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L'action des planètes sur les métaux
Dans cette émission (en 39ème minute) " Rencontre avec l’insolite" sur le Graal et le Mont Saint-Michel, Jean Phaure et Philippe Lavenu expliquent que l'anthroposophe Lili Kolisko (1889-1976), en 1926, alors qu'elle travaillait au Biological Institute du Goetheanum en Suisse parvint à démontrer scientifiquement (avec un critère de reproductibilité de l'expérience), l'influence des planètes sur les métaux dont elles ont, selon la tradition astrologique et alchimique, la tutelle.
Elle aurait pris des sels métalliques, pulvérisés dans une éprouvette, dilués dans de l'eau distillée. Puisque Saturne régit le plomb, elle observé le nitrate de plomb dans son tube à essai au moment où la planète Saturne était occultée par la Lune. Elle a constaté à ce moment là que la couleur qu'on obtenait avec du papier filtrant devenait de plus en plus clair et que le nitrate ne reprenait sa couleur initiale sombre lorsque Saturne n'était plus cachée par la Lune.
Elle a refait le même constat (minute 45) lors d'autres occultations de Saturne (ce qui apportait une garantie de reproductibilité de l'expérience). Elle a fait la même expérience avec le chlorure d'or pendant les éclipses du soleil (titulaire de l'or), et avec le chlorure d'étain pour une occultation de Jupiter par la Lune.
L'histoire des Mérovingiens
Il y a 6 ou 7 ans je me suis intéressé aux Mérovingiens sous l'angle ésotérique, et vous en trouverez une trace dans mon livre sur le complotisme protestant. Je recommande la petite interview ci-dessous de l'historienn Bruno Dumézil pour l'aspect (plus certain et plus tangible évidemment) de l'histoire de leurs institutions, du cadre social qu'ils ont fixé.
La solitaire des rochers
On trouve dans une bibliographie générale de 1856 "La solitaire des rochers ou correspondance de Jeanne-Marguerite de Montmorency avec le RP Luc de Bray son directeur 3e édition" en deux volume, publié chez de Périsse avec des notes de l'abbé Dabert, vicaire général de Viviers. Le Tome 1 du livre est accessible ici.
Bernard Duhoureau dans "Guide des Pyrénées mystérieuses" (1985 eds Sand) se fit l'écho des doutes d'Eugenio d'Ors dans Du Baroque (Gallimard 1968) sur l'authenticité de ces lettres diffusées dans l'entourage de Mme de Maintenon, épouse secrète de Louis XIV, et publiées bien plus tard en 1787, relève cependant que des détails de cette correspondance montrent qu'elle était vraiment écrite dans les Pyrénées. Selon un biographe anonyme (peut-être le dominicain janséniste Nicolson), il s'agirait de Jeanne-Marguerite de Montmorency, car cette grande famille avait bien perdu une enfant de ce nom en 1661, qui avait 15 ou 16 ans. C'est son confesseur, cordelier curé de la Trinité à Rochefort près de Versailles (décédé en 1699), qui lui recommanda cette retraite à la manière de Marie l'Egyptienne dans les Pyrénées, après que, dans un premier temps, l'adolescente eût seulement songé à se perdre dans le menu peuple à Paris puis chez un menuisier à Auxerre dont elle apprit l'art. De Bray lui imposait de lui écrire tous les trois mois.
Les lettres originales sont perdues. En 1998 un certain Noël Gardon dans le Bulletin de La Diana (Loire) précise que l'ermitage de cette femme ne pouvait être dans le Forez car il y est question d'ours (elle même portait un écureuil sur son épaule) et d'une grotte souterraine grande comme une cathédrale, ce qui oriente vers les Pyrénées.
"Dans sa quinzième lettre commencée le 29 novembre 1697 et terminée le 6 avril 1698, elle explique que son désert est charmant, avec des fleurs en tous temps, beaucoup de fruits sauvages du chèvre-feuille toujours fleuri. Il n'y a pas de bêtes féroces, seulement d'énormes serpents qui ne lui disent rien mais qui éloignent les habitants du pays. C'est dans cette lettre qu'elle demande la permission d'aller faire un pélerinage à Notre-Dame-de-Mont-Serrat. Dans la lettre suivante elle raconte son voyage à Mont-Serrat qui, d'après son récit, se trouve à trois jours de marche de son second ermitage. " Elle précise qu'elle n'est alors plus en France. C'est donc en Espagne. D'après l'auteur, en novembre 1697 elle pourrait être à Saint Chignian dans l'Hérault. Ils e peut que dans sa vie elle ait erré entre l'Aude et l'Ariège.
Bernard Duhoureau rappelle que les ascèses dans les Pyrénées sont fréquentes. Mlle de Montpensier et Mme de Longueville hébergées au château de Beaucens dans la vallée d'Argelès avaient conçu le projet de faire de même, avant de se raviser.
L'histoire de la jeune fille a quelque rapport avec celle de l'affrontement Fénelon/Bossuet dont on a parlé ici en 2019.
Le RP jésuite moderniste provençal Henri Brémond (mort en Béarn en 1933) s'était penché sur cette dimension dans Le Correspondant de 1910. Brémond est tenté de ne voir dans l'affaire de la Solitaire des Rochers qu'une supercherie du confesseur, mais se retient d'aller jusque là du fait que l'historien du jansénisme, Augustin Gazier (1844-1922) croyait à son authenticité (selon un article de l'Univers du 25 janvier 1904, article signé par l'abbé Delpode Gazier l'appelait Jeanne-Marguerite de Caylus et la possibilité qu'elle soit une "de Caylus" figure ici aussi, MMe de Caylus était une proche de Mme de Maintenon).
Il est plein d'ironie à l'endroit de l'ascète et écrit : "Des centaines de saints et de saintes sont allés beaucoup plus loin sur la route du renoncement. La solitaire tourne indéfiniment sa crécelle à chaque fois qu'elle va prendre la discipline. Quand il lui prend fantaisie de jeûner, Versailles est avertie de ce prodigieux événement. Les vrais saints font moins de fracas". Il doute de certains de ses témoignages comme celui-ci : "Il y a beaucoup de neige dans ce pays-ci; mais afin qu'on ne connût point mes pas, j'avais attaché par-dessous les semelles, à une méchante paire de souliers, des écorces d'arbres faites en forme de pied de biche, en sorte qu'il est impossible de connaître qui y avait passé."
Il est aussi sceptique devant ce genre de récit "Je me suis ressouvenue d'avoir vu, un dimanche, un cheval mort; j'en fus chercher la tête et la moitié du cou; je fis une fosse dans le sable, je me mis dedans de tout mon long et j'attirai sur moi cette carcasse qui ne sentait pas trop bon. "
Il trouve l'anecdote contradictoire avec le fait qu'elle écrive un peu plus loin : " Je n'ai pu, un jour, communier, ayant été obligée de boire la nuit, tant j'avais la poitrine échauffée, en partie, par la chaleur des chèvres qui ont une vilaine odeur qui affadit le coeur, et deux autres fois je ne pus prendre la discipline, parce que ces animaux se mirent tellement à crier, que cette femme crut que je les battais ou que je voulais les têter." Le RP Brémond observe que c'est bien la première fois qu'un "saint" peut refuser la communion à cause des odeurs de chèvres.
Fénelon, accusé de quiétisme, rappelle-t-il, avait avec lui les Jésuites (qui pourtant avaient condamné le quiétisme de Molinos), et contre lui non seulement Bossuet, mais aussi les jansénistes. Or les lettres de la sainte comprennent des "éléments de langage" empruntés au jansénisme. Par exemple lorsqu'elle déplore que le roi n'ait pas de bon conseiller spirituel (une attaque contre le Père La Chaise), ou critique le RP Guilloré (un adversaire de son confesseur). Le confesseur provoque à dessein et en des termes grossiers dès sa deuxième lettre de 1693 des prises de position de la sainte sur le quiétisme : "Demandez à Dieu, je vous prie, s'il est glorifié d'une dévotion qu'on appelle intérieure, sans agir ni prier" (ce qui caricature le quiétisme). Il l'informe aussi des "choses infinies mais bien abominables de Mme Guyon". A quoi la sainte répond l'année suivante : "Je prie le Seigneur que les évêques et les savants puissent connaître jusqu'où peut aller toute la malice et la contagion du quiétisme, afin qu'ils y remédient. Il est temps que le Seigneur y mette la main". Les critiques des positions quiétistes se font de plus en plus dogmatiques sous la plume de la gyrovague, et le RP Brémond qui les prête sans hésiter à De Bray ou à quelque autre scribe de son clan, les trouve aussi vulgaires que les fantasmes sexuels (notamment saphiques) que la sainte est censée avoir au contact du démon.
Tout cela sent le mauvais roman, estime l'auteur jésuite, même s'il y a peut-être eu réellement au départ une jeune ascète et quelques lettres d'elle (recopiées plusieurs fois et modifiées). Mme de Maintenon, crédule (qui aurait d'ailleurs hérité d'un crucifix sculpté par la sainte après la mort du RP De Bray, avant qu'il ne devînt propriété des Dames du Sacré Coeur d'Amiens), s'y sera laissée tromper, pour le plus grand profit des adversaires de Fénelon.
Avant Brémond, le jésuite belge François-Xavier de Feller (1735-1802) dans son Dictionnaire Historique de 1818-20 avait présenté l'éditeur des lettres de 1787 comme un "des plus fanatiques saltimbanques de Saint-Médard" et citait la phrase de l'abbé Bérault selon laquelle pour les jansénistes "c'eût été effectivement un beau sujet de triomphe qu'une jeune Montmorency, qui se dérobe toutes les grandeurs du siècle, et va s'enterrer dans un désert inconnu, pour s'y faire janséniste. Mais qui serait assez dépourvu de bon sens pour croire à cette chimère ?" Cependant il estimait qu'on peut trier le bon grain de l'ivraie et trouver dans ses lettres le témoignage d'une réelle pureté de coeur de la Montmorency pénitente, ce que soulignaient aussi les revues catholiques des années 1840. L'article de Brémond en tout cas convainquit le spécialiste de Rousseau Pierre-Maurice Masson (1879-1916).
L'histoire souligne à nouveau le problème de l'intermediation entre le/la mystique et son confesseur pour savoir ce qu'il se passait vraiment...
Théosophie, occultisme et caodaïsme au Sud-Vietnam
En 2010, Jérémy Jammes, aujourd'hui professeur d'anthropologie et d'études asiatiques à l'IEP de Lyon, dans Thông thiên học ou la société théosophique au Sud du Vietnam s'était penché sur un sujet original : le rôle de la théosophie dans l'émergence du caodaïsme, mouvement politico-religieux de Cochinchine à la fin de l'époque coloniale française. Pour ce faire, il avait comparé des entretiens contemporains (auprès d’autres théosophes, d’adeptes Minh et caodaïstes vietnamiens) avec des documents scientifiques et confessionnels (théosophique, bouddhiste, Minh et caodaïste), tout en relevant que des archives théosophiques vietnamiennes expédiées en France par la Russie au début des années 2000 ne sont toujours pas disponibles.
Il y explique que dans le premier tiers du XXe siècle, le confucianisme et le bouddhisme ont perdu de leur autorité dans la société indochinoise. Dans ses Notes sur le caodaïsme du 1er janvier 1952 au 1er juin 1954 (Archives Nationales, Section d’Outre-Mer), le commandant Savani reprend les propos de ses prédécesseurs aux affaires politiques et administratives cochinchinoises, Lalaurette et Vilmont, qui mentionnent que « les ouvrages de Flammarion, Allan Kardec, Léon Denis et du colonel Olcott sont introduits en Indochine, lus, traduits et publiés ». Parallèlement se développe la Société Théosophique d'Helena Blavatsky se développait dans la région comme ailleurs et favorisait la réhabilitation d'un certain patrimoine culturel oriental. En Inde par exemple elle ouvre des écoles de pāli et de sanskrit, traduit et publie d’anciens textes indiens, forme des exégètes locaux, rédige un catéchisme bouddhiste, crée un Comité général des affaires bouddhiques, instaure la fête de Wesak (j'en avais parlé dans mon livre sur les médiums). Le colonel Olcott, théosophe américain, invente "l’étendard aux cinq couleurs brandi encore aujourd’hui par toutes les communautés affiliées au bouddhisme".
Au Vietnam à partir de 1923, un mouvement de rénovation du bouddhisme se développe qui s’applique à ce que la pagode devienne un lieu de culte et de réunion, redéfinit les pratiques individuelles et le lien d’appartenance communautaire par l’élaboration d’une communauté religieuse homogène et unifiée qui laisse de plus en plus de place au rôle des femmes et des associations d’entraide internationale.
Dans les années 1920 Phạm Ngọc Đa (de son nom de plume Bạch Liên), directeur de collège dans la ville reculée de Châu Đốc, frontalière d’avec le Cambodge intègre la Société théosophique (ST) de France tandis que Georges Raymonde, employé à la Compagnie franco-asiatique des pétroles crée la branche théosophique dite « branche de Cochinchine », puis s'en retourne assez vite en France. Cette église théosophique va donner des conférences sur le bouddhisme. Elle recrute dans la petite et moyenne bourgeoisie coloniale (pharmaciens, professeurs etc.) français et indigènes.
En 1929, les théosophes cochinchinois reçoivent la visite de Mgr Charles Webster Leadbeater (1854-1934) qui passait pour "le plus grand voyant du monde. Il développa en particulier un système extraordinaire d’arbre généalogique des réincarnations des membres les plus connus de la ST, s’étendant sur des milliers d’années." Il donnera son nom à une branche de la ST à Saïgon.
Les théosophes sud-vietnamiens pâtiront de la répression de la franc-maçonnerie par le régime de Vichy qui identifie la ST à la FM (en réalité les deux sont souvent liées mais pas identiques), puis allaient renaitre de leurs cendres dans les années 1950 et même avoir des membres dans la haute administration du Sud-Vietnam, jusqu'à sa dissolution par le régime communiste en 1975.
A l'Ouest de la Cochinchine, région où vivent beaucoup d'ermites, en 1849 un paysan du delta du Mékong Đoàn Minh Huyên a atteint l'illumination et prend le titre de Phật Thầy Tây An, il annonce la venue d'un "roi éclairé". Au même moment en Inde A. Besant et l’ex-pasteur C.W. Leadbeater, voient en la personne d’un jeune indien, Jiddu Krishnamurti (1895-1986), fils de brahmane, un nouveau Messie. Ses textes sont traduits en Cochinchine. Dans une écriture vietnamiennes latinisée (et non plus des caractères chinois) les théosophes cochinchinois comme Phạm Ngọc Đa (ou Bạch Liên) réinterprètent à la lumière de la théosophie d’anciennes notions bouddhiques (Luân hồi ou Roue de la réincarnation, Quả báo ou Rétribution ou loi du karma, etc.), tout en introduisant les idées messianiques et le syncrétisme du récit initiatique de Krishnamurti. "De nouvelles méthodes d’apprentissage laïques de la méditation contemplative (tham thiền), écrit Jérémy Jammes, sont rendues accessibles lors de ces canaux de communication, réorganisant les rapports de maître à disciple qui prévalaient jusqu’alors sur ce thème. De même, les écrits théosophiques choisiront nettement le ton didactique et moralisateur, agissant parfois sur la peur des Enfers, pour enseigner « Le Chemin qui conduit aux maîtres de la sagesse »". Le rapport corps-esprit est indianisé et prend des couleurs scientifiques ("taux vibratoire", "corps éthérique" "corps astral" etc). "Le merveilleux scientifique constitue ainsi, ajoute-t-il, une composante cruciale de la ST, faisant de la science à partir de sujets mystiques ou religieux."
Elle procède aussi à une "laïcisation de la méditation" : "Jusque-là, une telle pratique ascétique était traditionnellement définie comme une affaire hasardeuse, dans laquelle le novice a constamment besoin d’être supervisé par un professeur expérimenté, gage de sérieux progrès et de sécurité, et ceci sur plus d’un an. À cette méditation « traditionnellement » transmise de façon informelle, d’un bonze à un autre, la large diffusion de la pratique de la méditation dans des traductions théosophiques a provoqué un énorme changement (... )Une fois les cours de méditation donnés (quotidiennement, de façon hebdomadaire ou lors de stages), dans des centres théosophiques ou chez les particuliers, les méditants repartent chez eux et pratiquent seuls, cherchant à « entrer en contemplation »".
Parallèlement à cette histoire de la théosophie vietnamienne, il y a celle du caodaïsme, qui s’est en partie nourrie de la première, au moins de la relecture qu'elle faisait du bouddhisme. Tout commence dans les années 1920 quand le fonctionnaire colonial Ngô Văn Chiêu (1878–1932) qui a été formé au spiritisme par un maître taoïste, canalise l'esprit de l'empereur Jade, grand maître du taoïsme - un phénomène qui s'inscrit dans un arrière-plan de pratiques spirites développées par des sociétés secrètes chinoises Minh au Vietnam depuis 300 ans à partir de techniques d'écriture automatique (voyez dans la Revue caodaïste de septembre 1930 le récit sur la conversion d'un entrepreneur qui à l'invitation d'un membre d'une secte Minh-Ly assiste à la manifestation d'un esprit qui lui révèle sa mission caodaïste). Jérémy Jammes revient dans Exploring Caodai Networks and Practices in France, paru en 2023 rappelle qu'en 1927, un jeune employé des douanes coloniales cochinchinois, Phạm Công Tắc est muté à Phnom Penh au Cambodge. On se méfie de lui car un an plus tôt il a été nommé chef des médiums spirites du clergé caodaïste, presque tout dans cette religion reposant sur l'invocation (sur ce côté très simplifié de cette religion, voyez cet article de l'Echo annamite du 8 mars 1929). L'esprit de Victor Hugo lui est apparu pour protéger la Mission étrangère du caodaïsme, et allait continuer à "parler" à la secte jusqu'aux années 50. Et il n'est pas le seul. Tac a aussi canalisé Jésus, Jeanne D'Arc, La Fontaine, Aristide Briand etc.
Le spirite Gabriel Gobron (1895-1941) fut appointé par un employé du musée de Phom Penh et bras droit de Tac Trần Quang Vinh comme porte parole du caodaïsme en France. En 1986 un temple caodaïste à été instauré à Alfortville puis à Vitry-sur-Seine.
Selon Jérémy Jammes il doit exister une diaspora de 15 000 ou 20 000 caodaïstes, dont quelques centaines en France, des descendants de boat people. Il brosse le portrait de la spirite Diệu Thê (1913–2000) fondatrice du temple d'Alfortville, entraînée dans le caodaïsme par ses parents à Saïgon dès le plus jeune âge, et qui, à Paris, reçut instruction de l' "esprit" d'une femme qu'elle avait connue à Strasbourg pour fonder ce temple. Elle chercha un lieu pendant des années et fut aussi encouragée par le politicien nationaliste caodaïste réfugié aux USA Đỗ Vạn Lý (1910–2008) qui rendit visite à la communauté à Paris. Jammes décrit ainsi les temples : "Le temple de Vitry a été fondé par par une commerçante, Nam, qui est une visionnaire. l'intérieur de la maison de Vitry recréait l'atmosphère d'un temple dans chaque salle, au décor abondant, une statuaire éclairée électroniquement au rez-de-chaussée et au premier étage, nombreux rideaux colorés, etc. Tandis que a statuaire d'Alfortville se veut minimale et limitée aux principales divinités du panthéon, une caractéristique remarquable de ce temple de Vitry était l'abondance d'icônes, provenant non seulement du panthéon Caodai mais aussi du religion populaire bouddhiste et vietnamienne"
La fondatrice du temple d'Alfortville avait en 1989 ramené du Vietnam un cơ bút, instrument de communication spirite comme le oui-ja mais en forme d'une corbeille à bec, qu'elle avait obtenu d'une autre médium là bas, dans un temple de Tay Ninh, mais que les adeptes s'accordent à ne pas utiliser car les conditions de pureté ne sont pas réunies. Le temple de Vitry lui utilise cet instrument.
Au Vietnam même il y aurait encore entre un et sept millions d'adeptes au Vietnam qui seraient attirés par les oracles sur cơ bút (voir le récit d'une séance par Germain Ross dans l'Ere nouvelle du 23 mars 1929). La branche de Ben Tre (ville de 140 000 habitants) fait exception. Elle a été fondée par un homme dont le fils fut communiste, ce qui a contribué à ce qu'elle ne soit pas trop persécutée. Mais surtout la bienveillance du régime à son regard est qu'elle a renoncé au cơ bút, le maître de cette branche régionale, Nguyen Ngoc Tuong ayant inventé sa propre technique de méditation pour sortir seul de son corps et entrer en contact avec les "immortels".
Cette religion caodaïste est peu connue, mais je crois qu'il est utile de se pencher sur son cas pour mieux comprendre l'ampleur sociale que peut prendre de nos jours la médiumnité.
Le fouet des paillards (suite)
Il y a un an, je m'étais penché sur l'histoire terriblement embrouillée de la possession de Louviers, qui a un rapport direct avec la question de la nudité publique et qui fut traité avec une mauvaise foi incroyable par Michelet (mais pas seulement lui).
Le curé de Mesnil-Jourdain, Mathurin Picard ou Le Picard qui fut condamné (peut-être à tort) par le Parlement de Normandie à titre posthume (on brûla son cadavre le 21 août 1647) avait publié en 1623 "Le Fouet des Paillards", qui se lit encore fort bien sur Google Books (ironiquement la livre est dédié à Robert le Roux, président du Parlement de Normandie, dont Mesnil Journain relevait - son auteur était loin de se douter du sort que lui réserverait ce Parlement).
Je reprend ici la p. 216-217 un passage (que j'avais déjà cité l'an dernier) qui donne un avant-goût de certaines dérives new-age libertaires du protestantisme anglo-saxon, et qui expliquait aussi pourquoi déjà l'époque de Calvin des libertin se mêlaient au mouvement protestant (il faut peser ici au livre "Le mouvement du libre-esprit" de Raoul Vaneigem).
"Florimond de Raymond, écrit Le Picard, remarque que, entre les sectes anabaptistes, qui sont plusieurs en nombre, il y en avait une qui s'appelait les Libres, qui ne sont sujets,, disent-ils, à payer aucun tribut, ni obéir aux princes. Ce sont qui disent le mariage être spirituel, et mettent es femmes en commun, avec cette brutale opinion, que ce mélange est sans péché : ainsi faisaient les gnostiques, écrivait St Epiphane (...). Ces Libres enseignent que toute femme doit accorder par charité qu'un homme de sa religion lui demande, lorsqu'inspiré de Dieu, il lui dit : mon esprit convoite ta chair, viens donc et faisons merveille : et cite à ce propos un auteur nommé Feliciatius Captinonus, qui fait un plaisant conte de ces inspirés, lequel, à l'entrée de la maison de l'un de ses amis, lui dit : Le St Esprit m'a commandé que je couche avec ta femme : je le veux, dit-il, et sur l'heure commande à sa femme de lui obéir. Comme elle fait préparer le lit, il jette les yeux sur sa fille plus belle, et plus jeune : non, dit-il à la femme, le St Esprit veut que ce soit ta fille : l'un et l'autre obéissent à ce commandement. Le mari de retour le matin, il trouve ce rustre entre les bras de sa fille; Comment, dit-il, le St Esprit est-il trompeur ? Il a commandé de te donner ma femme, et tu prends ma fille ?Ce même St Esprit me commande de t'en faire porter la peine. Sur quoi il lui enfonce un poignard dans le sein et le tue".
(On notera aussi que p. 83 le prêtre trace un lien intéressant entre la femme impudique et les géants)
Un champ morphogénétique commun à Henri Bergson et William James
Il m'est arrivé de souligner la possibilité que des concordances temporelles révèlent l'existence d'un champ morphogénétique commun et j'avais cité à l'appui de cette hypothèse les intuitions concomitantes de Lacordaire et de Leroux sur la résurrection de Lazare.
J'en découvre une autre. Dans son livre sur Péguy, Romain Rolland relève (p. 38) les "curieuses similitudes" entre le psychologue américain William James et Bergson, avec sa notion de "stream of thought" (flot de pensée), dans ses Principles of Psychology de 1891, deux ans après l'Essai sur les données immédiates de la conscience en France au point qu'on a cru à tort qu'il pouvait y avoir une influence de Bergson sur James. L'humeur est alors à aller "aux choses mêmes" et à contester l'intellectualisme, le déterminisme rationaliste,la réduction du temps à une variable dans dans la mécanique newtonienne (sans verser pour autant dans la pure religiosité car, nous dit Rolland, Bergson qui venait des mathématiques aspirait à un déterminisme élargi qui intègrerait tout le savoir scientifique. Rolland crée un parallèle avec la découverte de la mécanique quantique, puis p. 46 avec la révolution de l'électricité (dans les années 1870) après celle de la machine à vapeur (notez que dans un débat Sangnier-Guesde de 1905, ce dernier décrit le prolétariat comme les enfants de la machine à vapeur).
Comme on ne peut postuler une causalité directe entre l'évolution des techniques et la pensée (la causalité est indirecte), il faut postuler la possibilité d'une Weltanschauung, dont les racines à la fois biologiques et spirituelles (les deux se tiennent) pourraient bien être dans des champs morphogénétiques.
Le voyage dans l'au-delà zoroastrien de Kartir
Sous le règne du roi sassanide Chapour Ier (241-272), vainqueur de l'empereur romain Valérien, son grand prêtre zoroastrien Kartir a laissé sur une stèle à Naqsh-e Rajab, le récit de sa montée au paradis. Un article universitaire iranien de 2016 nous rappelle comment cette ascension est introduite.
Dans l'inscription Kartir mentionne ses prières aux dieux
et leur demande, si possible, de lui montrer le chemin du ciel et l'enfer. Il prépare son âme par de "bonnes actions". "Probablement, avant le voyage, il a effectué des ablutions (= Thmart) et a bu du narcotique boissons pour aller dans l'autre monde" avance l'article en se référant à des historiens, mais cela ne figure pas dans l'inscription, et d'ailleurs il n'y a pas de consensus sur la drogue qui aurait pu être utilisée. Il a été avancé qu'il a pu aussi utiliser une litanie rituelle nommée Mansar. Certains chamanes se décorporent seulement par des incantations (mais l'analogie avec les chamanes est-elle pertinente ici ?).
Cet autre article de l'Encyclopaedia Iranica précise aussi que Kartir entreprit ce voyage pour prouver au peuple la vérité de ses dogmes sur le paradis et l'enfer (notamment face à l'apparition de l'hérésie manichéenne). Il décrit ainsi les visions :
Un prince (šahriyār) couleur d'aube (spēdagān ; cf. Pers. sepīde dam « première apparition de l'aube ») apparaît monté sur un superbe cheval (aγrāy) et tenant une bannière. Une personne de même forme que Kartīr (son double ) apparaît. Puis une superbe femme venant de l'Est (xwarāsān) sur une route très lumineuse (rāh, abēr rōšn) vient vers le double de Kartir, ils se rencontrent et se saluent (s'inclinant et se joignant les mains) puis partent par où elle est venue, elle devant, lui derrière. Un prince de la couleur de l'aube avec une balance (tarāzūg) devant lui, sur laquelle il pèse, apparaît, qu'ils croisent. Un autre prince couleur d'aube se manifeste, plus superbe que ceux qu'ils ont vus au début, tenant dans sa main un *čayēn/čiyēn (peut-être une louche pour ajouter du bois de chauffage) qui apparaît alors comme un puits sans fond (čāh) plein d'animaux malfaisants (xrafstar), au-dessus sur lequel un morceau de bois (dār) repose comme un pont; le pont devient maintenant plus large que long. S'ensuit la description de l'enfer et des palais du paradis mais que l'article ne détaille pas.
Je complèterai ce billet dès que j'aurai plus d'éléments sur ce point.
Sur la bisexualité de l'âme
Quand j'étais jeune, je lisais la Bisexualité Psychique du psychanalyste Christian David (1919-2013). Aujourd'hui, en écoutant cette brève vidéo du Rav Zamir Cohen ci-dessous, je me demandais si la psychanalyse, comme scientia iudaica, ne faisait pas tout simplement descendre les caractéristiques de la neshama au niveau du nefesh.