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Articles avec #christianisme tag

Deus absconditus

2 Juin 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Médiums

Pourquoi est-ce que le divin se cache, se révèle seulement dans les rêves, les synchronicités, les expériences limites (guérisons, expériences de mort imminente, initiations sexuelles extrêmes, pratiques magiques, apparitions surnaturelles etc) et souvent dans des formes codées, obscures etc ? L'Eglise catholique contemporaine a théorisé l'idée que Dieu se cache pour respecter notre liberté, cela fait partie de ce vaste mouvement d'abaissement du grand qu'on appelle la kénose. La tradition ésotérique, mais aussi l'ufologie, qui, à bien des égards est un ésotérisme, et même une démonologie, aux couleurs scientistes, ce qui ne veut pas nécessairement dire que ce soit une doctrine fausse (je pense ici à Daniel Robin par exemple, quand il dit que les extraterrestres déguisent leur discours en révélations mariales pour ménager notre ignorance), estiment que Dieu, les "entités de l'au-delà" ou les "entités spatiales" cryptent leurs messages parce que nous sommes trop stupides ou trop impurs pour pouvoir les supporter, ce qui laisse entendre qu'avec des efforts d'intelligence et de purification du corps, de l'esprit, et de notre rapport aux gens et au cosmos nous pourrions finir par en savoir un peu plus. La thèse du "on n'est pas encore capable de" est présente dans les Evangiles eux-mêmes, et donc ne peut, même du point de vue de l'Eglise catholique, être écartée d'un revers de main. Dans l'évangile de Jean Jésus dit à ses apôtres : "J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant." (Jn 16, 12). Voilà qui met sur les rails de l'ésotérisme (d'ailleurs n'a t on pas dit que depuis 2000 ans il y a une église de Pierre exotérique et une église de Jean ésotérique. Et c'est comme lorsqu'un daimon fait voir à Mme Blavatsky que le roi David dans la Bible dansait à moitié nu devant l'Arche d'alliance, même si le daimon cherche à l'égarer complètement par les conséquences qu'il en tire, on ne peut oublier que ce détail troublant, peu compatible avec l'enseignement exotérique, est vraiment présent dans les textes sacrés. Et, sauf à considérer que des morceaux démoniaques sont présents dans le corpus sacré lui-même, il semble que la religion officielle doit bien prendre en compte ce genre de "bizarrerie" et les chemins sur lesquels elles ouvrent...

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La Vénérable soeur Maria de Jesus de Agreda

24 Avril 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme

Conférence donnée par José Antonio Canet au Cursillo mariano de La Pardina 31 Août 2013, Hotel La Pardina, Sabiñánigo, Espagne.

Traduction :

"Il y a 15 ans, j'ai reçu la copie d'un message de Jésus-Christ à une âme aux Etats-Unis. Dans ce message le Christ disait que le livre le plus important qui ai été écrit au monde après la Bible est 'La cité mystique de Dieu' de Marie de Jésus d'Agreda.Ce livre parle de la vie de la Vierge et a été dicté par la Vierge. Au vu de ce message, je ne connaissais pas ce livre, j'ai essayé de le localiser. je suis allé à la librairie religieuse de Castillon, il n'y était pas. Je me suis rendu à Vélence, à 75 km de chez moi, à la librairie St Paul.Ils connaissaient le livre, l'avaient sur leur ordinateur, et en avaient quatre exemplaires, mais ils ne les ont pas retrouvés. J'ai amené mon épouse Amarisa en voiture à Agreda, dans la province de Soria où bien sûr se trouvait le livre. J'ai parlé avec la mère supérieure des conceptionnistes, qui me fit visiter le couvent, les jardins, le musée, et j'ai acheté divers exemplaires du livre La cité mystique de Dieu. J'en ai offert certains à des amis prêtres. Je l'ai dévoré en une semaine. Et j'ai été très enthousiaste d'en parler avec mon directeur spirituel, un carmélite aujourd'hui décédé, le père Guillen Gutierrez, un grand saint, et un grand sage. Je lui parlai avec enthousiasme sans le laisser parler. Il m'écouta avec patience, puis me montra que dans la petite librairie qu'il avait derrière lui au dessus de son lit, sur les dix livres qu'il avait se trouvait La cité mystique de Dieu, qu'il avait couvert de notes en marges et de souslignages.

Agreda qui est un village, a eu une certaine importance historique parce qu'elle est à la limite de trois royaumes. Elle appartient à la Castille, mais les rois de Castille, d'Aragon et de Navarre s'y rencontraient et, dans la chaise de pierre à l'endroit où ils s'asseyaient chacun des trois était encore dans son royaume. Mais l'importance réelle du lieu tient à la personnalité de la vénérable Maria de Jesus, car une bonne soeur cloitrée qui n'a jamais quitté son cloître - elle ne s'en est jamais éloignée de plus de 200 mètres. Entrée au cloître à 17 ans, et morte à 63, elle fut pourtant la femme la plus influente du monde au 17e siècle, selon de nombreux historiens. C'était pourtant le Siècle d'Or en Espagne, celui de Cervantes, de Velasquez, de Calderon de la Barca, celui où l'Espagne était le plus grand empire du monde. Elle a vécu la première moitié du siècle, avant le déclin. Et pourtant cette religieuse inconnue devient conseillère du roi Philippe IV, un roi abandonné à ses fêtes, et qui avait pour favori le comte d'Olivares, un personnage peu apprécié de la population, qui mit l'Espagne en difficulté sur tous les fronts à l'égard de la France, des Pays Bas, du Portugal, de Naples. A un moment, Philippe IV est si désespéré par ces échecs qu'il cherche une solution du côté de Dieu. Quelqu'un lui parle de la grande sainte d'Agreda qui fait des miracles. Le roi la rencontre et lui demande d'intercéder auprès de Dieu et lui demande son aide pour lui et l'Espagne. Une correspondance commence entre les deux. Pour éviter les intermédiaires, il écrit sur une feuille partagée en deux, la réponse de la religieuse devant être écrite sur l'autre moitié. Plus de 600 de ces lettres ont été retrouvées. La religieuse ne lui parle pas seulement de thèmes spirituels pour le salut de son âme, mais aussi des thèmes politiques pour redresser la situation. Elle lui dit que la mort des soldats ne vaut pas la peine, et le persuade de laisser Naples, les Pays Bas, et de signer le traité des Pyrénées avec la France. Elle l'empêche de faire la guerre à l'Aragon et de leur enlever les fueros.

La famille de cette nonne était très religieuse. Deux frères devenus franciscains et deux soeurs (Maria et sa soeur) religieuses, et même les parents se firent religieux (le père comme franciscain, la mère comme conceptionniste) après avoir demandé à l'évêque la dissolution du mariage. Le foyer familial fut donc le premier couvent. Elle dit d'elle même qu'elle était une enfant négligée (desaliñada), dépourvue de la moindre préférence pour aucune des choses du monde, n'aimant que Dieu. A 8 ans, après sa confirmation, elle fait vœu de chasteté, à 12 ans, elle veut devenir religieuse et déjà des contacts sont pris avec les carmélites. Sa santé était très faible et elle raconte qu'on avait déjà acheté son caveau pour son enterrement étant petite. Sa mère reçut un message du ciel disant que les deux parents comme Maria devraient devenir religieuses. Une fois entrée au couvent à 16 ans, elle commence à avoir des phénomènes mystiques de lévitation (un souffle peut la conduire d'une partie du couvent à l'autre) qui attirent du public à l'église des conceptionnistes. Cela devient un spectacle pour les gens de la région. Maria proteste et demande au Seigneur que cela cesse.

Dieu lui accorde alors un autre don : celui de faire des voyages de ce qu'on appelle la bilocation. A chaque fois qu'elle recevait la communion, Dieu lui montrait les "royaumes" qui ne connaissaient pas le christianisme. Elle pleurait de voir qu'ils ignoraient le Sauveur et s'enthousiasmait intérieurement pour leur conversion. Plus de 500 bilocations de la sainte ont été prouvées dans la seule zone du Nouveau Mexique (le Texas actuel). Son double au Texas catéchisait les Indiens. Les premiers missionnaires espagnols franciscains eurent ainsi la surprise après des jours de marche à travers les forêts de découvrir des "sauvages" qui avaient construit des croix et leur demande le baptême. Les Indiens leur parlent de la "Dame bleue" (senora azul). Les missionnaires pensent que ce peut être la Vierge. Comme de plus en plus d'Indiens parlent de cette dame, le provincial franciscain veut tirer au clair cette affaire. L'Inquisition avait déjà durement interrogé la vénérable à ce sujet à deux reprises. Le franciscain se rend en Espagne demande au roi l'autorisation de rencontrer la vénérable, puis ordonne qu'un peintre fasse un portrait d'elle pour que les Indiens puissent dire si la Dame en bleu est bien Maria de Agreda. Les Indiens au vu du portrait l'identifièrent. Des écrivains de type paranormal ont écrit sur la Dame bleue, l'Inquisition voulut lui faire signer de fausses déclarations, mais elle ne cessa d'assurer qu'elle n'était jamais sortie du couvent qu'en procession pour d'autres couvents. D'autres nonnes pouvaient en témoigner, et elle avait été abbesse avant 25 ans (grâce à une autorisation spéciale papale) et tous les actes d'élection conservés (sauf pendant trois ans) attestent de sa présence à Agreda.

Elle dormait seulement deux à trois heures par nuit. Elle mangeait peu, et faisait son via crucis avec une croix de fer de plus de 30 kg. Elle faisait des miracles tout le temps. Par exemple lors de la construction du nouveau couvent grâce aux dons, des anges intervinrent. A cette époque il était normal que des ouvriers mourussent dans ce genre de chantier. Pour le couvent, beaucoup tombèrent mais aucun de mourut. Et même une fois un ouvrier tomba du haut de l'église au sol, la tête la première sur une pierre mais la pierre se brisa et l'ouvrier ne mourut point. Les travaux avançaient la nuit en l'absence des ouvriers. Les contremaîtres trouvaient les murs plus haut le lendemain et la nonne put leur dire que les anges avaient construit les murs en l'absence des hommes, y compris sur des terrains rocheux où il fallait de la poudre explosive pour réaliser les travaux. Certains maçons refusaient un salaire, et selon Maria de Agreda c'étaient aussi des anges.

Pour la préparer à écrire la Cité mystique de Dieu, la Vierge dota la vénérable de cinq anges en plus du sien, souvent très sévères, pour la perfectionner. Elle écrivit la Cité mystique pendant cinq ans. Son confesseur tomba malade et le vieux confesseur qui lui succéda lui ordonna de la brûler parce qu'une femme ne pouvait pas écrire sur la théologie. La Vierge lui apparut à nouveau et la lui dicta de nouveau en lui demandant cette fois de ne pas la brûler. Elle s'exécuta avec l'aide des six anges, car son niveau culturel ne lui permettait pas bien sûr de citer d'elle même par exemple Aristote qui, à l'époque, n'existait pas en espagnol. L’œuvre est tout de suite discutée dans les universités. Seules la Sorbonne et l'Inquisition furent contre. L’œuvre est écrite en style baroque, très fleuri. En 1670 elle est imprimée et sera rééditée plus de 200 fois, bien plus que Don Quichotte, et fut traduite en douze langues dont l'arabe.

Elle fut nommée vénérable peu de temps avant sa mort ce qui aurait dû la conduire à la canonisation depuis longtemps.

Elle n'a pas seulement fait des miracles de son vivant. Au Texas elle continue d'en faire. Il existe au Texas une association, la Confraternité des cœurs unis de Jésus et Marie qui reçoit encore des messages de la vénérables pour écrire certains thèmes de son livre comme par exemple en 2002 sur la façon dont la Vierge était montée au ciel : l'âme d'abord, couronnée, puis le corps glorieux.

Au 19e siècle, la première titulaire femme d'une chaire de littérature écrivit une version simplifiée de la Cité mystique, dépourvue du baroque, la "Vie de la Vierge Marie". J'ai pu moi-même à Madrid près d'Atocha (...) A chaque fois qu'un pape voulut canoniser Maria d'Agreda, l'Inquisition d'y opposa et tenta de lui faire perde le titre de vénérable - cela se produisit onze fois. A chaque fois qu'une œuvre de Dieu est réalisée, le démon s'en mêle pour faire obstacle.Une commission d'habitants du Texas avait même menacé de la proclamer sainte d'une façon unilatérale.

La construction même du couvent témoigne de ses miracles. Les dons avaient afflué, en partie parce que les gens voulaient du pouvoir à travers cela. Il y a une relation directe entre la quête du pouvoir et l'argent. Lorsque le président du gouvernement Aznar passait ses vacances d'été au village d'Albazora, les prix du foncier y augmentèrent de 50 % - tout le monde voulait construire une résidence secondaire sur cette plage parce qu'Aznar y était. A Agreda la même chose se passa où Philippe IV se rendait."

José Antonio Canet, raconte encore la conversion par la mère Marie de Jesus dans une dimension de bilocation du Maure de Pampelune.

Au XVe siècle, Ste Béatrice da Silva, fondatrice des conceptionnistes, fut considérée comme la plus jolie du Portugal, et servit comme modèle pour peindre la Vierge, mais elle ne l'accepta qu'en baissant les yeux humblement. Son visage est exactement celui de Maria de Jésus d'Agreda. A 16 ans elle avait été enfermée dans un coffre par la reine, et, comme elle était sur le point d'étouffer, la Vierge lui apparut dans la tenue des conceptionnistes. C'est le début de la conception du dogme de l'Immaculée conception.

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Dr Ricardo Castañón Gomez

17 Mars 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme

Un chercheur en neurosciences, docteur en psychologie clinique et diplômé en philosophie, né en Bolivie, athée, disciple de Jean-Paul Sartre et de Rita Levi-Montalcini s'est converti au catholicisme à 44 ans après avoir étudié en 1992 dans son pays natal (à Cochabomba) des phénomènes d'effusion de sang d'une image du Christ de 33 cm. Il a aussi étudié (de 1999 à 2005) deux hosties qui saignent dans le diocèse de Buenos Aires, une qui a saigné en 1992, l'autre en 1996. Voici une interview très intéressante (en espagnol) de ce monsieur.

Il parle aussi de Lanciano (du 8e siècle), du suaire de Turin (que l'on n'a toujours pas pu dater car la partie identifiée comme étant médiévale en 1988 était une reprise en coton sur l'original en lin) et de sa recherche de 2009,

Il explique comment les globules rouges et blancs qui normalement disparaissent au bout d'une heure se conservent des années, ce qui est en soi miraculeux (de sorte qu'il n'a pas pu être ajouté par une personne extérieure), comment on peut établir d'après les tissus vivants que le sang vient d'un ventricule du cœur et en est sorti directement. Dans tous les cas c'est toujours du sang AB. Le projet est de séquencer l'ADN par ampliation, mais les chercheurs n'y parviennent pas avec le sang des statues et des hosties, alors qu'ils y parviennent avec les cellules qu'ils prélèvent des êtres humains qui ont tenu ces statues ou ces hosties. Les scientifiques athées disent que c'est parce que l'échantillon est détérioré, mais c'est faux puisque les globules blancs et rouges sont miraculeusement intacts. Les théologiens ont une lecture très précise du sens qu'on peut tirer des caractéristiques de ce sang (le fait qu'il vienne du ventricule gauche par exemple).

L'hostie de Lanciano a saigné quand le prêtre commençait à douter. Les phénomènes autour des hosties et des statues sont là pour aider à vaincre le doute tout en respectant la liberté de douter. En 1264 (et non 1273 comme le dit le Dr Ricardo Castañon Gomez dans l'interview) à Bolsena cela correspond au doute du prêtre. Parfois c'est une réponse au sacrilège comme à Cascia. La moitié des catholiques pratiquants selon divers sondages aux USA et en Australie ne croient pas que le Christ soit dans l'hostie.

Le Dr Ricardo Castañon Gomez bien sûr précise qu'il y a des cas où il y a des manipulations que lui-même a signalées à des évêques sur des statues et des hosties (des taches surajoutées). Il rappelle que les évêques devant les miracles doivent toujours répondre à la question est-ce un phénomène naturel ou pas ? peut-il résulter d'une ruse du diable ? (le Dr Ricardo Castañon Gomez n'exclut pas que ce soit le cas pour certaines effusions de sang qui ne donnaient rien en analyse au bout de 20 minutes, dans des contextes où il y avait des rivalités économiques, ce qui peut favoriser des actes démoniaques).

Intéressante aussi son expertise sur le comportement du cerveau au moment des apparitions, et la façon dont il l'a authentifié dans le cas de la modèle équatorienne Patricia Talbot (les ondes delta - au moment de l'eucharistie aussi - émises par le cerveau, l'élévation du taux énergétique dans la maison).

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Une histoire secrète des Goths ?

24 Février 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire secrète, #Christianisme, #Pythagore-Isis

Je ne prétends pas pouvoir dire quoi que ce soit de pertinent sur les Goths. Et je ne suis pas sûr que les universitaires puissent en dire grand chose non plus. Quand j'ai interrogé un spécialiste du sujet membre du CNRS, sur la question de savoir si les Goths peuvent être apparentés aux Gètes, comme beaucoup de sources médiévales l'ont suggéré, il m'a sèchement répondu il y a quatre mois "les Gètes sont les Thraces et donc ne sont pas les parents des Goths". Sauf que ça n'explique pas du tout pourquoi tant d'auteurs les rapprochent. Et puis il y a l'éternel problème : comment peut-on être catégorique sur une période où les sources documentaires font tant défaut.

Second point, je voudrais préciser que je suis méfiant à l'égard des travaux du journaliste belge Gérard de Sède, connu notamment pour ses enquêtes sur le mystère de Rennes-le-Château.

Ceci étant posé, ce n'est pas parce qu'on ne sait rien, et qu'on se méfie aussi bien de certaines sources universitaires que de certains journalistes qu'il faut s'interdire d'essayer d'avancer sur certains sujets.

Attaquons nous donc aux Goths. On sait qu'ils ont mauvaise presse dans l'univers catholique, parce qu'ils véhiculaient une hérésie religieuse, l'arianisme, qui était particulièrement brutale dans ses effets (on sait par exemple quelle violence Sébastien l'Arien, surnommé par Athanase "Sébastien le Manichéen" imposa en Egypte. Les catholiques du XIXe siècle comme Antoine-Frédéric Ozanam imputait cette violence à leur déisme (puisqu'en bon ariens ils déniaient à Jésus la nature divine, et donc refusaient d'admettre qu'un Dieu d'amour se soit incarné et soit mort sur la croix, Jésus n'est pour eux qu'une sorte de "maître ascensionné" comme dans la théosophie). Il faut rappeler cela aujourd'hui où le catholicisme a assoupli sa catéchèse et où la culture classique sur les religions s'est érodée.

Les Goths n'ont-ils fait que véhiculer l'arianisme ? Partons de cette question, et abordons là d'abord à travers De Sède, quelle que soit la méfiance qu'il nous inspire. Nous pourrons toujours corriger le tire ultérieurement.

De Sède dans "Le Mystère gothique" (Robert Lafont, 1976) nous explique d'abord qu'on ne sait pas bien d'où viennent les Goths. Jordandès, notaire goth qui se fit moine et finit évêque de Ravenne sous le règne de son compatriote Totila, dans son livre "De origine actibusque getorum" écrit vers 555 en complément d'un livre aujourd'hui disparu de Cassiodore, conseiller de Théodoric le Grand nous aurait enseigné que les Goths venaient de Scandinavie, mais, nous dit De Sève, on l'aurait mal interprété. Rien ne prouve que "l'île Scanzia" dont parle Jordandès serait cette péninsule, pas même la toponymie qui y évoque les Goths (car elle les évoque ailleurs aussi), ni les tombes muettes semblables à tant autres ailleurs que des gens comme Eric Oxternstiern ont commentées en 1948.

En relisant le passage de Jordanès, nous dit De Sède, on voit bien que Scanzia est l'endroit où ils arrivent et non d'où ils partent, et ils la nomme Gothiscanzia. Jordandès parle du goth Dicineus, philosophe harpiste, qui vivait du temps où Sylla dominait Rome. C'est lui qui aurait enseigné aux Goths les noms des étoiles, le zodiaque, l'évolution de la lune. De Sède en profite pour signale qu'Ostrogoths et Wisigoths pourraient signifier Goths brillants et Goths sages.

Puis, en partant de la Jewish encyclopedy tome VII, il note que pour les Pères de l'Eglise dans la Bible Gog (le roi de Magog) ce sont les Goths. Et, puisque Cassiodore et Jordanès nomment les Goths "Gètes", il remonte aux Massagètes des bords de la Caspienne cités par Hérodote, voit dans leur nom via le sanskrit le mot "mère des Gètes" et l'origine du mot Mesech, sur les bords de la Mer Noire où, selon Ezechiel, était le royaume de Gog,tandis que Tubal, où régnait aussi Gog, en Asie mineure, peut être le royaume des Amazones auxquelles les Gètes s'unirent selon Strabon et Jordandès pour conquérir la région du Danube.

Tout cela est un peu tiré par les cheveux vu qu'Hérodote et Strabon n'ont pas une rigueur scientifique, ni Ezechiel, mais c'est un élément versé au débat.

De la religion initiale des Goths on ne connait que les Eddas ("grands mères") dont il existe deux versions tardives : un Edda poétique islandais recueilli au 11e siècle et un prosaïque, Edda de Snorri, du 13e siècle.

Les Eddas nous parlent de dieux réunis en deux clans : Ases et Vanes. Ils finirent par se réconcilier après la guerre. L'Ase suprême, Wotan (Odin) possède les runes (écritures magiques). De Wotan se détache Thor, l'Ase au marteau, dieu du tonnerre, et Freyr, l'Ase de la fécondité au sanglier d'or. Godh signifie dieu, qui peut s'écrire Goth. Les Goths se nomment aussi Gutan, c'est-à-dire Wotan, avait noté Pierre Borel au 18e siècle. Et les Jettes (les géants de la mythologie), cela peut s'écrire Gète. Dumézil a remarqué l'analogie entre Eddas et Mahabharata, notamment sur la mort de Baldur fils de Wotan, ce qui pourrait indiquer une origine dans le Pamir.

En 251 les Goths conquièrent la ville de Philippopoli en Macédoine. Au IVe siècle Hermanaric, surnommé par les Romains l'Alexandre des Goths quitte les rives du Dniepr et fonde un empire de la Baltique à la mer noire. Il meurt à 40 ans en 375 après être passé sous la vassalité des Huns. Son petit fils Theodoric, né juste après la mort d'Attila et élevé à Byzance, avec 250 000 hommes remonte le Danube, passe les Alpes, vainc le roi Hérule Odoacre et devient roi d'Italie en 493.

De Sède nous présente un Theodoric raffiné, religieusement tolérant et protecteur des arts (passant sous silence l'assassinat de Boèce) et accuse les chrétiens orthodoxes d'avoir accaparé son tombeau (devenu Ste Marie de la Rotonde) et d'avoir laissé son cadavre dans un cimetière voisin (ce serait le squelette casqué d'or retrouvé en 1854).

Dans la même veine enthousiaste il vante la prise de Rome par Alaric le wisigoth en 410, l'amour fou de son successeur Ataulf pour la sœur de l'empereur fantoche Honorius, Placidia, qu'il épouse en 414 à Narbonne, le royaume de Toulouse ville prospère quand Paris n'est qu'un bourg, la mort courageuse de Theodoric aux champs catalaunique contre Attila, le Missorium (un joyau) qu'Aetius offre à son fils Thorismond. Sur la base de Sidoine Apollinaire de Sède décrit une Toulouse grouillante de peuples variés (y compris les ambassadeurs de Perse) entre le Palais Narbonnais (actuel palais de justice) et l'église la Daurade couverte d'or (édifice décagonal à coupole ouverte sur le ciel). Tous les citoyens sont en armes quand le royaume est attaqué y compris les prêtres ariens qui troquent les chapes de fourrure contre des cuirasses. Les rois jurent fidélité aux coutumes du peuple. Pour de Sède, c'est l'ancêtre des fors.

Alaric II est vaincu en 507 à Vouillé par Clovis. Toulouse est envahie. Carcassonne fortifiée est sauvée avec son trésor par l'aide des ostrogoths de Théodoric le Grand. La Septimanie reste gothe, l'Espagne aussi. Sur l'Espagne gothe, De Sède reprend les idéalisations de Desdevies du Dézert de 1891.Il fait l'éloge de la simplicité de ses lois, de la pureté de ses moeurs quoique la femme y soit très libre. Les serfs disposent par testament de la moitié de leurs biens sept siècles avant que cela ne se fasse en France, la non hérédité des charges. Toujours partial De Sède ne dit rien de la fille de Clovis battue jusqu'au sang par son mari roi wisigoth d'Espagne. "En 589, croyant désarmer l'hostilité de l'Eglise catholique, le roi Reccared renoncera à l'arianisme, le royaume tombera peu à peu sous la tutelle des évêques à Rome, ce qui précipitera sa chute cent vingt huit ans plus tard" écrit de Sède dans sa veine anti-cléricale. Il accuse le clergé catholique espagnol d'avoir été si inculte qu'il aurait cru qu'Ildefonse avait reçu l'apparition de la Vierge. Il reproche aux catholiques d'avoir persécuté déjà à cette époque les Juifs que Titus avait installés en Espagne, ce qui les fit s'allier aux musulmans.

En 710 l'armée de Roderic (Rodrigue) renverse le roi Wititza dont les deux fils vont chercher l'aide du khalife Moussa en Afrique. En 711, à la bataille de Jerez une partie de l'armée gothe derrière le comte Julian passe aux Musulmans. C'est la fin du royaume wisigoth.

Les Goth depuis le début sont une confédération de peuples qui se déplacent en chariot et suivent les étoiles. On les surnomme amaxoluoï en grec, hommes du chariot mais aussi de la petite et de la grande ourse (amaxa, constellations du chariot). L'ours est leur emblème, bär, qui veut aussi dire "né" et donc noble. on peut dater leur religion du Ve s av JC parce qu'ils font naître les Ases sur le bord du fleuve Don. La rune pour ase désigne aussi lestuaire (donc le Don). Quand les Goths sont en Scandinavie, Thor dieu au marteau surclasse Odin. Puis c'est la conversion à l'arianisme.

Le message culturel des Goths aurait été transmis par leur orfèvrerie. A côté du Trésor royal (les recettes fiscales), le Trésor ancien (l'ancien butin) était magique et inaliénable. Il comprenait la Table d'Emeraude (Roderic de Tolède dit qu'elle était soutenue par 365 pieds d'or massif) et le Missorium, un vaisseau (vase ou plat) d'or massif enrichi de pierreries de 50 livres. Ce trésor était gardé par le Comte des Secrets (selon l'Histoire générale de l'Espagne de Menendez Pidal). Le chroniqueur marocain Aben Adhari parle de 64 serrures protégeant ce butin. Dagobert en 625 aurait poussé jusqu'à Saragosse pour le prendre à Swinthilla. Son successeur Sisenand, protégé des Francs, livre le Missorium à Dagobert, mais selon la Chronique de Frédégaire 23 des Wisigoths indignés attaquent le convoi et ramènent le Missorium à Tolède. Tariq ramena le Trésor à Damas au khalife Walid.

Un trésor gothique fut trouvé à Petroasa en Roumanie en 1837 qui allait connaître une histoire rocambolesque. Il pourrait s'agir du trésor du wisigoth païen Athanaric, poursuivi par les Huns, qui l'enfouit en 380 tandis que, selon Ammien Marcellin, le prince goth chrétien Fritigern allait se fixer au sud du Danube comme vassal de Constantinople.

A Toulouse et en Espagne il y eut au total 33 rois goths. Selon le chroniqueur arabe Al Kazarazdji 25 couronnes sont dans le trésor de Tolède en 711, une par roi avec son nom. 8 ont donc dû être cachées nous dit De Sède (p. 87). En 1859 un trésor est trouvé par des paysans à la Fuente de Guarrazar. Selon de Lasteyrie, le ministre des beaux arts de Napoléon III put mettre la main dessus rapidement pour son installation au musée de Cluny. Il s'y trouvait sept grosses couronnes, quatorze moindres, une colombe d'or, des vases etc. La plus grande couronne était du roi Receswinthe (653-672) 28ème roi qui réunit en un seul code les rois gothiques et romaines. Un recéleur en avait fait fondre une partie. Un autre avait restauré les couronnes. Un officier d'artillerie français lui racheté son butin. Mais une partie du trésor restait enfouie. S'y trouvait la couronne de Swinthilla (620-626) qu'un paysan allait redonner à la reine d'Espagne tandis que Pétain donna celle de Receswinthe à Franco en 1940.

Il y a aussi le trésor issu du sac de Rome par Alaric, dont l'Arche d'Alliance. El Maxin voit la table des pains d'oblation du temple de Salomon dans le trésor ramené à Damas en 711 mais la confond avec la Table d'Emeraude. Wallia, troisième roi wisigoth (415-419) a caché un temps le Trésor ancien à Carcassonne. Peut-être la partie héébraïque y est-elle restée. C'est l'avis d'Abadl de las Vinhyas et de Gaston Jourdanne. Les fouilles n'ont rien donné de ce côté là. De Sède pense qu'Amalric enterra le trésor sur le littoral languedocien. A Narbonne en 531 les Francs ne trouvèrent rien. Reste la forteresse de Rhedae, Rennes-le-Château...

Wotan fut pendu à l'arbre Ygdrasil qui est l'axe du monde. Il y resta pendant neuf nuits, puis le jour se leva, il regarda la terre, vit les runes. Aussitôt il fut dépendu et se mit à grandir, il acquit le don d'ubiquité, celui de prendre la forme des animaux, de paralyser de terreur l'ennemi, racontent les Eddas. C'est un récit gnostique (p. 115).

Les runes sont des caractères magiques. Il y a des runes amères et des runes secourables, victorieuses, médicinales etc. Le magicien Egin guérit une fille folles après que des rues aient été mal écrites par un paysan sur des ouïes de poisson pour la guérir. "Que personne ne prene sur soi de tracer des runes s'il ne sait pas les disposer" dit-il. Le paysan avait en fait placé des runes d'amour (Mannrune) mal écrites dans le lit de la belle. on pouvait prédire l'avenir en agitant avec art et dans le bon sens des bâtons sur lesquels étaient gravés des runes (ce serait les ancêtres des baguettes magiques). Tacite l'affirme. Ces baguettes magiques "scythales" étaient peut-être des baguettes de déchiffrement. Runa veut dire secret. C'est une écriture hiéroglyphique que les Goths auraient pu recevoir des Egyptiens via les Sémites selon de Sède.

Bryljufsen les déchiffra en 1823 et Grimm écrivit sur elles. La première lettre faihu désigne le bérail et la dernière othal la propriété foncière (et Wotan). Cet alphabet a été simplifié au IXe s. La rune Othal fut supprimée et la rune maléfique pour grêle fut remplacée par poisson d'eau douce et qui forme aussi le monogramme du Christ apparu à Constantin. Et la rune de ase devient celle de frêne. Homme est remplacé par tombe pour rappeler le caractère mortel de l'homme, arc par calice (p. 126). Le collier d'or de Petroasa porte en runique l'inscription "du temple des goths sacrés je suis".

Le chanoine de Bayeux du 12e s Robert note que Wotan c'est Mercure-Hermès. H. Léo en 1822 nota qu'il était ignoré des Alamans, des Francs, des Burgondes. Les Goths le leur ont apporté avec les runes. James W Marchand en 1959 nota que les Goths ne parlaient plus runique au Ve s. De Sève pensent que les runes ont été cachées après la christianisation, mais Moreri en 1789 et un mémoire de Perpignan de la même époque font état d'écritures hiéroglyphiques sur écorce d'arbre dans les archives de Carcassonne (brûlées en l'an II de la République).

La bible de Wulfila est lieu de l'invention d'une synthèse de runique, grec et latin, ancêtre de l'alphabet gothique. Chaque lettre de l'alphabet wulfilien a une valeur numérique comme en grec et en hébreux, mais pas forcément la même. Son ordre diffère aussi des autres alphabets. Peut être s'est il agi de garder une possibilité d'interprétation kabbalistique à travers cet alphabet. Deux signes qui ne sont pas des lettres conservent la rune de l'Ase Wotan et celle de l'Ase Tyr (dieu de la guerre).

Le nom de Wulfila, le louveteau, et ses origines d'Asie Mineure (selon Pilostorge) font penser à la Lycie et à Lycaon premier roi d'Arcadie (où se trouve la cité d'Asea). Le loup (symbole de l'hiver) cosmique Fenfir fut vaincu par les Ases qui l'enchaînèrent. Il attent le Ragnarokr ("crépuscule des dieux" dans Wagner). Pour de Sède, Wulfila assume le rôle du loup Fenfir qui engendrera un nouveau Wotan (Vidar) en tuant le premier (d'où le fait que son logos lui survive sous forme de rune), ce qui fait de l'arianisme un renouvellement de la vieille religion et non une rupture.

Certes les Goths n'ont rien à voir avec les ogives gothiques du 12e siècle, mais la sculpture romane doit tout aux barbares comme l'a montré Véronique Schiltz à propos de l'exposition "l'or des scythes" de 1975, et les symboles asiatiques de nos cathédrales furent peut-être apportés par les Goths (qui d'ailleurs n'étaient pas barbares - de Sède s'oppose explicitement à Fulcanelli et Leduc Viollet là dessus). Les fibules franques digitées trouvées dans les tombes mérovingiennes mais aussi gothiques ont suivi le parcours des Goths dans le Caucase, en Hongrie etc et ne sont pas franques mais gothiques, tout comme bien d'autres bijoux.

Le Gothique vient des Goths par l'influence méridionale transmise des église espagnoles au roman, et par les Vikings adorateurs de Wotan.Tous les évêques architectes des cathédrales ont des noms à consonnance scandinave et même des noms d'initiés odinistes (p. 157) : Runfar de Carcassonne, Aetternwald d'Evreux, Frodomond de Coutances, Chrodegand de Sées etc (entre 526 et 1133). En 1431, au concile de Bâle, évêques scandinaves et espagnols se disputent la préséance au nom de leur ascendance gothique, vantant la foi des rois goths.

St Jean dans son Apocalypse mentionne les Goths sous les noms de Gog et Magog (XX, IX) pour une régénérescence cosmique identique au Ragnarokr.

Puis De Sède poursuite son enquête sur le gothique, va retrouver des runes dans les cathédrales (y compris Chartres), va chercher les origines de la langue des oiseaux du côté des Cagots (qui seraient une tribu qui aurait suivi les Goths) ou Gavots des Pyrénées-Atlantiques (en Béarn) et des langues sifflées des bergers, dans des villages comme Aas et Assat qui évoquent les Ases. Le Wisigoth Wititza (750-821), devenu St Benoît d'Aniane, évêque dans l'Hérault, initia le pèlerinage à St Jacques de Compostelle et fusionna l'ordre de Colomban avec les bénédictins. De cette synthèse est né "l'art roman du soleil" : à l'époque carolingienne des confréries d'artisans se développèrent autour de ces monastères, ancêtres du compagnonnage. L'emblème qui résume toute la tradition compagnonnique porte le nom de "Pendule à Salomon" ou "Chemin de Compostelle". Il comprend 32 lettres inspirées des runes. Il vient des goths par l'intermédiaire des Cagots. St Savin naquit à Barcelone au VI e siècle et se fit ermite près de Poitiers. St Sava le Goth se noya en Serbie dans le fleuve la Sava qui prit son nom. Il y a une Ste Savine à Ravennes, capitale des Ostrogoths. Savin veut dire sage en occitan. Savin est une synthèse de tout cela. Le compagnonnage resta clandestin jusqu'en 1789. Il avait été condamné au concile de Lavaur en 1368 pour son ésotérisme, puis par la Sorbonne en 1655. Etonnant que l'Eglise ait fait appel à eux pour construire ses cathédrales, nous dit de Sède, mais c'est parce qu'il avait le monopole de la main d'oeuvre qualifiée. Il cite beaucoup de points communs entre les Ases et l'alphabet des compagnons de la pendule à Salomon et révèle que l'emblème maçonnique X X (équerre et compas) engendre une série d'othal X X X X qu'on trouve dans des églises de l'aire wisigothique : Le Puy, Saintes, Lorigac, en Espagne et en Suède. Les animaux dans les cathédrales gothiques aussi sont des Ases, y compris l'âne à cause du jeu de mots Asinus-Asinius (âne-ase) mais aussi parce que pour les premiers chrétiens Jésus était un dieu-âne (d'où l'âne dans la fresque de la cathédrale de Lescar). il s'agit de créer des ponts entre les astrologies des cultures païennes et le protestantisme. Les Fêtes des Fous à l'issue des messes de l'âne furent longtemps célébrées selon Rouillard, notamment à Chartres. Les réminiscences des rites ondinistes y sont évidentes nous dit de Sède.

Voilà qui donne un peu le vertige...

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Yvonne-Aimée de Malestroit (1901-1951)

2 Février 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme

Dès 9 ans elle précise par écrit qu'elle veut devenir sainte et martyr. A 21 ans elle eut sa première apparition de Jésus. Dans les années 1920 elle va recevoir des songes. Son confesseur lui demande de les noter par écrit. L'évêque de Vannes lui interdit tout contact avec le monastère voisin pendant 5 ans, elle intégra Malestroit en 1927. Elle fait preuve de bilocation (par exemple à Strasbourg pendant la guerre, puis à Paris en 1943 dans le métro entre Montparnasse et Denfert-Rochereau alors même qu'elle était en prison torturée par la Gestapo, le jour de son envoi dans un convoi pour Compiègne auquel son ange la soustrait in extremis), manifeste des stigmates périodiquement.

Dieu lui donna un anneau mystique. Mais certaines de ces manifestations n'ont jamais été connus par des religieuses proches d'elles.

Les visites que Jésus lui rendait étaient précédées par un parfum que les autres pouvaient entendre. Le démon aussi la visitait. Un jour témoigne le père Paul Labutte, dans le petit salon de la clinique, l'évêque de Bayeux et une religieuse, comme ils parlaient de ravitaillement pour les Parisiens, elle était inquiétée par des présences. "N'est-ce pas le démon qui vous tente ?" demande l'évêque. "Oui Mgr" répond-elle, et trois lignes rouges de sang s'imprimèrent sur sa poitrine.

Elle vit les guerres, les foules fuyant le feu. Jésus vint lui dire souvent "souffre, prie, c'est en expiation", puis le globe tournait en feu devant ses yeux horrifiés. "Reste calme" lui disait Jésus. En 1922 elle eut une vision. Sur la mappemonde il y avait un gros chiffre, 17, et sur la France 39. La Ste Vierge portait une corbeille de roses. Elle avait l'impression que le tableau durait 4 à 5 années. Après quoi elle vit une France lumineuse éclairant et pacifiant le monde après un temps qu'elle n'a pu évaluer, ce qui peut-être rejoint la prophétie de Marthe Robin (15'27).

Lorsqu'elle voyait en septembre 1923, dans le train entre Paris et Le Mans, les bombardements et les troupes d'occupation dans ses rêves prophétiques une voix grave et douce lui disait "ce sera l'épreuve, la grande épreuve, prie, prie beaucoup".

Elle hébergea dans son monastère des résistants pendant la guerre, notamment le général Audibert, commandant de la région Ouest de l'Armée secrète. A trois reprises des songes lui avaient annoncé une épreuve en 1943, comme un coup de glaive dans le coeur : un prêtre ami de la communauté voit en elle une nouvelle Magdeleine de la Croix de Cordoue.

De Gaulle lui rendit visite à la Libération pour lui remettre la légion d'honneur après qu'elle eût reçu la croix de guerre avec palme. Il ôte son képi. Le 7 août 1949, le général Audibert a demandé la croix de guerre pour la clinique. Yvonne-Aimée reçoit aussi la King's medal britannique. C'est une cérémonie qu'elle avait vu en songe en 1929 (beaucoup de religieuses devant la clinique, dont elle, un jour de fête, quatre ou cinq médailles sur sa poitrine, un grand officier la salue, une autre religieuse porte une médaille). La voix lui disait dans le rêve "les généraux ont leurs heures de gloire et de malheur, un d'eux a mérité et démérité mais Dieu se souviendra des bonnes actions, et à cause de cela pardonnera, mais il aura à expier. Si à cause de ta souffrance et de ta prière, Dieu a épargné les plus grands malheurs à la France, et à l'Angleterre, si à cause de toi, la lutte s'est terminée plus tôt, il te faudra encore beaucoup souffrir pour la paix du monde."

Depuis sa fièvre typhoïde, elle traine une albumine à 4 g, un fibrome depuis 1939. On évoque trois maladies mortelles. Fondatrice de la fédération supérieure des augustines (32 monastères), elle se déplace souvent après 1946, notamment en Angleterre auprès de mère Mary Michael.

Bonne fille rieuse, gourmande, portée sur la danse, pas studieuse, elle n'avait pas depuis l'enfance le genre bonne sœur.

Elle ne craignait que le diable (qui lui apparaissait et qui selon l'abbé Lanutte aurait tué sa contemporaine Marthe Robin).

Le père Laurentin, rapporteur du dossier de canonisation, a regretté dans la vidéo ci-dessus que le cardinal en charge de l'instruction ait suspendu le processus comme pour d'autres mystiques. On peut en effet le regretter, d'autant que parallèlement la canonisation de Jean XXIII et celle de Jean-Paul II ont été accélérées. La méfiance de l'Eglise à l'égard des mystiques rejoint-elle une tendance protestante hostile aux visionnaires ? (comme dans la vidéo ci-dessous)

Sur les dangers de l'oecuménisme (applicable aussi aux protestants, sauf bien sûr si ce sont les protestants qui ont raison), voir ceci :

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La mystique Sainte Marie des Vallées

23 Janvier 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme

On a noté qu'au début du XVIIe siècle, "un immense besoin de vie religieuse précipite les âmes vers le cloître et les austérités. Les anciens ordres religieux renaissent et se réforment, de nouveaux apparaissent; il semble qu'il n'y en aura jamais assez pour contenter tous les désirs et toutes les impatiences. Sainte Chantai passe sur le corps de son fils pour aller au couvent; Mme Acarie entraîne ses trois filles aux Carmélites et son laquais y devient sacristain; sur les conseils de M. de Bérulle, une dame mariée entre en religion aux Feuillantines, le mari se fait Feuillant, leurs valets les imitent, et en un clin d'oeil la maison est vide; Mme de Peltrie, pour échapper à ses parents qui la retiennent dans le monde, contracte un mariage fictif avec M. de Bernières qui consent à la supercherie. De tous côtés surgissent des voyantes et des prophètes : Marie des Vallées, la béate de Coutances, qui dirige le P. Eudes, a des imitatrices dans toutes les provinces. Comme il est naturel, tous les mystiques n'ont pas assez de tempérament pour se contenir dans de justes bornes; sur le mysticisme se greffe l'illuminisme. D'Espagne, où ils ont été chassés par des édits royaux, arrivent des alhumbrados, ancêtres de Molinos et de Malaval... La Picardie, la Normandie, le pays chartrain en sont infectés; Raoul Vason et Laurent
de Troyes, capucins dévoyés et apôtres de la foi nouvelle, sont enfermés à la Bastille; Pierre Guérin et ses guérinets sont poursuivis, et saint Vincent emploie plusieurs années à les
interroger et à les examiner. L'entraînement est tel qu'à un moment on put craindre que l'illuminisme ne pénétrât dans tous les couvents, et le P. Joseph dut prendre des mesures de
rigueur pour en préserver ses Calvairiennes. Enfin, sur l'illuminisme s'entent la possession et la folie : on connaît l'histoire des possédées de Loudun, de Louviers et de Chinon. Marthe Brossier fait courir tout Paris, et les écrits du Dr Marescot et de M. de Bérulle sur ce cas de possession soulèvent plus d'émotion et de tapage que ne le feront les Provinciales". Encore peut-on dire que ces livres avaient un succès d'actualité; mais la littérature pieuse de ce temps nous révèle les mêmes tendances mystiques. Les livres espagnols nous envahissent, et la Theologia Mystica de Henri Horphius, traduite en 1605, devient le bréviaire des directeurs. Parmi les écrivains pieux, les Capucins sont les plus féconds et les plus aimés du public. Le P. Laurent publie en 1631 ses Tapisseries du divin Amour, le P. Honoré de Paris son Académie évangélique, le P. Philippe-d'Angoumois ses Élans amoureux. ... Mais comme ces sentiments sublimes ne sont pas à la portée de toutes les âmes, dans d'autres ouvrages qui apparaissent bientôt en nombre incroyable, le mysticisme se colore de symbolisme aimable, où les souvenirs du paganisme et les pointes d'esprit se mêlent aux élans du coeur. Ce sont les Jésuites surtout qui les écrivent; plus mêlés à la société que les Capucins; ils ont senti le développement rapide de la « préciosité » clans le beau monde et ils cherchent à utiliser cette man
ie pour le bien des âmes." Toutes formes de religiosité auxquelles St Vincent de Paul opposera le travail et la simplicité.

Au nombre des dévotions nouvelles, il y a celle au Coeur de Jésus de la Vierge, inventée par le Père Jean Eudes, fondateur de la Congrégation de Jésus et de Marie qui lui est dédiée, et très décriée en son temps (notamment par les jansénistes). Marie des Vallées en est l'origine

(Marie-Marguerite Alacoque allait avoir les mêmes révélations sur le Sacré Coeur de Jésus).

Marie des Vallées, simple paysanne normande née en 1590, fut possédée par le diable à partir de 19 ans, à l'initiative d'un jeune homme qui s'en était allé voir un sorcier (le village qui l'adorait dut se cotiser pour la nourrir) puis elle récidiva 4 ans plus tard alors qu'elle était allée voir un guérisseur-sorcier. Le diable en elle l'ayant poussée à accuser à tort un notable, cela la conduisit à subir un procès en sorcellerie à Rouen avec diverses maltraitances, et d'être beaucoup éprouvée et détestée, alors que les exorcismes échouaient. Néanmoins elle n'eut jamais peur du diable qui lui semblait moins dangereux que les sorciers parce qu'il ne pouvait faire que ce que Dieu leur permettait et priait pour le salut de ces derniers. Vers 1615, à 25 ans, elle voulut être gouvernée directement par Dieu pour les moindres gestes comme Ste Catherine de Gênes (1447-1510) qui avait vu le Purgatoire comme Marie vit l'Enfer, ce qu'elle obtint, mais qui l'empêcha de communier pendant 33 ans et de maîtriser notamment sa mémoire (mais c'est grâce à ce "pilotage automatique" qu'elle fut obligée de communiquer à Jean Eudes tout ce qu'elle vivait).

Toujours désireuse de souffrir plus et de porter sur elle les péchés du monde, elle visita l'Enfer pendant plusieurs années, puis reçut en elle un "mal de douze ans" qui était l'Ire de Dieu contre les pécheurs, qui était selon elle bien pire que l'Enfer.

En 1646 la Vierge ordonne à Marie des Vallées de réciter chaque jour de l'octave un Magnificat (auparavant Marie Des Vallées vit aussi "le Seigneur tirant son propre cœur environné de flammes de sa propre poitrine et lui disant : Voilà notre cœur" - d'autres échanges de coeurs de ce type avaient eu lieu avec des saintes). La Trinité et la Vierge allaient lui révéler d'autres vérités supérieures notamment sur le gouvernement de Marie sur les créatures, la valeur du Rosaire, la supériorité de l'Ave Maria sur le Pater, le jugement de Dieu sur l'Eglise etc. Saint Jean Eudes, qui l'avait rencontrée en 1641, recueillit ses visions parce que Dieu ordonnait à la sainte qui n'avait aucune maitrise sur sa mémoire de les livrer ; à sa suite il soutiendra que le coeur de Marie et celui de Jésus sont un seul et même coeur. Lui et Marie créèrent ND de la Charité à Rouen.

Le récit de ses exorcisme fait penser à celui, à la même époque, du père Sébastien Michaëlis prieur de Saint Maximin : Histoire admirable de la possession et conversion d'une pénitente [Madeleine de Demandouls, autrement de La Pallud] séduite par un magicien... conduite à la Scte Baume pour y estre exorcizée l'an 1610... soulz l'authorité du R. P. F. Sebastien Michaelis ... commis par luy aux exorcismes et recueil des actes le R. P. F. François Domptius ,... Ensemble la Pneumalogie, ou Discours des esprits du susdit P. Michaelis ... corrigé et augmenté par luy-mesme, avec une apologie explicative des principales difficultez de l'histoire... Édition seconde - 1613

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"Traité de la constance" de Juste Lipse (Justus Lipsius)

12 Janvier 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées, #Philosophie

Juste Lipse (que j'ai connu par la lecture de De Maistre, qui sans doute admirait son côté "protestant converti au catholicisme", qui l'apparente à la conversion courageuse du cardinal Newman d'Oxford 350 ans plus tard) est une référence de l'humanisme flamand. Wikipedia le présente comme un restaurateur du stoïcisme sous les cieux de la Renaissance, un homme doux et mélancolique qui cultivait une amitié délicate pour les tulipes et son chien, comme le mit en scène Rubens dans ses portraits (on oublie souvent que le peintre Rubens, bien qu'il peignît des natures plantureuses, cultivait lui aussi un stoïcisme austère, et fut le disciple favori de Juste Lipse - cf l'analyse de ses correspondances p. 14).

Son Traité de la constance de 1594 réunit ces traits dès la première ligne. On y perçoit un homme blessé par les guerres de religions qui ravagèrent les Flandres pendant des décennies (et aboutirent à l'indépendance de la Hollande). Ces Flandres où l'on voit "les champs être gâtés et ruinés, les villes être brûlées et renversées, les hommes être rançonnés et tués, les femmes d'honneur être violées, les vierges déshonorées".

Il dit comment, ayant tenté de fuir vers Vienne (dans les années 1580), il s'arrêta à Liège chez son ami Charles Langius (chanoine de la cathédrale Saint Lambert à Liège) qui le persuada de renoncer à s'évader pour rechercher le mal en lui-même à travers la lecture des philosophes qui lui étaient déjà chers du temps où il étudiait chez les Jésuites à Cologne, et y remédier en se forgeant une morale stoïcienne.

"J'appelle constance, fait-il dire à Langius au premier livre, la juste et ferme force d'un esprit qui n'est point élevé ou abaissé de ce qui est externe ou fortuit". Il l'oppose à l'obstination inspirée par l'orgueil (à l'image du ballon plein de vent qui tend toujours à s'élever). La constance a pour mère la patience et l'humilité.

L'âme est le feu, participant de l'esprit divin nous dit Lipse en empruntant à Sénèque, mais le corps qui provient de la terre et inspire l'opinion tente de le recouvrir. La partie la plus pure de l'âme est la raison. La constance est la Népanthe (l'herbe homérique anti-mélancolie qu'on mélange au vin). Il faut vaincre la convoitise, la joie, la crainte et la douleur pour qu'elle se manifeste pleinement.

Certains ont opté pour le stoïcisme pour vaincre les maux que leur causent l'amour. Lipse, lui, le confesse : son mal vient tout entier de son amour pour son pays livré aux flammes. Langius lui oppose que le souci du bien public et de la paix est surtout inspiré par la volonté de se préserver soi-même et que tout homme doit se soucier des malheur de tout l'univers et non de sa seule patrie. Il faut mourir pour la patrie mais non pleurer pour elle et ses malheurs sont envoyés par Dieu. Condamner ces malheurs ou les fuir c'est prétendre voler le sceptre de Dieu duquel ainsi que Platon l'a enseigné il faut toujours se rapprocher, et dont la constance sera notre bouclier.

La Providence est au dessus du Destin, comme jadis Isis au dessus de Fortuna.

Outre le corps du livre lui-même il est utile d'en lire la préface qui rappelle la difficulté à l'époque de faire l'éloge des philosophes païens face à la très puissante hiérarchie catholique. Bien que la philosophie soit sa passion, Lipse se sent contraint de l'abaisser face à la théologie, et même la réduire au rang d'une frivolité pour éviter la censure. On comprend mieux pourquoi au même moment Montaigne, qui était lui aussi tout acquis à la cause philosophique (en penchant vers celle des stoïciens mais moins nettement que Lipse), ne cessait de ranger ses Essais dans le registre du divertissement et de la détente. Les traits de caractère communs entre Lipse et Montaigne sont d'ailleurs assez perceptibles.

Le christianisme depuis St Augustin (ses remarques sur Caton d'Utique) jusqu'à Brunetière (ses propos sur Marc-Aurèle) blâma chez les stoïciens leurs orgueil. Lipse invente un stoïcisme sans orgueil.

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La vie de Sainte Elisabeth de Hongrie par le comte de Montalembert

18 Décembre 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

La vie de Sainte Elisabeth de Hongrie par le comte de Montalembert

Les hasards de la vie (mais il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous) me poussent à m'intéresser aux franciscains. Je suis un peu choqué par ce qui me paraît être, dans les Fioretti, la marque d'un masochisme excessif, mais je trouve aussi dans l'imagerie du feu qui entoure le séraphin qui s'adresse à St François juste avant sa stigmatisation des éléments qui me parlent. Et puis je ne peux pas oublier non plus que Christophe Colomb lui aussi faisait partie du tiers-ordre franciscain, et moi qui aime tant depuis longtemps la Hongrie, j'ai été amené à m'intéresser il y a peu à une autre tertiaire illustre qui a une belle église à Paris inaugurée par une de mes vieilles connaissances, le cardinal de Retz au XVIIe siècle, Sainte Elisabeth de Hongrie - 1207-1231 - (Elisabeth est le nom d'une de mes deux grand-mères refermons la parenthèse).

En 1836, le comte de Montalembert, le catholique libéral défenseur des peuples opprimés, qui n'avait alors que 26 ans mais était déjà pair de France, lui consacra une biographie à la mémoire de sa soeur, morte à quinze ans, et qui elle aussi portait ce prénom. Il ouvre son récit sur l'évocation de sa visite à Marbourg, le jour de la fête de la sainte, où il avait trouvé la basilique largement profanée par les protestants, abandonnée alors même qu'elle avait été le lieu d'immenses pèlerinage. La tristesse de l'abandon de la sainte l'avait poussé à enquêter sur elle. Après une vaine tentative pour se rendre à Presbourg sa ville natale de Hongrie (aujourd'hui Bratislava en Slovaquie), il s'était rendu à son château de Wartbourg, à Creuzburg où elle fut mère, au monastère de Reinhartsbrunn où elle entra à 20 ans tandis que son mari partait pour les Croisades où il allait mourir, à Marbourg où elle-même mourut à 24 ans (un peu comme Isabelle Sandy, dont je lisais il y a trois jour le roman sur Nicolas Flamel en pleine bombardement de Pais en 1914 se rendait sur les lieux de la vie du célèbre alchimiste).

Cette seule évocation des lieux de vie de la sainte nous fait apercevoir son itinéraire, un itinéraire de météorite, celui d'une éternelle jeune fille comme les saintes martyres du bas empire romain, ou Sainte Bernadette Soubirous).

Montalembert souligne combien Elisabeth de Hongrie est la fille d'un XIIIe siècle apogée spirituel du christianisme. Pourtant observe-t-il, le XIIe siècle avait mal fini et "l'écho de la voix de saint Bernard" avait fini par se perdre, après la prise de Jérusalem par Saladin, l'assassinat de Thomas Becket, la captivité de Richard Coeur-de-Lion, les violences de Philippe-Auguste contre sa femme, les cruautés de l'empereur Henri VI en Sicile, les progrès des hérésies vaudoise et albigeoise, le relâchement des religieux. Mais en 1198 le sacre du beau pape Innocent III, l'homme qui faillit effacer le schisme avec l'Orient et répara mille injustices de l'Espagne à la Scandinavie, annonce un renouveau qui allait notamment s'incarner dans la croisade des enfants de rois de 1212 où ils périrent tous, la prise de Constantinople, las Navas de Tolosa, la magna carta anglaise, la chute des Hohenstaufen, la sainte bataille de Bouvines, la prédication de St Dominique et de St François. En 1277, 417 couvents dominicains, les franciscains sont des milliers. St Louis fut un pénitent du tiers ordre. Clara Sciffi, Ste Claire, ordonnée par St François fonde les clarisses. Elisabeth de Hongrie sera la première princesse franciscaine, mais sa cousine Agnès de Bohème et Isabelle de France, soeur de St Louis, et les deux filles de Ferdinand de Castille et la soeur du roi du Portugal, et des membres de la famille de Ste Elisabeth - sa belle soeur reine de Galicie, sa nièce duchesse de Pologne, deviendront clarisses et sa petite fille devenue reine du Portugal sera du tiers ordre. Tout cela devait beaucoup à Marie. Les dominicains ont institué le rosaire et les franciscains le dogme de l'immaculée conception. Elle inspira la fondation du Carmel, des servites dont un saint instaura la dévotion aux sept douleurs de la Vierge, et l'ordre de ND de la Merci. Des ordres naissent partout et des saints, avec des apparitions et des miracles. Ce christianisme dominait la sphère politique et intellectuelle. Les cathédrales allaient exprimer cela. Et le culte marial de la poésie mystique française et allemande allait déboucher sur le culte de la femme terrestre chez Dante.

Elisabeth venue de la Hongrie inconnue, grandit à la cour de Thuringe. Epouse exemplaire elle voit son mari céder à l'appel des Croisades et se tourne vers Dieu. A la mort de son mari, elle est jetée à la rue avec ses enfants à 20 ans, mais refuse de se remarier, reste avec les pauvres et épouse le Christ. Elle meurt en chantant un cantique.

L'oeuvre biographique de Montalembert vise surtout à contribuer à la restauration du christianisme. "Tous ont le droit d'entrer dans la famille de Jésus-Christ,quand ils font un excellent usage de leur Rédempteur et de leur père, et du lait de la sacrée Vierge, leur mère ; oui, de ce sang adorable qui encourage les martyrs, qui enchante leurs douleurs... et de ce lait virginal qui adoucit nos amertumes en apaisant la colère de Dieu" (vie de Ste Elisabeth par le RP Apollinaire, 1660, p. 41) . Inverser la volonté des savants modernes de remplacer la Vierge par Vénus (la fleur "soulier de la Vierge" devient Cypripedium Calceolus). "Un jour viendra où l'humanité demandera à sortit du désert qu'on lui a fait" (CXIII)

Sa longue préface à la vie de la sainte sert à cela. Et l'on est surpris d'y trouver tant de profondeur, de piété et d'intelligence. On y trouve aussi une forme de christianisme germanophile qui se fera plus rare après 1870 en France.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6106035h p. LI

Pour ce qui concerne la postérité d'Elisabeth de Hongrie (de Thuringe), j'ai appris il y a peu avec étonnement que dans la basilique Saint François de Majorque la tombe de Raymond Lulle, moine alchimiste et martyr décédé en 1315, est ornée d’une statue grandeur nature de Sainte Elizabeth de Hongrie (dite encore de Thuringe) portant dans un pan de son manteau une couronne de roses d’or.

Brantôme (1537-1614) fait commencer son hommage à Elisabeth de France (1545-1568) en disant qu'il ne s'en était pas vu d'aussi vertueuse depuis Sainte Elisabeth de Hongrie et que toutes les Elisabeths semblent prédestinées à la vertu.

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