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Le docteur Bruce Lipton et les serpents
Le Dr Bruce Lipton déclarait dans une conférence "Your body is an illusion" (votre corps est une illusion) qu'il existe dans le Sud des Etats-Unis un groupe appelé les "Fondamentalistes baptistes" qui pratique l'extase mystique qui pratiquent leur foi au milieu des serpents venimeux comme des crotales et ne sont pas atteints par leur morsure. Certains peuvent même absorber de la strychnine en grande quantité sans être atteint.
"Alors pourquoi s'inquiéter tant des toxines de la nourriture ?" demandait ce médecin. La réponse finale qu'il donne : parce que nous manquons de foi.
Il citait aussi dans sa vidéo, un article du Psychiatric Quaterly de 1960 (1960 34:405-429) intitulé "Ordeal by serpents, fire and Strychnine, A study of somme provocative psychosomatic phenomena") dont l'abstract indiquait que dans l'Eglise de la sainteté libre pentecôtiste (Free Pentecostal Holiness Church) on manipulait, comme dans l'actuelle Eglise fondamentaliste baptiste actuelle, des crotales et ingérait leur strychnine à dose toxique.
Bruce Lipton enseigne la biologie cellulaire à la faculté de médecine de l’université du Wisconsin, il se consacre à des recherches sur les cellules souches et la membrane cellulaire qui ont joué un rôle précurseur dans le développement de l’épigénétique, la discipline scientifique qui explore l’influence de l’environnement sur l’ADN.
Il a été interviewé en français par les journalistes Maxence Layet et Miriam Gablier dans une vidéo en vente sur le Net. Le réalisateur Jean-Yves Bilien lui fait aussi de la publicité sur son site, ainsi que le docteur Roger Lecurieux Clerville, spécialiste en Médecin physique et de réadaptation à Marseille.
La résistance au serpents est-elle purement psychosomatique ou a-t-elle une origine transcendante ? Pour un chrétien, sans doute, l'expérience n'est valide qu'en fonction d'une prophétie biblique et non du fait d'une "énergie mentale".
Certains historiens estiment que la manipulation de serpents existait déjà chez des chrétiens aux Etats-Unis avant lui, mais pour beaucoup le tournant dans cette pratique vint de George Went Hensley, pasteur de l'Église de Dieu , qui fonda le groupe religieux pentecôtiste en 1909 aujourd'hui appelé Église de Dieu suivie de signes (Church of God with Signs Following). Les membres adultes pratiquent parfois ce qu'ils appellent "prêcher les signes" : boire de la strychnine ou un autre poison et s'exposer à la morsure par des serpents venimeux. Ils ont confiance aux défenses naturelles sur le fondement du passage biblique: Marc 16: 16-18 : "Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné. 17 Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru: en mon nom, ils chasseront les démons; ils parleront de nouvelles langues; 18 ils saisiront des serpents; s'ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal; ils imposeront les mains aux malades, et les malades, seront guéris." Même si certains théologiens estiment que le verset sur les serpents n'était pas dans la version originale de Marc, d'autres au contraire estiment que le fait que dans les Actes des Apôtres Paul ait été mordu par un serpent sans être blessé valide l'hypothèse d'une résistance du chrétien à l'égard du serpent.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, ces pratiques s'étaient généralisées dans toute l' Église de Dieu , même si elles n'étaient pratiquées que par une petite minorité de ses membres. Toutefois l' Assemblée de l'Église de Dieu en 1928 condamna cette pratique car il y eut des morts. Cependant, certaines congrégations ont quitté la dénomination et ont poursuivi leurs pratiques de manipulation des serpents.
L'État du Tennessee a interdit la pratique et supprimé le groupe après le décès de son membre Lewis Ford en 1945. Hensley lui-même est décédé des suites d'une morsure de serpent en Floride en 1955, à plus de 70 ans. Après deux décès supplémentaires dûs à la consommation d'alcool et à des décès proches, des procès ont abouti à une décision de la Cour suprême du Tennessee de maintenir l'interdiction de l'État. Des congrégations indépendantes de "gens des signes" existent encore de la Floride à la Virginie occidentale et à l'ouest de l'Ohio. JG Melton estime qu'il existe entre 50 et 100 congrégations "des signes" comptant plusieurs milliers de membres. Environ 5 personnes par décennies meurent de ces pratiques ce qui constitue une infime minorité par rapport au nombre de pratiquants.
Une autre église, l’ église pentecôtiste de Dieu originelle, croit également à l’expérimentation de serpents venimeux. Cependant, ils ne veulent pas " tenter Dieu " en mettant des serpents à leur service et préfèrent les rencontrer dans la nature.
La manipulation de serpents en effet méconnaît le commandement de ne pas tester Dieu, mais beaucoup de ses adeptes estiment que c'est une manière de réaliser la prophétie, donc c'est le résultat d'une prescription.
La philosophie grecque du point de vue de l'eschatologie biblique
Je m'interrogeais dans un billet d'hier sur l'intérêt du combat de St Jean de la Croix du point de vue de la science de la fin des temps.
On peut formuler la même question à propos de la philosophie grecque.
Beaucoup d'hérétiques en ce moment comme Jean-Marc Thobois ou Jacques Colant en France (ou les adventistes du 7e jour aux Etats-Unis) se plaisent à retraduire l'Evangile en hébreux (par là je ne veux pas dire que tout l'évangélisme est hérétique, mais celui qui opère cette régression hébraïsante à l'évidence l'est, d'autant qu'elle se place explicitement au service du projet antéchristique de construction du troisième temple). C'est un contre-sens. Si le Nouveau Testament est révélé en grec, cela faisait partie à l'évidence du plan de Dieu. On ne peut pas troquer une langue sacrée pour une autre sans déformer délibérément la nature-même de la révélation (ce qui est évidemment très grave).
J'approuve le philosophe américain E. Michael Jones quand il dit qu'il faut prendre très au sérieux le fait que St Jean présente le Christ comme le Logos de Dieu - Au principe était le Logos/verbe, et le Logos/verbe s'est fait chair - avec toute la charge philosophique que comprend ce terme (le logos est savoir, science et ordre).
L'héritage du geste de la philosophie grecque est explicitement assumé par St Paul dans les Actes des apôtres au moment de sa célèbre comparution devant un Aréopage d'Athènes pétri du souffle socratique (Actes 17:16-34). Le point le plus précis de cette acceptation de l'héritage se repère dans l'éloge que l'apôtre fait du culte rendu par les Athéniens au Dieu inconnu. On lit dans Plutarque et dans Dion Cassius que ce dieu a été introduit à Athènes par le crétois Epiménide, un des sept sages de la tradition hellénique, qui sauva Athènes de la peste à l'instigation de la Pythie de Delphes. Or Paul montre sa connaissance parfaite d'Epiménide dans l'Epitre à Tite où il cite l'aphorisme de ce sage "Tous les Crétois sont des menteurs" en présentant Epiménide comme un prophète (en usant exactement du même mot que pour les prophètes d'Israël). Epiménide est un prophète parce qu'il a annoncé le Dieu inconnu qui, révèle Paul, était en fait le Dieu d'Israël. Le missionnaire protestant Don Richardson a écrit des lignes inspirées à ce sujet.
Paul connaissait les philosophies grecques et l'on ne peut considérer comme un hasard le fait que Dieu ait choisi pour fonder l'Eglise chez les Gentils un Pharisien de la diaspora instruit et très au faite de la culture païenne puisqu'il a grandi dans une ville commerçante, Tarse, où de brillantes écoles philosophiques s'étaient développées.
Comme l'Eglise chrétienne l'a très tôt admis, cela ne pouvait faire prévaloir la philosophie grecque sur la révélation, mais incitait à y voir un avant-goût de cette révélation voire une source d'éclaircissement sur certains points obscurs.
Point toute la philosophie grecque du reste - c'est pourquoi j'ai parlé de son "geste". Il me semble que le stoïcisme a peu à voir avec le christianisme. Son idéal de maîtrise de soi ne lui est pas propre - il traverse peu ou prou toute la philosophie sauf chez les matérialistes, les sensualistes et les cyniques. En revanche sa foi en une sympathie universelle dans la recherche de l'unité naturelle ouvre la porte, comme le bouddhisme, à la communion avec les forces démoniaques. De même l'épicurisme qui, comme l'a montré Renée Koch-Piettre visait à créer aux marges de la société une sorte d'église nourrie du fantasme de la divinisation de soi-même, ce qui est, par essence, luciférien.
A n'en pas douter ce qui dans le geste philosophique annonce le mieux le christianisme c'est le platonisme. St Augustin disait que par Platon il a compris ce qu'était le monde spirituel, beaucoup mieux que par le manichéisme qui avait été sa passion initiale mais qui d'après lui ne permettait pas de saisir ce qu'est l'Esprit. Il est vrai qu'avec sa définition des Idées, le platonisme ouvre la voie à une recherche de la transcendance radicale, articulée à une raison compatible avec l'incarnation du Christ - l'événement de l'incarnation du Verbe vient valider a posteriori, sous certaines conditions (notamment celle de la soumission à ses commandements, et donc celle de l'humilité) la prétention de l'être humain à participer d'une raison divine.
Cela n'ôte rien à la validité de la prophétie d'Esaïe 55:8 "Mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes voies ne sont pas vos voies" (car même en sa rationalité Dieu nous reste au moins en partie complètement inaccessible) mais interdit en tout cas, comme l'a noté E Michael Jones notamment, d'imaginer un Dieu qui n'obéirait pas à ses propres règles (sans en être cependant esclave) et un règne de la volonté qui vouerait le monde au chaos.
Reste la question de l'aristotélisme qui fait descendre la perfection du ciel des idées vers la finalité même des choses. Il y a sans doute des arguments théologiques pour s'en inspirer, mais je me méfie quand même quand on voit, comme le soulignait récemment un auteur, que les prémices de la scolastique musulmane ont jugé utile d'importer l'aristotélisme musulman à cause de ses succès dans des domaines aussi suspects que l'astrologie judiciaire...
En revanche je crois que de la philosophie moderne le christianisme, dans son positionnement devant les temps de la fin, n'a rien à retirer. Descartes est "inutile et incertain" comme disait Pascal. La subjectivisation de la réalité du monde par les empiristes et par Berkeley ou Kant est une hérésie. De même le panthéisme de Spinoza, l'immanentisme de Hegel qui reconnaissait lui-même sa dette à l'égard du médium Jakob Bohme, et toutes les philosophies de la volonté à partir du romantisme allemand et de Schopenhauer qui sont en réalité des formes de nihilisme. L'existentialisme est un luciférisme. Quant à la phénoménologie, quand je lisais il y a peu qu'un prélat avait dit que le pape Jean Paul II croyait en Medjugorje parce qu'il était phénoménologue, je me dis que dans ces conditions il vaut mieux ne jamais avoir lu Husserl...
Saint Jean-de-la-Croix au cachot
Les guerres d'extermination sont épouvantables. Dans un autre registre, les luttes fratricides le sont aussi, et même peut-être davantage. Les premières traduisent un refus de l'altérité, les secondes une passion de l'identité. Il faut que l'autre soit en tout point identique à soi-même, sans quoi il deviendra suspect. Et la haine prendra racine dans les plus infimes différences. En me penchant aujourd'hui sur l'histoire de Saint Jean-de-la-Croix, je découvrais cette histoire invraisemblable du mystique emprisonné pour neuf mois à Tolède, à partir de décembre 1577, non par des ennemis, mais par des rivaux : parce que lui était un carme déchaussé (il avait initié avec Ste Thérèse d'Avila cette réforme), et les carmes "mitigés" adeptes d'une règle moins rigoureuse, voulaient le faire rentrer dans leur rang, lui, et ses disciples d'Avila.
Ernest Razy au XIXe siècle décrivait en ces termes ses conditions de détention :
"Située à côté d'un lieu infect, la prison de Jean de la Croix était une étroite cellule dans laquelle il pouvait à peine faire quelques pas. Elle ne recevait qu'indirectement la lumière par un trou large de trois doigts, pratiqué tout en haut du mur et quiprenait le jour dans un corridor voisin, assez obscur lui-même. Pour dire son office, le prisonnier était obligé d'attendre qu'un rayon de soleil vînt un peu percer les ténèbres que la clarté ordinaire du jour était impuissante à dissiper. Lorsqu'il apercevait ce rayon si impatiemment attendu et qui lui semblait un sourire de Dieu, il montait bien vite sur un mauvais banc, qui composait tout son mobilier avec un lit formé de trois planches, et, grâce à ce marche-pied, il lui était possible d'entrevoir les caractères de son livre. Mais le soleil était-il caché par les nuages, il ne pouvait remplir ce pieux devoir.
Son geôlier, homme dur et sévère, lui donnait à peine de quoi manger et ne le faisait sortir que le vendredi, pour le conduire au réfectoire, à l'heure du repas des religieux. Là, on obligeait le patienta s'asseoir par terre, et lorsqu'il avait pris quelques bouchées de pain, trempé dans un peu d'eau, chaque frère lui donnait, successivement, la discipline, avec une telle violence, que longtemps après Jean de la Croix en portait encore les marques sur les épaules. Mais lui, adorant les desseins de Dieu, ne murmurait jamais et se consolait en pensant que le Sauveur du monde avait été aussi flagellé et qu'avant de mourir il avait subi des humiliations et des tourments de toute sorte."
On imagine que la peine est d'autant plus dure que le délit est inexistant, le saint n'ayant réformé le Carmel que dans l'espoir de plaire à Dieu. Et la cruauté de la sanction frappe d'autant plus qu'elle est infligée entre "frères chrétiens", et même des frères de la meilleure réputation, tous pétris des valeurs d'amour du prochain, tous convaincus de servir le même but. L'amateur de sciences humaines peut y trouver matière à méditation sur la folie de notre espèce. L'interrogateur de l'eschatologie que je suis récemment devenu peut s'interroger sur le sens de cet épisode.
A quoi cela a-t-il pu servir que ce saint fût enfermé dans ce cachot ? Et d'ailleurs à quoi cela a-t-il servi qu'il y eût cette scission parmi les carmes, et même qu'il y ait eu des carmes tout court car quelle est aujourd'hui, au seuil des temps de la fin, leur fonction en ce monde ? C'est sans doute la voix de mon ignorance qui parle ici. L'ignorance est injuste, mais elle a sa fraîcheur et donc sans doute son utilité.
Je n'ai pas une très haute estime de Sainte Thérèse de Lisieux depuis que j'ai vu une ancienne adepte de l'occultisme accompagnatrice de pèlerins à Medjugorje (cette imposture de Medjugorje) entretenir un commerce quasi-spirite avec elle (ou avec un démon qui l'imitait, il en va de même d'ailleurs du médium Henry Vignaud). Bien sûr ça ne veut rien dire, et certains médiums voient aussi Jésus, mais bon... A Lisieux il y a un hommage à certaines "fleurs du Carmel" comme Edith Stein morte en déportation, mais ces âmes nobles ne se seraient-elles pas tout autant épanouies dans un autre ordre religieux ? Concernant plus spécifiquement les carmes "déchaussés" enfants spirituels de St Jean de la Croix, on peut aussi penser au navigateur normand Pierre Berthelot alias Denis de la Nativité qui périt sous le glaive du sultan d'Achem, à Sumatra, en 1638 : lui aussi n'eût-il point eu un destin aussi glorieux dans un autre ordre ?
On dira que l'enfermement de St Jean-de-la-Croix lui permit d'écrire ses plus beaux poèmes mystiques. Mais à quoi nous servent ces belles envolées de l'âme si aujourd'hui elles sont citées comme de simples exemples de dépassement personnel de soi comparables à ceux des moines bouddhistes au yeux des jungiens, des "new-agers", des kabbalistes à la Arouna Lipschitz, bref toutes sortes de gens amis de la sorcellerie en qui le mystique castillan eût, du fin fond de son XVIe siècle, sans hésiter reconnu les pires ennemis de sa foi ?
Peut-être l'ardeur de St Jean-de-la Croix, comme celle de Ste Thérèse, eût-elle son utilité en son temps pour sauver beaucoup de couvents d'un grave corruption morale, et, par capillarité, beaucoup d'âmes dans les sociétés latines - en Espagne, en France, en Italie - ? Ce sont là des mystères que les historiens ne peuvent pas sonder.
Mais on est frappé de voir tout de même quelle absurdité entoure, du point de vue de notre époque, ce combat du saint castillan. Le militantisme d'Athanase d'Alexandrie contre l'arianisme près de 1 700 ans après fait encore sens aux yeux de beaucoup de lecteurs de notre époque, même pour des protestants qui lui reconnaissent d'avoir sauvé le christianisme de l'hérésie. De quoi le combat de St Jean-de-la-Croix au fond de son cachot a-t-il sauvé le christianisme ? S'il n'avait point défendu si âprement sa vision des choses, le monachisme catholique eût-il versé davantage dans les tendances idôlatres du petit peuple auprès desquelles les carmes "mitigés"persécuteurs du mystique se tenaient chaque jour ? L'univers de la papauté eût-il été alors moins bien armé dans la Contre-Réforme et les pays du Sud en eussent-ils glissé plus facilement vers le protestantisme ?
Mon goût pour l'histoire hypothétique ressurgit peut-être un peu trop facilement ici. Peut-être vient-il susciter inutilement la curiosité d'un intellect humain qui n'a de toute façon rien de pertinent à dire sur ce genre d'énigme. Agiter des idées autour de ce genre de sujet (qui est d'ailleurs un sujet fort grave car il touche aux plans ultimes du Créateur) est peut-être parfaitement imprudent et vain. Prenons donc alors les brèves considérations que je viens d'exposer comme de simples ballons d'essai, peut-être sans lendemain, nous verrons bien...
Bossuet : Sermon sur la passion de notre Seigneur
Il est fou de se dire que ce genre de propos était tenu devant la cour de Louis XIV, avec ses fastes, sa vanité et ses différents vices. Mais la société française à l'époque permettait que ce genre de choses soient dites au roi, et d'ailleurs la cour chrétienne de Louis XIV était sans doute plus disposée à les entendre que notre époque. Elle n'avait pas poussé le vice aussi loin que nos propres élites politiques aujourd'hui. Quand même il y a du mérite à lui avoir dit avec sincérité et inspiration ces choses, là, et dans une langue qui pour nous nous aide à voir sous d'autres lumières le message évangélique.
Quelques extraits d'un sermon que vous pouvez lire entier gratuitement ici.
"N'est ce pas que notre Sauveur savait que notre salut était dans son sang et que, pressé d'une ardeur immense de sauver nos âmes, il ne peut plus retenir ce sang, qui contient en soi notre vie bien plus que la sienne ?"
"C'est un prodige inouï qu'un Dieu persécute un Dieu, qu'un Dieu abandonne un Dieu ; qu'un Dieu délaissé se plaigne, et qu'un Dieu délaissant soit inexorable... Jetons nous donc, Chrétien, dans les horreurs salutaires du délaissement de Jésus ; comprenons ce que c'est que de délaisser Dieu et d'être délaissé de Dieu. Nos coeurs sont attachés à la créature ; elle y règne, elle en exclut Dieu ; c'est pour cela que cet outrage est extrême, puisque c'est pour le réparer que Jésus s'expose à porter pour nous le délaissement et le dédain de son propre Père".
"Tout se tourne en croix ; et premièrement les amis. Ou ils se détachent par intérêt, ou ils nous perdent par leurs tromperies, ou ils nous quittent par faiblesse, ou ils nous secourent à contretemps, selon leur humeur et non pas selon nos besoins ; et toujours ils nous accablent".
"Le perfide Judas nous fait voir la malignité de l'intérêt... C'est toujours l'intérêt qui fait les flatteurs ; et c'st pourquoi ce même Judas, que le démon de l'intérêt possède, s'abandonne pour la même raison à clui de la flatterie. Il salut Jésus, et il le trahit ; il l'appelle son maître, et il le vend ; il le baise, et il le livre à ses ennemis. C'est l'image parfaite du flatteur, qui n'applaudit à toute heure à celui qu'il nomme son ma^tre et son patron, que pour trafiquer de lui".
"Pierre entreprend d'assister son maître, et il défend par le carnage celui qui ne voulait être défendu que par sa propre innocence. O Pierre ! voulez-vous soulager votre divin Maître, vous le pouvez par la douceur et par la soumission, par votre fidélité persévérante. O Pierre! vous ne le faites pas, Parce que ce secours n'est pas selon votre humeur; vous vous abandonnez au transport aveugle d'un zèle inconsidéré, vous frappez les ministres de la justice, et vous chargez de nouveaux soupçons ce Maître innocent qu'on traite déjà de séditieux. C'est ce que fait faire l'amitié du monde; elle veut se contenter elle-même et nous donner le secours qui est conforme à son humeur , et cependant elle nous dénie celui que demanderaient nos besoins."
"Je voulais encore vous représenter ce que font les indifférents ; et je vous dirai en un mot qu'entraînés par la fureur, qui est toujours la plus violente, ils prennent le parti des ennemis. Ainsi les Romains, que les promesses du Messie ne regardaient pas encore, à qui sa venue et son Evangile étaient alors indifférents, épousent la querelle des Juifs passionnés ; et c'est l'un des effets les plus remarquables de la malignité de l'esprit humain, qui, dans le temps où il est pour ainsi parler le plus balancé par l'indifférence, se laisse toujours gagner plus facilement par le penchant de la haine. Je n'ai pas assez de temps pour peser cette circonstance; mais je ne puis omettre en ce lieu ce que souffre le divin Sauveur par l'ambition et la politique du monde, pour expier les péchés que fait faire la politique. Toujours, si l'on n'y prend garde, elle condamne la vérité, elle affaiblit et corrompt malheureusement les meilleures intentions. Pilate nous le fait bien voir, en se laissant lâchement surprendre aux pièges que tendent les Juifs à son ambition tremblante.
Ces malheureux savent joindre si adroitement à leurs passions les intérêts de l'Etat, le nom et la majesté de César qui n'y pensait pas, que Pilate reconnaissant l'innocence et toujours prêt à l'absoudre, ne laisse pas néanmoins de la condamner. Oh! que la passion est hardie, quand elle peut prendre le prétexte du bien de l'Etat ! Oh ! que le nom du prince fait souvent des injustices et des violences qui feraient horreur à ses mains, et dont néanmoins quelquefois elles sont souillées, parce qu'elles les appuient ou du moins qu'elles négligent de les réprimer ! Dieu préserve de tels péchés le plus juste de tous les rois..."
"Admirons ici, chrétiens, en Pilate la honteuse et misérable faiblesse d'une vertu mondaine et politique. Pilate avait quelque probité et quelque justice. Il avait même quelque force et quelque vigueur. Il était capable de résister aux persuasions des pontifes et aux cris d'un peuple mutiné. Combien s'admire la vertu mondaine, quand elle peut se soutenir en de semblables rencontres ! Mais voyez que la vertu même, quelque forte qu'elle nous paroisse, n'est pas digne de porter ce nom, jusqu'à ce qu'elle soit capable de toute sorte d'épreuves. C'était beaucoup, ce semble, à Pilate d'avoir résisté à un tel concours et à une telle obstination de toute la nation judaïque, et d'avoir pénétré leur envie cachée malgré tous leurs beaux prétextes; mais parce qu'il n'est pas capable de soutenir le nom de César qui n'y pense pas et qu'on oppose mal à propos au devoir de sa conscience, tout l'amour de la justice lui est inutile; sa faiblesse a le même effet qu'aurait la malice ; elle lui fait flageller, elle lui fait condamner, elle lui fait crucifier l'innocence même ; ce qu'aurait pu faire de pis une iniquité déclarée, la crainte le fait entreprendre à un homme qui paraît juste. Telles sont les vertus du monde; elles se soutiennent vigoureusement jusqu'à ce qu'il s'agisse d'un grand intérêt, mais elles ne craignent point de se relâcher pour faire un coup d'importance. O vertus indignes d'un nom si auguste! ô vertus qui n'avez rien par-dessus les vices, qu'une faible et misérable apparence!
Qu'il me serait aisé, chrétiens, de vous faire voir en ce lieu que la plupart des vertus du monde sont des vertus de Pilate, c'est-à-dire un amour imparfait de la vérité et de la justice! On les estime, on en parle, on en veut savoir les devoirs, mais faiblement et nonchalamment. On demande à la façon de Pilate : « Qu'est-ce que la vérité? » et aussitôt on se lève sans avoir reçu la réponse. C'est assez qu'on s'en soit enquis en passant et seulement pour la forme. Mais on ne veut pas pénétrer le fond. Ainsi l'on ignore la vérité, ou l'on ne la sait qu'à demi; et la savoir à demi, c'est pis que de l'ignorer tout entière, parce que cette connaissance imparfaite fait qu'on pense avoir accompli ce qui souvent n'est pas commencé."
"C'est, Messieurs, ce qu'il nous ordonne, et c'est la dernière partie de son testament. Quiconque veut avoir part à la grâce de ses douleurs, il doit en ressentir quelque impression. Car ne croyez pas qu'il ait tant souffert pour nous faire aller au ciel à notre aise et sans goûter l'amertume de sa passion. Il est vrai qu'il a soutenu le plus grand effort; mais il nous a laissé de moindres épreuves, et toutefois nécessaires pour entrer en conformité de son esprit et être honorés de sa ressemblance." (Philippiens 3:10)
"Astrologie et religion au Moyen-Age" de Denis Labouré
Un certain fondamentalisme chrétien, qui a eu des antécédents dans l’histoire, tend de nos jours à diaboliser l’astrologie comme pratique divinatoire occultiste. C’est une opinion que combat Denis Labouré, astrologue chrétien, titulaire d’un master de théologie qui, dans un récent essai historique très approfondi, propose une interrogation nouvelle sur l’articulation entre la «science» de la lecture des astres et la foi en la toute puissance divine.
Pour les Pères de l’Eglise, nous dit Denis Labouré, «le monde est un miroir dans lequel Dieu se fait contempler (…) chaque chose est un signe où Dieu se fait connaître à nous». Certes Ignace d’Antioche, Justin, Tertullien et Saint Augustin ont milité contre la divination par les astres, mais Isidore de Séville, en s’appuyant sur le précédent biblique des rois mages, a ouvert la voie à une astrologie qui, sans voir dans la position des étoiles et des planètes une cause de l’histoire humaine, l’analyse comme une série de signes que Dieu envoie aux hommes pour les éclairer sur leur condition.
Rien de mieux, pour convaincre le lecteur, que d’examiner dans une perspective historique, la période faste de l’astrologie chrétienne que l’auteur situe au Moyen-Age, plus précisément entre le XIIe et le XIVe siècles. Denis Labouré retrace précisément la généalogie de cette astrologie occidentale, à travers les auteurs indiens, babyloniens et perses. Il montre comment l’arabe Albumasar (787-886) synthétisa ces traditions et, par ses seuls travaux sur les astres, initia à l’aristotélisme de grands penseurs français ultérieurs comme Thierry de Chartres ou Guillaume de Conches.Pour atténuer la détermination du monde sublunaire par le monde supralunaire, Albert Le Grand (1193-1280), quant à lui, rattacha directement l’âme humaine à la cause première (Dieu) de sorte que les astres n’agissent que sur les corps (y compris les humeurs) ou comme signe du moment opportun, ce qui permit de résister à ceux qui accusent l’astrologie d’asservir l’homme aux démons de la nature, une voie de compromis que suivra Roger Bacon (1214-1294) en mettant l’accent sur l’influence qu’exerce l’astrologie sur les mouvements des foules.
Puis Denis Labouré se concentre sur les recherches d’un astrologue français dont les travaux firent date, Pierre d’Ailly (1351-1420) qui fut en son temps chancelier de l’université de Paris et aumônier du roi Charles VI. L’auteur montre comment le savant s’est positionné à l’égard de ses prédécesseurs sur les grands problèmes intellectuels médiévaux comme la datation de l’univers et la théorie des grandes conjonctions d’Albumasar (la mort des empires en fonction de la conjonction Saturne-Jupiter-Mars). Au terme de ces analyses, Pierre d’Ailly en viendra à voir dans le Grand schisme d’Occident (la dualité des papes), non pas un signe de la fin des temps mais une simple crise incitant à la réforme morale. Il en tirera aussi une vision prémonitoire de 1789 comme tournant de l’histoire du monde… Par ailleurs, en annexe du livre, le lecteur trouvera une intéressante traduction par le professeur Giuseppe Nastri assisté par Denis Labouré du traité du cardinal d’Ailly «Sur la concordance entre l’astronomie et la vérité des récits historiques» qui peut nourrir bien des travaux herméneutiques complémentaires sur la correspondance entre l’histoire humaine et les constellations.
On ne peut manquer d’être impressionné par la somme d’érudition mobilisée par Denis Labouré, féru de calculs astraux, lorsqu’il expose par exemple à propos des conjonctions de Jupiter et de Saturne, schémas à l’appui, que «les conjonctions de Jupiter avec Saturne sont éloignées de 20 ans environ, lorsque Saturne a parcouru les deux tiers de sa révolution (…). Or la longueur de l’arc séparant une conjonction et la suivante (mesurée en sens antihoraire) est légèrement supérieure à 240°. (…) Initiée dans Bélier, un signe de feu, la conjonction de Jupiter avec Saturne se reproduit ensuite dans les deux autres signes du même élément. Puis elle se produit ensuite dans le Bélier». L’aridité de ce genre de démonstration (qui en garantit aussi le sérieux) est toutefois heureusement tempérée par les résumés didactiques que Denis Labouré place à la tête de chaque chapitre et sous-chapitre, faisant de son livre un manuel d’une grande clarté, accessible aux étudiants et à tous les curieux qui, au-delà des modes actuelles - qui abandonnent l’astrologie au néo-paganisme ou aux «sagesses» asiatiques -, veulent comprendre la place que cette discipline a pu avoir, par le passé, dans l’intelligentsia européenne. Il ouvre aussi un champ de réflexion aussi passionnant que complexe sur la valeur que le chrétien accorde au monde créé pour l’éclairer dans son cheminement d’accomplissement spirituel sans rien sacrifier ni de son libre-arbitre ni de l’obéissance à son Créateur.
Une dame dont le propos m'intrigue
Cette dame, Arouna Lipschitz, dit dans cette vidéo ici dit que la kabbale explique que "les anges se nourrissent des parfums des amants pendant l'acte sexuel si l'acte sexuel est à un certain taux vibratoire". Et dans la vidéo suivante, elle évoque ses sources d'inspiration. Pour le reste j'avais bien aimé sur le Net sa remarque sur le fait que les gens qui se réalisent à travers la méditation ont du mal ensuite à garder la même pleine plénitude dans la relation à autrui et de s'ouvrir au discours d'autrui. Comme c'est le genre de femme à entendre par ouverture à l'altérité l'ouverture à l'altérité sexuelle, je lui ai demandé par mail ce qu'elle pensait de l'avortement. Elle n'a jamais répondu. Et pour cause : voilà une altérité, celle de l'embryon, dont on n'hésite pas à se débarrasser, qu'on flingue littéralement, pour garder sa petite "plénitude", sa "paix intérieure" à deux balles... Preuve de l'échec de ces pensées "orientales" énergétiques complètement égocentré, et même de leur côté criminél car elles rendent complices d'abominations.
Le sacrifice humain chez les Egyptiens
Il y a onze ans, j'ai évoqué sur ce blog le Roman de Leucippé et Clitophon, roman alexandrin du IIe siècle.
Je voudrais revenir sur ce texte païen, plus précisément sur un de ses passages qui, étrangement, évoque des rituels aztèques, alors que l'action se passe en Egypte. Il s'agit du passage au Livre III ch XV qui décrit le sacrifice de Leucippe en ces termes :
"Après avoir versé des libations sur sa tête, ils la promenèrent autour de l'autel, au son de la flûte ; le prêtre chantait selon toute vraisemblance un chant égyptien : la forme de sa bouche et la contraction des traits de son visage indiquaient en effet qu'il chantait. Puis, sur un signal convenu, tous se retièrent loin de l'autel ; et l'un des deux jeunes gens ayant mis la jeune fille sur le dos, l’attacha à des pieux fixés sur le sol, comme le font les fabricants de figurines représentant Marsyas attaché à son arbre. Ensuite, ayant pris un glaive, il le plongea dans le cœur, le tira, puis déchira la jeune fille jusqu’au bas-ventre. Aussitôt les entrailles s'échappèrent, et les deux hommes, après les avoir retirées à pleines mains, les placèrent sur l'autel, et lorsqu'elles furent cuites, après les avoir découpées en morceaux, tous ensemble les brigands les mangèrent. Voyant cela, les soldats et le stratège poussaient des cris à chacune de ces actions (…). Lorsque l'affaire, comme je le pensais, touchait à sa fin, après avoir mis le corps dans le cercueil, ils l'abandonnèrent, après y avoir posé un couvercle ; ayant démoli l'autel, ils s'enfuirent sans se retourner. C'est ainsi en effet que le prêtre, qui avait consulté l'oracle, leur avait demandé d'agir".
Un peu plus loin (ch XIX, 3 et suiv) il est précisé que l'oracle avait commandé de "manger le foie" pour purifier l'armée des brigands mais que Leucippé devait garder sa robe, de sorte que les brigands avaient utilisé des entrailles de mouton pour simuler le sacrifice. Il est aussi précisé au livre IV qu'Artémis était apparu en rêve juste avant le sacrifice pour lui annoncer qu'elle la sauverait mais à condition qu'elle ne fasse pas l'amour avec Clithophon jusqu'à son mariage avec lui (tandis que Clithophon faisait le rêve qu'il était interdit d'accès au temple d'Aphrodite tandis qu'une femme lui expliquait qu'il était interdit d'accès au sanctuaire mais serait un jour prêtre de la déesse. Précisons aussi que lorsque Clithophon regardait le sacrifice, la scène était éclairée par la lune et qu'après le départ des brigands il croit à un moment être embrassé par le cadavre dépourvu d'entrailles, puis son compagnon Ménélas qu'il soupçonne d'être sorcier ("mon cher Ménélas es-tu sorcier ?" demande-t-il L III, ch XVIIII, 5 - le terme grec est diakonos qui veut plutôt dire "serviteur") lui dit que Leucippe lui sera rendue sans blessures et lui demande de se voiler la face pendant qu'il invoque Hécate (ibidch XVIII, 3).
On doit préciser cela à la fois pour montrer que, bien que l'existence réelle soit démentie comme relevant de la pure mise en scène, le démenti ne fonctionne que par l'intervention d'Hécate (la déesse lunaire qui a éclairé la scène), et en réalité à travers le jeu de trois déesses, et pour bien faire voir qu'il s'agit d'une triade grecque (mais cela ne veut pas dire grand chose quand on sait que L'Ane d'Or d'Apulée à peu près au même moment ramène toutes ces déesses à l'égyptienne Isis, et en fait c'est bien de la lune qu'il s'agit d'un bout à l'autre).
L'existence des sacrifices humains en Egypte antique fait débat. Eric Crubézy et Béatrix Midant-Reynes (Auteur) rappelaient en 2000 dans la revue Archéo-Nil n°10 repris ici p. 58 que les travaux de l'égyptologue Jean Yoyotte ne permettent plus de douter qu'ils aient eu lieu (de même qu'en Grèce selon Stella Georgoudi) mais qu'il s'agissait d'événements exceptionnels pour apaiser la colère des dieux. John G. Griffiths en 1948 avait justement vu dans le passage précité du Roman de Leucippe et Clithophon la preuve de l'existence des sacrifices humains en Egypte à l'époque romaine. Yoyotte en 1980 avait objecté que le récit d'Achille Tatius se fonde uniquement sur des racontars grecs qui en 171 avaient laissé croire de la même manière que des révoltés égyptiennes dirigés par un prêtre avaient scellé leur conjuration en mangeant les entrailles d'un soldat romain. Il soulignait que ces pratiques ne renvoyaient à aucun rituel pharaonique connu et que Gruffiths se trompait sur le réalisme de la scène de Tatius quand il voyait dans les grimaces du visage du prêtre une scène représentée sur un bas relief. Yoyotte au vu d'un texte de Manéthon attribue plutôt les sacrifices humaines à la période antérieure au moyen empire égyptien.
On voit bien que la question est délicate, et l'on connaît l'ampleur des fantasmes qu'elle peut nourrir (voir ci-joint la vidéo américaine posant d'une façon assez gratuite que les sacrifices humains existaient dans la religion égyptienne et se sont perpétués dans les sociétés secrètes qui s'en réclament jusqu'à nos jours). Cependant, à l'inverse, il ne faut pas sousestimer le poids du déni qui a entouré cette question taboue depuis l'antiquité : le processus de civilisation impliquant la prohibition du meurtre, celui-ci n'a pu garder qu'une dimension rituelle secrètes lorsqu'il se produisait (et c'est parce qu'il est tabou qu'il recèle une efficacité rituelle). A la lecture du roman de Tatius, on a plutôt le sentiment que le sacrifice humain est toujours montré au lecteur en même temps que dénié. Et s'il est dénié, c'est pour laisser place au doute, à la confusion, mais toute la trame du récit en permanence montre qu'il y a bien meurtre et que le meurtre n'est réparé qu'à la faveur d'un dispositif instauré entre les trois déesses Artémis-Hécate et Aphrodite. On ne peut pas déduire du simple fait que la scène est vue de loin son irréalité, et l'on ne peut pas non plus y voir l'expression d'une simple caricature diffamatoire des pratiques égyptiennes : renvoyer aux récits de la révolte de 171 ne résout rien, car qui peut prouver que ce récit lui-même serait purement fictif ? Aucun rituel pharaonique n'évoquerait la soustraction des entrailles humaines, soit. Mais s'il s'agit de pratiques secrètes quelles traces ces rituels pourraient-ils en avoir gardé pour les archéologues ? Est-ce que ce rituel existe pour les animaux ? La réponse à cette question permettrait de savoir s'il a pu être transposé à l'homme.
La réduction du sacrifice de Leucippé par l'université laïque à une simple stratégie rhétorique littéraire pour impressionner le lecteur fait penser à ceux qui réduisent l'Ane d'Or d'Apulée à une farce : trop facilement les historiens démentent le sérieux des références à la sorcellerie que fait Apulée, alors que lui-même dans sa vie fut accusé de l'avoir pratiquée et traîné en justice de ce fait. Or il est anachronique de penser les romans de l'époque gréco-romaine comme de simples fictions comme ils l'ont été en Europe à partir de Cervantès. Dans le roman de Tatius le jeu entre fiction et réalité est permanent, et l'on voit bien que l'exposition d'artefacts comme celui selon lequel Leucippe n'est pas "vraiment morte" n'est justifiée par l'auteur lui-même que par des interventions divines. On a donc avant tout sous les yeux une scène de meurtre rituel, et n'y voir qu'une stratégie pour "épater le bourgeois" - expression qu'utilise aussi l'historien Peter Green pour justifier l'apologie du cannibalisme par certains courants philosophique - relève du pur parti pris laïciste (rationaliste) qu'aucune évidence factuelle ne vient avec assurance cautionner.
L'échec de la reconstruction du temple de Jérusalem par Julien l'Apostat
Un épisode qui, selon beaucoup de catholiques, devrait servir de leçon aux Evangéliques qui aujourd'hui soutiennent le projet de construction du Troisième Temple à Jérusalem :
Au IVe siècle, après la conversion de l'empereur romain Constantin au christianisme, Julien l'Apostat son successeur renie son baptême, favorise le paganisme et s'enthousiasme pour la sorcellerie néo-platonicienne (héritière du pythagorisme). Ayant besoin d'argent pour partir à la conquête de la Perse (certains rapprochent cela de l'ardeur de Trump à attiser le conflit avec l'Iran), il s'allie aux Juifs avec qui il partage une haine commune du nom de Jésus-Christ et organise pour eux la reconstruction du temple de Salomon, ce qui signifierait la ruine des prophéties chrétiennes.
L'auteur arien Philostorge (370-430) écrit dans son Histoire ecclésiastique : « Julien s'étant proposé de confondre les oracles du Sauveur qui avait prédit la ruine de Jérusalem, et qu'il ne serait laissé pierre sur pierre etc. ; non-seulement il ne parvint pas a remplir son but, mais déplus il accomplit, contre son gré, ces prophéties immuables. Car, ayant rassemblé de toutes parts les juifs, leur ayant ouvert ses trésors, et fourni tout ce qui leur était nécessaire pour le rétablissement du temple, des prodiges effrayants envoyés du ciel, et inexplicables (à l'époque), étouffèrent ce dessein, troublèrent les juifs et les couvrirent de confusion. Les flammes consumèrent leurs ouvriers, des tremblements de terre comblèrent leurs travaux, et il n'en résulta que des malheurs. »
Dans Histoire de l'Eglise écrite par Socrate le Scolastique (380-450) on peut lire : "Comme il aimait les sacrifices, et qu'il se plaisait à voir couler le sang des victimes, Julien s'imaginait que ceux qui n'en répandaient point lui faisaient quelque sorte d'injure. N'en trouvant pas néanmoins plusieurs qui en voulurent répandre, il envoya quérir les Juifs , et leur demanda pourquoi ils n'offraient point de sacrifices puisque parla loi de Moïse il leur était commandé d'en offrir. Quand ils lui eurent répondu qu'il ne leur était permis d'en offrir qu'à Jerusalem , il leur commanda de rebâtir le Temple de Salomon, et partit pour aller contre les Perses. Les Juifs qui depuis longtemps ne souhaitaient rien avec une si forte passion que de rencontrer une occasion favorable de relever leur Temple pour offrir dedans des sacrifices, s'appliquèrent à cet ouvrage avec une ardeur incroyable , et commencèrent à s'élever insolemment contre les Chrétiens,et à les menacer de leur faire autant de mal, qu'ils en avaient autrefois souffert des Romains. L'Empereur ayant ordonné de tirer du trésor public l'argent nécessaire pour la dépense, le bois , les pierres, la chaux , et les autres matériaux furent prêts en très peu de temps. Alors Cyrille Evêque de Jerusalem se souvenant de la Prophétie de Daniel , qui a été confirmée par le Sauveur dans l'Evangile, dit en présence de plusieurs personnes : Qu'elle serait encore bientôt accomplie en ce nouveau Temple, et qu'il n'y demeurerait pas pierre sur pierre. Il y eut la nuit suivante un grand tremblement de terre, qui ébranla les fondements qui restaient de l'ancien Temple, les jeta en l'air avec les bâtiments d'alentour. Les Juifs en ayant été extraordinairement épouvantés, accoururent de toutes parts sur le lieu , et quand ils furent arrivés , ils virent un autre prodige. Ce fut un feu descendu du Ciel, qui consuma durant tout le jour les marteaux, les ciseaux , les scies, les haches, et tous les instruments des Ouvriers. Les Juifs reconnurent malgré eux la Divinité de Jésus-Christ ; mais au lieu de lui obéir, ils demeurèrent dans l'erreur dont ils étaient prévenus depuis si longtemps. Un troisième miracle qui arriva ensuite, ne fut pas capable de les attirer à la foi. Des Croix lumineuses parurent la nuit sur leurs habits, et lorsque le jour fut venu, ils ne purent jamais les effacer. Ils furent aveuglés , comme dit l'Apôtre, et jetèrent le bien qu'ils avoient entre les mains. Voila comment leur Temple fut ruiné, au lieu d'être rebâti. "
L'existence du tremblement de terre de la nuit du 18-19 mai 363 est admise par les historiens.
Notez que dans La Vérité du 18 août 1866 p. 102 un commentateur ajoutait "Nous ferons à ce sujet une réflexion qui nous semble d'une grande force ; c'est qu'avec le secours et la faveur que l'Empereur donnait, à cette entreprise, le temple aurait été infailliblement rebâti, sans les prodiges dont nous parlons. Il faut nécessairement que celle subversion miraculeuse ait eu lieu, puisque le temple n'a pas été rebâti. Un juif, Rabbi Gédaljah, assure que le temple entrepris à grands frais s'écroula, et que le jour suivant un grand feu venant du ciel en consuma les débris avec, une multitude innombrable de juifs.
Cet aveu des Rabbins est d'autant plus digne d'attention qu'il ne favorise point leurs intérêts. A coup sûr les écrivains juifs n'auront pas puisé un fait de cette nature dans les livres des chrétiens: ce sera donc dans leur propre tradition; et cela est d'autant plus digne de créance, que les juifs contemporains du fait ne le niaient pas; mais ils disconvenaient que ce lût un miracle ou une intervention spirituelle en faveur du christianisme. Ils aimaient mieux l'attribuer au courroux du ciel contre Julien, prince idolâtre, qui ne méritait pas, disaient-ils, l'honneur de rebâtir le temple du vrai Dieu, ou a leurs propres péchés qui les rendaient, indignes de cette consolation: sur quoi nous observerons que les hommes ne s'accusent guère d'une faute, que lorsqu'ils peuvent en tirer quelque avantage."
Julien trouva la mort dans sa guerre en Perse le 26 juin 363, un mois après le tremblement de terre.