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Paganisme, christianisme, traumas et inconscient

31 Mai 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie, #Christianisme

Dans Histoire et Trauma : La folie des guerres (p. 285-286), les psychanalystes Françoise Davoine et Jean-Max Gaudillère reprenaient à propos du "champ des traumatismes" et de leur résolution par les rituels dont ils observaient l'efficacité dans la guérison de problèmes transgénérationnels chez leurs patients, citaient cette phrase Lacan : "Ce fameux champ sur lequel les lois humaines ne sauraient déborder, quel est-il ? On nous dit - C'est là que règnent les lois non écrites, la volonté, ou mieux la Dikè des dieux. N'oublions pas que nous sommes depuis quelque temps sous la loi chrétienne, et pour retrouver ce que c'est que les dieux, il faut que nous fassions de l'ethnographie. (...) En d'autres termes, ce champ ne nous est plus guère accessible que du point de vue de l'extérieur, de la science, de l'objectivation, mais ne fait pas partie pour nous chrétiens formés par le christianisme, du texte sur lequel repose effectivement la question. Ce champ des dieux, nous chrétiens nous l'avons effectivement balayé, et c'est justement de ce que nous avons mis à la place qu'il est question à la lumière de la psychanalyse" (Le Séminaire. Livre VII p. 301).

Lacan annonce ici déjà Devereux, ou Tobie Nathan, dont j'ai connu d'illustres disciples en France. Je n'approuve pas bien sûr la visée psychanalytique, ni plus largement psychologique qui est une réduction inadmissible (et pourtant universitairement hégémonique depuis deux siècles) du problème du monde invisible. Mais l'espace clinique permet d'observer presque "in vitro" l'articulation entre action angélique (déchue ou non) et problématique des affects, et donc les cas que nous présentent les psychologues à ce sujet, quand ils sont présentés honnêtement peuvent être bons à étudier.

On observe que Lacan, comme les auteurs du livre qui le citent, font du christianisme une sorte de "province" d'un inconscient qui resterait essentiellement païen (ce qui est un peu la nature aussi du subconscient collectif jungien). Or si la remarque est topographiquement vraie (songeons au Val des Nymphes), elle ne l'est pas spirituellement. Mais se peut-il que l'hégémonie du christianisme dans le monde invisible n'ait pas son reflet dans la chair d'une manière ou d'une autre - as above so below ?

La provincialisation du christianisme à l'égard du paganise par les psychanalystes est symétrique de l'intéressante tentative par Simone Weil (et aussi des missionnaires jésuites avant qu'ils ne prennent le parti inverse), de provincialiser une partie du paganisme (le plus lumineux, celui des poètes et des philosophes), à l'égard du christianisme comme première manifestation de l'Esprit saint avant la Révélation. Notez que la démarche de Simone Weil, paraît, pour sa part, cautionnée sur le plan mystique (outre les propres apparitions de la philosophe) par un message de Jésus à Alexandrina de Balazar (voyez en 7e minute de cette vidéo, qui identifie le christianisme à la philosophie de Socrate, il est dommage que le présentateur ne détaille pas un peu plus), mais est-elle vraiment ouverte à tous les "hommes de bonne volonté" ?

Sur la charnière entre paganisme et christianisme, il faudrait que je revienne sur la définition de "philosophique" dans la philosophie grecque païenne, et sur le problème de la sibylle de Cumes (dans son rapport aux nymphes mantiques notamment), mais on pourrait aussi traiter la chose sous l'angle du rapport de Paul au stoïcien Cratès, ou des emprunts de l'Ancien Testament aux sagesses païennes (sumérienne, assyrienne, babylonienne, égyptienne grecque).

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