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Un regard catholique du XIXe siècle sur les médiums : le chevalier Roger Gougenot des Mousseaux

28 Juillet 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Médiums, #Christianisme

Un regard catholique du XIXe siècle sur les médiums : le chevalier Roger Gougenot des Mousseaux

J'ai évoqué en février cet épistolier qui signala à Spinoza que la plupart des philosophes de l'Antiquité avaient cru aux revenants. Un autre auteur fait le même constat en plein cœur du XIXe siècle, en ajoutant même que Lucrèce lui-même malgré son atomisme croyait aux apparitions (p. 447), c'est le chevalier monarchiste ultramontain Roger Gougenot des Mousseaux, dans La magie au XIX siècle: ses agents, ses vérités, ses mensonges.

L'ouvrage, publié en 1854 puis à nouveau en 1864, est souvent mis en parallèle avec un autre du même tonneau que lui, la "Pneumatologie" de Jules de Mirville, paru la même année. Il a fait l'objet d'une attention particulière dans les milieux scientifiques (commentaire de la Gazette médicale du 25 février 1854, et dans le Revue médicale française et étrangère du 31 mai 1861). Par ailleurs Gougenot des Mousseaux dans l'édition de 1864 se vante d'avoir reçu des soutiens ecclésiastiques tels que l'archevêque de Besançon et le cardinal Ferdinand Donnet, archevêque de Bordeaux qui dans une lettre du 26 juillet 1863 lui écrivait : "Etranges contradictions de l'esprit humain quand il s'abandonne à ses propres forces ! Dans le siècle qui a précédé le nôtre, un matérialisme abject et grossier était hautement enseigné par plusieurs philosophes en renom ; aujourd'hui, une nouvelle doctrine a surgi, elle a écrit sur son drapeau : spiritisme. Malheureusement, elle ne s'est pas tenue au dogme de la spiritualité des âmes et de l'existence des esprits ; mais, dépassant toutes les bornes, se laissant entraîner aux aberrations de la magie, elle en a renouvelé sous nos yeux le hideux spectacle."

Gougenot des Mousseaux écrit en un temps où l'Eglise et la science ont le spiritisme (défendu notamment par La mystique divine, naturelle et diabolique de l'écrivain républicain allemand Joseph Görres paru en France en 1854) comme ennemi commun, mais où elles doivent malgré tout tâcher de comprendre précisément ce qui se développe en son sein.

Des Mousseaux cultive une vision englobante de la nature qui inclut les anges, les démons, et les âmes animaux qui n'existent selon lui "que pour les besoins et les fins de l'être organique" et périssent avec lui (pour Des Mousseaux, très hostile à la dictature des naturalistes du XVIIIe siècle, le théologien est donc le naturaliste complet). Dès lors que l'âme humaine est éternelle, "il ne doit point nous sembler impossible, avant examen, qu'étant séparée de son corps, elle anime la machine du fantôme et se prête au actes prestigieux de la magie". Cela lui permet de rester fidèle à l'Eglise sans rationaliser la croyance, sans exclure du christianisme le merveilleux : "Nous croyons, de la meilleure foi du monde, à tout ce qui a jamais été raconté de plus miraculeux sur les saints de Dieu" écrit-il en renfort de l'initiative de Montalembert de ne retrancher aucun miracle de la vie de sainte Elisabeth de Hongrie pour "complaire à l'orgueilleuse raison de notre siècle".

Résumons en quelques lignes ici son ouvrage volumineux :

A l'appui de sa thèse, l'auteur commence par la description des expériences de spiritisme auxquelles il a pu se livrer du fait de la notoriété que lui ont valu ses premiers livres. A Paris, dans une grande maison, il se retrouve avec quelques personnes dont une jeune fille médium de 16 ans qui écrit. Un esprit se manifeste au nom du seigneur de Saint-Fare qui dit appartenir à un homme vivant. L'usage est de tutoyer pareil esprit cavalier, ce qui va avec son humeur bavarde. L'esprit se dit bilocalisé, et un participant rattache cela au mesmérisme. Puis, les participants font tourner une table. Le meuble bouge, bondit, sans que personne le touche. On fait imiter à l'esprit des sons produits sur la table. Il charge le guéridon d'un poids qu'il peut lui enlever aussi vite.

Des Mousseaux se permet une digression ici comme il en fera d'autres dans son livre : il a connu le médium écossais Daniel Home qu'utilisait le comte Théobald Walsh de Serrant (un membre de la chambre de pairs française) et dénoncé dans son autre livre "Médiateurs de la magie" les esprits menteurs qui l'habitaient. Né en 1833 à Edimbourg, de tempérament très nerveux. Son berceau balançait déjà tout seul, et à 13 ans il eut une vision d'un ami mort qui lui apparut dans les 3 jours suivant son décès conformément à une promesse qu'il avait faite. Sa mère était voyante et prédit diverses morts, et tenait ce don peut-être de son grand oncle Colin Uquart et de son oncle Mackensie qui étaient aussi doués de seconde vue. Après sa mort en 1850 elle lui révéla en apparaissant qu'il avait pour mission de convaincre les infidèles, guérir les malades et consoler les souffrants. A partir de 18 ans, il est célèbre et assailli de visites. Les pouvoirs "médianimiques" (sic) le quittèrent par moments, souvent à titre de punition, mais il était toujours averti de leur départ comme de leur retour.

Après cette parenthèse Des Mousseaux reprend le récit de son expérience personnelle avec la médium. Notamment comment il fait participer un somnambule mesmérisé aux séances qui perçoit les mêmes choses que la médium. Il demande (p. 28) à l'esprit qui parle à travers sa médium de bien vouloir parler à travers quelqu'un d'autre. Elle demande l'autorisation "à un conseil supérieur, et répond d'après la sentence de ce sénat". Un des invisibles refusa "à grand renfort de coups et d'écritures" d'avoir pour médium la "femme du solliciteur qui venait de se le faire adjuger" et préféra une fillette de 6-7 ans. Les esprits font usage de la vérité comme d'un appât pour ensuite nous tirer vers le mensonge, estime Des Mousseaux. Le somnambule dit qu'il voit Saint-Fare tracer un cercle lumineux incomplet. pour protéger des esprits malins "Walbins et des Jonconrils". Au même moment la médium écrit "Ils sont drôles les errants, les Jonconrils et les Walbins" (des termes que Des Mousseaux retrouvera dans le De Inferno et statu doemonum ante mundi exitium d'Antoine Rusca de 1624 et qui désigneraient les premiers des chefs démons tourmenteurs et les seconds leurs gardes chiourmes subordonnés. L'esprit de Saint-Fare défie le somnambule dont il n'aime pas les visions, qui réplique en décrivant Saint-Fare. Un meuble se renverse (p. 33). Les participants entendent le sifflement de Saint-Fare, puis quand le somnambule désigne la taille (naine) de Saint Fare et déclare le prendre dans ses mains, ils entendent ses pas de félin. Il leur fait voir des lumières phosphorescentes.

Un soir, un esprit apparu pendant la séance accompagna Des Mousseaux chez lui et provoqua des "knockings" auxquels il mit fin en priant Dieu. Des Mousseaux conclut son premier chapitre en racontant l'histoire de la famille d'une médium et en insistant sur la folie qui peut s'abattre sur ces gens. Ce qui lui donne l'occasion de blâmer la relégation dans les asiles de victimes des Esprits de maladie (Spiritus infirmitatis - Luc XIII, 2) - c'est l'époque où certains demandent une Loi Grammont, celle sur les animaux, pour les aliénés (je note tous ces petits détails qui n'ont pas vraiment leur place dans ce billet simplement pour les garder à l'esprit et pouvoir les réutiliser dans le cadre d'autres recherches).

Dans un second chapitre, des Mousseaux étudie les anges, à travers la Bible, mais aussi en lisant Jamblique, Porphyre. Puis il critique les faux inspirés comme Swedenborg et Molriva, et détaille à nouveau des expériences de spiritisme qui révélaient des messages d'anges en apparence authentiques, puis il en vient à citer divers miracles autour de mouvements de statues dans les églises comme à Verviers près de Liège le 18 septembre 1692 ou en Italie en 1796 (il précise au passage que, selon lui, les miracles ne se répètent pas afin que les rationalistes n'en fassent pas des lois).

Le chapitre 3 est consacré aux démons. Ses considérations vont de l'Egypte antique à l'évangélisation des Mennomonis (Wisconsin) près du lac Michigan. Au nombre des "agents "de la magie, Des Mousseau recense le fluide, très à la mode en son temps. Selon l'auteur il s'appelait jadis "feu vivant", "magnès", et "les Pythagoriciens, élèves de la philosophie indienne, le nommèrent l'âme du monde" (p. 232). Dans la même veine au chapitre 7 il traite des oracles et s'en prend à Plutarque qu'il accuse de "matérialisme honteux" (sic) - p. 246 - ce qui n'est toutefois pas un rejet complet des auteurs antiques puisqu'il cite Lucain p. 353 par exemple. Les tentatives pour trier le bon grain de l'ivraie sont asse désordonnées.

Agacé par les gens qui nient sans les examiner les phénomènes surnaturels (comme le genevois de Gasparin), Des Mousseaux s'efforce de diaboliser ceux qui se traduisent par des prédictions et de la clairvoyance mais qui vont à l'encontre des dogmes catholiques : les dons médiumniques de certains prophètes convulsionnaires camisards (p. 353), les convulsionnaires jansénistes de Saint-Médard, une voyante (p. 388) qu'il a connue (fille d'un officier, un ange lui annonça la mort prochaine de sa sœur, puis elle put prévoir des malheurs à la minute près), les apparitions de fantômes à Elisabeth Eslinger à la forteresse de Weinsberg en 1835 (p. 423), relatées par le Dr Justinus Kerner (dont les ouvrages étaient traduits en de nombreuses langues), les visions de Frédérique Hauffeu, la voyante de Prévorts dans le Wurtemberg (commentée dans le Revue des deux Mondes du 15 juillet 1842), auxquelles il oppose Sainte Marie Bagnésie et sainte Liduine, voyantes elles aussi, mais que les démons ne détruisirent pas pour prix des dons qu'elle avaient reçus et qui, au contraire, rayonnaient de la présence du Saint Esprit.

En postface à l'édition de 1864, Des Mousseaux polémique avec un ouvrage de Louis Figuier, partisan de Calmeil et Bertrand, "Histoire du Merveilleux dans les temps modernes", paru en 1860, qui traite des épidémies de possession qui confère des dons (en 1700 dans les Cévennes, au XIXe siècle chez les Nonnains d'Allemagne), met sur un pied d'égalité les Saints, le païen Apollonios de Tyane et le juif Simon de Samarie, et affirme que la science moderne reproduira de pareils miracles. Des Mousseaux met la science au défi de ressusciter les morts et de multiplier les pains.

Je n'ai pas d'opinion sur l'ensemble de l'œuvre de des Mousseaux que je connais mal. Sans doute ses opinions anti-judaïques (le vieil anti-judaïsme chrétien qui caractérisait le catholicisme du XIXe siècle, et qu'on distingue de l'anti-sémitisme racial) ou anti-républicaines sont-elles antipathiques, mais elles sont relativement absentes de son livre qu'on ne signale ici que pour la lecture qu'il fait des expériences surnaturelles de son époque. Son travail a le grand mérite de suivre très attentivement et en détail le récit des phénomènes magiques relatés par des livres à la mode, tout en ajoutant aussi des témoignages de ce que lui-même a vécu. Il a des mots très justes pour condamner le scepticisme malhonnête des rationalistes. La manière dont il condamne comme démoniaque la plupart des expériences de clairvoyance devrait faire réfléchir beaucoup de médiums de notre propre époque. En lisant son livre, on découvre des auteurs du XIXe siècle dont Internet porte à peine la trace car notre culture laïque les a faits passer à la trappe. On découvre combien le romantisme allemand s'est intéressé aux médiums à travers par exemple la figure de Görres qui était très connue dans la France des années 1850 (on avait déjà vu dans ce blog le romantisme allemand s'intéresser à des expériences mystiques comme celle de Böhme). La similitude des expériences médiumniques de l'époque avec celles de notre temps est frappante. On découvre les oppositions qui peuvent naître entre catholiques et protestants à leur sujet. On remarque qu'au sein des rationalistes matérialistes, enfants du 18ème siècle, la mauvaise foi et la volonté de "ne rien savoir" et de travestir systématiquement les faits étaient aussi fréquentes que de nos jours. Mais elle était parfois compensée par un certain flou sur la définition de la science (c'était l'époque où celle-ci était ouverte au magnétisme, à l'homéopathie etc). De sorte qu'un Louis Figuier pouvait quand même pousser l'honnêteté jusqu'à accepter la réalité des miracles, tout en affirmant qu'une base scientifique leur serait découverte un jour. A n'en pas douter, pour notre propre réflexion sur les facultés de l'esprit et de la matière, les décennies de recherche et de réflexion de des Mousseaux sur la magie et le surnaturel méritent d'être redécouvertes.

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"D'Isis au Christ" de Jean-Pierre Chevillot (L'Harmattan)

20 Septembre 2014 , Rédigé par CC Publié dans #Pythagore-Isis, #Christianisme

On peut se demander s'il est encore d'un quelconque intérêt de savoir dans quelle mesure le christianisme fut juif ou hellénistique. Cette question occupe en tout cas sérieusement les historiens depuis quinze ans, et c'est un grand mérite de Jean-Pierre Chevillot, qui à l'origine est chercheur en électrochimie, d'avoir synthétisé d'une façon assez pédagogique l'état du savoir sur ce sujet.

Chevillot fait remonter la dichotomie juif-grec qui caractérise le christianisme, non pas aux communautés de l'Est du bassin méditerranéen (comme le fait par exemple Marie-François Baslez), mais à la première communauté, celle des apôtres de Jésus, et même au Christ lui-même, dont il affirme qu'il s'exprimait probablement autant en grec qu'en Araméen. La force de cette affirmation s'enracine dans un regard nouveau sur la Galilée, dont Chevillot montre qu'elle était pratiquement dé-judaïsée à l'époque du Christ, en ressuscitant notamment le souvenir de Séphoris, sa très grecque capitale (absente pourtant des Evangiles), à deux pas de Nazareth. La famille de Jésus devient ainsi une famille de notables hellénisés (ce qui explique sa fuite en Egypte quand Séphoris s'est révoltée contre Rome).

Pour Chevillot l'Evangile grecque de Jean ferait apparaître tous les disciples "grecs" de Jésus, absents des autres Evangiles : Etienne, Marie de Magdala, et même Paul (Saul) de Tarse (pour lui Paul a nécessairement connu Jésus sans quoi il n'aurait eu aucune légitimité dans le christianisme). Jésus, accueilli en sauveur à la veille de la Pâque par les Juifs hellénisés de la diaspora, est perçu comme un réformateur du judaïsme qui menace les pharisiens.

Dans ce dispositif hellénistique du christianisme, l'isisme aurait joué un rôle important aussi bien dans les rituels du baptême de Jean le Baptiste que dans l'imagerie de la Vierge, et dans la résurrection et la figure de Marie de Magdala (on a déjà dit ce que le New Age en avait fait), une tradition qu'on retrouve dans la Gnose alexandrine. Une spéculation, étayée par très peu d'éléments historiques, mais qui rend compte d'une possible censure de certains éléments "féminins" véhiculés par l'isisme, en Palestine, qui auraient ensuite ressurgi de façon plus ou moins clandestine dans des évangiles apocryphes ou des représentations iconographiques auxquelles le regard "canonique" du catholicisme n'avait peut-être pas prêté, jusque là, une attention suffisante.

Pour mémoire les deux Maries (la mère de Jésus et Marie de Magdala) sont liées à Isis.  En septembre 2013,  Jane Schatkin Hettrick de l'université de Rider (New Jersey) montrait par exemple que le plus vieil hymne à Marie connu (pour lequel Mozart et Handel firent un accompagnement musical) est une transposition par Origène d'une prière à Isis.

Le parti sénatorial romain n'aimait pas Isis. Gabinius et Pison, les consuls de 58 av JC en avaient fait abattre les autels (le culte avait déjà gagné l'Ouest du bassin méditerranéen vers le IIIe siècle av JC via les esclaves), ordre renouvelé par un décret sénatorial de 54, et le consul Lucius Aemilius Paulus de ses propres mains s'en prend à un sanctuaire d'Isis et Séparpis en 50. Dion Cassius (XLII) précise que l'assassinat de Pompée en Egypte poussa un augure à Rome à relancer la persécution des cultes isiaques. Auguste interdisit l'isisme dans le pomerium de Rome en partie contre le souvenir de Cléopâtre ("Nouvelle Isis"). Tibère fit expulser des adeptes de l'isisme.

Voici l'histoire d'amour liée au culte d'Isis à Rome qui motiva sa décision (on ne peut pas s'étonner qu'Isis inspirât pareilles passions...). C'est dans le livre XVIII des Antiquités juives de Flavius Josèphe :

"Vers le même temps un autre trouble grave agita les Juifs et il se passa à Rome, au sujet du temple d'Isis, des faits qui n'étaient pas dénués de scandale. Je mentionnerai d'abord l'acte audacieux des sectateurs d'Isis et je passerai ensuite au récit de ce qui concerne les Juifs. [66] Il y avait à Rome une certaine Paulina, déjà noble par ses ancêtres et qui, par son zèle personnel pour lu vertu, avait encore ajouté à leur renom ; elle avait la puissance que donne la richesse, était d'une grande beauté et, dans l'âge où les femmes s'adonnent le plus à la coquetterie, menait une vie vertueuse. Elle était mariée à Saturninus, qui rivalisait avec elle par ses qualités. [67]  Decius Mundus, chevalier du plus haut mérite, en devint amoureux. Comme il la savait de trop haut rang pour se laisser séduire par des cadeaux - car elle avait dédaigné ceux qu'il lui avait envoyés en masse - il s'enflamma de plus en plus, au point de lui offrir deux cent milles drachmes attiques pour une seule nuit. [68] Comme elle ne cédait pas même à ce prix, le chevalier, ne pouvant supporter une passion si malheureuse, trouva bon de se condamner à mourir de faim pour mettre un terme à la souffrance qui l'accablait. [69] Il était bien décidé à mourir ainsi et s'y préparait. Mais il y avait une affranchie de son père, nommée Idé qui était experte en toutes sortes de crimes. Comme elle regrettait vivement que le jeune homme eût décidé de mourir - car on voyait bien qu'il touchait à sa fin – elle vint à lui et l'excita par ses paroles, lui donnant l'assurance qu'il jouirait d'une liaison avec Paulina. [70] Voyant qu'il avait écouté avec faveur ses prières, elle dit qu'il lui faudrait seulement cinquante mille drachmes pour lui conquérir cette femme. Ayant ainsi relevé l'espoir du jeune homme et reçu l'argent demandé, elle prit une autre voie que les entremetteurs précédents, parce qu'elle voyait bien que Paulina ne pouvait être séduite par de l'argent. Sachant qu'elle s'adonnait avec beaucoup d'ardeur au culte d'Isis, Idé s'avisa du stratagème suivant. [71] Après avoir négocié avec quelques-uns des prêtres et leur avoir fait de grands serments, et surtout après avoir offert de l'argent, vingt mille drachmes comptant et autant une fois l'affaire faite, elle leur dévoile l'amour du jeune homme et les invite à l'aider de tout leur zèle à s'emparer de cette femme. [72] Eux, séduits par l'importance de la somme, le promettent ; le plus âgé d'entre eux, se précipitant chez Paulina, obtint audience, demanda à lui parler sans témoins. Quand cela lui eut été accordé, il dit qu'il venait de la part d'Anubis, car le dieu, vaincu par l'amour qu'il avait pour elle, l'invitait à aller vers lui. [73] Elle accueillit ces paroles avec joie, se vanta à ses amies du choix d'Anubis et dit à son mari qu'on lui annonçait le repas et la couche. Son mari y consentit, parce qu'il avait éprouvé la vertu de sa femme. [74] Elle va donc vers le temple et, après le repas, quand vint le moment de dormir, une fois les portes fermées par le prêtre à l'intérieur du temple et les lumières enlevées, Mundus, qui s'était caché là auparavant, ne manqua pas de s'unir à elle et elle se donna à lui pendant toute la nuit, croyant, que c'était le dieu. [75] Il partit avant que les prêtres qui étaient au courant de son entreprise eussent commencé leur remue-ménage, et, Paulina, revenue le matin chez son mari, raconta l'apparition d'Anubis et s'enorgueillit même à son sujet après de ses amies. [76] Les uns refusaient d'y croire, considérant la nature du fait : les autres regardaient la chose comme un miracle; n'ayant aucune raison de la juger incroyable eu égard à la vertu et à la réputation de cette femme. [77] Or, le troisième jour après l'événement, Mundus, la rencontrant, lui dit : « Paulina, tu m'as épargné deux cents mille drachmes que tu aurais pu ajouter à ta fortune, et tu n'as pourtant pas manqué de m'accorder ce que je te demandais. Peu m'importe que tu te sois efforcée d'injurier Mundus ; me souciant non pas des noms, mais de la réalité du plaisir, je me suis donné le nom d'Anubis. » [78] lI la quitta après avoir ainsi parlé. Elle, pensant pour la première fois au crime, déchire sa robe et, dénonçant à son mari la grandeur de l'attentat, lui demande de ne rien négliger pour la venger. Celui-ci alla dénoncer le fait à l'empereur. [79] Quand Tibère eut de toute l'affaire une connaissance exacte par une enquête auprès des prêtres, il les fait crucifier ainsi qu'ldé, cause de l'attentat et organisatrice des violences faites à cette femme; il fit raser le temple et ordonna de jeter dans le Tibre la statue d'Isis. [80] Quant à Mundus, il le condamna à l'exil, jugeant qu'il ne pouvait lui infliger un châtiment plus grave parce que c'était l'amour qui lui avait fait commettre sa faute. Voilà les actes honteux par lesquels les prêtres d'Isis déshonorèrent leur temple. "

C'est seulement sous les Flaviens et les Antonins que l'isisme allait trouver sa place officielle sur les pièces de monnaie.

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Spéculations autour des pyramides

10 Août 2014 , Rédigé par CC Publié dans #down.under, #Histoire secrète, #Christianisme

Tunisie-035.jpgLes spéculations autour des pyramides n'en finissent jamais. Après le documentaire à sensation sur la base des travaux de Jacques Grimault, et partiellement démenti un peu grossièrement mais avec des arguments solides ici, mais approuvé , voici une spéculation serbo-bosniaque sur la base d'une découverte de 2006 - lire ici...

Robert Temple et quelques autres défendent l'idée que les pyramides furent construites par des extra-terrestres en lien avec Orion (voir la Théorie des anciens astronautes). Pour les chrétiens fondamentalistes ce sont les géants, descendants des démons (les Fils de Dieu).

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Saint Christophe cynocéphale

11 Février 2013 , Rédigé par CC Publié dans #Notes de lecture, #Christianisme, #Christophe, #Pythagore-Isis, #Histoire secrète

Je voudrais juste dire ici un mot de ce saint dont le nom n'est plus du tout à la mode en France (après l'avoir été dans les années 70), et dont une correspondante américaine, baignant dans l'atmosphère des cultural studies, me faisait remarquer qu'il était très marqué par le christianisme (comme Christian, Christel etc). Si l'on en repère facilement l'empreinte chrétienne, il est bon aussi d'en connaître les origines pré-chrétiennes. Le lien qui l'unit à Hermès, à Anubis, au monde sauvage mais "en voie de domestication" des cynocéphales (les hommes à tête de chien), et le rituel du grand voyage au confins de l'humanité et de la mort.

 

Citons à ce propos l'intéressant article en ligne  "Cynocéphales et Pentecôte" de l'ethnologue Jean-Loïc Le Quellec qui rend justice à la richesse de l'histoire de ce prénom :

 

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christophe.jpg"Les origines du culte et de l'iconographie de saint Christophe ont fait l'objet de nombreux travaux ayant établi que sa légende originale appartient au domaine oriental 41. C'est le récit de la vie d'un certain Adokimo (ou Reprobus
(« Réprouvé ») 42,sorte de cynocéphale anthropophage qui, sitôt converti, perd sa tête de chien et acquiert la parole. D'après les Actes apocryphes de Barthélemy, composés en Égypte sous influence gnostique dans la deuxième moitié
du IVe siècle, il apparaît que ce monstre aurait été envoyé par Jésus à Barthélemy, se trouvant alors au Pays des Cannibales 43. Converti par Barthélemy, il aurait pris au moment de son baptême le nom de Christianus (« Chrétien») ou dans des textes plus récents, celui de Christophorus (« Porte-Christ ») 44, ces deux noms étant alors, comme Victor, des titres honorifiques de martyrs en général 45. Dans les versions occidentales des IXe-Xe siècles, sa tête de chien sera sciemment supprimée, et elle n'apparaîtra plus dans les versions ultérieures 46,alors que l'image du « porte-Christ» ne s'est superposée à ce récit qu'en Occident, à partir du XIIe siècle, par suite d'une remotivation du terme Christophorus 47, et cependant qu'un jeu sur canineus (« canin») et chananeus (« cananéen») permettait une nouvelle interprétation 48. Au XVe siècle, Dionysos du Mont Athos le représentera avec la légende suivante: Christophoros o reprobos o ek tôn kunokephalôn, c'est - à - dire : « Christophe Reprobos, l'un des Cynocéphales» 49.

 

Voici comment les Actes des saints André et Barthélemy seront développés dans le Gadla Hawâryât, livre éthiopien du XIVe siècle, mais inspiré de textes coptes du VIe :

 

"Alors notre Seigneur Jésus Christ leur apparut [à André et Barthélemy] et
dit: « Partez dans le désert, et je serai avec vous, ne soyez pas effrayés,
car je vous enverrai un homme dont le visage est comme la face d'un chien
et dont l'apparence est très effrayante, et vous l'emmènerez avec vous dans
la ville. » Alors les Apôtres s'enfoncèrent dans le désert, en grande tristesse,
car les hommes de la cité n'avaient pas été touchés par la foi. Ils s'étaient
seulement assis depuis très peu de temps pour se reposer, qu'ils
s'endormirent, et que l'Ange du Seigneur les emporta jusqu'à la Cité des
Cannibales. Alors, de cette Cité des Cannibales, sortit un être qui cherchait
quelqu'un à manger [...]. Mais l'Ange du Seigneur lui apparut et lui dit:
« Ô toi dont la face ressemble à celle d'un chien, tu vas trouver deux hom-
mes [...] et avec eux sont leurs disciples, et lorsque tu arriveras à l'endroit
où ils se trouvent, fais qu'aucun mal ne leur arrive par ta faute [...]. Et lorsque
l'homme dont la face ressemblait à celle d'un chien entendit cela, il se
mit à trembler de tous ses membres et répondit à l'Ange: « Qui es-tu? Je
ne te connais pas, ni toi ni ton dieu. Dis-moi donc quel est ce Dieu dont tu
me parles! » [...] L'Ange dit: « Celui qui a créé le Ciel et la Terre, c'est
Dieu en vérité» [...]. Mais l'homme à la face de chien demanda: «Je voudrais
voir quelque signe qui me permît de croire en ses pouvoirs miraculeux.
» [...] Et au même moment, un feu descendit du ciel et encercla
l'homme dont la face ressemblait à celle d'un chien, et il était incapable de
lui échapper, car il était au centre de ce feu [...] et il s'écriait: « Ô Dieu, toi
que je ne connais pas, prends pitié de moi, sauve-moi de cette épreuve, et je
croirai en Toi ». L'Ange lui demanda: « Si Dieu te sauve de ce feu, suivrastu
les Apôtres partout où ils iront, et feras-tu tout ce qu'ils te commanderont
? » ~ L'homme dont la face était comme celle d'un chien répondit: « Ô
mon Dieu, je ne suis pas comme les autres hommes, et je ne connais pas leur
langage [...]. Lorsque j'aurai faim et que je croiserai des hommes, je me
précipiterai certainement sur eux pour les dévorer [...] ». Mais l'Ange lui
dit: « Dieu va te donner la nature des enfants des hommes, et Il limitera en
toi la nature des bêtes. » Au même moment, l'Ange étendit les mains et tira
du feu cet homme à la face comme celle d'un chien, fit sur lui le signe de la
croix [...] et aussitôt la nature animale le quitta, et il devint aussi gentil
qu'un agneau [...]. Alors, l'homme dont la face était comme celle d'un chien
se leva, et se rendit au lieu où se tenaient les Apôtres. Il se réjouissait et il
était heureux, car il avait appris à reconnaître la vraie foi. Mais son apparence
était extrêmement impressionnante. Il mesurait quatre coudées de
haut et sa tête était celle d'un gros chien,. ses yeux étaient comme deux
charbons ardents, ses dents étaient comme les défenses d'un sanglier ou les
crocs d'un lion, les ongles de ses mains étaient comme des serres crochues,
ceux de ses pieds comme des griffes de lion, ses cheveux descendaient jusque
sur ses bras et ressemblaient à la crinière d'un lion, et toute son apparence
était horrible et terrifiante [...]. Lorsque cet homme à la face comme
celle d'un chien arriva au lieu où ils se tenaient, il y trouva les disciples
- [d'André] qui en étaient morts de peur. [...] André lui dit: «Que Dieu te
bénisse, mon fils, mais dis-moi, quel est ton nom? » Et l' homme à la face
comme celle d'un chien dit: «Mon nom est Hasum» [c'est-à-dire
'abominable ']. Et André lui dit: « Tu as bien dit, car ce nom te ressemble,
mais [...] à partir de ce jour, ton nom sera Chrétien ». Au troisième jour, ils
arrivèrent à la ville de Bartos, en vue de laquelle ils s'assirent pour se reposer.
Mais Satan les avait précédés dans les murs de la cité. Alors André se
leva et pria, disant: «Que toutes les portes de la cité s'ouvrent rapidement!
» Et comme il disait, toutes les portes tombèrent, et les Apôtres péné-
trèrent dans la ville avec l'homme dont la face était comme celle d'un chien.
Alors le gouverneur ordonna [...] d'apporter des bêtes sauvages et affamées
pour les faire attaquer par elles, et lorsque celui qui avait la face comme
celle d'un chien vit cela, il dit à André: «Ô Serviteur du Seigneur, me
commanderas-tu de me dévoiler la face ? » (car il l'avait voilée en entrant).
André lui répondit: « Ce que Dieu te commande, fais-le. » Alors celui qui
avait la face comme celle d'un chien se mit à prier, disant: « Ô Seigneur
Jésus Christ, Toi qui me délivras de ma vile nature [...] je te supplie de me
rendre à ma nature précédente [...] et de me prêter ta force, afin qu'ils sachent
qu'il n 'y a d'autre Dieu que Toi. » Et au même instant sa nature précédente
lui revint, il fut pris d'une colère extrême, le courroux emplit son
coeur, il dévoila sa face et regarda les gens avec fureur, il bondit sur toutes
les bêtes sauvages qui se trouvaient au milieu des foules, il les déchira,
tordit leurs boyaux et dévora leur chair. Lorsque les gens de la cité virent
cela, ils furent pris d'une grande peur [...]. Et Dieu envoya un grand feu des
Cieux tout autour de la cité, et nul ne pouvait en sortir. Alors ils dirent:
« Nous croyons et nous savons qu'il n 'y a d'autre Dieu que votre Dieu, Notre-
Seigneur Jésus Christ, sur la Terre comme aux Cieux. Et nous vous demandons
d'avoir pitié de nous, de nous sauver de la mort et de la double
épreuve du feu et de celui qui a la face comme celle d'un chien. » Et les
Apôtres eurent pitié d'eux [...], ils s'approchèrent de celui dont la face était
comme celle d'un chien, posèrent leurs mains sur lui, et lui dirent: «Au
nom de Notre-Seigneur Jésus Christ, laisse repartir hors de toi ta nature de
bête sauvage, ce que tu as fait ici est suffisant, ô mon fils, car vois-tu, tu as
accompli la tâche pour laquelle tu avais été envoyé. » Et au même instant, il
retrouva la nature d'un enfant, et redevint doux comme un agneau 50."


Selon David Gordon White, l'origine de ce texte tardif est à rechercher dans les légendes nestoriennes de Barthélemy et d'André, circulant au Ve siècle. Le nestorianisme en transmit des versions aux hagiographes syriaques, latins et arméniens, d'où elles passèrent, avec des ajouts, à l'église jacobite égyptienne puis, au XIIIe siècle, dans les synaxaires arabes, lesquels furent traduits en éthiopien au siècle suivant 51.

 

Par exemple, à la date du 21 novembre, les anciens synaxaires arabes présentent ainsi la vie de saint Mercure, martyrisé entre 249 et 251, et que les coptes appellent Abou Seifen :

 

"En ce jour mourut martyr saint Mercure. Il était de la ville de Rome. Son
aïeul et son père étaient chasseurs de métier. Un jour, ils sortaient comme à
l'ordinaire. Ils furent rencontrés par deux cynocéphales anthropophages
qui dévorèrent l'aïeul et voulurent manger le père. Mais l'ange du Seigneur
les en empêcha en disant: « Ne le touchez pas, car il sortira de lui un fruit
excellent» : et il les entoura d'une haie de feu. Comme la situation leur
était pénible, ils allèrent trouver le père du saint et se prosternèrent devant
lui: Dieu changea leur nature en douceur.. ils furent comme des agneaux et
entrèrent avec lui dans la ville. Ensuite cet homme eut pour fils saint Mercure
qu'il appela d'abord Philopator, ce qui signifie «aimant ses parents ».
Quant aux cynocéphales, ils restèrent chez eux pendant quelque temps et
embrassèrent le christianisme: cela dura jusqu'à ce que Philopator fût
devenu grand. Il devint soldat et ils partaient avec lui à la guerre. Quand
c'était nécessaire, Dieu leur rendait leur nature et personne ne pouvait leur
résister "52.

 

Il est remarquable que ce dernier texte, démarqué des Actes de Barthélemy, concerne un saint fêté le 25 juillet dans le calendrier copte (c'est-à6dire le même jour que Christophe pour l'église de Rome) et dont le nom n'est autre que celui du Dieu latin correspondant au grec Hermès, partageant avec Christophe la fonction de protecteur des voyageurs. Or cette date, placée au début de la Canicule, était celle de la fête grecque dite kunophontis 53 (« massacre des chiens») et de la fête latine des furinalia (lors de laquelle on sacrifiait une chienne rousse), festivités destinées à se protéger des méfaits de la chaleur et de la sécheresse caniculaires. Quant à la fin de la Canicule, elle est traditionnellement fixée au 24 août, jour où l'on fête... saint Barthélemy.

 

Dans tous les cas, ces récits précisent qu'une fois civilisé, le cynocéphale converti par le Saint-Esprit cesse d'aboyer pour clamer sa reconnaissance de Dieu en langue humaine, face aux peuples païens dont il provoque ainsi la conversion. C'est donc cette scène qui est représentée sur les figurations arméniennes de la Pentecôte où le cynocéphale apparaît. Mais en ce qui concerne Christophe, une explication evhemérisante a été tentée pour justifier la légende: «Sous le règne de Dèce [il fut] fait prisonnier dans un combat par le lieutenant de ce prince. Comme il ne pouvait parler grec, il fit une prière à Dieu.. et un ange lui fut envoyé, qui lui dit: Rassure-toi, et touchant ses lèvres, il fit en sorte qu'il parlât grec » 54. Mais ce miracle du « parler en grec », version appauvrie du «parler en langues» des Apôtres, n'est que l'écho affaibli d'un miracle autrement plus impressionnant: celui de l'apparition du langage articulé chez un être qui, jusqu'alors, ne savait qu'aboyer. Le détail qui, sur les miniatures arméniennes, montre le cynocéphale
habillé (parfois sommairement) résulte d'un procédé graphique destiné à rendre visible ce miracle essentiellement sonore, en montrant bien que le monstre est, maintenant, en partie civilisé: cela se retrouve à Vézelay, où cette humanisation partielle est marquée par le fait que l'un des cynocéphales est montré nu, alors que l'autre est déjà habillé. Les textes précisent enfin que, toute domestiquée qu'elle soit par le baptême, la fureur caniculaire du cynocéphale nouvellement converti réapparaît périodiquement: ce n'est plus alors que pour mieux combattre les païens, et seconder par la terreur une proclamation apostolique qui, sans cette aide, serait quelque peu démunie. (...)

 

Il apparaît tout d'abord que, pour la constitution d'une métaphore théromorphique de la Pentecôte, l'utilisation d'un homme à tête de chien plutôt que de tout autre monstre plinien présentait l'intérêt d'utiliser une espèce animale conçue comme médiatrice et qui, en divers temps et lieux, s'avéra souvent des plus utiles dans le cadre d'une réflexion sur les frontières ou les transitions entre homme et animal, présent et au-delà, réel et imaginaire 56.

 

De plus, dans le cas du chien, l'opposition domestique/sauvage se réfère essentiellement à l'habitat (domus) et donc plus à l'espace qu'à l'espèce: les chiens dits « domestiques» manifestent une propension à retourner vers la nature, dans une perpétuelle errance entre nature et culture 59. Déjà, les anciens textes mésopotamiens insistaient sur cette ambivalence profonde du chien, considéré par les Babyloniens comme à la fois sauvage et familier 60. Or les diverses espèces de canidés sont inter-fécondes et offrent toutes les gradations entre le domestique et le sauvage, ouvrant donc des possibilités de symbolisation proprement impensables avec, par exemple, le chat domestique et les grands félins 61.

 

On comprend alors que les canidés en général (et les cynocéphales en particulier) sont quasi universellement commis à deux rôles principaux: d'une part ils constituent une commune allégorie de l'autre, du « sauvage»
qui ne sait qu'aboyer et dévorer de la viande crue, et d'autre part ils jouent le rôle de gardiens de l'au-delà car ils doivent, dans des mythologies très diverses, surveiller l'orée du monde des morts, c'est-à-dire LA transition par excellence, puisque ce sont des êtres de la porte et du passage."

---- voir aussi le livre de Saintyves

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Notes

 

54. Ménologe de Basile, cité dans Saint yves 1935 :9.
55. THIERRY 1987, fig. 503.
56. LURKER1969, 1983, 1987. ~ LINCOLN1979.
57. Liu 1932.
58. LE QUELLEC1995.
59. Sur ce: POPLIN 1986.
60. ANET 1993, LIMET 1993.
61. BAINES1993 :66.

 

 

 

 

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