacc 5:9) et contrairement à ce qu'écrit St Thomas d'Aquin sur la base de la physique aristotélicienne, ils ne sont pas aériens (certains mangent Genese 18:1-8). Venir d'une autre dimension ne signifie pas être aérien : voir le cas du corps de Jésus ressuscité, ou l'apparition d'un objet. La Bible ne donne pas assez d'informations pour qu'on puisse poser dogmatiquement que ces êtres immortels sont purement aériens. Isaïe 6:2 décrit aussi les séraphins, qui sont des serpents à plume. Daniel 4:17 parle des veillants, ceux qui veillent (watchers). Dans Jubilee 3:15 et 1 Enoch 1-36 ils séduisent les femmes humaines. Un manuscrit de la Mer morte décrit le père de Moïse voyant un Veillant reptilien. Les chérubins gardiens des trônes sont des chimères, équivalents des sphynx, selon la description d'Ezechiel 1:6.

Le Nachash (le "brillant" selon Michael Heiser et non le serpent) est un Cerub (chérubin) qui veut s'unir à la femme dans le jardin d'Eden (comme les deux cherubim dans le Zohar Hadash., puis il est réduit à manger la poussière Dans Isaie 14:11 il est descendu au sheol, dans Ezechiel 28 il est jeté au sol.

Les auteurs rappellent que Lewis Carroll a popularisé le portail vers d'autres dimensions à travers le miroir. Il se trouve dans la bible aussi. Jacob déclare que Bethel est la porte des cieux  (Genèse 28:17) et Jésus est la porte (Jean 10 9), ce qu'a matérialisé l'architecture des cathédrales médiévales. Babylone (Bab-Ilu) en akkadien c'est la porte de Dieu. Les vedas identifient des portails cosmiques (nakshatras) dans les constellations , la Mer du diable au Japon entre Iwo Jima et l'île Marcus, la forêt d'Aokigahara au pied du mont Fuji sont aussi des portes de l'Hadès. Sedona en Arizona est connue pour ses vortex. Le pasteur Larry Gray en 1966 vit un géant ailé de deux mètres qu'il identifia comme le diable ou un immortel à Point Pleasant (Virginie occidentale - voir le livre de John A Keel sur ce thème).  Putman a enquêté au musée de Point Pleasant. Il a vu (p. 19) que le Herald Dispatch du 16 mars 1967 a rendu compte d'une vague (flap) d'Ovnis, ce qui a pris fin avec l'effondrement du Silver Bridge (46 morts) . Keel estime que chaque Etat américain aurait deux à dix portails. La San Luis Valley dans le Colorado est aussi un site d'Ovnis, d'apparition de fantômes, est mutilations de troupeaux. Putman en recense quelques autres (le ranch Skinwalker, la réserve indienne Yakima, Big Thicket, le triangle de Bridgewater, le triangle de Bennington, le Great Serpent Mound.

Satan n'a pas été chassé du Ciel et ses troupes d'immortels combattront dans Armagueddon (Joel 2:5 et Amos 7:1), affirment les auteurs qui soulignent que Walter Martin a rapproché la venue des Ovnis de la prophétie de Jésus dans Luc 21:26 : "les hommes rendant l'âme de terreur dans l'attente de ce qui surviendra pour la terre"/"things which are coming on the earth" - cette idée de survenance sur la Terre renvoie à la notion d'une cause extraterrestre. Quand Apocalypse 9:2 parle du puits sans fond qui s'ouvrira à la 5e trompette qui pourrait aussi être un vortex de passage des extraterrestres.

Les apaches de la tribu San Carlos ont fait un procès à la Nasa et au Vatican pour empêcher la construction de l'observatoire Lucifer sur le Mont Graham (Zil Nchaa Si An). Ils ont dans leur mythologie un dieu créateur, un dragon trompeur, un déluge, et des géants détruits par Dieu. Pour eux le Mont Graham est un portail céleste. Après la publication de Exo-Vaticana en 2013, Putman a été incité à enquêter davantage auprès des Apaches. L'entreprise fut compromise à plusieurs reprises pour Putnam mais Horn a pu enquêter chez les Navajos des montagnes de La Plata (p. 42) Il y vit avec son équipe les ruines d'une forteresse des Anasazis dans le parc national de Mesa Verde et interrogea un homme médecine conteur navajo ouvert au christianisme, Don Mose Jr. Velui-ci dévia de son discours habituel pour touristes. Par exemple quand au lieu de dire que les Anasazis étaient devenus les actuels Pueblo comme cela se dit d'habitude, il admit qu'ils avaient disparu après être passés sous le "mind control" d'un serpent carnivore. Il approuva aussi Horn quand il évoqua le fait que les Apaches avaient parlé de géants cannibales détruits par le déluge. p. 56 Quant à Putnam, sa rencontre (retranscrite in extenso verbatim) avec une diplômée qui se disait "juive messianique" en réalité adepte du New Age,semblait bien connaître le patron de la NASA et prétendait pouvoir inviter des Ovnis sur commande, elle vaut son pesant d'or pour connaître les milieux occultistes qui gravitent autour de Sedona.

Pour Horn et Putnam par les portails sacrés des Indiens comme par ceux qu'essaie de créer le Centre européen d'études nucléaires passeront à la fin des temps, des démons, les Fils de Dieu, mais aussi leurs enfants les Géants.

Le livre toutefois suscite des réserves même dans les milieux religieux. Ainsi théologiquement il n'est pas très correct qu'il se réfère au livre d'Hénoch, au Zohar et autres hérésies, ce qui fait un peu désordre pour des analystes qui se disent chrétien. Comme le rappelle ici le pasteur Gene Kim, les anges féminins en Zaccharie 5 sont des démons et non des anges - la confusion sur de tels sujets n'est pas très bon signe.

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"Le Christ autrement" du père François Brune

1 Juillet 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Notes de lecture, #Médiums

Le père François Brune était un prêtre catholique (converti dans ses vieux jours à l'orthodoxie) connu pour s'être intéressé aux phénomènes paranormaux et manifestations surnaturelles comme le spiritisme, les décorporations, le Suaire de Turin ou les apparitions mariales. J'avais notamment apprécié en 2016 la lecture de son livre sur Notre Dame de Guadalajara. Ayant appris son décès en janvier dernier, après une conversation avec un ancien camarade de Sciences Po converti à l'orthodoxie, j'ai décidé de parcourir l'ouvrage de cet auteur publié aux éditions du Temps Présent en 2010 "Le Christ autrement, Le vrai sens de sa passion".

Tout d'abord, disons le, l'humilité n'est pas la caractéristique première de ce livre. "L'Eglise pensait avoir trouvé la raison de la mort, a priori si déconcertante du Fils de Dieu parmi nous, écrit-il dans l'introduction. Elle avait développé à ce sujet toute une théorie à laquelle elle croyait et qu'elle enseignait depuis 2 000 ans. Depuis quelque temps elle s'est rendu compte que cette théorie n'était pas défendable. Mais, du coup, elle ne sait quel sens donner à la Passion du Christ, c'est bien pourquoi elle est en pleine crise. Je voudrais dans ce livre, vous montrer que l'Eglise d'Occident s'est trompée de clef, qu'elle n'a pas découvert la vraie raison de cette mort aussi étrange, mais qu'il n'y a pas de raison pour autant de remettre en question le témoignage des apôtres". Se placer d'emblée au dessus d'une tradition de 2 000  ans qui compte en son sein des esprits aussi brillants que Saint Augustin ou Saint Thomas d'Aquin (il ira même plus loin jusqu'à qualifier St Augustin de stupide), il fallait oser le faire... peut-être l'enthousiasme juvénile (d'un septuagénaire pourtant) du nouveau converti à l'orthodoxie... Mais bon, passons ce détail peut-être  imputable à un trop grand empressement à exposer la tradition "alternative" orientale à laquelle au moment où il écrivait le livre il était sur le point de se convertir ...

Aux réflexions de St Augustin sur les bébés morts sans baptême desquelles l'Eglise dériva que ceux-ci seraient voués aux limbes, un endroit qui ne serait ni paradis ni enfer, ce qui nourrit des millions d'angoisses pour ces nourrissons, Brune oppose la sagesse de l'orthodoxe Nicolas Cabasias et des coptes pour qui l'amour de Dieu pour ces petites créatures a remplacé le rituel baptismal. Devant la question épineuse de savoir qui sera voué à l'Enfer, l'auteur expose les variations de l'Eglise sur ce thème d'un siècle à l'autre.

S'appuyant sur cette fragilité des doctrines, Brune dénonce la conception de la Passion comme sacrifice expiatoire qui a prévalu en Occident après Tertullien. St Grégoire de Nazianze, rappelle-t-il, en Orient mettait en doute le fait qu'un sacrifice ait pu satisfaire le Père et rétablir ainsi un justice (p. 32). Il critique aussi la tendance contemporaine (par exemple chez F. Lenoir) à ne faire de Jésus qu'un modèle d'amour sans interroger ce qui s'est vraiment passé sur la Croix.

Pour tenter de comprendre, justement, ce qui s'est vraiment passé là, Brune (p. 71, il faut hélas attendre le chapitre 4 pour enfin entrer dans le vif du sujet) part de la théorie des champs morphiques de Sheldrake, à laquelle j'ai été pour ma part personnellement introduit par la voyante bouddhiste Maud Kristen en 2015. 

Il y a, rappelle le prêtre, cette théorie des particules non-séparables vue par Einstein des 1927 et qui implique l'existence de champs de forces invisibles. Rupert Sheldrake a développé sa théorie des champs morphiques sur les corps qui, placés dans des fréquences vibratoires proches, peuvent entrer en résonance, ce qui permet d'expliquer pas exemple qu'à un certain moment des mésanges dans divers pays d'Europe se soient mises à percer les opercules bouteilles de lait au même moment (voir aussi ce que j'ai dit du perroquet d'Aimée Morgana en juin 2015). François Brune se démarquait de la vision de Dieu panthéiste de Sheldrake, mais trouvait que sa théorie de l'information permettait de comprendre notamment comment on peut "capter" des vies que l'on croit antérieures.

Comme il l'a fait dans diverses interviews sur You Tube, le père Brune n'hésite pas à s'appuyer sur des paroles d'entités de l'au-delà perçues par des voies voisines du spiritisme. Ainsi Pierre Monnier, jeune officier tombé pendant la Grande Guerre, qui communiqua avec sa mère (une protestante fervente) par l'écriture automatique entre 1918 et 1937 qui lui parla des ondes émises par le regard et par la pensée et qui produisent des entités spirituelles, positives ou négatives. L'entité de Roland de Jouvenel, mort en 1946 à moins de 15 ans, délivra un message semblable (p. 84). L'ange qui parla par la voix de la jeune Hanna à Gitta Malasz et à son amie juive Lili en Hongrie en 1943 leur expliqua que les victimes des guerres absorbent les forces négatives, ce que dit aussi Roland Jouvenel dans un message de 1948. Le conflit local est l'abcès par où se déverse le sang qui permettra au reste de l'humanité de conserver la paix.

Pour les besoins de la démonstration, le père Brune esquisse à ce stade un détour par les analyses des ufologues. Jean Sider (dans Ovnis, Dossier diabolique, JMG 2003), avance que des entités se nourrissent de nos émotions. L'enquêtrice Barbara Bartholic, le jésuite Salvador Freixedo abondent aussi dans ce sens. L'auteur détaille les phénomènes de guérison à distance, de torsion de cueillères, de transmission transgénérationnelle de traumas, puis s'attarde sur les découvertes sur les théories quantiques sur les hologrammes holochrones (David Bohm, Olivier Costa de Beauregard, Jack Sarfatti), et l'idée que "tous les systèmes de conscience, indépendamment de leur localisation spatio-temporelle par rapport à l'appareillage expérimental, contribuent à l'ensemble du potentiel quantique ressenti par les photons ou les électrons individuels". La notion de système de conscience pouvant s'appliquer à chaque particule.

Passons rapidement sur les chapitres 5 et 6. Le premier, sur les forces des Ténèbres, est assez intéressants pour les gens qui ignorent tout du satanisme, avec notamment des éléments sur Staline et Hitler que moi-même je ne connaissais pas. Il a le tort selon moi de ne pas aborder la question du satanisme planétaire de nos élites, mais ce point aveugle du livre s'explique peut-être par les biais spirituels du père Brune, j'y reviendrai. Le chapitre 6 sur les anges, et notamment sur les anges gardiens et les expériences qu'ont eues avec eux diverses personnes est intéressant, quoiqu'insuffisamment critique selon moi à l'égard du Nouvel Age - il fait vaguement référence aux spéculations faites sur leur compte dans cette mouvance, mais il devrait selon moi pousser le soupçon aussi loin que la chantre de l'angéologie New Age le fit, à savoir Doreen Virtue, après sa conversion chrétienne, dans ses divers actes de repentance sur Internet. Là encore la tiédeur du père Brune, qui se pique de mépriser le fondamentalisme chrétien (trop littéraliste à son goût) autant que le matérialisme athée a peut-être sa racine dans un biais spirituel... Il y a eu des messages étonnants par le biais de médiums comme par exemple celui du jeune fils décédé d'un architecte italien qui dit avoir tenté de limiter les effets d'un projet de cambriolage de ses parents en s'introduisant dans l'esprit des voleurs, ce qui suggère une action des "chers trépassés" complémentaire de celle des anges.

Pour cerner ce qui s'est joué dans la Passion du Christ en ses chapitres 7 et 8 François Brune va s'attarder sur les expériences des mystiques à qui il a été demandé par leur souffrance de participer à cette Passion. "La sainteté ne consiste pas à dire de belles choses, elle ne consiste même pas à les penser, à les sentir, elle consiste à bien vouloir souffrir" (Ste Thérèse de Lisieux). Tout en regrettant que les saints aient adopté comme les théologiens occidentaux le langage juridique de la réparation et de l'expiation, Brune veut voir dans cette souffrance un phénomène quantique qui ne vise pas à restaurer l'honneur de Dieu sali par le péché originel mais renouveler à distance les âmes des autres, celles des morts et des vivants dans l'hologramme holochrone. Le phénomène des stigmates, dont Brune affirme qu'ils sont propres à l'Eglise d'Occident et tous postérieurs à St François d'Assise, intéresse notamment par le défi qu'il pose aux lois de la pesanteur (puisque le sang coule toujours dans le même sens, quelle que soit la position membres). A partir du cas de Marie de Jésus crucifié , l'auteur estime que la souffrance oblige l'individu à se sauver par l'amour plutôt que de sombrer dans la révolte ou le désespoir. Il y a aussi celles qui sont des victimes sacrificielles comme les 16 carmélites de Compiègne en 1794, la carmélite Edith Stein, les amies de Gitta Malasz, les 8 000 catholiques de Nagasaki.

Parce qu'il habite en nous, comme on habite en lui, Jésus a connu les effets du péché, même s'il n'en a pas lui-même commis, disait la mystique Adrienne von Speyr qui avait reçu le don d'éprouver le vécu des saints. Jésus sur la croix a rendu son esprit au Père pour ne plus être qu'obéissance, au point qu'il ne ressent même plus la validation du Père. Il est à fond dans l'humanité et Dieu l'y laisse pour réaliser jusqu'au bout l'Incarnation. Beaucoup de Saints ont aussi connu cette séparation (déréliction). Le père Brune les cite. Pour lui, cette gamme de souffrances par où est passé Jésus et qu'ont vécues les mystiques est ce qui fait du christianisme la religion qui va à l'essence la plus profonde du sens de la vie en s'adressant aussi bien au coeur qu'à l'esprit, là où toutes les autres s'en tiennent à des considérations purement intellectuelles. Il y a dans le christianisme une doctrine de la souffrance purificatrice, qui fait qu'on ne peut pas rechercher la souffrance pour elle-même, mais qu'il faut accepter celle que Dieu veut nous attribuer car elle correspond à ce que nous pouvons porter, et Christ viendra nous aider à la porter.

Le père Brune finalement conclut sur cette grandeur de l'amour né de la souffrance en communion et "interpénétration par hologramme" avec la figure du Christ, en condamnant au passage le bouddhisme qui, en refusant la souffrance, inhibe aussi l'amour.

Au bout du compte, le livre de Brune m'inspire assez peu de désaccord. A mon avis il pâtit de deux insuffisances seulement : tout d'abord une trop forte volonté de s'opposer à l'Establishment catholique, qui fait qu'il  ne prend pas seulement ses distances avec Augustin ou Thomas d'Aquin (dont il ose dire p. 242 qu'il "a été assez vite oublié", comme si le doctor angelicus n'avait pas fondé la scolastique !), il s'affranchit aussi du vocabulaire biblique : p. 261 par exemple il fait comme si l'expression "colère de Dieu" était du 18e siècle ! On comprend qu'il s'agit d'un effet malheureux du trop grand attachement de l'auteur à l'Eglise de Rome dont il a été prêtre pendant des décennies. Il me semble que l'indifférence à l'égard de la structure cléricale est meilleure conseillère, l'Eglise véritable étant une réalité mystique.

La deuxième insuffisance, plus problématique, et qui, là, pour le coup, constitue à mes yeux un véritable biais, est l'absence de référence à l'eschatologie. Il semble qu'il manque un livre à la Bible du père Brune, et c'est l'Apocalypse. Du coup il n'interroge pas suffisamment la nature antéchristique de notre époque, et donc il ne situe pas l'intérêt des "signes" que nous offrent les mystiques (voire parfois les adeptes de l'écriture automatique) par rapport à ce contexte luciférien. Or, parfois, cet intérêt est des plus suspects. Le Christ avait lui-même condamné très fermement une génération "avide de signes".

Le Nouveau Testament promet beaucoup de signes et de révélations à l'approche du règne de l'Antéchrist, mais uniquement pour autant que cela servira aux Chrétiens pour le combattre. Cela ne signifie pas qu'il faut aller les rechercher avec une curiosité malsaine (et toute la fascination à laquelle cela peut conduire au détriment du logos !).

N'y a t il pas eu de la part du père Brune une trop grande gourmandise à l'égard des signes, qui l'a fait un peu trop "courir" après le paranormal - là où, à l'opposé, l'Eglise officielle dans ses excès de routine terne versait dans le péché opposé du rationalisme ? Une soif qui l'a peut-être fait manquer le côté diabolique de beaucoup de signes, y compris parfois dans le discours des plus grands mystiques ? J'observe qu'à côté des mots "Apocalypse" et "fin des temps", l'autre terme qui manque au livre du père Brune est le mot "discernement" (par exemple l'expérience des anges de Gitta Mallasz évoque plus celle de l'astrologue Christian Duval que la notion d'ange gardien, voir ci dessous : c'est en fait du pur New Age !). Et c'est un reproche qui est aussi souvent adressé à l'Eglise orthodoxe qu'il admire.

Enfin reste une ultime question : est-ce qu'adopter le vocabulaire para-scientifique cher au New Age des quanta, des hologrammes, des énergies, apporte vraiment une plus value par rapport au vocabulaire traditionnel de l'expiation, de la sanctification, de la communion ? Y a-t-il plus de clarté à employer les termes du monde ? Ceux-ci ont le double inconvénient à mes yeux de rester imprécis, flous, tout en donnant l'illusion de mettre un peu à la portée de l'intelligence humaine ce qui, de toute façon, est censé la dépasser. Au pire cela vient cautionner la possibilité de dialogue avec des courants mystiques athées comme le néo-shivaïsme d'un Deepak Chopra, qui ont en fait aussi peu de rapports avec la spiritualité chrétienne qu'en avait, comme le disait en son temps St Augustin, le manichéisme. Et donc cela rabaisse, qu'on le veuille ou non, la force de la révélation chrétienne. L'apostasie sémantique se paie toujours car elle fait glisser sur la pente de l'hérésie. Quand on dit que le monde est un hologramme holochrone où toutes les époques se concentrent et se renvoient les unes aux autres, ne nie-t-on pas la possibilité d'une fin des temps comme on le disait plus haut ? Dieu est hors du temps (tout en étant dedans) c'est entendu, ne serait-ce que parce qu'étant dans tous les points de l'espace, il vit toutes les époques en même temps. Mais pas l'humain : il ne peut pas se "hisser" à la hauteur de cet étrange " hologramme" "sub specia aeternitatis"..

Le livre de François Brune comme le reste de son oeuvre a le mérite de faire voyager dans des pans mystiques du christianisme que le Vatican a eu le grand tort d'enterrer, mais cette démarche a ses limites si elle ne garde pas un fort ancrage scripturaire biblique, et ne s'accompagne pas d'une forte vigilance à l'égard des écarts lucifériens toujours possibles.

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Philippiens 3:10 : "Afin de connaître Christ, et la puissance de sa résurrection, et la communion de ses souffrances, en devenant conforme à lui dans sa mort"

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"Astrologie et religion au Moyen-Age" de Denis Labouré

22 Mars 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Histoire secrète, #Christianisme, #Alchimie, #Notes de lecture

Un certain fondamentalisme chrétien, qui a eu des antécédents dans l’histoire, tend de nos jours à diaboliser l’astrologie comme pratique divinatoire occultiste. C’est une opinion que combat Denis Labouré, astrologue chrétien, titulaire d’un master de théologie qui, dans un récent essai historique très approfondi, propose une interrogation nouvelle sur l’articulation entre la «science» de la lecture des astres et la foi en la toute puissance divine.

Pour les Pères de l’Eglise, nous dit Denis Labouré, «le monde est un miroir dans lequel Dieu se fait contempler (…) chaque chose est un signe où Dieu se fait connaître à nous». Certes Ignace d’Antioche, Justin, Tertullien et Saint Augustin ont milité contre la divination par les astres, mais Isidore de Séville, en s’appuyant sur le précédent biblique des rois mages, a ouvert la voie à une astrologie qui, sans voir dans la position des étoiles et des planètes une cause de l’histoire humaine, l’analyse comme une série de signes que Dieu envoie aux hommes pour les éclairer sur leur condition.

Rien de mieux, pour convaincre le lecteur, que d’examiner dans une perspective historique, la période faste de l’astrologie chrétienne que l’auteur situe au Moyen-Age, plus précisément entre le XIIe et le XIVe siècles. Denis Labouré retrace précisément la généalogie de cette astrologie occidentale, à travers les auteurs indiens, babyloniens et perses. Il montre comment l’arabe Albumasar (787-886) synthétisa ces traditions et, par ses seuls travaux sur les astres, initia à l’aristotélisme de grands penseurs français ultérieurs comme Thierry de Chartres ou Guillaume de Conches.

La suite de l'article est ici.

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"Le christianisme aux trois premiers siècles" de Jean-Henri Merle d’Aubigné (1794-1872)

21 Novembre 2017 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées, #Notes de lecture

Je lisais ce matin "Le christianisme aux trois premiers siècles" du pasteur suisse protestant Jean-Henri Merle d’Aubigné (1794-1872). Le début du livre est très tributaire de l'historiographie de son époque, et partage les mêmes simplifications du regard catholique : à la fin de la République romaine le polythéisme était usé jusqu'à la corde, la philosophie trop élitiste et sans prise sur la vie même des penseurs (voir Sénèque) ne pouvait lui offrir d'alternative, bien qu'elle eut donné quelques notions d'élévation morale. Il se détache du catholicisme après avoir parlé de la grandeur des apôtres. Pour lui le christianisme sombre avec les pères de l'Eglise quand il cherche à devenir religion d'Etat, c'est-à-dire, religion à rompre le rapport individuel de la conscience à Dieu.

D'autres ouvrages protestants recensés ici. Pour lui la persécution des martyrs est l'essence du paganisme (et c'est pourquoi le catholicisme eut tort de se faire persécuteur - d'Aubigné a aussi écrit de belles pages sur le supplice d'Hamilton en Ecosse -dans Ecosse, Suisse,Genève ch V, et sur le côté persécuteur du catholicisme "à la française" à Londres sous Charles Ier). En ce qui concerne les hérésies, pour lui Simon le Magicien est un précurseur des nicolaïtes condamnés par l'Apocalypse, mais il voit aussi des ferments d'hérésie aussi dans l'ascétisme dans l'épître aux Colossiens de Paul. pour d'Aubigné les ébionites sont une hérésie judaïsante et le gnosticisme une hérésie orientalisante, un "dualisme par émanation" qui postule une démiurge mauvaise émanation de Dieu et auteur de la matière renversé par un Christ immatériel (un "Eon"). Les premiers pères apostoliques (Clément Romain, Ignace, Polycarpe, Barnabas, Hermas, Papias) sont des auteurs naïfs. L'école philosophique d'Alexandrie et du Maghreb ne viendra que plus tard. déjà Clément d'Alexandrie reparle de "mériter par la charité" et oublie la doctrine paulinienne de la grâce. Ignace après lui est dans la soif sacrificielle très différente du langage de Paul (Clément d'Alexandrie et Cyprien condamnent cet empressement en expliquant qu'un chrétien qui choisit le martyr se précipite sans attendre que Dieu l'y appelle) et défend une soumission aux évêques. Polycarpe cite plus le Nouveau testament, mais lui aussi abandonne la justification par la foi. Hermas introduit la pénitence organisé et la casuistique. La tradition commence à supplanter la parole (p. 120).

Dans les persécutions antichrétiennes il y a la violence, le dénigrement gratuit. Et puis cette opposition de l'école platonicienne d'Alexandrie. Certains platoniciens comme Justin et Clément sont devenus chrétiens, mais l'école d'Alexandrie les détesta, parce qu'elle était proche d'eux, comme les jansénistes détestèrent les protestants parce qu'ils leur ressemblaient. Celse avec son Discours Véritable vers 150 est de ceux là. Attaquant la religion avec des arguments confus et absurdes, il essaie de faire voir dans le paganisme quelque chose de sublime et de pur, dissimulant les histoires scabreuses des dieux et les pratiques douteuses. Hélas le XVIIIe siècle allait les réhabiliter, par exemple Voltaire faisant l'apologie de l'empereur qu'ils façonnèrent : Julien (p. 185). Lucien est plus sceptique sur les vertus du paganisme, meilleur connaisseur du christianisme, mais sa raillerie des martyrs semble empêtré dans la maladresse. "c'est une coutume diabolique de faire de l'antiquité un argument en faveur du mensonge ; les voleurs et les adultères pourraient aussi se targuer de leur antiquité" (Augustin, Questions sur l'Anc. et le Nouv. testament) Les païens sont sur l'oreiller de paresse qui les décharge du devoir d'examen devant lequel les pères de l'Eglise mettent les chrétiens en les exhortant à lire les textes (par exemple Chrysostome ou Cyprien p. 198). Les pères qui raillent les décrets du Sénat portant les empereurs au Ciel sont aux antipodes du l'éloge des saints divinisés dans le Génie du christianisme de Châteaubriand. Minutius Félix refuse les images. Pour Origène les temples sont nos corps, où chacun oeuvre comme un Phidias. Point de temple dans la Jérusalem céleste (Apoc 21:22).

Le christianisme d'Orient était intellectuel comme celui d'Occident était pratique, comme au 19e siècle la dualité entre l'Allemagne et l'Angleterre (p. 214). Origène qui avait le tort d'être trop ascétique se distingua par son goût de l'Ecriture (il corrigea beaucoup la Bible altérée) et son assistance aux martyrs. Il fut excommunié pour sa croyance en une vie antérieure dans le ciel (et une vie postérieure dans d'autres dimensions, toutes marquées par la chute). Au IIIe siècle se développe le catholicisme en lieu et place de l'évangélisme. Ce n'est pas encore le papisme. Face aux hérésies, les formes et les lois (l'adoration des lieux et des hiérarchies) supplantent l'esprit. Cyprien de Carthage est à la fois un chrétien léger et un prêtre ascétique lourd (traditionaliste, sacramentaliste. Dans l'église aussi il y a la démocratie (le presbytérisme), l'aristocratie (l'épiscopat) et la monarchie (la papauté). A l'époque de Cyprien, ce fut la lutte entre les deux premières formes, avant que le procurateur romain ne lui coupe la tête.

Le livre de d'Aubigné est très subtil et agréable à lire et je le recommande aux internautes oisifs.

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"Les sociétés secrètes érotiques" de Gisèle Laurent

29 Juillet 2017 , Rédigé par CC Publié dans #Notes de lecture, #Nudité-Pudeur en Europe, #Shivaïsme yoga tantrisme, #Anthropologie du corps, #Histoire secrète

Un livre étrange d'une auteure dont Internet ne dit rien (on sait juste que Christophe Bourseiller l'a citée dans "Les forcenés du désir" en 2000). Publié en 1961 aux éditions Éditions De La Pensée Moderne, en 1961 en Algérie. En voici un résumé.

L'auteure détaille sur la base d'un témoignage autochtone et de celui d'Evola les rituels sexuels des Khlystis dont Raspoutine fut un initié errant (stranniki), les rituels de Raspoutine décrits par Vera Alexandrovna Choukovskaïa dans ses Mémoires, leur transposition en 1936-37 rue de Vavin à Paris par la comtesse de Naglowska disciple du staretz Tsarkoïe-Selo (c'est sans doute une erreur de plume de l'auteure car c'est là le nom de la résidence des tsars) ointe par les mariavites polonais(*) (la Messe d'Or, la "pendaison sacrée" aux origines sibériennes qui toutefois n'aurait été réellement mise en oeuvre que par Gustav Meyrinck à Prague), les rituels du groupe Kymris du belge Clément de Saint-Marcq au 27 rue Bleue, ceux du frère Michael à Sèvres disciple du Bogomile naturiste bulgare Peter Deunov (de l'ermitage d'Izgrev) (**). Puis elle fait un flash back sur le XVIIIe siècle : les messes noires de Lauzun, la tentative de conception d'un homoncule par Casanova avec la marquise d'Urfé (Mémoires T. VI ch VII), les messes noires de convulsionnaires ou "béguins" sur la tombe du diacre janséniste Pâris au cimetière St Médard jusqu'aux années 1850. Les orgies de la secte des Ansarieh près de Lattaquié en Syrie dans les années 1920, les rituels shivaïtes de Kanda-Swany décrits par Louis Jacolliot à la fin de 19e s, l'hiérodulie des sanctuaires de Kamashka et Shiroba dans l'enclave de Goa, le tantrisme "de la main gauche" des yogi, l'initiation des mao-mao via la sorcellerie sexuelle au Kenya dans les années 50, les pratiques sexuelles rosicruciennes du 17e siècle révélées dans "Le comte de Gabalis" par Nicolas Montfaucon de Villars. L'excision, la ganza africaine, le vaudou et le macumba sont aussi abordés dans le livre.

Gisèle Laurent cite aussi l'Eulis Brotherhood fondée par le "mage mulâtre" Paschal Beverley Randolph, ami d'Alexandre Dumas, formé dans les hauts grades de la Hermetic Botherhood of Luxor et auteur d'une "Magia sexualis" en 1872, trois ans avant sa mort violente et mystérieuse. Elle termine son livre sur les sorcières de Salem et le sabbat des sorcières vu par Margaret Murray comme un simple culte de la fécondité et ses survivances sur l'île de Man et dans les Highlands (pour elle, ces cérémonies s'accompagneraient de pratiques plus choquantes que ce qu'en dit Gardner).

Le livre est assez superficiel. On dirait un petit reportage pour épicer l'imagination du lectorat bourgeois de l'époque. Mais c'est sans doute une photographie exacte des "topoi", des points incontournables des références habituelles dans les années 1960 sur le mysticisme sexuel.

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(*) Les mariavites,condamnés par le Vatican en 1904 mais soutenus par l'occupant russe, étaient une secte quiétiste vouée à la mortification, dirigée par la visionnaire Falicia (Félicité) Kozlowska, tertiaire franciscaine à Plozk, violente à l'égard des prêtres catholiques mais tolérante envers les autres religions dans les écoles qu'ils administraient. Ils communiaient avec des petits papiers à l'effigie de Marie et prônaient la chasteté comme les manichéens. Ils ordonnaient des femmes, et, après la mort de Felicia Kozlowska en 1921, ils vénérèrent sa présence réelle dans l'hostie. L'archevêque Jean Kowalski qui avait pris l'ascendant sur la visionnaire de son vivant et, après sa mort, imposa le mariage mystique entre religieux arrangé par les chefs, et, au profit des hauts dignitaires, une polygamie, transformant le monastère de Plozk en harem personnel. Cela leur valut de rompre avec les vieux catholiques en 1924 après une rencontre entre Kennick et Kowalski à Berne. Les effectifs de la secte fondirent de quelques centaines de milliers avant guerre à moins de cent mille, et Kowalski fut condamné pour atteinte aux bonnes moeurs sur des mineures en 1928 (il ne purgea que 2 ans et 8 mois puis fut amnistié).

(**) Voir le reportage que lui consacre Paris-Soir en 1943.

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"Burkini" de JC Kaufmann

24 Juillet 2017 , Rédigé par CC Publié dans #Notes de lecture, #Anthropologie du corps

Jean Claude Kaufmann n'a qu'un bon livre à son actif "Corps de femmes regards d'hommes" paru en 1995 qu'il a souvent plagié depuis lors.

Au fil des ans, le sociologue a tenté de jouer les théoriciens (par exemple avec son ouvrage "Ego") et du coup le péché d'orgueil l'a saisi. Par ce péché, le dernier livre de Kaufmann est très marqué (par exemple quand il claironne en p. 20 qu'à l'été 2016 les médias se sont bousculés pour l'interviewer sur le burkini et lui demander d' "énoncer le sens du bien et du mal" devant une "société sans repères", mais que lui, esprit supérieur, a refusé de répondre préférant pondre un livre sur le sujet (et quel livre hautement médité dont il a accouché en moins de six mois !). On attribuera sans doute à cette immodestie le côté intellectuellement très superficiel du livre, et aussi ses incroyables approximations factuelles : voyez par exemple en page 29 comment il traite l'incident de Châteauneuf-sur-Charentes "une jeune femme se baigne seins nus" écrit-il alors qu'elle jouait au ping pong (voir mon billet il y a un an), ce qui change toute la problématique contextuelle : un sein qui remue dans une activité sportive n'a rien à voir sur le plan des normes de pudeur avec le sein d'une baigneuse (on se demande comment un sociologue parvient à raisonner sur la base de faits inexacts... quand on fait de la sociologie journalistique, le minimum est de coller au réel...).

Comme toujours le style du sociologue est une resucée de la doxa contemporaine, même pas consciente de ressortir des clichés, étalée au mépris de la neutralité scientifique. Ainsi sans justification il écarte comme trop simpliste (p. 48) la thématique du néo-colonialisme avancée par certains intellectuels anglo-saxons pour expliquer l'hostilité française au burkini. Un coup à gauche contre les anti-impérialistes, un coup à droite contre les sarkozystes (p. 16), histoire de rester dans le camp d'une bien-pensance centriste. Encore un petit clin d'oeil aux clichés consensuels p.50  "Vues de Sydney, les plages étaient devenues assimilables à une sorte de Corée du Nord, soumises à des règles tout aussi incompréhensibles, grotesques et scandaleuses que celles qui prévalent dans le régime de Kim Jong-un" ("incompréhensibles, grotesques et scandaleuses", il faut y aller avec de gros sabots pour le lecteur bourgeois urbain, pour le cas où il n'aurait pas compris que la Corée du Nord est un pays ubuesque comme la grande presse le lui répète à longueur d'année).

L'auteur révèle ses lacunes historiques quand il juge "improbable" l'union entre le laïcisme de centre-gauche d'E. Valls et l'extrême droite (il ignore les connivences entre ces deux tendances dans le colonialisme du XIXe siècle ou au temps de la politique anti-voile du gouverneur général d'Algérie Lacoste en 1956-58) et l'on cherchera en vain des analyses sophistiquées dans son livre. Mais il a au moins le mérite de montrer que le burkini n'est pas un vêtement islamique intégriste, qu'il résulte d'un compromis entre religiosité et désir de vivre les plaisir de la mer. Il résume assez bien la thèse de Khaoula Matri sur le port du voile (p. 143), fournit des statistiques intéressantes sur les rapports des femmes musulmanes au voile (p. 112) et enseigne aux Français un épisode étouffé par les médias australiens en décembre 2005 : les rixes de la plage de Cronulla à l'origine de l'invention du burkini. Ce n'est déjà pas si mal.

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"Pourquoi je suis chrétienne" de Ghislaine de Montangon

22 Mars 2017 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Médiums, #Notes de lecture

Chaque année, les idées et les croyances s’incarnent, prennent sens dans les peines et joies d’êtres de chair et de sang auxquelles elles viennent donner sens aux yeux de ceux qui les subissent. En cette année 2017, le témoignage de Ghislaine de Montangon vient apporter de l’eau au moulin d’un courant qui a connu une dynamique certaine depuis les années 1960, un courant qui n’a pas de nom officiel mais que l’on pourrait décrire comme une forme de christianisme hérétique, orientalisant, qui tente d’établir des ponts avec les sagesses bouddhistes, hindouistes, voire avec le chamanisme.

Ce courant de pensée a ses grandes figures décédées dont deux qui ont joué un rôle essentiel dans le parcours de l’auteure : Yvonne Trubert, initiatrice du groupe ''Invitation à la Vie'', femme inspirée, à moitié médium qui, pour reprendre les mots de Ghislaine de Montangon, apportait «trois clés : la prière du chapelet, des soins énergétiques, des pas dansés au rythme de sons chantés collectivement», et Arnaud Desjardins, disciple chrétien du maître hindou Swami Prajnanpad et fondateur de plusieurs ashram en France.

Ghislaine de Montaugon montre comment ces deux maîtres, ainsi que des auteurs plus récents découverts au fil de ses nombreuses lectures, l’ont aidée notamment à vivre et dépasser l’épreuve centrale de sa vie : l’accident de voiture de sa fille de 26 ans, en 2001, qui, à la suite de son traumatisme crânien, mène une vie végétative, laissant à la charge de leur grand-mère deux jeunes enfants.

Le livre, qui témoigne d’une recherche persévérante de la vérité et des moyens de garder encore des raisons d’exister quand, comme elle le dit elle-même, le danger de la dépression guète chaque journée, permettra aux lecteurs curieux de spiritualité de découvrir ou retrouver les grandes lignes d’un christianisme «dissident» qui prétend s’affranchir de toute notion de culpabilité, pour rejoindre une vision non-dualiste (celle, par exemple, du gourou indien Deepak Chopra mobilisé dès la première page du livre) qui cherche à s’affranchir de l’égo (et notamment du «cerveau gauche» qui raisonne trop) pour fusionner mystiquement avec l’énergie divine.

En donnant tous les arguments qui plaident pour ce courant de pensée, l’auteure, évidemment, en dévoile aussi les faiblesses que ne manqueraient certainement pas de relever les tenants d’un monothéisme plus «classique» (qu’il soit d’ailleurs juif, chrétien ou musulman). Le premier est peut-être l’absence de souci de rigueur dans la recherche des sources qu’on avance. Ainsi Mme de Montangon se borne-t-elle le plus souvent à citer les auteurs récents de sa mouvance sans chercher à les confronter à des sources plus anciennes et encore moins à celles qui les contredisent. Cela mène à des erreurs factuelles très visibles, comme lorsqu’elle appelle Jérusalem «cité de l’âme» (p.16) alors que c’est ''de la paix'' au sens de complétude et l’étymologie communément admise ; ou encore lorsqu’elle affirme à tort que Flavius Josèphe cite l’existence de Jésus (p.164), en se gardant bien d’ailleurs préciser à quel endroit… D’une manière générale, le judaïsme est très absent du livre : notamment de la page sur la Genèse (p.161), à part pour décréter sans démonstration que l’idée de faute originelle «n’est pas conforme au texte hébraïque original» sans autre autorité que celle de l’ancienne infirmière anesthésiste, théologienne orthodoxe (et jungienne…) Annick de Souzenelle (et tant pis pour les 3000 ans d’exégèse juive qui ont soutenu le contraire). On comprend bien pourquoi d’ailleurs : s’interroger sur ses principes et sa tradition réduirait à néant l’effort de poser l’évangile apocryphe de Thomas comme source légitime de compréhension du christianisme. Et penser un Jésus juif (et un judéo-christianisme qui est l’origine historique réelle du catholicisme) interdirait de séparer l’enseignement évangélique des notions de morale, de jugement, et de toute l’eschatologie (l’attente de la fin du monde, et de la rédemption finale) dont il est solidaire. Il est plus simple de tout mettre sur le dos de l’ignorance ou de la malhonnêteté des évêques du Concile de Nicée…

Dans le livre de Mme de Montangon, comme dans sa mouvance, la disqualification de la vérité argumentée (qui gardait encore une place, subordonnée à la Révélation, mais tout de même vivace, dans la théologie catholique traditionnelle) permet d’ouvrir la porte à n’importe quelle canalisation médiumnique comme celle de Neale Donald Walsch, dont il n’est même plus requis d’évaluer la pertinence des révélations : «Vraisemblable ou pas, son discours m’avait alors fourni un excellent guide», écrit-elle (p.20). Il n’est plus nécessaire que les propos soient vrais ni même vraisemblables, pourvu qu’ils plaisent. La vérité n’a plus sa place, puisque le jugement est exclu. Il faut réhabiliter les traditions chamaniques au nom du «Aimez vous les uns les autres» (p.162). Les démons n’existent pas. Dieu, perçu comme une source énergétique ainsi que le font souvent les médiums (et qui n’est donc pas transcendant à sa création), se donne «en vérité» (sans stratagème ni illusion possible) comme connaissance et force d’amour inconditionnel dans la «nudité totale», l’abandon de soi (qui doit être plus qu’un lâcher prise car sinon les pensées tristes pourraient affleurer dans cette ivresse - p.105, sans aller tout de même jusqu'à l’anomie libertaire soixante-huitarde jugée trop «nivellatrice» - p.145).

Toute négativité doit être évacuée, même constructive (p.105), tout ce qui est problématique - et donc de ce fait en réalité source d’intelligence - est révoqué comme inutile. Il faut se laisser hypnotiser, à coup de yoga, de transes, de méditation et de prières individuelles ou de groupe qui ont «le pouvoir de déclencher une force énergétique importante, ressentie ou non d’ailleurs par les participants» (p.85), comme dans le New Age, par les ressources positives du présent, renoncer aux sacrifices de la fourmi pour faire l’éloge de la cigale (p.119), envisager la vie comme un «jeu de l’oie sur le chemin du bonheur» (p.27) où les souffrances sont des occasions de mieux se connaître soi-même (et non de réparer des fautes ou de gagner une vie éternelle meilleure puisque la perspective de l’au-delà de la mort est annulée par l’ici et maintenant), c'est-à-dire du Soi, dans lequel l’âme s’anéantit comme, au fond, elle anéantit autrui.

Le témoignage rend compte agréablement, et même souvent avec beaucoup d’émotion, de la manière dont l’auteure a assis son existence sur ce credo-là. Mais il omet hélas d’expliquer comment un monde avancerait dans son ensemble sur de telles bases eudémoniques, autant que de rendre justice aux arguments de la tradition dualiste auxquels il s’oppose. L’aveuglement est au bout des intentions bienveillantes, et le livre peut être au fond lu, à un niveau philosophique, comme une nouvelle illustration des dangers d’une trop grande hâte à évacuer le négatif de la foi comme de la pensée.

La  recension est aussi ici.
 

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"Les dévots du bouddhisme" de Marion Dapsance, Eds Max Milo

12 Octobre 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Notes de lecture, #Histoire des idées

"Les dévots du bouddhisme" de Marion Dapsance, Eds Max Milo

A l’heure où le lamaïsme tibétain jouit d’une indulgence voire d’une sympathie croissante dans l’opinion publique occidentale, l’anthropologue Marion Dapsance propose une approche plutôt décapante des conséquences de l’implantation du bouddhisme sous nos latitudes, en dépeignant pour nous les mœurs et croyances des sectes qui s’y adonnent à l’abri des regards.

La suite de ma recension est ici

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"Constance de Rabastens, mystique de Dieu ou de Gaston Fébus ?"

14 Août 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire secrète, #Médiums, #Notes de lecture, #Ishtar

"Constance de Rabastens, mystique de Dieu ou de Gaston Fébus ?"

Il y a près d'un an je vous ai parlé de la visionnaire Jacqueline-Aimée Brohon (1731-1178) voir le billet ici que j'ai transformé ensuite en article pour la revue "Connaissance de l’Eure" n° 178 (4e trimestre 2015). Changeons de siècle, et intéressons nous à une autre visionnaire fascinante : Constance de Rabastens, et à son approche du chevalier Gaston Phébus (1331-1391). Je me suis demandé si cette visionnaire pouvait nous aider à saisir la signification occulte, ésotérique, de cette époque-là (et l'on a vu avec mon précédent billet sur le général Butt Naked combien cette dimension de l'histoire était incontournable, aujourd'hui comme au Moyen-Age).

Comme l'indique l'historienne Régine Pernoud dans sa préface au livre de référence à son sujet est paru en 1984 aux éditions Privat (Toulouse), Constance de Rabastens (née en 1340 ?) fut la visionnaire par excellence sur Gaston Phébus, comme un siècle plus tôt Sainte Douceline de Digne (1214-1274) le fut sur Charles d'Anjou (frère de Saint Louis et roi de Naples, le père du découvreur des reliques de Ste Baume). L'historienne les qualifie de "mystères" et les compare toutes deux à la voyante Sainte Hildegarde de Bingen (déclarée docteur de l'Eglise par Benoît XVI en 2012) dont le Livre des œuvres divines ne fut traduit en français par Bernard Gorceix que deux ans avant la publication du livre sur Constance de Rabastens (on notera d'ailleurs que Régine Pernoud se demande si Constance ne mérite pas le titre de sainte, un débat qui valut aussi pour d'autres visionnaires comme l'espagnole Marie d'Agreda au XVIIe siècle et l'allemande Anne-Catherine Emmerich au XIXe et qui, en effet, mérite de rester ouvert).

Avant Hiver-Bérenguer, Constance de Rabastens n'était pas inconnue de l'historiographie. Noël Valois (185-1915), dans La France et le grand schisme d'Occident. 1896 T. 2 écrit (p. 327) "Le puissant Gaston Phoebus passait pour urbaniste (partisan du pape Urbain) : une voyante albigeoise, Constance de Rabastens, le désignait même comme le sauveur appelé à restaurer l'autorité du pape italien". P. 368 il développe à propos de cette Constance : "Trois ans durant (1384-1386), cette femme se figura entendre des voix célestes prononcer la condamnation du pape et des cardinaux d'Avignon ou annoncer le triomphe définitif du pape de Rome, celui qu'elle appelait « l'homme juste. » Elle crut apercevoir en enfer trois cardinaux, et parmi eux Pierre de Barrière, dit le cardinal d'Autun : c'était celui que les démons persécutaient le plus. Clément VII lui apparut tantôt sous les traits d'un lépreux qui communiquait sa lèpre aux gens de son entourage, tantôt sous ceux d'un navigateur qui s'abîmait dans les flots avec le vaisseau sur lequel il venait de s'embarquer, ou bien encore environné de fumée et de ténèbres, tandis qu'au dessus de sa tête un ange brandissait une épée nue sanguinolente. Le comte de Foix Gaston Phoebus jouait dans ces visions le rôle d'un sauveur appelé à rétablir l'autorité d'Urbain, comme aussi à prendre sur Charles VI un ascendant heureux. Par contre, il n'était pas d'anathème que la voyante ne lançât contre les Armagnacs, traîtres au roi et vendus au démon. Telles sont les prétendues révélations que Constance ne se lassait pas de communiquer à son fils, religieux du couvent de la Daurade, à son confesseur, voire même à l'inquisiteur de Toulouse. Sans se faire illusion sur les suites probables de sa témérité, elle allait bravement au-devant de l'épreuve, se croyant appelée à restaurer la foi. Longtemps elle paraît avoir vécu en paix, jouissant même dans la contrée d'une certaine considération. Mais un mot d'un témoin de ses hallucinations nous renseigne sur son sort : certains détails, dit-il, furent donnés par son fils, quant ella fo encarcerada. Rien ne permet, d'ailleurs, d'évaluer la durée de l'emprisonnement qui, s'il ne termina pas, interrompit du moins la mission de la voyante urbaniste de Rabastens". Valois dit tenir cela d'Amédée Pagès (1865-1952) qui, lorsque le premier écrit son livre sur le schisme, s'apprête dit-il en note de bas de page à publier "un curieux mémoire en langue catalane" à son sujet. Pagès le lui a fait lire (il s'agit du texte publié dans les Annales du Midi 8, 1896, p. 241-27 sur lequel Hiver-Bérenguier allait travailler). Le moins que l'on puisse dire à la lecture de ces lignes est que Valois n'a pas une très haute opinion de la visionnaire (ce qui explique peut-être qu'Hiver-Bérenguier n'y fît pas référence en 1984).

L'histoire du livre d'Hiver-Bérenguier de 1984 mérite un petit développement à titre préalable, car, comme c'est souvent le cas des grandes découvertes, Constance de Rabastens n'a été redécouverte que du fait du "hasard" (qui n'existe pas), et non dans le cadre de programmes de recherches universitaires bien établis. Dans son édition du 6 janvier 1980 (deux ans après la diffusion de la série à succès "Gaston Fébus ou le Lion des Pyrénées" sur Antenne 2), le journal Le Monde publie une longue étude de l'historien de l'université de Rouen André Vauchez intitulée "Les sœurs de Jeanne", résumé de sa conférence d'octobre 1979 au colloque d'histoire médiévale d'Orléans (c'était du temps où Le Monde, d'un plus haut niveau qu'aujourd'hui, diffusait des résumés de conférences universitaires), qui cite des visionnaires : Jeanne-Marie de Maillé, Marie Robine (Marie de Gascogne) et Constance de Rabastens du Tarn. Jean-Pierre Hiver-Bérenguier, docteur en chirurgie dentaire (mais oui !), enseignant à l'université Paris VII mais originaire de ce village se rend compte qu'il n'a jamais entendu parler de cette mystique et écrit au professeur Vauchez pour lui proposer de défricher le sujet. Vauchez lui transmet sa source : les Annales du Midi de la fin du XIXe sècle où se trouvait le transcrit en catalan des Révélations de Constance de Rabastens. Pendant deux ans, avec le soutien de Vauchez, de Régine Pernoud, de Dom Grammont, père de l'abbaye Notre-Dame du Bec Hellouin, et du médiéviste Philippe Wolff, Jean-Pierre Hiver-Bérenguier avale "plus d'une centaine de livres" et pond en deux ans ce livre que la préfacière couvre d'éloges. Voilà une histoire peu commune pour un livre, mais celle de la visionnaire l'est encore moins.

Le dimanche 29 juin 1386, fête de la Saint-Paul, en l'église Notre Dame à la messe de l'aurore dans la chapelle Saint Jean, la très pieuse dame Constance, 45 ans, s'est remise à prophétiser, ce qu'elle fait déjà depuis cinq ans. Au début il y avait les visions la nuit, puis à n'importe quel moment de la journée et surtout quand elle prie aux offices de l'église ou du couvent des Cordeliers. Elle prophétisait sur les papes d'Avignon et de Rome, sur les malheurs du jeune roi de France en guerre contre les Anglais. Elle annonce la fin du monde, la victoire des Sarrasins disciples de l'Antéchrist, mais aussi une victoire de Gaston Phébus, comte de Foix et vicomte de Béarn, qui ramènera la paix. Au moment de la lecture de la deuxième Epître à Timothée "fais œuvre de prédicateur..." Constance entre en transe, les yeux fixés sur le Christ en Majesté sur la voûte, le corps raide insensible et répète "Des signes, oui, des signes..." et puis : "Le soleil... la lune... les étoiles sur toutes les terres !" (p. 17).

Le soir même son confesseur Raimond de Sabanac consigna ce qu'elle dit avoir vu, au paragraphe 55 des Révélations (sur 63). Tout le livre des Révélations est ainsi composé. En l'occurrence, lors de cette extase elle entendra Jésus lui dire que le vrai pape de Rome est le soleil, la lune les cardinaux qui ne veulent pas recevoir sa lumière du soleil, les étoiles les théologiens qui se taisent, les princes sont la Terre, Constance est sa flêche, le soleil s'imposera. Hiver-Bérenguier en s'appuyant sur un livre de Salembier de 1902 sur le grand schisme rapprochera (p. 95) cette vision de celle de Pierre d'Ailly, disciple de Joachim de Flore, qui, en s'aidant de l'astrologie, prédit dès 1414 la Révolution de 1789. D'Ailly en 1385 aurait annoncé l'Anté-Christ en ces termes : "Il y aura des signes dans le ciel, dans le soleil, la lune et les étoiles. Le soleil, ce sont les prélats ; la lune, ce sont les princes : le rayon de leur justice s'obscurcit ; les étoiles ce sont leurs membres inférieurs : la grâce disparaît en eux tous." (Sermo III, De advetu domini).

Clémence a des visions importantes sur les partisans de Clément VII pape d'Avignon et leur mort. Le 6 novembre 1384, alors qu'elle pense à la cruelle reine Jeanne Ière de Sicile assassinée en 1382, la Voix lui dit que "la mesure avec laquelle la reine avait mesuré a servi de mesure pour elle-même". La visionnaire annonça même en 1384 à un seigneur venu la consulter la mort de Louis d'Anjou, roi de Naples qui, après qu'il eut manqué le trône de France, avait mené une expédition militaire contre Rome à la demande de Clément VII : "Tu diras que mort est celui qui portait le signe de la Bête, c'est à dire le duc d'Anjou." Elle lui révèlera aussi en mars 1384 la trahison du comte d'Armagnac à l'égard du roi de France Charles VI, qui n'allait être connue que deux mois plus tard. La Voix lui parle aussi de Ninive alors qu'elle n'en a jamais entendu parler.

En 1384 ou 1385, la Voix qui lui a parlé des Flandres lui dit 20 fois que dans 7 ans le royaume de France "viendra à grand bouleversement, c'est-à-dire abattement" du fait du soutien aux papes d'Avignon et en effet en 1392 le roi sombra dans la folie.

Ses prédictions d'Apocalypse rejoignent celles de St Vincent Ferrier peu de temps après, l'image des ailes qui la libèreront sera aussi donnée à Jeanne d'Arc et se trouve dans l'Apocalypse ch 22 (la Vierge s'envole au désert pour échapper au Dragon).

Gaston Fébus est un personnage central des visions de dame Constance. Né sous le signe du taureau en 1331 (signe de la terre, il a le taureau et la vache sur son blason), il a un côté paysan têtu ombrageux mais aussi vénus en dominante, un côté artiste, séducteur. Il est entouré d'une légende à cause de ses victoires militaires, de sa richesse, et on lui prête un don de devin pour connaître ce qu'il se passe sur ses terres. Il a tué son fils en 1382.

Selon le notaire Michel du Bernis, archiviste de Fébus (dont la version selon Cabié en 1879 serai la plus fiable), le dimanche avant la Madeleine de 1381, à Rabastens Fébus livra bataille à des hommes de son rival duc de Berry, comte d'Armagnac qui venaient de piller le Lauragais et en emprisonna certains, massacra les autres. Cette victoire chevaleresque marque les Rabastinois qui en ont été témoins sous leurs remparts.

On ne sait rien de Constance, sauf qu'elle est veuve, qu'elle a une fille et un fils moine. Elle assistait à tous les offices, un baron bordelais et un seigneur clerc l'ont consultée. Elle a été jugée par l'Inquisition sur un faux témoignage et innocentée.

Son confesseur et secrétaire (comme pour Hildegarde) dont Hiver-Bérenguier dit qu'il pourrait être un homme de Fébus a introduit le livre par une mise en garde contre les visions, comme Gerson 30 ans plus tard. Il les a notées dans le désordre. Il les a écrites de 1384 à 1386, et à propos d'une vision du 4 octobre 1384 dit que Constance en avait depuis plus de deux ans.

Vers 1881 donc (peut-être après la bataille de Rabastens, mais Cabié lui situera l'événement fondateur des visions en 1374, cf Madeleine Jeay) elle voit une montagne de cadavres et une voix lui dit qu'il y aura des cadavres mais que ce qu'elle entendra sera a vérité. Elle pense que cela vient de Jésus. A la mort de son mari peu après, la voix lui annonce qu'elle quittera le monde comme une moniale. Elle se rendra souvent au couvent des cordeliers. Jésus lui apparut une fois comme un homme habillé de satin, une autre comme un seigneur sur son trône, puis nu couvert d'un manteau blanc portant une grande croix à la main et en colère, une autre dans sa vision Jésus dans l'église se détache de sa croix puis, après qu'elle lui ait baisé les mains, frappe des gens avec un bâton et demande qu'on le remette en croix (p. 87). Elle vit aussi la Trinité. Beaucoup de ses visions sont aussi des paraboles : arbre vert, cygnes, brebis remparts, navires qui sont des métaphores de villes, de la papauté etc.

A propos de Fébus, le mardi 9 mais 1384, la Voix lui dit "Alors se dressera la Grue à la tête vermeille, c'est à dire le comte de Foix, qui redressera l'Homme juste, c'est-à-dire le pape de Rome et le replacera sur son Siège. Et de la même façon que vint Vespasien pour détruire Pilate, viendra le comte de Foix pour détruire Armagnac. Alors il dominera le royaume tellement, et il y aura telle grande union entre le Roi de France et le comte de Foix, que le Roi en de nombreuses choses obéira au comte. Et après, le comte prendra le commandement du Saint Passage !" (§26).

Un petit cousin de Fébus en 1445, Gaston IV, nomma son cheval de parade la Grue. Fébus dans un de ses poèmes se décrit comme "prince illustre à la tête couronnée de flammes". Pline parle de la grue symbole de vigilance qui dans l'eau tient dans sa patte une pierre pour qu'elle l'entende tomber si elle s'assoupit. La mère de Constance le lui avait enseigné. Hiver-Bérenguier renvoie aussi au conte persan de Faride Ouddin Attar, sur le voyage initiatique des oiseaux. "La Vache sera à l'ombre de la Fleur". Vache du Béarn, Fleur de Lys de France, le Saint Passage c'est la Croisade. Catherine de Sienne, elle, tenta de pousser un condottiere à la Croisade.

Le thème du dernier monarque avant la fin des temps qui sauvera la France remonte à St Césaire, évêque d'Arles au VIe siècle (révélées en 1524 par Jean de Vatiguero). Merlin le Gallois annonça le schisme, le rôle d'une jeune Lorraine et du grand monarque, ce que révéla Jeoffroy de Monmouth en 1152. Nostradamus le développa aussi. Eric Muraire dans son Histoire et Légende du Grand Monarque (Albin Michel, 1975) le retrouve chez 76 voyants (dont 30 femmes) dont 44 français, jusqu'à Garabandal.

Constance se plaignit que cette prophétie lui incombât (elle fut souvent passive à l'égard des messages qu'elle recevait, n'était pas une mystique souffrante ou stigmatisée comme le furent tat d'autres), mais la Voix (§ 53) lui rappela le rôle de la femme dans la révélation des derniers sceaux de l'Apocalypse. Hiver-Bérenguier note que Fabre d'Olivet dans Histoire Philosophique du genre humain insiste sur le rôle prophétique des femmes du fait de leur sensibilité nerveuse depuis la Protohistoire. Naturellement le fait que beaucoup ne se soient pas réalisées (notamment celle sur l'Apocalypse prochaine) ne compte guère, les prophéties étant le plus souvent conditionnelles.

Pour avoir une approche un peu plus complète de ce que les visions de Constance de Rabastens peuvent nous dire de leur époque, il faudrait peut-être les comparer à celles de sa contemporaine Marie Robine (Marie de Gascogne) qui, elle, défendait Clément VII d'Avignon. Pour savoir si les visions de cette Constance venaient de Dieu ou du diable, il faudrait une analyse aussi limpide que celle d'Augustin Viatte à propos de celles de Jacqueline-Aimée Brohon (qu'il reliait intelligemment aux hérésies de Rousseau et du romantisme)

Hiver-Bérenguier détaille la mystique de Constance de Rabastens, note par exemple l'absence des Saints, notamment de Marie, et le peu d'importance qu'elle accorde au péché (elle estime, comme Fébus dans ses Oraisons, que Dieu ne peut pas condamner sa propre créature). Le dernier point a des relents d'hérésie qui donne une couleur un peu démoniaque aux visions (de même aussi son utilisation de Ninive oubliant que dans Jonas Dieu a pardonné à cette ville d'Assyrie) quoique l'Inquisition ait innocenté la mystique (mais certains sousentendent qu'elle ait pu agir sous la pression de Fébus). Un théologien serait mieux à même que nous d'en juger ...

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Voir aussi

R. CABIÉ, Une mystique? Réflexions sur Constance de Rabastens, in Cahiers de Fanjeaux, 23 (1988), pp. Cahiers de Fanjeaux, 23 (1988),37-55;

R. Cabié, Révélations de Constance de Rabastens. Édition, traduction et commentaire, Barcelone, facultat de theologia de Catalunya-Institut catholique de Toulouse, 1995, p. 40.

H. CHARPENTIER, La fin des temps dans le Livre
des Oraisons de Gaston Fébus et les Révélations de Constance de Rabastens, in Fin des temps et temps
de la fin dans l’univers médiéval, in Cahiers de Senefiance, 33 (1993), pp. 147-62

Renate Blumenfeld-Kosinski, « Constance de Rabastens: politics and visionary experience in the time of the Great Schism », Mystics Quarterly, 25, 1999, p. 147-168.

M. Jeay, « Marie Robine et Constance de Rabastens : humbles femmes du peuple, guides de princes et de papes», Le petit peuple dans l’Occident médiéval, éd. P. Boglioni et C.Gauvard, Paris, Presses de l’Université de la Sorbonne, 2002, p. 579-594.

Madeleine Jeay, La transmission du savoir théologique, Le cas des femmes mystiques illettrées, CRMH p. 223-241

Celle-ci travaille surtout sur la comparaison entre les visions de Constance et le discours ou les images théologiques dans lesquelles elle baignait, ses interactions avec son entourage, une approche en vogue dans les sciences humaines actuelles mais qui ne m'intéresse guère, exemple :

"Le troisième canal par lequel les fidèles ont eu accès à ce savoir, comme nous l’a indiqué l’exemple de Constance de Rabastens, est celui de l’image, en conjonction avec les pratiques dévotionnelles et liturgiques, par l’intermédiaire du livre et de la lecture ou bien des programmes iconographiques des églises. Ses révélations illustrent clairement le lien étroit entre le contenu de ses visions et celui des chapitres du Livre des Révélations dont on lui fait la lecture. On sait la part qu’occupe l’illustration dans les apocalypses pour accompagner le texte, notamment celles en français, ce qui en faisait de remarquables outils pédagogiques.

Parallèlement aux scènes de l’Apocalypse, Constance a été marquée par les peintures qui recouvraient l’église Notre-Dame du Bourg, en particulier par celle qui figurait dans la chapelle Saint-Martin. L’apparition qu’elle reçoit aux environs de 1374, d’un arbre chargé de fruits surmonté d’un nuage où siègent vingt-quatre vieillards, combine les chapitres 2 et 22 de l’Apocalypse avec la peinture de l’Arbre de Vie de la chapelle. Le lignum vitae et l’image de l’arbre évoquent saint Bonaventure et l’ouvrage par lequel il a diffusé sa doctrine théologique, où elle lui sert d’outil pédagogique pour favoriser la compréhension et la mémorisation."

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Le "général cul-nu" (butt naked) Joshua Blahyi, devenu pasteur (Liberia)

11 Août 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Nudité-Pudeur en Afrique, #Histoire secrète, #Christianisme, #Médiums, #Notes de lecture

Vous vous souvenez que, dans mon livre la Nudité Pratiques et significations, j'ai parlé du général Butt naked (Joshua Blahyi)), qui, se battant nu au Libéria au cours de la guerre civile des années 1990, a fait périr au moins 20 000 personnes . Devenu pasteur protestant, il raconte sa conversion dans "The redemption of an African Warlord" (editions Destiny Image, 2013), une expérience que son préfacier Bojan Jancic qualifie de d'histoire de conversion "la plus radicalement fascinante depuis Saint Paul".

J'avais classé le combat nu de ce général comme celui des Celtes, dans la rubrique la "nudité-affirmation". Mais selon Blahyi il s'agissait d'une nudité humiliante : "Je devais me battre 'cul nul', écrit-il dès la page 19, parce que c'était l'exigence de la force spirituelle qui me donnait le pouvoir. C'est juste un exemple de jusqu'où Satan peut aller pour humilier un être humain au nom de son intention de lui donner un pouvoir".

Il explique que la tribu guerrière dont il est issu croyait beaucoup au pouvoir immanent et exigeait des vaincus un renoncement par traités rituels à leur souveraineté pour ne pas être ensorcelée par eux. Ces guerriers professionnels avaient pour chef non le plus âgé comme d'ordinaire en Afrique mais le plus fort. Une branche, les Sarpo-Krahn, renonça à la guerre et s'établit à Greenville sur les bords de l'Atlantique, mais ils furent massacrés par leurs frères guerriers Krahn après avoir rencontré des missionnaires et tenté à leur tour de les évangéliser. Un survivant, Saydee fut "empowered", doté d'un pouvoir, ainsi que ses compagnons, par l'esprit Nya-Ghe-a-weh pour venger les siens grâce à un talisman (qui envoûtait avec un éternuement cf p 28, j'ai aussi vu cela avec des mediums), avec notamment un pouvoir de voler et disparaître à volonté. Sa vengeance réalisée, Saydee devint grand prêtre de Nya-Ghe-a-weh que lui et ses descendants seraient les seuls à voir et Nya-Ghe-a-weh choisirait à loisir ses prêtres dans cette ethnie qui sont en fait désormais "ses guerriers".

Alors que l'ethnie avait perdu Greenville face aux Kru, l'oncle du grand père paternel de Blahyi, séduit par l'éducation occidentale du gouverneur proposa à sa tribu d'abandonner ses traditions. En raison du refus de Nya-Ghe-a-weh il fut banni du clan, mais poussa l'arrière grand père de Blahyi à baptiser son fils (le grand père de l'auteur qui allait être un bienfaiteur de la tribu) et poursuivit clandestinement l'éducation de sa tribu.Tous ces éléments sont importants pour comprendre les malédictions sur plusieurs générations dont parle la Bible.

Le frère préféré du père de l'auteur mourut assassiné dans des circonstances assez mystérieuses le jour de la fête de l'obtention de son baccalauréat (p. 48) par des gens qui voulurent lui montrer que l'éducation ne sert à rien. Cet oncle mourant fit jurer au père que leur nom de famille serait placé parmi les lettrés. Ainsi engagé dans le combat pour l'éducation, le père de l'auteur devint comptable spécial du ministre des finances Steven A.Tolbert, le frère de William qui fut un président progressiste de 1970 à son assassinat en 1980, mais il dut devenir grand prêtre de sa tribu selon les lois coutumières. Nya-Ghe-a-weh exigea que son fils ainé fut éduqué dans la tradition pour pouvoir le seconder utilement et lui succéder le moment venu.

La première femme du père de l'auteur, Ma Saybah, une Lorma du comté de Lofa, faisait partie de la société secrète des Sande. Le fils ainé Benedict-Nnawyieee fut initié par la société secrète des Poro de l'ethnie maternelle. Il en résulta qu'au village l'oracle de Nya-Ghe-a-weh le rejeta comme prêtre et lui lança une malédiction "d'instabilité". La mère de l'auteur, déjà mariée et mère, mais qui était une personnalité importante, fut choisie par les vieux du village pour enfanter le prêtre enfin digne qu'exigeait Nya-Ghe-a-weh. Un sortilège fut fait pour que le père de l'auteur couchât avec elle à Monrovia, et de cet accouplement naquit l'auteur. Mais la première femme fut furieuse. Elle tenta de retrouver sa rivale par des devins mais n'y parvint pas pendant la grossesse car celle-ci à Monrovia était protégée par Nya-Ghe-a-weh. A la naissance de l'auteur, Ma Saybah envoya une prophétesse auprès de sa mère qui lui offrit une pièce de 25 cents comme cadeau. L'enfant joua avec mais elle disparut par miracle. Une sorcière dit à la mère de l'auteur que son fils était un enfant bizarre à surveiller avec prudence.Après l'échec de la malédiction de la pièce, Ma Saybah convainquit le père de ramener le fils au village auprès du demi-frère Benedict mais échoua aussi à le détruire. Comme l'auteur était doué pour l'école, le père refusa de le nommer grand prêtre et même enfanta un autre bébé pour qu'il occupe cette charge. Nya-Ghe-a-weh le punit d'abord en accablant le fils d'une maladie puis au bureau du père à Monrovia en provocant chez celui-ci des tremblements terribles alors que son staff était endormi et le menaça de tuer son fils s'il continuait de désobéir.

Le père fit admettre par Nya-Ghe-a-weh que son fils devînt prêtre à sa place, bien que fort jeune, ce que le dieu accepta dans un rêve. L'auteur lors de son initiation comme prêtre vit Nya-Ghe-a-weh. Pendant plusieurs jours le dieu lui montre les actions de sa belle-mère contre lui, le poids d'une ombre sur sa vie, les trahisons et lâchetés des ancêtres. L'enfant promet d'être fidèle à Nya-Ghe-a-weh qui lui assure qu'il lui réserve un destin exceptionnel.

Joshua Blahyi raconte le détail de son initiation (il affirme que Jésus aujourd'hui l'incite à le faire sans crainte pour démystifier son ancienne idole), et notamment comment son dieu le fait sauter de son rocher sacré, lui fait manger de la chair humaine, lui donne ses pouvoirs surnaturels d'invulnérabilité etc. Le récit rappelle exactement les récits européens antiques et les légendes africaines, sauf que là ça ne se donne pas du tout comme des légendes mais bien comme une histoire réelle survenue il y a une quarantaine d'années.

Après cela c'est comme le mécanisme d'une machine infernale qui se déclenche.Blahyi raconte comment il recrute des prêtres et des sorciers à son service et au service de Nya-Ghe-a-weh, et s'assure la fidélité des gens par des envoûtements, des sorts jetés sur la nourriture, sur l'eau etc. Blahyi doit effectuer des sacrifices d'enfants pour Nya-Ghe-a-weh aux nouvelles lunes. Il explique comment il pénètre par le sommeil dans l'esprit des gens qu'il veut tuer, capture cet esprit de sorte que le corps reste en état de mort clinique au petit matin, disponible ensuite pour le rituel anthropophage.

Une fois il a peiné à avoir le corps d'une petite fille parce que sa mère était chrétienne (il ne pouvait acheter la confiance de la fille même en lui faisant un cadeau car elle le refusait) mais Nya-Ghe-a-weh tenait à ce qu'il réussisse. Il a alors abusé d'une faiblesse de sa mère. Comme il n'était encore qu'un enfant - quoique déjà grand prêtre - il lui offrit un pièce de 25 cents, comme sa belle mère l'avait fait à sa mère par le truchement d'une "prophétesse". La mère accepta, les gens du voisinage s'amusèrent en disant que c'était une "dot". Et en effet, ce fut une dot car ensuite la mère avait sans le savoir ainsi conclu un pacte et ne put défendre sa fille qui mourut la nuit suivante.

Lorsque le président Samuel Doe (qui allait être un grand allié de Ronald Reagan dans la région), membre de l'ethnie Krahn prend le pouvoir en 1980, Blahyi en tant que grand prêtre du plus grand dieu de l'ethnie devient de fait son tuteur spirituel : Doe fut un des milliers de prêtres - placé au rang 7 - de Nya-Ghe-a-weh. Et ce fut à l'échelle du pays tout entier, et même de la sous-région qu ele culte de Nya-Ghe-a-weh, avec son système d'embrigadement et de sacrifices d'enfants fonctionna.

Toutefois à la fin des années 1980, le système de Doe s'affaiblit. Celui-ci, trop ambitieux spirituellement, se fait aussi initier dans les rites d'autres cultes comme les Poro et la franc-maçonnerie. Par le biais des Poro, à un moment en 1990, Prince Y. Johnson allié de Charles Tayor arrive à couper la protection de Nya-Ghe-a-weh et la canalisation entre Blahyi et le président. Celui-ci est assassiné. Avec la guerre civile les Krahn risquent d'être massacrés en représailles, et Blahyi alors donne libre cours à sa fonction de guerrier que lui a conférée Nya-Ghe-a-weh. Il arme ses hommes, constitue une armée, et raconte les pouvoirs exceptionnels dont il bénéficie grâce à son dieu (celui de terroriser, celui de faire en sorte que les balles passent toutes très loin de son corps).

Cette partie de sa vie est aussi spirituellement instructive, notamment lorsqu'il évoque une guérilla musulmane. Il explique qu'il a toujours senti que, pour pouvoir travailler avec elle, il devait entamer une négociation avec leur dieu, alors qu'avec les chrétiens aucune négociation avec leur Dieu n'avait jamais été possible et il n'avait l'esprit des chrétiens que lorsque ceux-ci d'une manière ou d'une autre brisaient le pacte avec leur Dieu, comme la mère de la fillette dans les années 70. Il y a aussi des remarques importantes sur les dieux qui contrôlent les autres pays africains, les alliances qui ont pu être passées avec eux etc. (cela rejoint le propos de Derek Prince dans cette vidéo sur le démon roi de Perse en 41ème minute ici).

La conversion au christianisme du général "Butt naked" est tout aussi surnaturelle. Il y a d'abord la voix de Jésus qui lui dit qu'il n'est pas roi et qu'il est esclave de lui-même, mais bien sûr cela ne suffit pas, cela l'ébranle juste un peu, puis il y a cette association protestante pour la paix qui se constitue, et dont certains membres, avec un courage inouï et dans le plus grand calme, alors qu'il fait régner la terreur à Monrovia, vont frapper à sa porte et prient chez lui. Et petit à petit cela fonctionne. Le cœur de Blahyi s'attendrit, une balle touche son tibia, Nya-Ghe-a-weh qui lui rendait visite toutes les nuits pour lui faire faire des voyages astraux s'absente une fois - et c'est un prodige chrétien étrange qui remplace cette visite - et, quand Blayi se rend au groupe de prière des protestants pacifistes, Nya-Ghe-a-weh n'est plus qu'une idole affaiblie et terrorisée. Blahyi avait peur des représailles de son dieu après la trahison, mais il comprend bien vite que ce démon ne peut rien contre le Dieu des chrétiens quand la foi est assez ferme. Il voit aussi que les idoles n'ont aucun pouvoir sur la Terre si le cœur des hommes ne leur sert pas de relais - car, explique-t-il, au commencement des temps Dieu a confié la Terre à l'homme, et non aux esprits qui, sans l'aide de l'homme, n'auraient aucun pouvoir sur elle.

Depuis lors Blahyi est devenu pasteur, il s'est marié, a fondé une famille et œuvre à la réconciliation des Libériens. Il dit qu'il était prêt à subir la peine de mort à cause de ses péchés commis du temps de ses pratiques idolâtres et pour mourir en martyr du Christ, mais la justice des hommes l'a acquitté. Satan cependant ne cesse de le mettre à l'épreuve : il a notamment survécu par miracle à un accident automobile il y a peu.

L'expérience et la conversion de Joshua Blahyi m'ont fait penser au témoignage d'un autre converti protestant, le pasteur Allan Rich que l'on peut voir ici - https://www.dailymotion.com/video/x1kbdh_dieu-m-a-delivre-de-l-occultisme-al_webcam - la vidéo et qui lui aussi était allé très loin dans l'occultisme.

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Le sens alchimique de Saint Christophe

1 Octobre 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Notes de lecture, #Histoire secrète, #Christophe

Le sens alchimique de Saint Christophe

En février 2013, nous avons parlé de Saint Christophe ; pour compléter ce billet, on voudrait signaler ces pages de Fulcanelli (Le Mystère des Cathédrales) où celui-ci à partir d'un décor de l'hôtel Lallemant de Bourges fait de Christophe-Offerus un alchimiste (Hermès criophore) et Jésus l'or :

Le sens alchimique de Saint Christophe
Le sens alchimique de Saint Christophe
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Ivan Jablonka, Le Corps des autres

18 Mai 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Notes de lecture

Le cinéma avait ouvert ses portes aux esthéticiennes avec le film Vénus beauté il y a quinze ans. Les éditions du Seuil leur ouvrent cette année celles de leur collection populaire «Raconter la vie» avec un charmant petit livre de l’historien Ivan Jablonka. Les lecteurs seront séduits par l’élégance de cet ouvrage sans prétention qui coule comme un ruisseau et se laisse dévorer tout en charriant sur son flot beaucoup de délicatesse et d’intelligence. «Dans ce livre, explique l’auteur, je m’intéresse à la peau douce, au visage épanoui, au galbe, au corps en gloire, choyé, illuminé par une perfection de rêve». Il tient d’un bout à l’autre cette promesse paradisiaque en suivant avec tendresse douze esthéticiennes.

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Stanis Perez, Histoire des médecins

18 Mai 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Notes de lecture

Stanis Perez, Histoire des médecins

L’histoire de la médecine, comme à maints égards celle de la philosophie, et, plus généralement celle de la rationalité, est trop souvent pensée à travers le stéréotype d’une progression linéaire, comme le valeureux combat d’Hercule qui, sans défaite, surmonte les douze épreuves qui le conduisent à la gloire. La somme académique très riche que propose ici le professeur Stanis Perez contribue à combattre ce genre de cliché.

En des termes peut-être moins profonds et moins inspirés que les travaux de l’helléniste anglais Peter Kingsley (sur Parménide notamment) mais tout de même assez clairs, l’auteur commence à rappeler que peu de choses à l’origine distingue le médecin du guérisseur (et, pourrait-on, dire, du «chamane» tel qu’il existait dans l’univers gréco-latin, bien plus que nous n’avons coutume de le penser) : l’un et l’autre pendant longtemps se référèrent aux dieux, même dans la tradition hippocratique, et ni l’un ni l’autre pendant longtemps ne peut se réclamer d’aucun diplôme spécifique.

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Philippe Petit "Le Corps, un être en devenir"

2 Mai 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Notes de lecture

Ma dernière recension pour Parutions.com :

Parallèlement aux méthodes très analytiques de la médecine moderne (le traitement local des symptômes et des organes atteints par une pathologie), les méthodes holistes, à titre préventif ou curatif, ont le vent en poupe, depuis celles qui s’adressent à la partie la plus biologique du corps (son sang, son épiderme), à celles qui l’abordent sur un plan plus abstrait (celui des «énergies», les «plans subtils», etc). Les résistances à ces pratiques sont nombreuses pour des raisons qui tiennent parfois aux préjugés, mais aussi à l’insuffisance des preuves statistiques de leur efficacité.

Philippe Petit, animateur d’une émission scientifique sur une radio du Val d’Oise et ostéopathe de son état, fait partie de ces chercheurs indépendants trop rares qui tentent de réfléchir sur leur expérience clinique, pour tenter de mieux comprendre ce qu’il fait, et améliorer de ce fait notre connaissance des mystères du corps. Il livre dans cet ouvrage un angle d’approche particulier de l’ostéopathie : celui de la paléontologie.

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Mon compte rendu du livre " Féminisme, féminité, féminitude - Ça alors !"

25 Septembre 2014 , Rédigé par CC Publié dans #Notes de lecture

Adepte d’une pensée ternaire que reflète déjà l’intitulé de son livre, Claude-Emile Tourné avance trois raisons pour lesquelles il s’est lancé dans cette synthèse sur la condition féminine : sa carrière professionnelle de gynécoloque-accoucheur, sa vie intime de compagnon ou époux d’une féministe, son engagement politique contre les aliénations sociales. Certains sur Internet se sont exclamés : «Enfin quelqu’un qui sait de quoi il parle ! Un gynécologue qui parle des femmes, cela va nous changer des fictions de la théorie du genre !». Oui mais voilà, les médecins sont aussi sujets aux chimères de leur époque - La suite ici

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