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Articles avec #histoire des idees tag

Indigo et Torah

30 Avril 2017 , Rédigé par CC Publié dans #Médiums, #Histoire des idées

Puisque vient de paraître mon essai sur les médiums (voir ici à gauche), une petite vidéo sur l'indigo dans la culture juive :

 

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"Les Sabéens-Mandéens - Premiers baptistes, derniers gnostiques" de Claire Lefort

21 Avril 2017 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées


Les Sabéens-Mandéens sont une minorité religieuse basée dans le Sud de l’Irak et en Iran, qui compte moins de 100 000 adeptes à travers le monde. L’auteure du livre que les éditions du Cygne leur consacre cette année, une jeune étudiante en anthropologie à Normale Sup’, qui mène des enquêtes dans les camps de réfugiés en Jordanie et en Mésopotamie, reconnaît elle-même qu’elle n’en avait jamais entendu parler avant de se rendre au Proche-Orient.

Il s’agit d’un groupe ethno-religieux en quelque sorte invisible, et qui pourtant a fait couler beaucoup d’encre chez les spécialistes de l’histoire des religions, notamment au début du XXe siècle (grande époque de la redécouverte de la mosaïque des anciennes croyances qui survivaient sous le joug ottoman entre Erbil et Bassorah). On a vu en eux tantôt une religion autochtone vieille de 5000 ans, tantôt les derniers descendants des disciples de Saint Jean-Baptiste, et, en même temps, les dépositaires de secrets kabbalistiques, voire de gnoses magiques venues des bords du Nil ou des temples du zoroastrisme.

L’ouvrage s’insère dans une collection, «Frontières», qui publie des textes courts sur des contrées méconnues (la Transnistrie, l’Abkhazie), lesquels mêlent souvent invitation au voyage et réflexion géopolitique. Dans cette logique, le livre offre dans un premier temps une présentation assez brève mais très claire de l’ensemble des croyances et pratiques cultuelles des Sabéens, notamment leur usage abondant du baptême purificateur dans l’eau vive des fleuves, ce qui n’est pas allé sans leur jouer des mauvais tours, notamment dans les périodes d’épidémies. Dans un second temps, il apporte de précieuses informations sur la situation de cette minorité depuis qu’une chape de plomb de barbarie islamiste s’est abattue sur l’Irak et la Syrie. L’exposé montre très concrètement de quels harcèlements quotidiens les Sabéens sont la proie depuis la chute de Saddam Hussein, dans les provinces chiites d’Irak, quand bien même ils n’étaient pas exposés à la folie meurtrière de Daech, comme les Yézidis et les Assyro-chaldéens au nord de Mossoul. Il fait toucher du doigt la douleur d’un peuple à travers les assassinats, les viols, les pillages, les discriminations à l’emploi, mais aussi l’impossibilité de conserver des structures culturelles et cultuelles stables à l’étranger, quand la présence des prêtres et des lieux de prière n’est plus assurée pour cette communauté qui n’avait jamais eu de vocation à l’exil. À ce titre, il s’agit d’un témoignage précieux, fondé sur des entretiens directs avec les réfugiés dont certains sont d’ailleurs reproduits in extenso en fin d’ouvrage.

Le parti pris du livre de fournir tous les arguments pour une reconnaissance du génocide des Sabéens-Mandéens peut cependant prêter à discussion. Peu conforme au devoir de neutralité des sciences sociales, il participe d’une logique selon laquelle le monde doit demeurer un conservatoire des religions et cultures les plus anciennes, comme par ailleurs un laboratoire de la biodiversité naturelle, dans une conception très muséographique en vogue à notre époque qui, tout de même, ne devrait pas aller complètement de soi compte tenu des nécessaires dynamiques transformatrices de l’humanité, dynamiques qui n’ont jamais été, hélas, sans violences (les Sabéens, selon leur version de l’histoire, subiraient aujourd’hui leur septième tentative d’extermination). Mais on comprend que les appels pressants des réfugiés («ne nous oubliez pas») aient transformé l’anthropologue en militante, les droits d’auteurs de l’ouvrage étant d’ailleurs directement reversés à une association caritative.

On était entré dans ce livre avec en tête quelques petites questions gardées de lectures antérieures : pourquoi le nom du démiurge des Sabéens est-il dérivé de la divinité égyptienne Ptah ? Pourquoi, comme dans la tradition talmudique, certains de leurs textes sacrés voient-ils dans le sexe une «seconde bouche» ? Laquelle des deux veines mystiques a-t-elle inspiré l’autre et par quel canal ? Quelle est donc la philosophie mandéenne de la nature dont une mienne correspondante yézidie s’était dite profondément «amoureuse» ? On n’a pas trouvé de réponse à ces interrogations dans le livre, mais celui-ci a donné un panorama clair de l’héritage culturel de cette communauté et des enjeux de survie auxquels elle se trouve confrontée. En ce sens le contrat moral avec le grand public qui en général n’a jamais lu une ligne sur ce groupe ethno-religieux dans les journaux paraît donc être pleinement rempli.

La recension est aussi ici.

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"Conjuncting Astrology and Lettrism, Islam and Judaism"

16 Mars 2017 , Rédigé par CC Publié dans #Médiums, #Histoire des idées, #Pythagore-Isis

Je lisais récemment un article intitulé "Conjuncting Astrology and Lettrism, Islam and Judaism" du Dr Matthew Melvin-Koushki, professeur assistant, spécialiste des sciences occultes du premier Islam à l'université de Caroline du Sud, article conclusif de trois autres articles, et paru en janvier dernier dans la revue Magic, Ritual, and Witchcraft de janvier dernier qui commence par une intéressante charge contre l' "occultophobie", notamment celle qu'il décèle dans un livre récent de Stephen P. Blake, Astronomy and Astrology in the Islamic World (Edinburgh University Press 2016).

Il explique comment du 10e au 17e siècle, dans les classifications persanes, les sciences occultes (astrologie, lettrisme et géomancie) ont été déplacées de la sphère des sciences naturelles à celle des sciences mathématiques pour renforcer leur légitimité.

Selon lui la sanctification, la désesotérisation, puis la mathématisation-néopythagorianisation de l'occultisme en général et lettrisme en particulier dans l'Egypte des Mamelouks et l'Iran tilmouride et sous le règne des Aq Qoyunlu du treizième au quinzième siècle constitue le contexte  immédiat et sociopolitique immédiat de la célèbre mathématisation de l'astronomie par les Membres de l'Observatoire de Samarkand au XVe siècle et de la résurgence de la philosophie néoplatonicienne, deux processus qu'il faut tenir ensemble. La Kabballah juive qui lui est contemporaine donne une cohérence épitémologique, car l'occultisme islamique et juif formaient un mysticisme unique dérivée de l'héritage néo-platonicien grec (voir à ce sujet Moshe Idel). Il faut aborder ensemble ces deux courants et leur façon de marier Kabbalah et lettrisme sans approche positiviste ni religioniste ou eurocentrisme estime le Dr Melvin-Koushki. Quant à l'astrologie, Abu Mashar Balkhı (Grande introduction à l'Astrologie - K. al-Mudkhal al-Kabı¯r ila¯ Ilm Ah.ka¯mal-Nuju¯m), protégé du philosophe Al-Kindi (IXe siècle) reformula l'astrologie hellénique dans des termes strictement aristotéliciens, au sein des sciences naturelles (Liana Saif, “Homocentric Science in a Heliocentric Universe,” in Nicholas
Campion and Dorian Gieseler Greenbam, eds., Astrology in Time and Place: Cross-
Cultural Questions in the History of Astrology (Newcastle upon Tyne: Cambridge Scholars,
2015), 159–72).

Par exemple Al Kindi fait l'éloge du sacrifice animal comme acte magique efficace parce que l'interruption du rayon cosmique de la vie animale a nécessairement un impact à distance sur un objet donné en vertu de la correspondance ciel-terre, et Abu Mashar Balkhı dira de même de la convergence des rayons cosmiques et du rayon du mage dans le talisman, ce qui est une façon de réconcilier l'émanationisme platonicien et la doctrine de la cause aristotélicienne. Et c'est d'ailleurs par ces théories magiques que l'aristitélisme fut introduit, au début, en Europe au 12e s (voir Abu Mashar and Latin Aristotelianism in the Twelfth Century: The Recovery of Aristotle’s Natural Philosophy through Arabic Astrology (Beirut: American University of Beirut Press, 1962). Roger Bacon en fut un adepte. Plotin avait rejeté la causalité astrale, mais à la suite de Abu Mashar Balkhı les chrétiens Adelard de Bath (+ 1152), Hermann de Carinthie (+ 1160), Hugh de St. Victor (d. 1141), Thierry de Chartres (+ 1150), Bernard Silvestris (+. 1178), Guillaume de  Conches (+. ca. 1154), et Daniel de Morley (+. ca. 1210) allaient suivre cette voie. Le Secretum secretorum de Philippe de Tripoli et le Picatrix (trauction espagnole du "But du sage" (Gha¯yat al-Hakı¯m) de Maslama al-Qurt.ubı¯aussi. La caution aristotélicienne d'Avicenne qui était pro-astrologie mais anti-occultiste y contribua.

Puis l'astrologie aristotélicienne d'Abu Ma'sharian fut pythagorianisée dans une forme de lettrisme mathématique sacré.

C'est un domaine peu connu en Occident. L'eurocentrisme et le rationalisme nous font manquer des courants essentiels de l'histoire de la pensée humaine.

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La nudité des jeunes filles dans les lois de Lycurgue

2 Mars 2017 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Anthropologie du corps, #Christianisme, #Nudité-Pudeur en Europe, #Pythagore-Isis, #Philosophie

Dans le 1er livre des Macchabées (Ancien Testament) il est écrit

"I M 12,5. Voici la copie des lettres que Jonathas écrit aux Spartiates:

I M 12,6. Jonathas, grand prêtre, les anciens de la nation, les prêtres et le reste du peuple juif, aux Spartiates, leurs frères, salut.

I M 12,7. Il y a longtemps que des lettres ont été envoyées à Onias, le grand prêtre, par Arius, qui régnait chez vous, car vous êtes nos frères, comme le montre la copie qui est jointe ici.

I M 12,8. Et Onias accueillit avec honneur l'homme qui avait été envoyé, et il reçut les lettres, où il était parlé d'alliance et d'amitié."

Onias I er, fils de Jaddus, et père de Simon le Juste, qui furent aussi grands-prêtres (Sir 50:1, cf. Jos., Ant., XI, 8, fin ; XII, 6) exerça ses fonctions, précisent les historiens, après la conquête de la Judée par Alexandre le Grand. C'est à lui qu'aurait été adressée une lettre d'Arias (ou Arius), roi de Lacédémone sous le règne de Séleucos IV Philopator (187-175 av. J.-C.), lui offrant son alliance, au nom d'une prétendue origine commune des peuples juif et lacédémonien, selon Flavius Josèphe, juste avant la conquête de la Grèce par Rome en 146.

Cette admiration des Juifs à l'époque de Jonathas Macchabée (157-152 av JC) pour Sparte ne pouvait pas englober (à la différence de la République de Platon) une estime pour les lois de Lycurgue.

Selon Plutarque (Vie de Lycurgue) "Lycurgue porta toute l’attention possible à l’éducation des femmes. En tout cas, il fortifia le corps des jeunes filles par des courses, des luttes, le jet de disques et de javelots. (...) Pour leur ôter toute mollesse, toute vie sédentaire, toute habitude efféminée, il habitua les jeunes filles, non moins que les garçons, à défiler nues, et, pour certaines fêtes, à danser et à chanter dans cet état sous les yeux des jeunes gens. (...)Quant à la nudité des jeunes filles, elle n’avait rien de honteux, puisque la modestie y présidait et que le dérèglement n’y était pour rien ; elle donnait, au contraire, l’habitude de la simplicité et le désir ardent d’une santé robuste.(...)Voici ce qui excitait encore au mariage : les processions des jeunes filles, leur déshabillement et leurs combats sous les yeux des jeunes gens, qui, selon le mot de Platon , cédaient à des contraintes, non géométriques, mais érotiques. Lycurgue a même imprimé une note d’infamie aux célibataires. On les écartait du spectacle des gymnopédies [exercices des jeunes filles nues] ; et, l’hiver, les magistrats leur faisaient faire nus le tour de l’agora, en chantant une chanson composée contre eux, où il était dit qu’ils subissaient un juste châtiment, parce qu’ils désobéissaient aux lois."

Aux yeux des Juifs les lois de Lycurgue sur la nudité des jeunes filles auraient été jugées de nature à attirer des démons dans la cité, tout comme d'ailleurs l'installation des cimetières dans les murs de la ville, elle aussi décidée par Lycurgue selon Plutarque.

En 1604, le médecin conseiller du roi Louis Guyon (1527-1617) écrivit dans "Les diverses leçons de Loys Guyon, sieur de La Nauche,... suivans celles de Pierre Messie et du sieur de Vauprivaz" (p. 104 et suiv) :

"Ledit Licurgue en fit une autre,qu' il voulait que les filles allassent aux jeux & danses publiques toutes nues, sauf de petits brodequins de couleur découpés , qu'elles portaient aux jambes, & ce pour plusieurs raisons , que je vais alléguer. La première était, par ce qu'il apercevait plusieurs jeunes hommes être tant amoureux des filles & femmes, qu'ils en perdaient le jugement, & oubliaient tout devoir, si bien qu'ils semblaient plutôt bêtes qui sont en ruth ou en chaleur, qu'hommes raisonnables. Or iceux amoureux, sans doute se trouvaient à telles assemblées,pour voir leurs Déesses toutes nues, & voyants les parties peu honnêtes, & posées non guère loin d'un réceptacle de toutes les puantes immondices du corps humain,s'en devaient dégoûter, & abhorrer-telles .amours,& se devaient remettre en leurs devoirs : & que la chose ne méritait point qu'on se tourmentât tant, perdant le boire, le manger & le repos. L'autre raison était,à fin que les filles n'eussent point de honte des parties desquelles nature les avait pourvuës mais fussent vergogneuses de commettre aucun vice. Car il disait., que les filles & les femmes devaient plus rougir de commettre quelque péché, que de montrer la partie de leur corps, qui leur était nécessaire.

Les femmes & filles de par deça semblent avoir opinion que les hommes désirent qu'elles aient les fesses & les cuisses grosses & rebondies, comme les Catayens, par ce qu'elles s'étudient à persuader cela aux hommes"

S'ensuit une condamnation de l'usage des vêtements par les femmes pour stimuler le désir masculin, puis une interrogation sur la question de savoir si la nudité stimule plus le désir que l'habillement (à partir d'une étude des Catayens dont le nom a d'abord désigné les Chinois puis les Indiens du Canada semble-t-il, puis des Indiennes, africaines et brésiliennes). Il en conclut que la nudité tue le désir ce qui est mauvais pour la procréation,  que la nudité des femmes sous les tropiques est liée à la chaleur et peut se justifier seulement sous leur latitude parce que les femmes y sont bien faites (de sorte, note-t-il, qu'il n'y a pas besoin d'y appliquer la loi de Lycurgue qui prônait l'élimination des bébés mal formés), et s'en remet, pour l'Europe, au précepte évangélique "qui recommande sur toute charité, de donner moyen aux pauvres de se pouvoir vêtir non seulement pour les défendre du chaud, du froid,de la pluie,& des mouches piquantes,mais pour couvrir leurs parties honteuses."

Les lois de Lycurgue (que certains disent inspirées de l'Inde) présentent un côté "meilleur de mondes" : elles renforcent l'Etat en imposant à la fois un équilibre des pouvoirs dans les institutions pour les stabiliser, un dévouement total des citoyens à la préparation à la guerre en cassant toute vie privée de nature à ramollir la psychologie des gens : par exemple les gens mangeaient dans des repas collectifs frugaux, les hommes n'avaient qu'un bref commerce sexuel avec leur femme de nuit, y compris lors de leur nuit de noces (Plutarque note que cela avait pour effet paradoxal d'entretenir fortement le désir et l'amour au sein des couples). La nudité des jeunes filles pour les endurcir tout en poussant les hommes à se marier s'inscrit dans cette logique. Ce côté "expérimentateur sur l'humain" dans le cadre d'un Etat fort qui va jusqu'à l'eugénisme a séduit Platon, et rappelle certains aspects du communisme, mais aussi du capitalisme actuel. Il est logique qu'en bon chrétien, le docteur Louis Guyon, après avoir interrogé la légitimité de ces lois à l'aune de la nudité des populations tropicales (tout comme la découverte des Amérindiens avait aussi conduit, une génération plus tôt Montaigne et ses contemporains à interroger le bien-fondé des moeurs européennes), revienne, au seuil de la Contre-réforme, à la rigueur des principes évangéliques à ce sujet.

Platon, lui, aborde la question de la nudité des filles à propos de la formation des gardiens de la ville dans le livre V de la République, thème dont Kingsley a montré qu'il avait un rapport avec la problématique chamanique pythagoricienne des veilleurs de nuit. Il s'agit de réfléchir à la question de savoir si les femmes doivent participer au combat. Cette question, comme celle de l'eugénisme, est abordée par Platon sous l'angle de l'analogie avec les chiens. L'obstacle principal est celui du ridicule et le philosophe ne l'esquive qu'en soulignant que la nudité des hommes au gymnase avait aussi suscité des railleries dans les générations qui ont immédiatement précédé le siècle d'or athénien, lorsque la Crête et Sparte l'ont adoptée (il y a des nuances entre auteurs grecs pour savoir si cela vint d'abord de Crête, que le néo-pythagoricien Apollonios de Tyane, cet autre grand admirateur de Lycurgue, selon Philostrate nommait la nourrice de Zeus). Juste après, pour les mêmes motifs d'efficacité militaire, Platon justifiera la vie en commun de tous les citoyens sur le modèle des lois de Lycurgue, le fait que les magistrats organisent les mariages entre les gardiens de la cité, et le fait que les guerriers à la retraite puissent s'accoupler avec toutes les femmes sans leur faire d'enfants, tandis que les enfants des guerrières sont pris en charge par des nourrices (alors que les nourrices de Sparte selon Plutarque avaient très bonne réputation). Platon comme Lycurgue ont eu une éducation égyptienne (selon Plutarque, Lycurgue aurait acquis en Egypte des idées sur la spécialisation militaire) mais cela ne semble pas avoir eu d'influence sur le thème de la nudité publique des femmes.

La référence au "ridicule" renvoie à Aristophane qui, dans Lysistrata, représentée à Athènes en 411 av JC, raille la nudité des femmes spartiates au gymnase, comme le pubis ("jardin") imberbe des Béotiennes et le côté prostitué des Corinthiennes.

Rappelons nous la réflexion de Sade dans "Français encore un effort" (dans La Philosophie dans le boudoir ed 1993 chez 10-18 p. 226) : "La pudeur, loin d'être une vertu, ne fut donc qu'un des premiers effets de la corruption, qu'un des premiers moyens de la coquetterie des femmes. Lycurgue et Solon, bien pénétrés que les résultats de l'impudeur tiennent le citoyen dans l'état immoral essentiel aux lois du gouvernement républicain, obligèrent les filles à se montrer nues au théâtre. Rome imita bientôt cet exemple : on dansait nu aux jeux de Flore ; la plus grande partie des mystères païens se célébraient ainsi ; la nudité passa même pour vertu chez certains peuples".

MI Finley dans Problèmes de la guerre en Grèce ancienne (Point Histoire p. 195) voit dans les coutumes spartiates comme les flagellations publiques des détournements politiques de rituels initiatiques et rappelle (p. 196) que "l'énumération de certains rites et institutions suffit à montrer que tout était mis en oeuvre pour que la fidélité se déplace de la famille ou du groupe de parenté vers les différents groupes masculins", d'où par exemple le droit de tout Spartiate adulte à exercer une autorité sur n'importe quel enfant. L'appropriation de la nudité des femmes par l'Etat va dans le même sens.

Les femmes participaient probablement aux gymnopédies (danses guerrières sans vêtements), et aux flagellations rituelles des plus plus jeunes au temple de Diane Orthia (liées à des sacrifices humains ?si la flagellation allait jusqu'à la mort - "On fouettait les enfants spartiates sur l'autel de Diane Orthia, jusqu'à l'effusion du sang, et lorsque les coups se ralentissaient, la prêtresse, tenant en main une petite statue, criait avec colère de frapper plus fort par ordre de la déesse ; ; il arrivait parfois que l'enfant était emporté criblé de blessures ou qu'il expirait sur l'autel" selon Foissac). Leur nudité publique sous les lois de Lycurgue doit aussi se penser sur cet arrière-plan de mort.

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Les mandéens

27 Février 2017 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Christianisme

On les a appelés mandéens ou mandaïtes, ils sont disciples de Saint Jean Baptiste. Il n'en resterait que 65 000 dans le monde. Beaucoup vivaient en Irak mais n'y ont plus leur place depuis la chute de Saddam Hussein.

Leur persécution fait penser à celle des Yézidis. Il y a peu (le 22 février) une yézide m'expliquait par mail : 

"I know Sabians of course, they are amazing nation, i have some friends of them, they are very peaceful people.

They and Yazidis are the oldest people in Iraq with history 7000-8000 years.

I am in love with their ideologie, they believe in power of Nature."

Clément Huart (1854-1926) dans un compte rendu de mission de Jacques de Morgan de 1889-1991 publié en 1904 écrivait :

Les mandéens
Les mandéens
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La nudité des quakers

25 Février 2017 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Nudité-Pudeur en Europe, #Christianisme

J'ai parlé dans mon livre "La nudité, pratiques et signification" de la nudité des Ranters qui était une secte radicale libertarienne de la période de la guerre civile anglaise (et qui,à certains égards me fait penser au quintinisme). Mais j'aurais pu citer aussi celles de certaines quakers.

L'historienne Diana Rapaport a récemment (en 2007) ressuscité le souvenir de  Lydia Wardwell, la quaker qui, forcée par le gouverneur de Nouvelle Endicott du Massachusetts à assister aux offices puritains, se  rendit totalement nue à la "meeting house" de Newbury au printemps 1663 malgré la froidure pour témoigner de la nudité des sermons du prédicateur (voir aussi la Revue d'Histoire moderne de l'année 1934, p. 118). Il y eut aussi Deborah B. Wilson, quelque temps après, décrite comme "une jeune femme d'une vie très modeste et retirée, et d'une conversation sobre"  qui se dévêtit dans les rues de Salem au nom du Seigneur. L'une et l'autre le payèrent de coups de fouets en public (pour Lydia Wardwell ce fut à Ipswich, tout comme son mari, elle déménagea dans le New Jersey ensuite). Cette dénudation rituelle est une application à la lettre d'un précepte d'Esaïe (Isa. 20:2-4).

"2.l'Eternel avait parlé par l’intermédiaire d’Esaïe, le fils d'Amots. Il lui avait dit : « Va, détache le sac qui est autour de ta taille et retire les sandales qui sont à tes pieds. » C’est ce qu’il fit : il marcha sans habits et pieds nus.
3 L'Eternel dit alors : « Mon serviteur Esaïe a marché sans habits et pieds nus pendant trois ans. C’était un signe et un présage contre l'Egypte et contre l'Ethiopie :
4 de la même manière, le roi d'Assyrie emmènera les déportés égyptiens et les exilés éthiopiens, les jeunes garçons comme les vieillards, sans habits, pieds nus et l’arrière découvert. Ce sera une source de honte pour l'Egypte."

Ces provocations étaient du même ordre que celle du quaker James Nayler (1618-1660) arrivant à Bristol en Angleterre en 1656 sur un âne à l'instar de Jésus-Christ, ses admirateurs criant "saint saint saint" qui eut pour la peine la langue percée, les oreilles coupées et un B au fer rouge marqué sur le front.

"Toutes les extravagances dont certains des premiers Quakers furent indubitablement coupables, malgré la désapprobation officielle de la secte, étaient, comme pour les Puritains, le résultat d'une interprétation sur-littérale de leurs Bibles" écrit la spécialiste Amelia Mott Gummere.

"La passion des symboles et figures renouvelées d'Isaïe et d'Ezéchiel était si violente chez les premiers quakers, lit on à l'article "Quakers" du Grand dictionnaire du XIXe siècle p. 489, que [George] Fox écrivait : 'Plusieurs ont été poussés par le ciel à aller nus par les rues et sous ce règne, en signe de la nudité des hommes du jour, et ils ont déclaré à leur face que Dieu les dépouillerait de leurs dehors hypocrites, pour les laisser aussi nus qu'eux-mêmes ; mais les hommes du jour, au lieu de tenir compte des avertissements des prophètes, les ont fréquemment fouettés ou accablés d'autres outrages'"

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Jésus est-il né en 100 av JC ?

7 Février 2017 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

GRS Mead (1863-1933) fut un membre de la Société de théosophie en Angleterre. Il publia en 1903 une étude, "Did Jesus Live 100 B.C.?: An Enquiry Into the Talmud Jesus Stories, the Toldoth Jeschu, and Some Curious Statements of Epiphanius--Being a Contribution to the Study of Christian Origins " qui réunissait tous les arguments pour prouver que Jésus fut un rabbin qui vivait sous le règne de Jannai en 100 av. JC et non sous la tutelle impériale d'Auguste autour de l'an 0. Il utilise pour cela divers écrits talmudiques, dont le Toledot Yeshu mais pas seulement et aussi les écrits anti-hérétiques de l'évêque Epiphane de Salamine (v. 315-403 qui était né juif et connaissait bien les traditions talmudiques). Selon ces écrits Jésus serait le fils illégitime d'un légionnaire des troupes romaines de Grèce (avant même les guerres de Pompée), qui aurait volé en Egypte (en les écrivant sur son bras) des formules secrètes qui lui permettaient de se proclamer messie en accomplissant des miracles comme guérir le malades ou marcher sur l'eau, ce qui lui aurait valu d'être exécuté. Il aurait  trouvé au Ier siècle av JC des disciples en Galilée et dans des communautés de mystiques thérapeutes en rupture avec les sacrifices sanglants des prêtres de Jérusalem, des groupes qu'on a pu appeler nazoréens, assimilés aux esséniens ou aux disciples de Jean-Baptiste qui pratiquaient la purification quotidienne par l'eau, autant de traditions judéo-chrétiennes mêlées à la Gnose que Paul de Tarse connaissait bien et combattit au Ier siècle ap JC.

GRS Mead écrit, dit-il, pour permettre aux chrétiens et aux juifs de se respecter davantage mutuellement. Il estime que le christianisme, s'il repose sur des falsifications de faits tout comme la tradition talmudique, doit être compris au niveau gnostique métaphorique. Jésus est l'époux de la Sophia divine qui est le Saint Esprit, comme messie il est appelé à renaître plusieurs fois en chacun de nous. Marthe, Marie et Lazare comme leurs noms même l'indiquent sont des allégories de cette résurrection possible. Il s'appuie encore sur Epiphane de Salamine pour rappeler que la fête de Noel, date de l'entrée de Jésus dans le monde par la chair, fut choisie pour coincider avec le solstice, c'est à dire les Saturnalia romaines, les Kronia d'Alexandrie et leur équivalent égyptien du même jour, au cours desquelles les chorê (jeunes filles) célèbrent celui qui naîtra de la Vierge (tout comme les Arabes nabathéens) tandis que l'épiphanie serait, au niveau gnostique, l'image de sa naissance par l'esprit.

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Le Gaon de Vilna (1720-1767)

18 Janvier 2017 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées

J'ai découvert l'existence du Gaon de Vilna (le Génie de Vilnius) à travers une anecdote du rav Ron Chaya de la Yéchiva Yechouot Yossef de Jérusalem dans sa vidéo (min 7'52) sur la résurrection des morts indiquant qu'en 2010 il fut à Vilnius pour le transfert de la dépouille mortelle du Gaon dans un tombeau restauré au cimetière de Shnipishok/Šnipiškės au nord de Vilnius (Lituanie - Dans "LeJuif errant est arrivé" en 1930 Albert Londres qualifie p. 50 Vilna, qui était polonaise à l'époque, de Jérusalem des neiges). Selon ce témoignage dix personnes qui ont la crainte de Dieu, qui ont étudié la Torah et ont jeûné le même jour pour déterrer les ossements et les déplacer. Tous sont morts la même année et enterrés à côté du mausolée sauf un qui a dit que contrairement à ses amis lui n'a pas regardé les os.

Puis j'ai regardé sa vidéo spécialement dédiée à cette personnalité (ci-dessous). Si l'on met bout à bout ce qu'il indique dans son cours et ce qu'on peut apprendre sur le personnage au terme d'un bref tour d'horizon sur le Net voici ce que l'on peut dire.

Il s'agit de Shlomo Zalman dit le Gaon de Vilna ou encore Rabbeinou Eliahou (notre maître Elie). Voici ce qu'en dit l'Histoire de la littérature juive d'après G. Karpelès d'Isaac Bloch et Emile Lévy (1901) en p. 538 : "Elie Vilna (1720-1797), surnommé à juste -titre le Gaon (le Glorieux). Le seul tribut qu'il paya, à la Kabbale fut un commentaire sur le Zohar. Il rectifia le texte des deux Talmuds, de la Tosefta, de la Mechilta, du Sifra et du Sifré avec une grande finesse de critique et interpréta simplement et grammaticalement presque toute la Bible. Parmi ses ouvrages, publiés après sa mort, par ses fils et ses disciples, se trouvent encore une description topographique de la Palestine, d'après les données bibliques, et 400 règles de trigonométrie et d'algèbre. Il reste encore de lui, en manuscrit, d'importants travaux sur l'astronomie et la science chronologique. Et, cependant, cet esprit si fin et si lumineux n'eut aucune influence sur la direction intellectuelle de son temps. Sa génération resta tournée invariablement vers le Hassidisme, qui fut une réaction inévitable de l'imagination sur l'aridité de la casuistique."

Alors qu'il avait trois ans et demi (fin 1723), explique le rav Ron Chaya, au moment de Simchat Torah, les jeunes vinrent recevoir des prix à la synagogue et un concours fut organisé pour les enfants de plus de 6 ans aux questions duquel il put aisément répondre : trouver deux endroits dans la Torah où il est marqué "Avraham Avraham", trouver le verset où tous les mots du verset se terminent par les mêmes deux lettres "im", trouver un verset où se trouvent cinq mots à la suite de seulement deux lettres chacun. A 9 ans, il décide d'étudier les 5e et 6e parties (sur les sacrifices et les lois de pureté) de la mishnah (tradition orale, mise par écrit en 220 ap JC) qui ne sont plus étudiées depuis plusieurs siècles. Il peut en étudier 50 pages en une journée. Ayant tout lu en bas âge, après 40 ans il ne lit plus que la mystique juive. Son élève Haim de Volojine (ou Valojine en Biélorussie), a écrit une introduction au commentaire du Gaon de Vilna sur un livre de mystique juive qui a été écrit il y a 2 000 ans "Le livre de la pudeur" (Sifra d-Tzniuta) inclus dans le Zohar. Dans cette introduction cet élève explique que la Gaon dormait quatre heures par nuit dans sa jeunesse, puis deux heures par jour par séquence d'une demi-heure au cours desquelles au cours desquelles il étudiait dans les yeshiva du ciel. Il aurait été averti que des anges viendraient lui révéler des secrets de la Torah, mais il refusa car il voulait tout découvrir par son travail. Il pouvait jeûner trois jours pour comprendre un verser du Zohar. De plus les anges dans une atmosphère spirituellement impure en terre goy risquaient de dire des choses fausses. Il aurait reçu même une révélation interprétative de Jacob (Ron Chaya prétend que ce genre de vision est authentique parce qu'un grand père d'un rabbin connu avait pu identifier d'après la description des habits le Rif, le rabbin du rabbin de Maïmonide qui était apparu en rêve à son fils et avec lequel il avait chaque jour une étude fixe ainsi qu'avec Maïmonide).

Selon un livre ("La voix de la colombe") écrit par ses disciples, le Gaon aurait été Mashiach ben Yoseph réellement ou potentiellement (en partie pour des raisons numériques), celui qui devait enclencher le retour en Israël et ses disciples furent effectivement les premiers à initier une montée (aliyah) en Israël. Le Rambam Maimonide (1135-1204) n'avait trouvé que trois Juifs teinturiers à Jérusalem pour la célébration du Kippour, et il avait dû en faire venir sept d'Hébron.Le Gaon Vina aurait renoncé à assumer ce rôle parce que l'arrivée du messie en Israël ne pouvait pas fonctionner car à cette époque il n'y aurait pas eu assez de Juifs pour le recevoir.

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Kant et Swedenborg

15 Janvier 2017 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Médiums, #Christianisme

Kant commença sa carrière philosophique en écrivant en 1755 un livre "Histoire générale de la nature et théorie du ciel" puis y renonce, non pas, comme l'a prétendu Jules Vuillemin ("Physique et métaphysique kantiennes", PUF, 1955) parce qu'il lui manquait des éléments scientifiques sur la chaleur, mais parce que, comme il l'écrit en 1766 dans son "Rêves d'un voyeur d'esprits expliqués par des rêves de la métaphysique", parce que cette théorie lui semble aussi délirante que celles du médium Swedenborg (1688- 1772) dont les thèses parurent entre 1749 et 1756 "Arcana caelestia". Swedenborg y exposait le caractère uniquement apparent de la nature (Monique David-Ménard, "La Folie dans la raison pure", Vrin, 1990 - un livre qui ne rend pas complètement justice à l'ampleur du revirement du philosophe sur les prodiges du médium). Kant ne se contente pas de récuser l'occultisme. Dans "Rêves d'un voyeur" il admet que la pathologie des occultiste pourrait avoir pour cause des esprits réels, puis fait volte-face et revient à une causalité physiologique" de l'occultisme, puis, conscient du caractère dogmatique et indémontrable de la seconde hypothèse conclut sur la philosophie comme critique (de sorte que c'est à la confrontation avec Swedenborg et non à Hume que Kant doit l'invention de son criticisme). Impressionné par le fait que l'homme ignore les esprits et le visionnaire ignore la nature, Kant s'était penché de près sur le livre de Swedenborg au point de ne pouvoir signer son "Rêves d'un voyeur"  malgré le ton railleur à l'égard de l'occultisme qu'il emploie. Dans une lettre à Moïse Mendelssohn (8.4.1776) il reconnaît sa fascination pour Swedenborg, mais il y a des éléments encore plus percutants sur l'adhésion de Kant aux prodiges du mage suédois, éléments que tous les livres de la seconde moitié du XXe siècle ont passé sous silence.

En décembre 1911 dans la revue "La Femme" p. 179, on pouvait lire sous la plume de Mme Marie d'Abbadie d'Arrast (membre du comité de l'Oeuvre protestante des prisons et du Conseil national des femmes françaises) :

Svedenborg a eu des songes et des visions plus dignes d'attirer notre attention que les rêves enfantins et bizarres des pauvres filles dont nous saluons la mémoire. Svedenborg n'était ni un simulateur, ni un homme d'intelligence ordinaire. Sa clairvoyance paraît avoir été surprenante et indéniable. Le philosophe Kant (1) rapporte de lui le fait suivant, je cite la page : « M. de Svedenborg, revenant d'Angleterre, prit terre à Gothembourg. M. William Gastel l'invita chez lui le samedi soir en même temps qu'une société de quinze personnes. Ce soir-là, à six heures, M. de Svedenborg, qui était sorti, rentra pâle et consterné au salon, il dit qu'un grave incendie venait d'éclater à Stockholm et que le feu s'étendait rapidement. Or, Gothembourg est situé à 400 kilomètres environ de Stockhom. Il était inquiet et sortit plusieurs fois, indiquant la marche du désastre. A 8 heures, après être sorti de nouveau, il s'écria tout joyeux : « Dieu soit loué ! L'incendie s'est éteint à trois portes de ma maison. » Mandé devant le gouverneur de la ville, Svedenborg décrivit exactement l'incendie de telle sorte que toute la ville en fut informée. Le surlendemain, c'est à dire le lundi soir, un estafette arriva à Gothembourg, confirma de point en point le fait de seconde vue de Svedenborg. » Kant a admis ce fait extraordinaire comme certain. M. Edouard Schuré (2) répond : "On peut discuter sur la réalité objective des visions de Svedenborg, mais on ne peut douter de sa seconde vue attestée par une multitude de faits." ».

(1) "Svedenborg" par le pasteur Charles Byse, p. 115. Lausanne, eds Georges Bridel, 1911. Il s'agit de l'incendie du 19 juillet 1759 que Kant situe à tort en 1756 "Le fait suivant me paraît avoir entre tous la plus grande force démonstrative, et certainement il coupe court à tous les doutes imaginables" aurait écrit Kant. Byse se réfère à deux correspondances de Kant dont une qu'il dit traduire mot à mot mais dont il ne mentionne pas la date et une seconde quatre ans plus tard à Mlle Charlott de Knobloch devenue en 1763 ou 1764 baronne de Klingshorn, dont une serait reproduite partiellement dans la "Children's encyclopedia" (Byse p. 17). Il estime que c'est ensuite sous la pression de ses pairs que Kant aurait mis en doute dans une "brochure brumeuse" (le "Rêves d'un voyeur d'esprits expliqués par des rêves de la métaphysique" de 1766) les dons du médium. Il semble que Kant ait aussi fait allusion à un deuxième prodige de Swedenborg arrivé à Mme de Marteville à propos d'une quittance de son défunt premier mari (racontée par courrier de son second époux d'Eiben) et d'un troisième à propos de la reine Louise-Ulrique, soeur de Frédéric le Grand de Prusse, en 1761 (mais Byse cite Kant mot en mot sans préciser la source, on peut supposer que c'est dans le "Rêves d'un visionnaire").

(2) Les grands initiés de M. Edouard Schuré (1841-1929) cité par Ch. Byse.Schuré dans la version de poche du livre  (édition 2015) p. 352, qui compare ce fait avec la vision qu'Apollonios de Tyane eut à Ephèse de l'assassinat de l'empereur Domitien, précise que Kant demanda à un ami d'enquêter sur l'incendie de Stockholm et que Kant évoque cela dans une lettre à Charlotte de Knobloch citée par Jacques Matter dans Swedenborg, sa Vie et sa doctrine (eds Didier et Compagnie, Paris 1863). Effectivement Matter, conseiller honoraire de l'université dont le livre se trouve ici cite effectivement en page 148 de la deuxième édition du livre l'incendie de Stockholm, et fait précisément référence à une lettre du 10 août 1768 (deux ans après la publication du Rêves d'un visionnaire) à Charlotte de Knobloch. Dans cette lettre il évoque la quittance de Mme de Marteville et l'incendie de Stockholm qu'il situe en 1756 dans cette lettre (et non plus en 1759 comme dans le "Reves d'un visionnaire"), et Matter cite mot-à-mot la partie de la lettre qui concerne l'incendie.

 "La seule ville de Manchester compte 7 000 disciples de Svedenborg ; et l'on estime qu'il y en a près de 20 000 en Angleterre" précisera (p. LXVIII) l'auteur anonyme de l'Abrégé des ouvrages d'Em. Swedemborg, publié à Strasbourg en 1788 tandis que des magnétiseurs utilisaient les pouvoirs de somniloquespour démentir les thèses de Svedenborg (ibid p. LVII)

Sur l'importance du swedenborgisme dans la mouvance protestante, on lit encore p. 181 de la revue précitée "La Femme" : "A Paris même, dans le quartier des Invalides s'élevait un lieu de réunion où les Svedenborgiens célébraient un culte spiritualiste, sans faste, sans cérémonies pompeuses. Il y a une vingtaine d'années, on pouvait encore croiser quelquesuns de ces chrétiens paisibles, hommes de bien, membres de cette petite communauté de la nouvelle Jérusalem ; car c'est ainsi que se désigne elle-même i'Eglise.de l'apôtre suédois. Les premiers disciples, d'après les biographes de Swedenborg (1), auraient cru qu'une Eglise de la nouvelle Jérusalem existait parfaitement organisée au centre de l'Afrique. Entrainés par la force de leurs convictions, ils s'embarquèrent pour la visiter. Grâce au dévouement de ces missionnaires, l'Evangile fut répandu dans quelques districts du continent noir: ils contribuèrent à la fondation de colonies libres ; ils firent de courageux efforts en faveur de l'affranchissement des nègres et de la suppression de la traite; ils coopérèrent à l'établissement de Sierra Leone, où Ulric Nordenskioeld a fondé, avec son compatriote Azélius une communauté svedenborgienne qu'a visitée plus tard Walstrôm et Sparmann. Les trafiquants de chair humaine et les marchands d'alcool ont été les adversaires résolus et redoutables de la petite colonie de ces paisibles chrétiens."

(1) M. M. Gatteau Galleville et de Gluny, Biographie universelle.

Le succès de Swedenborg (qui eut Goethe et Balzac pour admirateurs) dans les cercles protestants est étrange. Jonathan Black dans son Histoire secrète (p. 191) décrit ce découvreur du cortex cérébral et des glandes endocrines comme franc-maçon et il me semble avoir lu des choses assez horribles sur ses moeurs... sous réserve de vérification...

A noter que Wesley dont nous parlions récemment ne prit jamais Swedenborg au sérieur :

Selon le Dr Gilbert Ballet ("Swedenborg, Histoire d'un visionnaire au XVIIIe siècle" -1899), il appréciait de la façon suivante les écrits de Swedenborg dans son journal, en 1770 : "Je me suis mis à lire les écrits du baron de Swedenborg et à y réfléchir sérieusement. J'ai commencé cette lecture avec beaucoup e prévention en sa faveur, sachant que c'était un homme pieux, d'un grand entendement, de beaucoup d'instruction et d'une foi vive. Je fus pourtant bien détrompé. Il suffit de connaître une seule de ses visions pour se mettre hors de doute sur son vrai caractère. C'est un des fous les plus ingénieux, les plus agréables, les plus amusants qui aient jamais mis la main à la plume. Ce sont des rêves à dormir debout, mais si extravagants, faisant si complètement divorce avec l'écriture et le bon sens, que l'on pourrait avaler aussi franchement les contes du Petit Poucet ou de Jack le destructeur de géants." (18)

(18) Matter, Notes, p. 429

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Lettre de Paulin de Nole à Victrice : magie de l'unanimitas et dureté militaire

17 Décembre 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

Paulin de Nole, disciple bordelais d'Ausone avec lequel il se brouilla, contemporain d'Augustin à qui il écrivit sans l'avoir rencontré, et de Martin de Tours, retiré dans un monastère en Campanie, eut un échange épistolaire en 398 avec Victrice évêque de Rouen.

Comme l'expliquaient Janine Desmulliez et Cédric Vanhems de l'université Lille 3 il y a peu, cet évêque recherchait à travers ses courriers à créer une unanimitas, une unité d'âme, dont je me demande s'il ne faudrait pas l'entendre en un sens chamanique comme la télépathie stoïcienne dont parlait Montaigne : voyez mon billet de mai 2015.

Les lettres de Paulin de Nole sont connues des historiens (même une BD de vulgarisation comme "De Rouen à Rotomagus" en parle), mais difficiles à trouver sur Internet. Je traduis donc ici, à toutes fins utiles, une de ses lettres à Victrice à partir d'une version anglaise tirée du livre "Ancient Christian writers - The works of the fathers in translation n°35" dirigé par Johannes Quasten, Walter J. Burghardt et Thomas Comerford Lawler, éditions Newman Press, New-York, 1966. Il s'agit de la lettre 18, p. 167. A y regarder d'un peu près, vous trouverez dans cette lettre des formules qui ne sont pas des effets rhétoriques et dont la magie fait penser au Pasteur d'Hermas dont je parlais en novembre. Par exemple quand il évoque le miroir de l'esprit quand on sait les pratiques magiques et la divination qui se faisait (et se fait encore) autour des miroirs. Il y a dans ce texte un rapport au regard qui est directement lié aux sciences naturelles grecques. Renée Koch à propos d'Epicure avait montré comment celui-ci recommandait de regarder les statues des dieux pour recevoir du divin en soi. On retrouve cela dans la joie que St Paulin de Nole confesse à avoir vu le visage de Victrice en chair et en os. Il y a aussi une problématique très intéressante du visage humain du saint comme visage du Christ. L'appartenance mystique à une seule chair de tous les chrétiens, spécialement les plus vertueux, est exprimée par des images très percutantes, parfois dérangeantes comme celle d'aller "lêcher" les cicatrices du martyr. C'est une vision très intense et très concrète de l'unité des églises et des croyants, et de la puissance miraculeuse qu'ils peuvent exercer les uns sur les autres à distance (à rapprocher aussi sans doute du culte des reliques auquel tous ces prélats sont liés), notamment à travers leurs disciples (le diacre Paschasius).

On y trouve aussi une exaltation très romaine des valeurs militaires : l'endurcissement du corps et de l'esprit, l'implication dans le combat, la capacité à commander et obéir, la récompense outre-tombe. On comprend pourquoi la Gaule fut largement évangélisée par d'anciens légionnaires (Victor de Marseille mort en 303, Martin de Tours et Victrice de Rouen). Le soldat endurci dans son corps et son âme peut affronter le martyre et en retire un pouvoir transcendant qui en fait le leader incontesté de sa communauté (son prestige fut tel qu'à Chartres le thaumaturge St Martin de Tours se jugea moins digne que St Victrice de délier la langue d'une adolescente muette, ce qu'il finit cependant par faire Victrice ayant dit qu'il n'en ferait rien). On est là tout à fait dans le sillage du centurion romain (Matthieu 8:8) qui dit à Jésus qu'il sait ce qu'à l'armée commander et obéir veulent dire et qu'à cause de cela une seule parole suffira pour obtenir la guérison du serviteur.

C'est un christianisme de combat, parmi les démons et les forêts lointaines inhospitalières de la Gaule Belgique évangélisée par Victrice, avec Rouen comme avant-poste (christianisation et civilisation se confondent ici en une seule et même chose). Un christianisme sans concessions, et très adossé à l'Ancien Testament (avec d'ailleurs, on le notera, aucune référence à la Vierge Marie ni au versant féminin du christianisme, entièrement absorbé par les hommes, au point d'ailleurs que Paulin de Nole se voit lui-même en Marie-Madeleine inondant de ses larmes les pieds de Victrice).

"Paulin salue Victrice, toujours son père le plus révéré et le plus béni.

1. Soudainement et d'une façon inattendue, Dieu m'a fait la grâce d'une chance que j'avais recherchée en vain depuis un certain temps. Une occasion d'écrire à ta vénérable et sainte personne s'est présentée à moi à travers une maison de la foi, une qui a été choisie spécialement pour être une fraternité conjointe en notre Seigneur. Car à Rome à l'occasion de l'anniversaire très populaire des apôtres j'ai pu rencontrer notre frère le diacre béni Paschasius.

Outre le plaisir de notre camaraderie fraternelle dans le ministère sacré, je l'ai reçu avec les plus grands respect et amour parce que j'ai découvert qu'il appartenait, corps et âme, au clergé placé sous ta sainte protection. Mais je dois avouer que j'ai fait pression sur lui. Il était désireux de repartir de Rome vers votre personne sacrée. Et, bien que j'approuvasse cette hâte consciencieuse manifestée dans ce très justifié désir, je l'ai embrassé par amour pour toi et l'ai porté à Nole. J'espérais qu'à travers sa visite mon humble hospice là serait béni par un souffle de votre esprit et qu'en regardant et embrassant Paschasius je pourrais profiter pendant plus longtemps d'une part virtuelle de ta gracieuse présence. Ses manières modestes, son coeur humble, son esprit aimable, sa foi dans la vérité, et sa conversation agrémentée d'esprit sur chaque sujet démontre qu'il fut l'élève de ton enseignement et le compagnon de ton voyage.

Donc sois indulgent envers notre frère pour moi, ou envers moi pour lui. Car si ses attentes sont repoussées et ma présomption censurée, ces deux fautes seront excusées à tes yeux par la charité du Seigneur. Ce fut cette charité du Seigneur qui soit a forcé Paschasius à m'obéir, soit m'a forcé à prendre possession de lui et à le garder comme si j'avais des droits sur lui. Car non sans une arrogance obstinée mais d’un coeur pur, d’une bonne conscience, et d’une foi sincère (1. Tim. 1-5), j'ai cru que ce qui était à toi était à moi ; et je ne doutais pas que toi, à votre tour, tu croirais qu'il n'était pas absent de chez toi pendant le temps où tu savais qu'il était avec moi. Car si la distance réelle sépare nos corps, nous sommes associés par l'Esprit du Seigneur, dans lequel nous vivons respectueusement, et qui partout nous inonde, de sorte que nous avons les membres d'un même corps, un seul coeur, et une seule âme dans le Dieu unique.

2. Donc, j'ai regardé dans le miroir de l'esprit et j'ai pensé à tes égards pour moi et, en retour, à l'intimité avec toi à cause de l'amour que mon coeur vous porte ; donc, en gardant notre frère ici, j'ai proclamé que ton affection serait aimablement disposée envers moi. La grâce du Seigneur, qui t'a été donnée en abondance, a assuré que tu es aimé dans les membres de votre corps et dans l'ourlet de ton vêtement. Cependant j'ai perdu plusieurs jours de son séjour ici parce que le Seigneur dans sa miséricorde m'a affligé, j'étais ravagé par une maladie corporelle pour mon amélioration spirituelle. Mais Dieu, qui conforte les humbles et qui guérit ceux qui ont le coeur brisé (Ps 147:3), m'a conforté par la présence de mon frère le béni Paschasius. Sa présence m'a apporté le raffraîchissement de l'esprit, et aussi le recouvrement corporel, et quand deux sont heureusement réunis, Christ se tient entre eux (Math 18.20).

3. Mais Paschasius n'a pas simplement partagé l'affection et la peine de ma maladie; il a aussi été épuisé par la maladie très sérieuse de notre plus cher fils Ursus, qu'il a eu comme inséparable compagnon de ses voyages. A ce sujet, j'ai observé la foi de Paschasius et son amour abondant dans le Seigneur. Car plus Ursus endurait une peine corporelle, plus Paschasius souffrait de tourments dans son esprit. Alors le Seigneur a porté un regard aimable sur Ursus à cause de l'humilité de Paschasius (Luc 1.48), et l'a poursuivi de sa douceur. Quand Ursus fut sur le point de mourir, il obtint le salut du péril grâce à la foi et au travail dur de Paschasius. Le Seigneur a décidé d'essayer sur Ursus le pouvoir que notre plus aimé confesseur Felix, seigneur de notre maison, exerce devant Lui. Car quand Ursus est passé par les mains de Paschasius, en étant baptisé sur son lit, il est revenu à la conscience. A travers les prières du saint, le Seigneur l'a restauré pour le frère Paschasius comme aussi pour l'attente anxieuse de notre église et plus spécialement la tienne, car sans aucun doute Il veille sur toi dans la personne de tes enfants partout où ils sont. Le Seigneur, aussi, le préservera désormais. Puisse-t-Il le ramener à ta vue saint et sauf, libéré du péché et serviteur de la justice (Rom 6.18). Je n'ai aucun doute qu'Ursus, lui aussi, s'il mérite de revenir vers toi, accomplira un grand progrès dans la foi, en concordance avec Paschasius et avec toi, le maître des deux.

4.Tychicus, ton plus cher frère (ou ton Tyhcicus, Tychicus tuus voir Colossiens 4.7) et fidèle ministre dans le Seigneur, en louange non pas tant de toi que de Dieu oeuvrant en toi, m'a parlé de la grande lumière que le Seigneur a provoquée pour tracer une route d'éclaits lumineux à travers toi dans des régions qui étaient jusque là obscures. Car Lui qui fait venir les nuées de l'extrémité de la terre (Ps134.7) t'a amené, aussi, du bout de la terre pour éclairer Son peuple, et il a fabriqué un éclair brillant pour la pluie fertilisante. Juste comme autrefois au pays de Zabulon et de Nephtali, et sur le chemin de la mer au delà du Jourdain et de la Galilée pour ceux qui vivent dans le pays de l’obscurité,une lumière se met à briller (Esaïe 9.1), maintenant au pays des Moroni (Calais) au bout du monde battu par le fracas de l'océan avec ses vagues sauvages, les gens de ces races lointaines, demeurant dans ces endroits cachés par le chemin sablonneux de la mer au delà du Jourdain, avant que la nature ne devienne grasse (Ps 64.13), se réjouissent maintenant sous la lumière du Seigneur qui s'est élevée maintenant à travers la sainteté de ta personne. Maintenant que Christ est entré en eux, ils ont abandonné la dureté de leur coeur.

Là où des étrangers barbares et des brigands autochtones demeuraient dans ces zones désertiques et aventureuses de forêts et de plages, maintenant des villes, des bourgades, et des bois avec des églises et monastères remplis de gens et de paix harmonieuse, sont pleins de choeurs angéliques et révérés d'hommes saints. il faut l'admettre : cela se réalise à trvaers les peuples de la Gaule et dans le monde entier à travers Christ qui parcourt le globe Car ceux qui sont dignes d’elle, elle-même va partout les chercher et sur les sentiers (Sagesse 6.16) se répandant, à travers les âges, dans les âmes saintes (Sg 7.27) elle se montre joyeusement à eux sur les chemins, et elle va au-devant d'eux avec une admirable providence (Sg 6 17) pour ceux qui L'aiment. Et sur ce détroit lointain des rivages des Nerviens, sur laquelle la foi en la vérité n'avait soufflé que d'une faible respiration, laissant à ta charge d'être son vaisseau d'élection, toi et nul autre, elle a brillé pour la première fois avec plus d'éclat en toi, puis est devenue plus chaude avec plus d'ardeur incandescente, s'est rapprochée, et a choisi quelqu'un en qui elle pouvait rendre là son nom sacré, de sorte que par son nom son bruit a pu aller plus loin sur toute la terre, même là où le soleil se couche.

5. Brièvement il m'a été dit que Rouen, qui était à peine connue, même des districts alentour, est maintenant mentionnée avec respect même dans les provinces éloignées. Elle mérite la louange de Dieu et compte parmi les cités les plus notoires pour ses lieux consacrés.

Et à juste titre, car ta sainteté méritoire a donné à Rouen l'entière apparence de Jérusalem, comme elle en a la réputation en Orient, y compris avec la présence des apôtres, qui comparent ta ville, qu'ils ignoraient auparavant, à leur propre demeure, à la fois pour l'amour de l'Esprit saint qui s'y trouve et pour les résultats qu'y a obtenus l'oeuvre de Dieu. Et ils ont trouvé auprès de toi l'hébergement le plus adapté pour eux-mêmes. Clairement ces amis de Dieu, les chefs du vrai peuple d'Israel (c'est à dire, le peuple qui s'approche de Lui, Ps134.7) se délectent à s'attarder en ta ville et t'aider dans ton oeuvre. A Rouen, en compagnie des saints anges, ils sont charmés par la louange incessante, jour et nuit, de Christ notre Seigneur. A Rouen, à travers les coeurs les plus aimants des serviteurs de la foi, ils se voient assigner un repos de bienvenue et sont logés amicalement par des hôtes d'aimables vertus. A Rouen ils prennent plaisir avec les coeurs les plus chastes et les voix de tes brebis dans l'harmonie quotidienne de ceux qui chantent avec sagesse (Ps 46.8) dans des églises bondées et des monastères anciens. Maintenant des virginités non violées les logent dans les temples de corps saints, de sorte que cela puisse en faire des hôtes prêts à donner à Christ du repos dans leur coeur chaste. L'inattaquable chasteté des veuves esclaves jour et nuit de tâches saintes et de services obligatoires les remplissent d'un plaisir égal. De même que la conduite des couples mariés sujets de Dieu qui vivent secrètement comme frères et soeurs ; avec des prières continuelles de tels couples invitent Christ, qui est comblé de joie par leurs actions, à visiter ce qui n'est plus maintenant un lit conjugal mais une couche de fraternité. En retour ils s'unissent à Lui et aux Saints ; unis dans un amour chaste avec les esprits de ces visiteurs célestes, ils jouissent du rapport de la chasteté. Car maintenant ils sont nouvellement façonnés par des entrailles de miséricorde (colossiens 3 12) et trouvent leur repos parmi les fils de l'amour filial et de la droiture. Parmi tous les fils que tu instruits, ils te montrent leur affection pour toi, et aiment Christ en toi. Ainsi dans ta ville par dessus tout ils réalisent les vertus de Dieu, qui est la puissance de Christ, et donc ils te portent témoignage du fait que tu es leur partenaire.

6. Grâce et gloire soient en Lui qui n'abandonne pas l'oeuvre de Ses mains, et qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité (1 Tim 2:4). Se hâtant à travers le monde entier avec les pieds de celui qui apporte de bonnes nouvelles (Ésaïe 52:7). Il a voulu faire de toi aussi un pied splendide pour porter Son monde, si bien qu'en toi Il puisse se réjouir comme un géant qui parcourt le chemin (Ps 18.6). Il a daigné pour chaussure à vos pieds le zèle que donne l'Evangile de Sa paix (Ephesiens 6: 15), de sorte qu'à travers toi aussi il pourrait marcher sur la vipère et le scorpion, et tu écraser le lion et le Dragon (Ps 90:13). Et pour qu'une lanterne aussi glorieuse ne reste pas cachée sous un boisseau de silence en t'élevant à un siège apostolique Il t'a placé pour ainsi dire, sur un chandelier élevé, pour que tu puisses briller à travers toute la maison pour l'illumination de beaucoup.

7. Mais par quels sentiers t'a-t-Il conduit au chemin de Sa vérité ? Il t'a instruit en premier à l'école des devoirs de la chair pour te mener aux tâches spirituelles de Sa vertu. Il t'a d'abord désigné comme soldat, duquel Il a ensuite fait son évêque. Il t'a autorisé à combattre pour César pour que tu puisses apprendre à te battre pour Dieu, afin qu'en exerçant la vigueur de ton corps au travail de l'armée, tu puisses te fortifier toi-même pour des batailles spirituelles, renforçant ton esprit à confesser sa foi et durcissant ton corps pour la souffrance.

Ton abandon subséquent du service militaire et ton entrée dans la foi montrèrent que la divine providence t'a attaché à un important dessein. Dès que tu fus enflammé par amour pour le Christ, le Seigneur Lui-même déploya Son activité. Tu marchas sur le terrain de parade le jour fixé fixé pour le rassemblement militaire. Tu fus vêtu de toutes les décorations de l'armure de guerre que tu avais alors mentalement rejetée. Tous admiraient ta très scrupuleuse apparence et ton équipement, quand soudain l'armée eut les yeux écarquillés de surprise. Tu changeas de direction, modifias ton serment d'allégeance militaire, et aux pieds de l'officier de commandement impie, tu jetas les armes du sang pour prendre les armes de la paix. Maintenant que tu es armé du Christ, tu méprises les armes d'acier.

Immédiatement, le commandant fut rendu furieux par le venin du serpent ancien (Apoc 12 9). Tes bras ont été étendus pour que tu subisses le fouet et fusses battu de grosses verges ; mais tu ne fus pas conquis car tu étais couché sur le bois de la croix. Tes souffrances physiques redoublèrent. Tes membres, lacérés de grands coups, étaient étirés sur des fragments acérés de faïence. Mais Christ te donna un support plus doux, car Sa poitrine fut ton lit et sa main droite ton oreiller. Et donc, avant que tes blessures fussent guéries, tu avanças avec impatience et avec plus de courage face à un plus grand ennemi, car tu fus restauré par le courage qui était rallumé plutôt que brisé par la douleur de tes blessures.

Le commandement général t’a mis la main dessus, mais ton triomphe sur cet ennemi plus puissant fut encore plus glorieux. Les clients du diable n’osèrent pas en rajouter sur les tortures que tu avais dépassées, mais ils discutèrent de t’infliger la peine de mort pour que leur défaite prît fin avec la terminaison de la vie de ton corps.

Mais notre Seigneur qui est vraiment fort et puissant, et invaincu dans les combats (Ps 23 8) brisa les cœurs, même les obstinés, avec des miracles notables. Car dans ce voyage où tu suivis ton assassin comme une victime sacrée, le bourreau, avec des moqueries menaçantes posa une main téméraire sur ton cou, palpant d’une main qui cherchait à trouver le point où le coup de son épée frapperait. Mais à ce moment précis ses yeux lui furent arrachés, et il fut frappé de cécité. Comme l’indescriptible bonté de l’amour de Christ profère aux siens ! Celui qui demanda pardon pour ceux qui Le crucifièrent ne laissa pas l’offense à Son confesseur rester impunie ; Celui qui refusa que sa Passion fût vengée, récompensa d’un coup l’insulte à Son témoin. Cette colère par elle-même est la marque d’un amour paternel, car un fut aveuglé pour que beaucoup reçussent de la lumière, et peut être pour que celui qui avait reçu une perte de vue pût obtenir une vision mentale.

Finalement, survint juste après un signe encore plus grand. Ceux qui remplissaient le sinistre devoir de garder les condamnés avaient rejeté ta demande d’avoir la légère bonté d’alléger tes liens qui étaient noués si serrés qu’ils te mordaient les os. Mais quand devant leurs yeux tu adressas tes prières au Christ qui est Dieu, ils virent tes liens tomber de tes mains libres sans la moindre intervention humaine. Ils n’osèrent point les lier à nouveau, et ils se précipitèrent apeurés auprès de leur général, proclamant la vérité de Dieu comme s’ils étaient eux-mêmes confesseurs. Celui-ci les écouta attentivement, et, croyant leur récit, il le rapporta à l’Empereur avec le témoignage des soldats. Son acte alors montra que le soudain retournement de la colère en pitié devait compter parmi les miracles de Dieu. Bien qu’il eût fait vœu de persécuter Christ en ta personne il choisit au lieu de cela de Le louer en toi. Je crois que le Seigneur l’avait enfin rempli du Saint Esprit, comme il avait rempli Saül, car il t’aima comme celui-ci aima David. La grâce du Seigneur fut répandue sur lui, débordant de l’abondance de ta foi, tout comme le roi Saül fut affecté après qu’il eût prévu de persécuter les prophètes. L’officier était venu punir le confesseur, mais avait battu en retraite, confessant lui-même la vérité du Christ. Car il crut. Ceux qu’il avait auparavant sauvagement condamnés, il les loua comme des hommes saints et les libéra. Lui qui était désireux de punir témoigne de la foi, lui-même porta témoignage de la vérité (peut être en 355 ou juste avant).

8. Pourquoi, alors, devrais-je m’émerveiller de ce que tu sois si puissant dans tes accomplissements mystérieux, si riche dans tes grâces, quand tes débuts dans les vertus chrétiennes égalèrent ce que bien peu atteignent au terme de longs labeurs ? Devrais je douter de ta perfection maintenant, alors que tu fus parfait au commencement ? Oh! si j'avais les ailes de la colombe (Ps 55:6) je m’envolerais jusqu’à toi et me reposerais à la vue de ta sainte personne, émerveillé et révérant le Christ notre Seigneur dans ton visage. Je baignerais avec mes larmes et essuierais avec mes cheveux tes pieds qui sont les Siens ; je lècherais ce qu’on peut appeler les traces de la Passion du Seigneur dans tes cicatrices. Car plus douces sont les blessures d'un ami que les baisers d'un ennemi (Psrov 27.6). Malheur à moi! Misérable pêcheur dont les lèvres sont impures,(Esaïe 6.5) car la bénédiction était à ma portée et je ne l’ai point saisie.

9. Car tu te souviendras avec grâce, je crois, que j’ai regardé ta sainte présence une fois à Vienne, quand j’étais reçu par mon père béni Martin, à qui notre Seigneur t’a rendu égal quoiqu’à un âge différent. Bien que ma connaissance de toi provenant de Martin fût petite quand nous nous rencontrâmes, je révérai ta sainte personne avec tout le sentiment que je pus rassemblai. Je te recommandai éternellement moi-même et mes êtres chers, qui n’étaient pas là mais te fixaient à travers mes yeux, car Christ nous a rassemblés dans un seul corps. Maintenant je me réjouis de pouvoir au moins me vanter d’avoir vu ton visage dans la chair. Mais je me lamente sur ma désinvolture infortunée, car par ignorance j’ai manqué l’occasion d’une si grande bénédiction. A ce moment-là j’étais enveloppé non seulement dans les péchés, mais aussi dans les préoccupations du monde, desquelles la bonté de Dieu m’a maintenant libéré : si bien que dans mon ignorance je te vis seulement comme un évêque que tu étais en surface, et je n’avais pas le savoir pour te reconnaître dans ta plus splendide capacité en tant que martyr vivant.

10. Je te prie de te souvenir de moi ce jour où tu seras accompagné par ton innombrable cortège de bonnes œuvres réalisées, paré des honneurs des bénis, et couronné des décorations de la gloire, quand les anges se hâteront de te rencontrer portant les couronnes fleuries neigeuses des évêques consacrés et les robes pourpres éclatantes des confesseurs, quand Celui qui est le plus haut affineur de Son or et de Son argent t’accueillera comme de l’argent passé au creuset (Ps 66.10) et l’or essayé dans la fournaise (Sagesse 3.6) de ce monde. Le Roi éternel t’attachera comme une perle à Son diadème. Le Juge juste reconnaîtra qu’Il te doit une récompense pour plus que tes propres vertus quand Il verra l’innombrable foule d’hommes et femmes sanctifiés autour de toi. Car par tes enseignements quotidiens tu leur donne naissance pour Lui. Tu es l’exemple des parfaites vertu et foi devant tous. Notre frère Paschasius le révèle. Dans ses gracieuses et aimables manières, j’ai vu les contours, pour ansi dire, de tes vertus et de tes grâces, comme un reflet dans un miroir.

Tu es, en effet, le père béni de beaucoup de fils bénis, le semeur d’une grande récolte. Par la fécondité de ton sol, tu donnes du fruit pour Dieu avec un rendement de cent, soixante, ou trente pour un (Mat. 13.8), et tu obtiendras en retour une égale mesure des fruits variés de ta progéniture. Le Très Haut t’a nommé parmi les plus grands de Son royaume. Il a permis à tes mots d’égaler ses faits, de sorte que ton enseignement est une partie de ta vie, et ta vie une partie de ton enseignement. Et de là aucun disciple parmi les tiens ne tire excuse du fait que tes commandements n’est difficile à accomplir, car il est le premier lié par l’exemple de ta vertu. "

 

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Encore un mot sur Hermas

24 Novembre 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Médiums, #Histoire des idées

Un précision à la suite de notre précédent article sur Hermas. En 1900, Daniel Voelter (1855-1942), professeur de théologie à Amsterdam, publiait à Berlin une brochure de 54 pages expliquant que les visions I et II du Pasteur, selon lui, étaient des visions de la sibylle de Cumes et non de l'Eglise. Il s'agissait seulement de révélations sibyllines à un particulier, écrites pour cela en prose, qui n'ont été christianisées que tardivement. Et Hermas serait un prosélyte juif, d'où le fait qu'il cite dans sa IIe vision un Clément, Clément de Rome dont la tradition a fait un pape, qu'un fragment des Homélies clémentines (IV, 7-IV, 26) présente comme un converti au judaïsme et non au christianisme (revue L'Université catholique 15 janvier 1901 p. 303).  Mais dans un rapport annuel à l'Ecole pratique des hautes études évoqué dans la revue archéologique de 1902 (p. 140), Jean Réville (1854-1908), lui aussi théologien protestant, démentait l'idée qu'il pût s'agir d'une adaptation d'un original juif.

Aimé Puech (1860-1940) dans son Histoire de la littérature grecque va dans le même sens et conteste qu'Hermas fût juif d'origine. Il estime (tome II 1928 eds les Belles lettres p. 92) que le nom d'Hermas est grec "et le rattache même à cette Arcadie où il a placé la scène de la neuvième Similitude". Pour lui Hermas pourrait venir de là, et il note que sa maîtresse à Rome a un nom grec. Il note que la liste des vertus d'Hermas fait songer au tableaux de Cébès, qu'elles ont des noms grecs (Synesis, Aletheia, Homonoia) En suivant Richard August Reitzenstein, Puech suppose, à cause de similitudes sur sa liste des vices, qu'Hermas a pu connaître une rédaction primitive du livre hermétique intitulé Poimandrès, mais estime que l'influence hermétique porte sur le style mais non sur le fond. Il trouve ce style populaire, simple, avec quelques incorrections, mais parfois élégants et ne traduisant pas une origine étrangère (par exemple sémitique). Il souligne que son texte ne porte à ucune référence à Jésus, et que sa référence aux anges l'a fait traiter d'idiot par St Jérôme.

Jusqu'au concile de Rome de 497 sous le pape Gélase on n'a pas su si Le Pasteur avait sa place dans le canon des Ecritures. Irénée de Lyon (Contra hoereses,1,IV,c,xx), Clément d'Alexandrie, Origène (comme le faisait déjà remarquer Leibniz dans ses Opera theologica p. 632) et Cassien ont traité le Pasteur sur le même plan que les saintes écritures et lui trouvaient une inspiration divine.

 

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La faute sexuelle d'Hermas et la sibylle de Cumes

23 Novembre 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Pythagore-Isis, #Histoire secrète, #Anthropologie du corps, #Histoire des idées

Les universitaires athées devraient être plus prudents qu'ils ne le sont, je crois, quand ils abordent des textes antiques, lesquels puisent souvent leur inspiration à des sources métaphysiques obscures.

Il faut être très modeste. Personne ne connaît ces sources. L'abord "psychologique" ne signifie rien, car la "psyché" est une idole de nos contemporains plus obscure encore que les mystères religieux.

J'en veux pour preuve le début d'un texte connu chez les historiens du christianisme, "Le Pasteur" d'Hermas, recueil de visions qui date de 120 (c'est à dire du règne de l'empereur Hadrien). Hermas est un père de famille, affranchi d'une dame chrétienne appelée Rhodè.

Peter Brown, auteur estimé dans les milieux académiques, réduit l'inspiration prophétique à des "marqueurs identitaires" desquels l'abstinence sexuelle ferait partie (Le renoncement à la Chair, 1995, p. 98) et fait un phénoménologie "neutralisante" (plus que neutre) des visions, en notant par exemple que "des vierges y apparaissent comme des prophétesses" (il se réfère à Eusèbe de Césarée). L'historien présente Hermas, auteur qui allait inspirer l'empire romain jusqu'en Egypte, comme "le seul prophète chrétien dont la vie visionnaire nous soit connue".

Il retrace le passage connu de son livre "Le Pasteur" que j'avais lu en 1995 dans lequel il confesse que, ayant aidé sa maîtresse Rhodè à sortir du Tibre où elle se baignait ("entièrement nue" précise Peter Brown, mais ce n'est pas écrit dans le livre), il avait songé qu'il serait heureux d'avoir "une femme de cette beauté et de cette élégance". Pour Brown, le problème pour Hermas était de se "laver" de cette faute afin de développer sa vocation prophétique et devenir "transparent" pour le Saint Esprit. Hermas, dit-il, enseigne la nepiotes, la simplicité enfantine, pour combattre le désir. Pour lui, il s'agissait de rassembler les "puissances virginales de l'âme" dans les "prairies vertes d'une Arcadie chrétienne", "à l'ombre des jeunes filles en fleur" dit même Brown, qui oppose ce côté "candide" du "Pasteur" d'Hermas à la dureté de la répression sexuelle en milieu chrétien après la multiplication des persécutions par le pouvoir romain païen.

Voilà pour la lecture mi-littéraire mi-anthropologique que Brown fait d'Hermas. Je ne suis pas du tout sûr que sa thèse sur un Hermas "candide" opposé au christianisme dur qui l'a suivi à cause des martyrs tienne la route (car des martyrs il y en a eu depuis la mort de Jésus), et je suis en tout cas à peu près certain que, comme toute la machine institutionnelle des facs de lettres en France, ce dispositif de lecture d'Hermas est surtout fait pour éviter de se poser les bonnes questions (je ne dis même pas espérer d'avoir les réponses) qui nous permettraient éventuellement d'aller au coeur de cette bizarrerie qu'est le livre "Le Pasteur".

La recherche intellectuelle et spirituelle passe par l'étonnement (thaumazein) nous a enseigné Aristote. Brown et ses commentateurs sont là pour le stériliser. Etonnons nous donc, et commençons par nous étonner des petites choses.

Moi, quand je lis Le Pasteur, 20 ans après avoir découvert le commentaire qu'en faisait Brown, des tas de détails m'interpellent, à la fois dans le texte lui-même et dans le commentaire que fournissait en 1990 pour les éditions du Cerf un certain Dominique Bertrand, "ancien directeur des sources chrétiennes" - avec lequel je suis tout autant en désaccord qu'avec Brown.

Tout d'abord je note que Bertrand pose comme un élément du consensus universitaire que le ton autobiographique du livre relève de l'artifice. Hermas ne serait pas un affranchi de Rhodè, il ne l'a pas vue se baigner dans le Tibre. Ah bon ? Mais Brown lui ne relève pas de ce consensus. Je sais bien qu'à l'époque on appréciait les romans comme celui de Leucippé et Clitophon dont on a déjà parlé sur ce blog, mais je ne vois pas pourquoi un auteur qui entreprend de décrire une vision dans laquelle sa maîtresse Rhodè lui apparaît aurait inventé de toute pièce l'identité de cette femme. Ce ne serait pas conforme à la notion même de vision prophétique... Je comprends que des éditions catholiques en 1990 (ce ne serait peut-être plus le cas aujourd'hui) préfèrent penser qu'Hermas a imaginé la fiction d'une femme se baignant dans le Tibre, mais à ce compte là, ils peuvent aussi classer tous les Actes des Apôtres et tous les Evangiles au registre de la fiction. Faire de la fiction sur des visions religieuses n'a pas de sens.

Bertand (p. 335) nous dit que ce qui était intéressant c'est que cette Rhodè était une dame romaine et il juge que la mention de Rome "n'est pas fictive" (allez savoir pourquoi). Moins polarisé par la papauté que lui, je ne suis pas pour ma part intéressé par la capitale de l'empire. Ce qui m'intéresse le plus, d'un point de vue à la fois spirituel et intellectuel, c'est que la première vision qu'Hermas va décrire, il l'a sur le chemin de Cumes (ville grecque de Campanie). Je dirai un peu plus loin pourquoi c'est essentiel.

Sur ce chemin, tout en marchant, Hermas s'endort (ce que Bertrand juge "invraisemblable", ce commentateur, bien que chrétien, étant devenu si sceptique qu'il ne croit pas au somnambulisme inspiré). "L'esprit me saisit, dit Hermas, et m'emmena par une route non frayée, où l'homme ne pouvait marcher". Voilà un second détail fondamental. Tous les gens qui ont travaillé sur les médiums savent ce que ce passage évoque. L'auteur emploie le mot "esprit", pas Saint Esprit, et ce transport sur une route où l'homme ne peut marcher fait penser rigoureusement à un thème bien connu de l'occultisme : le voyage astral (qui n'est pas forcément nocturne mais est effectivement associé au sommeil)...

Avant de se demander pourquoi Hermas prône la continence sexuelle et quelle "stratégie" éventuelle cela peut servir comme le fait Brown, il faut savoir s'ouvrir à l'altérité antique : dans ce monde là, le voyage astral, l'interprétation initiatique des rêves, le dialogue avec les esprits etc étaient monnaie courante. On ne peut pas comprendre son rapport à sa maîtresse Rhodè sans cela, tout comme d'ailleurs on ne peut comprendre l'acte sexuel de Lucius avec son esclave thrace, qui va le transformer en âne, dans l'Ane d'Or d'Apulée sans connaître son rapport aux démons (qui lui valut de subir, dans sa vraie vie un procès en sorcellerie) et au culte sotériologique d'Isis.

Prenons donc le récit à la lettre : Hermas est sur la route de Cumes, et, en marchant, il vit un "voyage astral". L'endroit est escarpé, "déchiqueté par les eaux" nous dit le texte (les médiums connaissent le rapport du milieu aquatique aux démons). Il traverse le fleuve (ça aussi c'est initiatique), il arrive dans une plaine au sec (donc à distance des démons), là il s'agenouille et prie Dieu, et là il confesse ses péchés parmi lesquels, vu ce qu'il vient de raconter sur l'épisode du Tibre (notez au passage que cet épisode aussi était marqué par l'eau), la contemplation de la nudité partielle ou totale de sa maîtresse figure probablement.

Alors Rhodè surgit dans sa vision et lui dit qu'elle a été transportée au ciel pour dénoncer son péché et que Dieu, dans la perspective de la construction de l'église, est en colère lui. Il se défend en précisant qu'il a toujours considéré Rhodè comme une déesse (puisqu'elle était  "propriétaire" de sa personne) et comme une soeur (puisqu'ils n'ont jamais eu de rapports sexuels). Mais elle l'accuse d'avoir au moins eu un désir dans son coeur quand il l'a sortie du Tibre.

La première vision se termine. Hermas culpabilisant, désespéré, se demande comment réparer sa faute. Alors lui apparaît une vieille dame en habits resplendissants sur un siège garni de laine, blanc comme neige. Cette seconde vision est la réponse à sa question. La dame confirme sa faute, mais souligne que Dieu est irrité parce que ses enfants se sont mal conduits à l'égard du Seigneur et de leurs parents (p. 339 - des commentateurs parlent d'apostasie et de dénonciation aux autorités impériales). Elle l'encourage à raffermir sa maison, puis elle lit un texte dont Hermas ne retient que la fin qui porte sur la louange de Dieu. Quatre jeunes gens enlèvent le siège et s'en vont vers l'Orient. Elle touche la poitrine d'Hermas, lui demande ses impressions, puis deux hommes amènent la vieille vers l'Orient en la prenant par les bras. D'un air joyeux elle lui dit "sois un homme" (comme l'ange dans le martyre de Polycarpe).

L'année suivante Hermas reprend le même chemin. Et là, juste au même endroit, second voyage astral : "un esprit m'enlève" (pas l'Esprit saint...). A nouveau il voit la même femme âgée, debout cette fois, lisant un livre. Il recopie son texte sans le comprendre, puis, au bout de 15 jours de jeûne et de prières (comme Daniel), le texte révèle son sens et ses préceptes : l'abstention sexuelle avec sa femme et l'enseignement de la maîtrise de soi et la fidélité à Dieu aux autres chrétiens par la pénitence (la metanoia).

Voilà pour la troisième vision de Cumes. Hermas ne s'est jamais demandé qui était la vieille dame. En ce sens on est loin du temps où quelques siècles plus tard on jettera de l'eau bénite sur les apparitions pour être sûr qu'elles ne viennent pas du diable. Une quatrième vision vient, on ne sait plus où ni quand, probablement plus sur la route de Cumes, où un beau jeune homme lui demande s'il sait qui était cette vieille femme qui lui a communiqué ce livre. Hermas dit qu'il pense que c'était la Sibylle et le jeune homme répond qu'il fait erreur, que c'était l'Eglise.

La réponse d'Hermas était naïve. On peut penser qu'elle trahit un restant de paganisme comme le fait qu'il dise qu'il considérait sa maîtresse comme une déesse. D. Bertrand rappelle que les Juifs attribuaient déjà à la Sibylle d'avoir prophétisé sur le Messie et que le cantique Dies irae dit "David et la Sibylle l'ont annoncé". Mais à mon avis la question est bien plus compliquée que cela.

Je pense qu'il faut d'abord repasser par Virgile. Les pères de l'Eglise ont dit de lui qu'il avait entrevu la naissance de Jésus. Ce qui est certain c'est que son Enéide contient des vers très beaux sur la Sibylle. La Sibylle est à Cumes (d'où l'importance que les deux voyages astraux d'Hermas se passent sur le chemin de Cumes). Cumes est un oracle d'Apollon, comme Delphes. L'Enéide est une ode à César-Auguste qui, rappelons le, a introduit le culte grec d'Apollon à Rome, se disant lui même fils d'Apollon par un python (ou un serpent de cette famille) qui a fécondé sa mère. Tout cela se tient.

Hermas a pris la vieille femme pour une pythonisse, et il est logique qu'il ait pensé à la Sibylle à cause de Cumes et aussi parce qu'elle lisait un livre comme les livres sibyllins, et donc sa voyance passe par la graphomancie... Qu'une prêtresse d'Apollon l'incite à la chasteté ne l'a pas plus surpris que cela, ni nous non plus quand on pense que les prêtres d'Isis eux aussi étaient privés de tout droit au rapport sexuel. Le rapport  à l'au-delà et à la prophétie suppose l'abstinence dans l'Empire romain quelle que soit la religion en cause (il n'y a pas d'école tantrique, et, peut-être existe-t-il des voies isiaques ou crypto-isiaques - pensons à Astarté - ou chamaniques orgiaques, mais ça ne correspond pas aux voies religieuses prisées par les lettrés qui sont quasiment les seuls porteurs de témoignages des cultes de cette époque auxquels nous ayons accès).

Je pense que tout ce début du récit le marque d'une coloration apollinienne très forte, et donc, pourrait-on dire d'un point de vue chrétien, d'une tonalité démoniaque. On sait que dans la Cité de Dieu quand Augustin (qui d'ailleurs dialogue aussi avec Apulée) raconte que Porphyre rapportait le témoignage d'une païenne dont le mari était chrétien qui avait interrogé la Pythie à propos de Jésus laquelle lui avait répondu que le Dieu des Juifs valait mieux que lui, ce qui donnait argument à Augustin pour voir dans l' "Apollon" de Delphes un démon. Je crois qu'on est ici exactement dans la même atmosphère, en fait plus démoniaque et païenne que chrétienne, de sorte que la comparaison entre les "stratégies" littéraires d'Hermas et celles de ses successeurs autour de la sexualité n'a pas beaucoup de sens. D'ailleurs il n'est pas non plus complètement exclu que les successeurs, même s'ils sont moins marqués par l' "Arcadie" (qui est aussi potentiellement un univers démoniaque, voir l'imaginaire de Rennes-le-Château "et in Arcadia ego") ou par les vierges bucoliques, soient eux aussi potentiellement démoniaques, surtout s'il y a un culte des reliques autour des martyrs. Simplement dans une autre veine... (Et on laissera de côté la question de savoir si les voies démoniaques sont malgré tout, in fine, des voies d'accès à Dieu...)

Restons en là de nos réflexions sur Hermas pour l'instant. Il n'est pas exclu que nous soyons amenés à revenir sur ce sujet dans quelque temps...

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Traces des yazidis à la BNF

11 Novembre 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées

Quelques traces des yazidis (yézidis) à la bibliothèque nationale de France.

Dans La Turquie d'Asie, géographie administrative : statistique, descriptive et raisonnée de chaque province de l'Asie Mineure. T2 / par Vital Cuinet Éditeur : E. Leroux (Paris) 1891-1894 p. 772 et suiv :

"Yézides. On donne ce nom à une population spéciale répandue non seulement dans l'ancien Kurdistan, tant en Mésopotamie que dans la Haute-Arménie, c'est-à-dire dans les environs de Mouch et de Van, mais aussi jusque dans l'Yémen, la Perse, la Russie et la Chine occidentale. Cette peuplade a été mise par les anciens historiens au nombre de cinq principales tribus kurdes, tout en tenant compte, dès ce temps-là, des différences profondes qui l'ont toujours séparée des autres races autochtones. Les Yézides ne sont ni chrétiens, ni musulmans, mais en même temps qu'ils se montrent sympathiques aux premiers, ils portent des noms particuliers aux membres de l'islam. Toutefois, ces derniers, aussi bien les Sunnites que les Chyites, les musulmans orthodoxes, comme les hétérodoxes, ont en abomination les Yézides. L'histoire musulmane les accuse d'avoir assassiné les fils d'Ali Hassan et Husséin, dont on vénère les tombeaux à Kerbèla. Une tradition locale assez bizarre assure qu'un Yézide, par un sentiment pieux, déroba l'un des clous qui attachaient Notre-Seigneur Jésus-Christ à la croix, avant sa mort. Les Yézides racontent aussi, touchant leur croyance en Jésus-Christ, que l'Enfant divin parlait dès le jour même de sa naissance, et que pour prouver ainsi sa conception surnaturelle, il ressuscita un homme mort depuis mille ans.

Tous les musulmans, même ceux qui sont animés de la plus grande tolérance envers les non-musulmans en général, se croient permis, et considèrent même comme une bonne action, de persécuter les Yézides. Ceux-ci, de leur côté, ne montrent pas moins de haine pour les musulmans, tandis qu'ils semblent se plaire à témoigner de leur respect pour les croyances chrétiennes et à prier dans les églises. Ils reçoivent volontiers les chrétiens chez eux, sans que leurs filles ou leurs femmes s'enfuient ou se cachent. Quant aux musulmans, ils les évitent, et s'ils sont absolument forcés d'en avoir quelqu'un dans un de leurs villages, ils le traitent de telle sorte qu'il se hâte de partir sans retour.

Parmi les pratiques musulmanes, les Yézides redoutent la circoncision, et c'est pour éviter d'y être soumis par la force qu'ils refusent obstinément tout service militaire. Tous les efforts du gouvernement en vue de leur enrôlement ont toujours échoué. Pour se libérer de cet impôt qui leur est tant à charge, ils ont souvent recours aux chefs des communautés chrétiennes pour les supplier de les inscrire sur la liste de leurs ouailles, en les laissant maîtres de pratiquer en secret leur propre religion. Celle-ci est une sorte de manichéisme : ils semblent, comme l'hérésiarque Manès, reconnaître deux premiers principes, un bon et un mauvais, et c'est ce dernier qu'ils paraissent préférer dans leurs adorations. Ils deviennent furieux dès que l'on parle irrespectueusement du diable. Par respect, ils ne font aucun usage des mots commençant par la lettre chin, qui est la première du mot chéitan, nom du diable en langue turque. Ils évitent avec le plus grand soin de prononcer ce nom, et se servent pour désigner le mauvais esprit, de circonlocutions, telles que:  celui que tu sais, - celui que maudissent les fous et les ignorants, - Lui, - celui-là et enfin taouq-i-mélèk, c'est-à-dire le roi ou l'ange-coq. C'est en effet sous la figure d'un coq ordinaire, en bronze doré, qu'ils lui rendent un culte dans un lieu voisin de Mossoul, où résident les serviteurs de cette idole.

Sous le rapport temporel, les Yézides étaient gouvernés en Turquie et le sont encore dans les autres pays par un émir suprême qui réside à Bahadry ou Badri, village situé à 44 kilomètres au nord-est de Mossoul Son pouvoir est absolu; au moyen d'émirs subalternes, il transmet ses ordres à tous ses administrés répandus jusqu'aux extrémités de l'Europe et de l'Asie. Jusqu'en 1875, cet émir était considéré par le gouvernement ottoman comme prince indépendant ayant droit de vie ou de mort. Aujourd'hui ce droit lui est retiré, et ses anciens sujets en Turquie ne ressortissent plus que des tribunaux ottomans. En première instance, les causes des Yézides sont portées devant le mudir de Bahadry.

Le chef suprême de leur religion qu'ils qualifient de grand chéik, et qui remplit les fonctions de souverain Pontife, a sa résidence à Chéik-Adi, non loin de Badri ou Bahadry. Cette dignité est héréditaire dans sa famille ainsi que celles des pir ou prêtre. Ces derniers sont absolument illettrés. Une seule famille qui demeure à Bachika, village situé au pied du Djébel-Makloub, a le privilège exclusif, parmi tous les Yézides de l'Europe et de l'Asie, de savoir lire et écrire, mais on ignore quel est le livre sacré pour la lecture duquel cette prérogative lui a été conférée. Toutefois, M. Layard a appris du grand chéik qu'il existe un texte sacré tracé sur une planche. Toutes les prières despir, soit un enterrement, soit pour d'autres circonstances, sont transmises oralement de père en fils, et ne se font pas à haute voix, mais seulement comme un léger murmure. La prière surtout doit se faire chaque matin on se tourne à cet effet vers l'Orient, en posant les mains sur ses joues.

La caste sacerdotale exerce en certains cas un pouvoir coercitif, qui a pour effet de frapper d'excommunication les familles et les individus ou leurs biens. Les Yézides n'ont rien qui rappelle la notion du mariage. Le grand chéik le premier peut user comme il lui plaît de toutes les femmes, exemple suivi par tous les membres de cette communauté. Ils ont aussi chaque année une nuit qu'ils passent à l'entrée d'une caverne mystérieuse en l'honneur de l'ange ou du roi-coq (Taouq-i-mélèk). Ils y mangent et boivent et, pour clore la cérémonie, entrent enfin dans la caverne où ils se livrent à des orgies sans nom.

Les Yézides ont une sorte de baptême qui consiste à plonger dans l'eau d'un réservoir sacré l'enfant qu'ils ont d'abord déposé et couché à plat sur un coq de métal, figure du taouq-imélèk.

En d'autres circonstances, ils donnent au vin le nom de sang de Jésus-Christ. Un Yézide présente de cette liqueur à un de ces compagnons et lui dit : "Reçois le calice du sang de JésusChrist". Celui à qui cette offre est faite doit, même s'il est d'un rang supérieur, baiser la main de son gracieux amphytrion, puis boire, tandis que toute l'assistance attend les mains croisées sur la poitrine et dans une posture inclinée, qu'il ait fini de boire. Une autre cérémonie rappelle le sacrement de pénitence. Une rixe survient-elle entre Yézides, la réconciliation se fait de la manière suivante : celui qui est reconnu avoir le tort de son côté se lève, se couvre le visage de ses deux mains, va s'incliner respectueusement devant le plus digne des assistants et lui avoue sa faute à haute voix. Celui-ci lui fait une admonestation, prie un instant sur lui, et l'envoie baiser la main de son adversaire et de tous les membres présents de la caste sacerdotale. Si l'inimitié ne s'arrête pas là, le coupable de récidive doit aller trouver le grand chéik dans sa maison et y faire le même cérémonial, en s'engageant de plus à donner pour satisfaction un mouton et un grand vase rempli de vin.

Tous les Yézides boivent du vin et mangent du porc, mais leurs prêtres ne doivent manger ni laitue, ni aubergine. Il leur est interdit de s'habiller de bleu. La couleur rouge est également rejetée par les Yézides. Leur costume est généralement blanc, à peu près aussi uniformément que celui de leurs prêtres et de leurs derviches est noir. Leurs cheveux sont coupés avec des ciseaux jusqu'à la racine, mais jamais ils ne les rasent. Les hommes portent des chemises ouvertes en rond jusqu'à l'ombilic, en souvenir du cercle lumineux qui descendit sur Chéik-Adi après qu'il eût jeûné durant quarante jours; les femmes ne sont vêtues que de chemisettes, de caleçons blancs et de hautes bottes en maroquin jaune.

Quoique les Yézides, comme on l'a dit plus haut, aient été considérés par les historiens du temps passé et la plupart des voyageurs comme l'une des cinq principales tribus kurdes, et que leur langue soit le kurde, on pense aujourd'hui qu'il est difficile, sinon impossible, d'admettre que cette peuplade, qui porte tous les caractères extérieurs d'une race indo-européenne, soit originaire du sol. On les croit immigrés de la Perse à la suite des persécutions d'Ali, dont les victoires y ont établi l'islamisme. L'archarnement qu'ils montrent contre les musulmans et que ceux-ci leur témoignent, le fait d'avoir massacré Hassan et Husséïn par vengeance que les musulmans leur reprochent, sont avancés comme preuves à l'appui de cette opinion, mais cela ne suffirait pas à démontrer qu'ils ne sont pas Kurdes, puisque l'ancien Kurdistan comprenait une notable partie du sud de la Perse. On objecte d'autre part en faveur de l'opinion qui voudrait en faire une race indo-européenne, l'existence au pied de l'Hymalaya des Lepchos, cités dans le numéro 956 de la Revue des Missions catholiques du 30 septembre 1887, pour leurs croyances singulièrement identiques à celles des Yézides. Comme ceux-ci, les Lepchos reconnaissent un bon et un mauvais principe, et ne rendent un culte qu'à ce dernier, auquel seul leurs sacrifices sont offerts pour apaiser sa malveillance, qu'ils croient être l'unique cause de toutes les misères humaines.

Outre cela, les Yézides croient que le diable est une créature de ce mauvais principe, « seul créateur de toutes choses ». On doit, selon eux, honorer cette créature, non seulement parce qu'elle est puissante et redoutable et afin de mériter par le moyen de ce culte d'échapper à son action malfaisante, mais aussi parce que le diable peut, par un caprice de son maître, devenir un jour aussi puissant pour le bien qu'il l'est pour le mal. A ce changement de fortune, ses détracteurs seuls auraient à perdre C'est pour cela que les Yézides ne peuvent souffrir qu'on le maudisse.

A ce sujet, les habitants de Mossoul se plaisent parfois, quand ils rencontrent un Yézide dans les marchés de cette ville, à tracer autour de lui sur le sol un cercle dans lequel le malheureux croit être retenu prisonnier jusqu'à ce qu'une personne charitable soit venue rompre ce cercle fatal. Durant tout le temps de cette pseudo-magique captivité, la plus dure peine pour lui n'est pas la prison mais la nécessité qu'il se figure inéluctable, d'entendre ses joyeux bourreaux accumuler avec malice sur son dieu et mettre toutes les malédictions imaginables. L'initiation d'un Yézide de la caste sacerdotale, c'est-à-dire pour ainsi parler sa « prise d'habit », car on sait déjà que c'est l'habit noir qui distingue les Pir, les Uaval, les Fakir, etc., se fait d'une façon singulière dont les détails méritent d'être rapportés. Le postulant doit passer au service du grand chéik les quelques jours qui précèdent la cérémonie c'est une espèce de noviciat. Le terme de cette courte épreuve expiré, l'adepte dépose tous ses habits, puis deux Yézides noirs le prennent chacun par une oreille et le conduisent devant le supérieur qui lui présente l'habit noir en ces termes « Entre dans le feu et sache bien que dès ce moment tu es disciple de Yézid. Sache aussi qu'en cette qualité tu auras à souffrir pour l'amour de Dieu bien des injures, des opprobres et des persécutions de la part des hommes; car cet habit te rendra méprisable aux yeux de tous, mais très agréable à la Majesté divine .» Après cette petite allocution, le nouveau clerc, pendant que l'assistance murmure des prières, est revêtu pièce à pièce de l'habit noir qui ne diffère en rien des autres par la forme, mais dont les diverses parties portent des noms particuliers le turban devient la mitre; une autre pièce l'huméral, etc. Lorsqu'il est entièrement habillé, le supérieur l'embrasse et lui baise la manche, ce que font aussi à sa suite tous les autres Yézides noirs, mais non les blancs, car cela ne leur est pas permis. Dès lors, l'initié est appelé kotchek, mot auquel on doit donner dans ce cas la signification de clerc ou de disciple, mais qui dans le langage vulgaire en a une bien différente.

L'habit noir, est aux yeux des Yézides une chose sacrée; ils n'en laissent perdre aucune parcelle, et lorsqu'il tombe en loques, ils en recueillent pieusement les morceaux pour en bourrer des coussins, des oreillers, etc. Leur serment solennel se fait par la vertu de l'habit noir, par la tête de ceux qui le portent. Au pèlerinage annuel, qui se fait à Chéik-Adi, le grande chéik, revêtu d'une étole noire, prêche et bénit l'assemblée. L'enterrement d'un Yézide noir se fait non seulement sans larmes ni sans deuil, mais encore avec des démonstrations de joie, des chants et des danses, en témoignage de la conviction où l'on est du sort heureux de l'âme du défunt.

Quoiqu'il ne paraisse guère possible d'instruire des populations auxquelles leurs principes religieux interdisent l'instruction comme une chose mauvaise, des missionnaires capucins étaient parvenus, au XVII° siècle, à convertir deux chefs Yézides et à les baptiser sous les noms de Pierre et Paul, avec treize autres personnes mais la malveillance coupa court à cette œuvre, qui n'eut pas d'autres effets.

Les Yézides s'adonnent pour la plupart à la culture et à la vente de leurs produits agricoles, comme les Syriens. Beaucoup aussi élèvent de grands troupeaux de moutons, comme les Kurdes, dont ils partagent les instincts guerriers et dont ils ont la langue ainsi que l'organisation par agglomérations distinctes et rivales."

A propos des yazidis du Caucase :

Revue hebdomadaire de Paris 1892 p 490 Voyage à Erzeroum de 1829 à 1835 de Pouchkine : "Notre société était très composite. Dans la tente du général Reyewski se trouvaient plusieurs chefs de troupe musulmans, avec lesquels nous conversions au moyen d'un interprète. Parmi nos troupes, on remarquait des hommes appartenant aux peuplades caucasiennes déjà sous notre pouvoir.

J'ai surtout considéré avec curiosité les Yazides, qui, dit-on, forment une secte adorant le diable. Ils se com posent de plus de trois cents familles, habitant au pied de l'Ararat. Ils sont soumis à la domination russe, et leur chef, un homme grand et laid, à manteau rouge et grand bonnet noir, venait de temps en temps saluer le général Reyewski, commandant de toute la cavalerie."

Notons qu'Henry Austen Layard qui découvrit les ruines de Ninive joua un rôle important dans la connaissances des Yézides en Occident avec son "Nineveh and its Remains: with an Account of a Visit to tile Chaldaean Christians of Kurdistan, and the Yezidis, or Devil-worshippers, et Inquiry into the Painters and Arts of the Ancient Assyrians", puis en France Joachim Menant (1820-1899), passionné d’assyriologie, spécialiste de l’écriture cunéiforme qui publia en 1892 "Les Yédidiz; épisodes de l’histoire des adorateurs du diable",

Citons aussi dans la Géographie universelle d'Elisée Reclus (1881), le géographe anarchiste, dans le tome 6 : A propos des yézides de Transcaucasie "Les bergers sont des migrants temporaires , venus du Kurdistan, de la perse et de la Turquie. Parmi ces bergers, on compte plusieurs centaines de Yézides, adorateurs du diable" (p. 271). Et tome 9, p. 350 et suiv :

"Les Têtes Rouges, dont les communautés principales vivent dans le bassin moyen de l'Euphrate, sur les bords du Ghermili et du haut Kizîl irmak, sont comptés par les musulmans au nombre des sectes chrétiennes, parce qu'ils boivent du vin, ne voilent pas leurs femmes, pratiquent les cérémonies du baptême et de la communion. De tous les sectaires, les Kizîl bach sont ceux que leurs voisins accusent le plus obstinément — à tort ou à raison — de célébrer des fêtes nocturnes où règne la promiscuité la plus complète : de là le nom de Terah Sonderan ou "Éteigneurs de Lumières" sous lequel ils sont généralement désignés (cf Ernest Chantre, Tableau des tribus kurdes"). Le chef religieux des Kizîl bach réside dans le Dersim, près du fleuve Mourad.

D'autres sectaires abhorrés sont ceux que leurs voisins appellent « Adorateurs du Diable ». Les Kourdes Yezidi ou Chemsieh, quoique fort peu nombreux, cinquante mille au plus, sont épars sur un espace très considérable : ils sont cantonnés principalement dans les montagnes de Sindjar au nord des campagnes de la Mésopotamie, mais il en existe aussi sur les plateaux de Van et d'Erzeroum, ainsi qu'en Perse et dans la Transcaucasie, près des rives orientales du Goktcha (voir Moritz Wagner, Reise nach Persien und dem Lande der Kurden); une de leurs colonies s'était même -avancée jusqu'au Bosphore, en face de Constantinople (Von Hammer-Purgstall; - Carl Ritter, Asien). Haïs, exécrés par leurs voisins de toute religion et de toute race, tantôt obligés de combattre, tantôt fuyant devant leurs persécuteurs, réduits par la famine et par les maladies plus encore que par le glaive, ils ont pourtant réussi à maintenir de siècle en siècle leurs pauvres communautés, sans avoir comme les Juifs le solide point d'appui que donnent un corps de traditions écrites, l'histoire d'un long passé d'indépendance : ils n'ont que leur foi et le souvenir des luttes de la veille pour s'encourager à celles du lendemain; ils prétendent que leur grand saint, le cheikh Adi, écrivit un livre de doctrine, Aswat ou le « Noir », mais aucun document ne prouve la vérité de cette assertion, inventée probablement pour se faire respecter par les musulmans (Frederick Forbes, Journal of the Geographical Society, 1859). Nulle part ils ne vivent indépendants; les Yezidi du Sindjar, Kourdes croisés d'Arabes qui depuis des générations vivaient en républiques autonomes dans leurs citadelles de rochers, furent en grande partie exterminés en 1838; on enfuma les grottes dans lesquelles la plupart s'étaient réfugiés; les femmes furent vendues comme esclaves et les misérables débris des tribus durent accueillir des maîtres musulmans.

En comparant les récits des voyageurs qui ont visité les Yezidi dans les divers districts où ils sont dispersés, on constate de telles différences, qu'on a cru devoir admettre des origines multiples pour les sectaires classés sous le nom d'Adorateurs du Diable. Dans le voisinage des Arméniens, ils paraissent se rattacher à la même souche ethnique et des documents précis mentionnent le milieu du neuvième siècle et un village du district de Van comme l'époque et le lieu où la religion, d'abord simple schisme du dogme arménien, prit son origine. Dans le Sindjar, au contraire, on attribue aux Yezidi une origine arabe et leur culte serait dérivé de l'Islam. En Perse, ils sont considérés comme descendant des Guèbres ; pourtant le nom même qui leur a été donné les relie au monde musulman, puisqu'il est celui de Yezid, le calife abhorré, coupable du meurtre de Housseïn, le petit-fils du prophète. Enfin, les tribus kourdes les confondent souvent avec les sectes chrétiennes des plaines inférieures et font sur les uns et les autres les récits les plus bizarres : il n'est pas d'abominations qu'on ne leur prête, pas de fantaisies qu'on n'imagine sur leur compte. Leurs cérémonies diffèrent suivant les pays : il en est qui baptisent leurs enfants et qui font le signe de la croix (Azabel Grant, The Nestorians); en certains districts ils pratiquent la circoncision, ailleurs elle est défendue; les jeûnes sont strictement observés chez les Yezidi voisins de l'Arménie, tandis que d'autres Adorateurs du Diable se croient libres de manger en tout temps ; ici règne la polygamie, là une monogamie stricte; jadis la plupart étaient toujours vêtus de bleu, actuellement ils abhorrent cette couleur et sont voués au blanc. D'ailleurs, les sectaires persécutés ont dû, comme les hérétiques du chiisme persan, apprendre à simuler les cérémonies des cultes officiels : il n'est pas de saint chrétien ou musulman, sunnite ou. chiite, qu'ils n'acceptent comme leur et qu'ils ne vénèrent avec une ferveur apparente.

Le lien commun entre les Yezidi de diverse origine et de cultes distincts est l'adoration du melek Taous, leur roi Paon ou Phénix, Seigneur de Vie, Esprit Saint, Feu et Lumière, qu'ils représentent sous la forme d'un oiseau à tète de coq, placé sur un chandelier. Son premier ministre est Lucifer, l'étoile du matin, qu'ils n'ont cessé de respecter, malgré sa chute. Déchus eux-mêmes, disent-ils, de quel droit maudiraient-ils l'ange tombé, et puisqu'ils attendent leur propre salut de la grâce divine, pourquoi le grand foudroyé ne reprendrait-il pas son rang comme chef des armées célestes ?

Peut-être même les prophètes Moïse, Mahomet, Jésus-Christ étaient-ils son incarnation; peut-être est-il déjà remonté au ciel pour accomplir de nouveau, comme ministre suprême, les ordres du dieu législateur. Ils sont saisis d'horreur en entendant blasphémer le nom de l'Archange par musulmans ou chrétiens, et l'on dit que peine de mort est prononcée chez eux contre celui qui se servirait du nom de "Satan" ; ceux qui l'entendent ont pour devoir de tuer l'insulteur, puis de se tuer eux-mêmes (Taylor, Journal of the Geographical Society, 1868). Ils évitent même toute combinaison de syllabes qui pourrait rappeler le terme d'insulte. Ils accomplissent religieusement les ordres de leurs prêtres et nombre d'entre eux vont en pèlerinage au lieu sacré du cheikh Adi, qui se trouve au nord de Mossoul, sur la route d'Amadiah; leur pape ou cheikhkhan réside au bourg de Baadlî, situé sur une roche escarpée, mais le sanctuaire est dans un autre village, Lalech, où vécut un prophète, le "Mahomet" des Yezidi : c'est là que se font les grandes cérémonies et que l'effigie sainte du melek Taous est exposée à la vénération des fidèles; le matin, quand le soleil se lève à l'horizon, la foule des pèlerins salue la lumière en se prosternant par trois fois( Niebihr, Garzonu, Rich, Forbes etc). Les voyageurs, même les missionnaires catholiques et protestants qui ont été accueillis chez les Yezidi et qui devaient naturellement frémir à la pensée d'être en présence des Adorateurs du Diable, sont unanimes à les représenter comme moralement très supérieurs à tous leurs voisins, nestoriens ou grégoriens, sunnites ou chiites. Ils sont d'une probité parfaite, destructeurs et pillards quand la guerre est déclarée, mais, en temps de paix, respectueux jusqu'au scrupule de tout ce qui appartient à autrui. Ils se montrent d'une prévenance sans bornes à l'égard de l'étranger, bienveillants les uns envers les autres, doux et fidèles dans le mariage, très appliqués au travail. Les poésies qu'ils chantent en labourant le sol ou en se reposant aux veillées du soir sont tantôt des fragments d'épopées qui célèbrent les hauts faits des aïeux, tantôt des strophes d'amour, pleines de sentiment, parfois aussi des invocations plaintives. « Le chacal ne déterre que les cadavres, il respecte la vie; mais le pacha, lui, ne boit que le sang des jeunes. Il sépare l'adolescent de sa fiancée. Maudit soit celui qui sépare deux cœurs qui s'aiment! Maudit soit le puissant qui ne connaît pas la pitié! Le tombeau ne rendra pas ses morts, mais l'Ange Suprême entendra notre cri ! »

Dans la revue L'Ethnographie d'avril 1929, p. 224, rend compte du livre du livre de RHW Empson, The cilt of the peacock angel, A short account of the Yezidi tribes of Kurdistan with a commentary by Sir Richard Carnac Temple, London 1928.

Dans la Revue de thérapeutique médico-chirurgicale : journal des connaissances médico-chirurgicales de 1910 p. 683, un courrier des lecteurs de Mossoul raconte : "J'avais un domestique, Yézidi, mangeur de mouches. Il les attrapait avec une adresse remarquable. Comme le chien les happe avec la bouche, il les saisissait d'un mouvement rapide de la main droite, sur le creux de la main gauche il avait du gros sel. Il prenait la mouche, la plongeait dans le sel et l'avalait : entre ses doigts restaient les ailes qu'il laissait tomber, tout en ouvrant les mains pour attraper une autre mouche. Pas une ne lui échappait de celles qui voletaient à sa portée. Il ne se livrait à cet étrange exercice que les samedis. C'est, paraît-il, le jour spécialement consacré au Diable.

Dieu, en jetant Satan l'Ange rebelle, dans les abîmes, lui dit "Tu ne seras plus le roi des anges ; tu seras le roi des insectes, Baal ez zeboun, (vulg Belzebuth)." Généralement, on interprète cette phrase par "roi des mouches". Les mouches incarnent Cheïtan (Satan). et mon Yezidi, chaque samedi, en avalant des mouches, communiait dans le Diable. Je le menaçai de le renvoyer, car sa manoeuvre hebdomadaire me dégoûtait".

Comptes-rendus des séances de l'année... / Académie des inscriptions et belles-lettres 1918 JB Chabot Edesse pendant la Première croisade p. 442 :

"Mais si les. monuments lapidaires ne sont pas la pour rappeler le passage des Francs, il ne faut pas croire que le souvenir de leurs exploits ait disparu. Il est devenu légendaire il s'est perpétué dans la tradition orale jusqu'à nos jours, même parmi les populations les moins cultivées. Il y a vingt et un ans de cela, sur la route d'Ëdesse à Alep, dont chaque étape était marquée par les traces encore sanglantes du récent massacre des Arméniens, je rencontrai un homme appartenant à la tribu des Yézidis, secte mystérieuse des environs de Mossoul, que la persécution turque* a dispersée sans pouvoir l'anéantir. Cet homme me demanda " Est-ce bientôt que les Francs vont venir occuper ce pays? Et qui t'a appris, dis-je, que les Francs doivent venir ? Mais, fit-il 'avec assurance, les prophéties l'ont annoncé. "

Notons ce compte-rendu de voyage anonyme chez les Yézidis présentés par Perdrizet dans la Société de Géographie de l'Est p. 292.

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La religion des Yézidis

11 Novembre 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Médiums, #Histoire des idées, #Histoire secrète

La religion Yazidi (yézidie, on adoptera les deux orthographes) professe la croyance en un dieu singulier «suprême» [semblable au dieu biblique] qui se manifeste sous la forme de «Sept Grands Anges", dont le chef est un paon nommé Tawsi Melek. Le paon roi Tawsi Melek est descendu sur terre pour donner vie à l'Adam biblique dans le jardin d'Eden. Par la suite, Eve a été créé. Les Yézidis croient que Adam a réussi à produire une descendance spontanément sans Eve. Adam avait un fils par génération spontanée nommée Shehid bin Jer qui est devenu l'ancêtre de la race Yazidi. Tous les autres peuples sont soupçonnés d'être les descendants de l'accouplement d'Adam et Eve, tandis que les Yézidis sont les descendants d'Adam seul. Selon la légende, l'ange-paon Tawsi Melek (qui est un mélange de Jésus et de Lucifer) a transmis ses connaissances au fils d'Adam Shehid bin Jer qui est devenu le fondement de la religion Yazidi de sa progéniture.


Les Yézidis croient que le jardin biblique de l' Eden était un âge d' or de la sagesse et de la prospérité. Selon eux, le déclin moral a commencé il y a 6000 ans quand le dieu Yazidi a envoyé un déluge pour nettoyer la terre. Ce point est presque identique à l'inondation de l' histoire de Noé dans la Bible. Après le déluge, les Yazidis ont été dispersés en Inde, en Afghanistan et en Afrique du Nord. Il y a 4000 ans, selon la légende, les Yazidis ont commencé à revenir dans le Nord de l' Irak. Dans le XI ème siècle, la culture Yazidi a été réformée par un sage soufi nommé Cheikh Adi. Le cheik Adi a également mis en forme le système moderne des castes yézidies.

Ce système est strictement héréditaire (à la différence des Hindous) et certains disent qu'il a été emprunté à l'Inde. Il existe trois principales castes des Yézidis. Les Cheiks sont la plus haute caste, c'est un mot arabe qui signifie «chef ». Les cheiks sont en outre divisés en sous-castes: Faqirs, Qewels et Kochecks (on mentionne aussi les noms de Samsani, Adani et Qatani défenseurs de la foi). Les Faqirs ou Fakirs (un mot pour soufi) sont les plus élevés des cheiks, ce sont prêtres qui sont souvent pris en charge par les autres castes à travers un système de dîme. Les Qewels sont des bardes ou chanteurs qui assistent à des cérémonies. Kochecks (au féminin Fagras) sont les voyants et médiums qui servent dans les lieux saints de Lalish (dans la province de Dohuk, tout au nord de l'Irak), ils peuvent venir de toute caste. La deuxième plus haute caste sont les Pir, un groupe héréditaire qui prétend descendre d'un saint homme nommé Peer Alae. Les Pir sont soupçonnés d'avoir des pouvoirs mystiques. Les Pir sont présents à toutes les cérémonies de mariage, d'enterrement et de naissance et aident les Sheik. Ils sont également des conseillers. Chaque Yazidi de chaque caste est tenu de prendre un Pir et un Sheik comme guide pour la vie. Enfin, il y a la caste Murid héréditaire qui sont les «roturiers» qui sont les «roturiers» ou les "disciples" .

Les Yézidis ont également deux positions officielles fondées sur la caste et l'hérédité. Le «Mir» est le prince des Yézidis. Il est le chef temporel et religieux du peuple Yazidi et parle en leur nom au niveau national et international. C'est aussi le chef de l'Etat théocratique Yazidi, il occupe une position héréditaire et les membres sont issus de familles Sheikh spécifiques appelées «familles Col». Après le Mir vient le Baba Cheikh, appelé le «pape» de Yazdinism. Baba signifie «père» et le Baba Cheikh est le chef spirituel de la communauté Yazidi, mais ce Cheikh est subordonné au Mir dans tous les domaines temporel et spirituel.

Les fêtes des Yézidis.


La nouvelle année Yazidi ressemble à Pâques. Elle est célébrée le mercredi et commémore le moment où Tawsi Melek est descendu sur terre pour apaiser un tremblement de terre et de répandre ses couleurs de paon. Ce jour-là, les Yézidis peignent des oeufs (tout comme certains chrétiens orthodoxes le jour de Pâques). Il y a aussi un banquet tenu dans les cimetières pour honorer les morts.  La Parade des Sanjaks est marquée par la procession du paon sacré à travers les villages (il est normalement logé dans la résidence du Mir). Le paon est dit avoir été amené de l' Inde par la diaspora yézidie.  Le jeûne du Sacrifice est de 40 jours de jeûne. Il est observé par les hommes saints de Lalish à la mi-Février. Il commémore le jour où l'Abraham biblique a tenté de sacrifier son fils Ismaël (c'est le nom musulman qui est retenu). La fête des sept jours fête a lieu au début Octobre et est un moment où Yazidi faire un pèlerinage à leur saint sanctuaire de Lalish. Durant cette fête un boeuf est chassé et lorsqu'il a été capturé, il est abattu et cuit. La viande est distribuée parmi les participants au sacrifice, ce que certains rapprochent de la fête juive de Korban. Le jeûne de trois jours du lever au coucher du soleil de Décembre ressemble à la fête islamique du Ramadan. Les Yézidis doivent prier 5 fois par jour (comme pour les musulmans). Les Yézidis ne doivent pas effectuer leurs prières en présence d'étrangers. Le samedi est considéré comme un jour de repos (comme le sabbat juif).

Les Yézidis croient en la réincarnation comme les hindous, mais ils ne sont pas incinérés comme eux. Ils disent qu'à leur mort, leur âme rencontre dans l'au-delà le soufi Sheik Adi qui les interroge sur leurs pratiques sexuelles passées. Les rapports sexuels avec des non-yézidis ou des personnes d'autres castes pourrait interdire à un Yézidi d'entrer dans le paradis. Certains Yazidi croient en enfer, d'autres croient que les flammes de l'enfer ont été éteintes par les larmes de Tawsi Melek. Les Yézidis croient qu'ils se réincarnent jusqu'à ce qu'ils atteignent un niveau de pureté qui leur permet de monter au ciel pour l'éternité. Les Yézidis impurs sont punis en se réincarnant dans le corps d'un non-Yazidi, ce qui est la pire punition possible.

Jésus joue un rôle important dans cette religion.


Ils considèrent les chrétiens comme leurs amis les plus proches. Les Yézidis ont hébergé chrétiens pendant le génocide arménien et des chrétiens ont aidé des Yézidis à fuir vers l' Europe et l' Amérique sous la dictature de Saddam Hussein en Irag. Jésus est reconnu comme un grand prophète de Tawsi Melek et son nom est invoqué dans les prières des Yazidis. Ils prétend que le charpentier yézidi nommé Yosef Nagar (comme Joseph dans l'Evangile) habitait à Jérusalem lorsque Jésus était un jeune garçon et a enseigné au futur «prophète» les pratiques et l' art de la guérison par les herbes. Les livres saints des Yézidis affirment que Tawsi Melek était un guide et qu'il aidait Jésus. Le dieu Yazidi est dit avoir envoyé Tawsi Melek pour déplacer la pierre qui bloquait la tombe de Jésus et qu'il était un ange protecteur qui est resté à proximité. Le réformateur Sheike Adi est réputé avoir été un sectateur de Jésus. Son maître sufi al-Hasan al-Barsi avait proclamé qu'il n'y a pas de messie "madhi" mais que Jésus était ce madhi.

Il existe aujourd'hui des tentatives d' "inculturation", c'est à dire d'introduction du catholicisme dans le yézidisme. Selon le site hindou Hindugeopolitics, le chrétien templier basé en Arizona Mark Pinkham (Mark "Amaru" Pinkham) essaie de fusionner catholicisme, yézidisme et hindouisme, dans le concept de hidzianité à  travers le dieu de la guerre hindou au paon Murugan, Melek Taus et Jésus. Il dirige un Ordre International des Templiers Gnostiques (International Order of Gnostic Templars ™ - IOGT) et son dernier livre “Guardians of the Holy Grail: The Knights Templar, John the Baptist and the Water of Life" tente de placer le Jardin d'Eden et la lignée des prophètes du «Saint Graal» tels que Jésus et Jean-Baptiste dans le prolongement de l'hindouisme du Sri Lanka. Ce gnosticisme est aussi très tourné vers la déesse mère comme le Da Vinci Code. La revue en ligne Covertwires en septembre 2014, juste après le génocide de Sinjar, a interviewé ce gourou de secte sur son livre de 2002 The Truth Behind the Christ Myth: The Redemption of the Peacock Angel. En 2007 sur Vancouver Coop radio il expliquait que les yézidis auraient fondé leur religion en Inde il y a 6 000 ans...Ce personnage est présenté comme le gourou d'une secte sexuelle crowleysienne dans le livre "Confession of an Illuminati" de Leo Lyon Zagami en 2015.

Mark Amaru Pinkham dirige aussi le site YazidiTruth.org . Déjà en 2007 il faisait campagne contre le "génocide" des yézidis en soutenant le témoignage du fakir Kawwal Khoudeida Hasan qui dirigeait une communauté d'une cinquantaine de familles yézidies dans le Nebraska.

 

La baronne Nicholson de Winterbourne, ambassadrice pour le commerce du gouvernement de Mme May, au sanctuaire de Lalish, novembre 2016

La baronne Nicholson de Winterbourne, ambassadrice pour le commerce du gouvernement de Mme May, au sanctuaire de Lalish, novembre 2016

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Esther et Nuremberg

16 Octobre 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Histoire secrète

Au moment de la sentence du procès de Nuremberg, selon Newsweek 28 octobre 1946, p. 46, un des dix condamnés qui seront pendus (le 16 octobre 1946 nuit d'Hosana raba 7e nuit du soukot année 5707, du jugement de Dieu), Julius Streicher, devant la potence, crie haut et fort "Purimfest 1946 !", fête d'Esther (qui se célèbre en mars), et là les Juifs ont su qu'Esther a vu la réincarnation des puissances des ténèbres qui étaient dans les 10 fils d'Aman 2 500 plus tard.

Si l'on considère que chaque mention du mot "roi" dans le livre d'Esther signifie Dieu (comme le suggère un Midrash) quand Esther, après la victoire des Juifs, faisait cette prière d'intercession à Dieu (Esther 9:13) "Si tel est le bon plaisir du roi, les Juifs de Suse ne pourraient-ils pas appliquer encore demain le décret porté pour aujourd'hui", elle allait obtenir de lui que les fils d'Aman déjà pendus soient pendus à nouveau dans l'avenir... en la personne des 10 nazis.

Hitler avait mis son argent en Suisse sous le nom de Max Ammann.

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