Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Mythes contemporains autour de l'histoire de l'Ayurveda

17 Octobre 2014 , Rédigé par CC Publié dans #Shivaïsme yoga tantrisme, #Massages

ayurvedaEn 2011, Philipp A. Maas, de l'université de Vienne (Autriche) publiait un article intéressant dans le Horizons: Seoul Journal of Humanities 2,1 (2011), p. 1-14. intitulé "On the Position of Classical Āyurveda in South Asian Intellectual History According to Global Ayurveda and Modern Research" qui commençait ainsi : " Les représentants de l'Ayurveda global ont réussi à transformer l'Âyurveda, un ancien système médical autochtone de l'Asie du Sud, en un complément célèbre de la biomedicine occidentale. Ce succès commercial et promotionnel a été soutenu par un certain nombre d'affirmations caractéristiques concernant l'histoire de l'Âyurveda pré-moderne. L'Ayurveda New Age, par exemple, soutient que l'Âyurveda est vieux de plus de 5 000 ans, qu'il est à l'origine de la médecine humorale grecque, et qu'il est intrinsèquement connecté à la tradition spirituelle hindoue du yoga. D'un point de vue académique, ces demandes sont facilement réfutables, car ils contredisent les résultats bien connus de la recherche moderne en indologie."

Sur l'ancienneté de l'Āyurveda, Maas commence à rappeler que la première civilisation de l'Inde, celle de la vallée de l'Indus qui a commencé à décliner vers 1 900 av JC n'avait probablement rien à voir avec l'Ayurveda. C'en est donc déjà fait de l'ancienneté de "5000 ans" prêtée à cette médecine... Elle est aussi étrangères aux Vedas des envahisseurs indo-européens qui soignaient par des rituels magiques. L'Āyurveda est plutôt lié au mouvement de réforme religieuse mené par des guerriers, des ascètes, voire des femmes (et non des brahmanes) qui introduit des notions de cycles universels, de karma et de moyens éthiques d'améliorer sa réincarnation (mouvement dont naîtront le bouddhisme et le jaïnisme). Ce n'est qu'artificiellement que cette médecine née dans les milieux ascétiques s'est rattachée aux vedas (en empruntant d'ailleurs un nom sankrit qui signifie "science de la vie longue") pour se légitimer. Le texte médical complet le plus ancien qu'on possède de cette pratique est le Suvarṇaprabhāsasūtra traduit en chinois entre 416 et 421 de notre ère, mais ses formes les plus anciennes sont déjà à l'état de fragment dans le canon de Pali du bouddhisme Theravāda vers 400 av JC, de sorte qu'on pense que son texte a pu être fixé vers 200 av JC. L'autre grand texte de l'Āyurveda, le Carakasaṃhitā, est daté de 50 de notre ère.

Cette doctrine considère que le corps humain contient trois substances pathogènes appelés doshas (le vent, le phlegme et la bile, ou air, feu et eau) qui doivent être équilibrées pour que l'être soit en bonne santé. Chacune a des qualités. Le vent, par exemple, est sec, dur, froid, beau, mobile, clair et rugueux, alors que la bile est grasse, légère, noir ou jaune, chaud, aigre, maldorante, fluide et douce, et le flegme est lourd, froid, doux, blanc, doux, et lent. Le Timée de Platon a les mêmes humeurs... mais l'Āyurveda a eu plutôt tendance à se développer après Platon que l'inverse, de sorte qu'il n'a pu influencer directement les Grecs.

Comme on peut le voir, cette présentation universitaire est assez éloignée par exemple de celle de Wikipédia.

La vision de Maas est aussi celle de l'article de Victoria Lysenko de l'université d'Etat russe des Humanités de Moscou, "The human body composition in statics and dynamics : Ayurveda and the philosophical schools of Vaisesika and Samkhya" (dans le Journal of Indian Philosophy 32:31–56, 2004) qui voit dans l'Ayurveda une méthode très empirique qui s'est développée dans le derniers siècles avant notre ère, et s'est "brahmanisée" peu après, méthode basée sur les sensations des êtres dans leur rapport au cosmos, et qui n'est pas axée sur des spéculations métaphysiques comme le sont d'autres écoles de pensée indiennes auxquelles l'Ayurveda emprunte occasionnellement des concepts.

On peut parcourir ici les leçons modernes que l'Ayurveda enseigne en Occident : ne pas trop manger en été parce que "cette saison est un moment de répit dans l’année, pendant laquelle le feu étant présent à l’extérieur dans notre environnement, notre organisme a naturellement moins besoin de nourriture pour créer la chaleur interne du corps ", consommer du gingembre "particulièrement efficace sur les affections Kapha, liées à la congestion comme les refroidissements, les rhumes, la toux mais également les nausées, une mauvaise digestion due à un feu digestif (Agni) bas ou les vomissements. Il sera un allié de choix également pour les déséquilibres de type Vata tels que crampes abdominales, gaz, et même l’arthrite." etc.

Partager cet article

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :

Commenter cet article