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Articles récents

L'alchimie en Bohème

17 Mars 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Pythagore-Isis, #Alchimie

En 2019, on pouvait lire dans la revue Talanta  (journal international de chimie analytique pure et appliquée), que Gleb Zilberstein et le chimiste Pier Giorgio Righetti, ont découvert des quantités très importantes de métaux – notamment d’or, d’argent, de mercure et de plomb – dans les pages d’un manuscrit de Kepler relatif à la lune, catalogué sous le nom d’« Hipparque » aux archives de l’Académie des sciences de Russie. L'astronome danois au nez d'or (qui avait perdu son nez dans un duel pour défendre Pythagore) Tycho Brahe, décédé en 1601, l’avait fait venir à la cour de Rodolphe II en 1600, un an avant sa mort et l’aurai instruit dans cet art dans son laboratoire sur l’île de Ven. Lorsque le corps de Tycho Brahe a été exhumé en 2010, l’analyse d’échantillons de poils a révélé qu’ils contenaient des quantités d’or « jusqu’à 100 fois supérieures à celles d’une personne normale aujourd’hui » . Son observatoire était situé dans la ville de Benátky nad Jizerou ( Venise sur l'Iser, ex Benatek) près de Prague avant qu'en 1600 Rodolphe II ne l'oblige à s'installer au belvédère du chateau de Prague.

Le fait ne devrait surprendre personne : Prague était la capitale européenne de l'alchimie. On dit qu'à l'époque elle comptait 200 alchimistes.

Au même moment le roi de Pologne Sigismond III (1566-1632) avait pour alchimiste Michał Sędziwój (Michael Sendivogius) qui était en lien avec Edward Kelley l'alchimiste de Rodolphe II. Il fit d'ailleurs des allers-retours Cracovie-Prague en partie pour des missions de renseignement.

En 1604 Sendivogius reçut de l'écossais Alexandre Sethon qu'il avait aidé à fuir les geôles de l'électeur de Saxe Christian II Wettin (comme Kelley avait été prisonnier de Rodolphe II) et obtint de lui une once de pierre philosophale qui lui permit de réaliser une belle transformation devant Sigismond III. "Je pourrais, écrit-il dans son traité "Cosmopolite" traduit en français, rapporter plusieurs auteurs renommés pour témoins incontestables de la certitude de cette Science. Mais les choses que vous voyons sensiblement et dont nous sommes convaincus par notre propre expérience, n'ont pas besoin d'autres preuves. Il n'y a pas longtemps, et j' en parle comme savant, que plusieurs personnes de grande et petite condition , ont vu cette Diane toute nue." Selon la revue Eon qui le republia en 1925 ce traité avait Alexandre Sethon comme auteur véritable. Voir le portrait de Séthon ici.

La même année 1604 paraissaient à Prague les douze traités de Seindivogius "sur la pierre du Saga" qui allaient nourrir le courant rosicrucien (en 1616 quelques écrits rosicrusiens étaient vendus à Prague pour 16 000 thalers, et en 1641 en Bohème deux rose-croix qui avaient fait connaître leurs richesses sont mis à la torture jusqu'à en mourir pour arracher leurs secrets).

Sendivogius condamnait l'utilisation de l'or qu'il jugeait être une matière morte comme tous les autres métaux pour la recherche de la pierre philosophale. Lui-même eut assez vite de nombreux ennuis comme Sethon avant lui.

Revenons à Kepler, protestant, fils naturel d'un jésuite et d'une herboriste qui fut poursuivie pour sorcellerie (il la défendit en justice). La journaliste cinéaste Henriette Chardak, fille et petite fille d'inventeurs, racontait en 2004 à Radio Ici et Maintenant comment elle en est venue à travailler sur lui. Un 1er avril, elle était chez un ami musicien pour une musique de film et elle regarda la pleine lune, et découvrit ses lacunes sur les astres. Elle a travaillé sur lui à partir de 1983. Pour elle Kepler est à la fois un génie, un clown, un prophète et un homme bon, bon mari, bon père (ce qui est rare chez les savants).

"Tout est incertain ici, Tycho est un homme avec lequel on ne peut pas vivre sans être sans cesse exposé à de cruelles insultes. La solde est brillante, mais les caisses sont vides, et on ne paie pas. " écrivait-il en 1600 à Prague.  Joshua et Ann-Lee Gilder ont accusé Kepler d'avoir empoisonné accidentellement ou volontairement Tycho avec du mercure. Owen Gingrich, professeur émérite d'astronomie à Harvard l'a démenti. Peter Andersen de la fac de Strasbourg pense que le criminel fut Eric Brahe, cousin de Tycho et diplomate suédois au service du Danemark (qui lui disait en public "tu es bâtard comme ton dieu et maître Pythagore"). pour se venger de la relation de Tycho avec sa mère. On dit que la mort de Tycho Brahe inspira l'Hamlet de Shakespeare.

H. Chardak pense que Brahe se méfiait de Kepler parce qu'il avait été toute sa vie spolié (c'est pourquoi sur son lit de mort il suppliait Kepler de ne faire en sorte qu'il n'ait pas vécu en vain).

Tycho Brache faisait des horoscopes pour se détendre. Kepler aussi sans trop y croire. A la veille de son mariage Kepler a fait son horoscope en y projetant sa personnalité. Astrologie et alchimie vont généralement de pair.

Pour ma part je suis très réservé à l'égard de l'un et l'autre art;

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Parler en langues, Hélène Bouvier, Bérulle

16 Mars 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire secrète

Voici le témoignage important de l'abbé Pierre Lambert (31.8.1933-21.10.2023), qui fut exorciste de l'évêché de Tours jusqu'au 31 août 2023 peu avant sa mort (l'an dernier) interviewé par Jean Louis Barré dans la maison de Léon Papin Dupont, initiateur (entraîné par une religieuse carmélite Soeur Marie de Saint-Pierre) de la Confrérie de Sainte-Face (dont Ste Thérèse de Lisieux fut membre). Il a été formé par un prêtre l'abbé Louis Hue (1891-1955) aumonier du couvent de la Visitation où était Ste Thérèse très implanté dans le surnaturel : pendant 5 ans il allait le voir une heure par semaine le mercredi.

Cette interview évoque beaucoup de thèmes importants abordés sur mon blog. Le parler en langues (dans les milieux charismatiques) : polyglotte, Pierre Lambert a entendu, il y a longtemps dans le cadre du Renouveau charismatique au moment d'une prière de groupe en sa faveur une petite dame sans études s'est mise à prier en araméen. Il cite aussi le cas d'un employé d'une "agence de logement" qui s'est mis à faire une action de grâce en grec ancien à la chapelle des Franciscains dans la Basilique de la Résurrection (cela confirme au passage que le parler en langues n'est pas forcément n'importe quoi, un jour Michelle d'Astier de la Vigerie dans la mouvance évangélique avait dit qu'alors qu'elle priait en langues sans savoir ce qu'elle même disait une de ses voisines a compris la prière et dit qu'elle priait pour Israël, mais là pour le coup on ignorait à quelle langue cela correspondait - notez que tout le milieu charismatique, y compris le P. Lambert tenaient une position assez sioniste). Je dois dire qu'une expérience d'un membre de ma famille dans le cadre d'un exorcisme il y a quelques années confirme la validité performative d'un certain parler en langues quand il est inspiré d'en haut.

En minute 10 il parle aussi des défunts qui s'emparent de petits fils pour faire passer des messages. Il confirme en minute ce que le médium Reynald Roussel avait signalé dans une de ses vidéos : le soutien du padre Pio à la voyante Hélène Bouvier. En minute 17 il dit : "Quelqu'un qui m'a aidé (à échanger avec les morts) c'est quelqu’un d'un peu original, c'est Hélène Bouvier, (...) c'est une personne qui avait le soutien inconditionnel du Padre Pio (...) le nombre de personnes qu'elle a conduits vers Dieu qui étaient incroyants, j'ai vu des francs-maçons notoires qu'elle a conduits vers Dieu, c'était un travail énorme". (Mais le Père Auzenet ici il y a deux ans lisait le témoignage d'Hélène Bouvier elle-même dans ses ouvrages qui faisait seulement état d'un regard rempli d'amour vers elle du Padre Pio, sans parole, qui, du coup l'a dissuadée de se confesser auprès de lui - ce qui est un peu étrange).

Il raconte aussi que le 15 décembre 2020 il a été plaqué contre le mur par une quadragénaire possédée, comme le Padre Pio il entrevoit ce que les gens ont à dire en confession, et se réclame de la tradition de l'école française bérullienne (minute 43). Je vous conseille la lecture du Traité des Energumènes de Bérulle ou son résumé ici.

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Milarepa et les démons

16 Mars 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie, #Christianisme

Voici un récit du lama Kalou Rinpoché (1905-1989) extrait de La voie du Bouddha, Points Sagesse, 2010, p. 225-26, cité par ce blog, qui m'intéresse du point de vue de la dialectique ascèse/démons (je préciserai en quoi à la fin de ce billet), à propos de Milarepa (1052-1135 - un contemporain de Guillaume le Conquérant et d'Anselme de Cantorbery).

"Alors que Milarepa était en retraite, un jour, en rentrant dans sa grotte, il se trouva face à une horde de démons terrifiants avec des yeux grands comme des soucoupes. Ils exhibèrent leurs pouvoirs faisant trembler le sol et déployant toutes sortes de manifestations terrifiantes. Milarepa essaya différents moyens pour les chasser : il adressa des prières à son lama Marpa, médita sur la divinité protectrice, menaça les démons, et tenta toutes sortes de stratagèmes. Ils se moquèrent de lui : "A en croire son attitude, il semble qu'il ait perdu son équanimité et que nous l'ayons troublé".

Alors Milarepa se dit : "Marpa Lodrakpa m'a enseigné que toutes les apparences sont projections de l'esprit, et que la nature de celui-ci est vide et lucide ; considérer ces démons comme extérieurs et vouloir les expulser est illusion".

Réalisant alors que la nature de l'esprit ne pouvait être affectée par ces manifestations, et qu'elle demeurerait inchangée même devant une myriade des démons les plus terribles, il comprit les démons comme l'expression des fixations et des pensées dualistes de son esprit. Alors, dépassant ses peurs, il accepta la présence des démons, et fit naître envers eux une compassion authentique.

Il se dit :"Si ces démons veulent mon corps, je les leur offre ; la vie est transitoire, il est bon que je puisse aujourd'hui faire ainsi une offrande bénéfique". Cette attitude de profonde compassion et de compréhension de la vacuité apaisa les démons et finalement leur chef s'adressa à Milarepa : "Croyant que tu avais peur de nous, nous pensions pouvoir te nuire ; mais si la pensée des démons n'apparaît jamais dans ton esprit, tu n'as nulle crainte à avoir". Puis ils disparurent."

A mon humble avis il faut garder à l'esprit que cette histoire ne nie pas l'existence des démons (aucune civilisation avant le XVIe siècle ne les a niés, à l'époque de quelques individus rationalistes grecs et indiens).

Les démons existent dans un extériorité semblable à celle des objets qui nous entourent (il ne s'agit pas de les psychologiser). Mais de même que du point de vue bouddhiste les objets matériels sont la projection de notre soi, et de nos erreurs, de même les démons. L'ascèse est donc susceptible de les faire de disparaître mais de même qu'en vertu d'une logique "quantique", pour parler comme feu-le père Brune, elle peut éloigner des objets ou des gens de notre chemin.

On sent cependant qu'il y a quelque imprécision dans ce récit qui ne permet pas de comprendre clairement quelle peur des démons il faut enlever de l'esprit. Ce n'est certainement pas au sens des rationalistes l'idée de simplement "ne pas y croire", sans quoi alors le bouddhisme fait le jeu des démons (cf Baudelaire et l'intérêt des démons à ne pas les prendre en compte). C'est peut-être davantage ne pas craindre au sens de la Bienheureuse Marie des Vallées (qui était convaincue que les démons étaient liés), avec en plus une dimension spécifique d'effacement du Moi.

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La chanteuse Aleksandra Prijović et l'ex-Yougoslavie

17 Février 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps

La chanteuse serbe Aleksandra Prijović réunifie-t-elle l'ex-Yougoslavie ? Elle a marqué les esprit en décembre dernier en remplissant successivement cinq stades à Zagreb en Croatie. Elle se produit ce mois-ci à Osijek (elle a grandi près de cette ville à partir de 1998, bien qu'elle soit native de Voïvodine).

Un moine de Ribnica en Serbie Arsenije Jovanović le 13 février dans sa prédication sur Internet a stigmatisé ces spectacles centrés sur le corps de la chanteuse comme des régressions "paysannes" (seljački) dans le sens de stupide. Il décoche au passage quelques flèches contre l'Occident latin dans le cadre d'une remise en perspective de l'histoire de la musique en Europe. Selon lui, si Aleksandra Prijović a du succès en Croatie, ce n'est pas le meilleur de l'influence que la Serbie pourrait avoir sur son voisin...

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Du temps où l'on m'écrivait....

16 Février 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Généralités Nudité et Pudeur, #Spiritualités de l'amour

Mail reçu le 16 septembre 2013 :

Bonsoir Monsieur Colera,

Par curiosité j'ai regardé les liens et articles ayant trait à l'ouvrage dont vous parlez. C'est la raison pour laquelle je me permets de vous envoyer un message afin de vous encourager.
La manière dont vous parlez de cette "nudité" rétablit ce qui était si beau et qui malheureusement, comme beaucoup d'autres choses, a été sali par une société avide de rapidité et de richesse bien souvent tout autre que celle de notre âme.
Il n'est pas simple de défendre nos convictions lorsque celles-ci s'attaquent à des sujets délicats qui sont au coeur de la société. Toutefois cette démarche me semble utile pour contribuer à un certain "éveil" des consciences.
La jeunesse d'aujourd'hui est notre avenir, celui de l'humanité. Il est même de notre devoir de contribuer à cet éveil si nous en avons la possibilité, dans la mesure où nous sommes convaincu du message à faire passer... "C'est une nudité qui veut faire passer un message".
Je retiens une phrase que vous avez citée dans un article: "Sans me presser, je les laisse se décanter...", concernant les divers thèmes philosophiques ou socio-culturels que vous abordez. Prendre suffisamment de temps pour que les informations remontent "en surface", comme une évidence... Mais comment le pouvons-nous? La loi actuelle semble basée sur le "Toujours plus vite, stress, pression", " Le temps c'est de l'argent!"...

J'ai beaucoup aimé le commentaire suivant qui ouvre sur une multitude d'idées à développer.
"Et en même temps, ça permettait de se confronter à un sujet qui fascine notre époque, qui l’envahit même, dans les images et dans les pratiques. La mort de Dieu, la dé-spiritualisation des institutions, tout ça renvoie chacun à son corps, à la volonté de le mettre au centre des rapports sociaux. Un corps qui veut exprimer de plus en plus son dépouillement, son animalité."
Ne pensez-vous pas qu'en dépassant de plus en plus les dogmes instaurés au fil du temps par une interprétation erronée de certains messages, finalement en étant de plus en plus à l'écoute de ce que nous dicte "notre intérieur", là où prennent naissance nos émotions et certainement nos convictions qui en sont une résultante, de ce que nous portons en nous, nous ne nous rapprochons pas au contraire d'une spiritualité vraie, quelquefois à l'opposé de ce que certaines institutions veulent nous faire croire?

Au plaisir de vous lire,

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Le néo-platonisme kabbaliste anglais à l'époque de Leibniz

12 Février 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie, #Christianisme, #Histoire des idées, #Histoire secrète, #Alchimie

Revenons d'un mot sur les interlocuteurs kabbalistes et néo-platoniciens de Leibniz. Celui-ci dans ses Nouveaux Essais sur l'entendement humain évoque rapidement "ceux qui ont logé vie et perception en toutes choses comme Cardan, Campanella, et mieux qu'eux feu Mme la comtesse de Connaway platonicienne, et notre ami feu M. François Mercure van Helmont (quoique d'ailleurs hérissé de paradoxes inintelligibles) avec son ami feu M. Henri Morus" pour leur opposer "comment les lois de la nature ( dont une bonne partie était ignorée avant ce système) ont leur origine des principes supérieurs à la matière, en quoi les auteurs spiritualisants que je viens de nommer avaient manqué avec leurs archées" pour conclure que les animaux ont une âme immortelle (ce qui fait échapper aux craintes de la métempsychose

Jérôme Cardan (1501-1576), de Pavie, médecin, mathématicien et philosophe, dont les doctrines sont un mélange d'illuminisme et de matérialisme.

Campanella (1568-1639) était dominicain. Adversaire d'Aristote, auteur d'une célèbre utopie communiste réfugié en France.

"Van Helmont (François Mercure) (1618-1699), fils de J.-B. van Helmont, célèbre alchimiste. Comme son père, il admettait des archées, espèces d'âmes vitales pénétrant le corps entier et y accomplissant les fonctions de nutrition, de digestion, etc." (écrira un annotateur du XIXe siècle)

Henri Morus (ou More) (16141687), théologien et philosophe de l'école de Cudworth, mais avec un mélange de mysticisme. Il croyait aussi aux archées.

En notre siècle Tristan Dagron, directeur de recherche au CNRS, dans Toland et Leibniz (2009), apporte un éclairage intéressant sur le rapport de Leibniz à la Kabbale, en rappelant que, si Leibniz réfutait sa dette à l'égard de la kabbale (et à la manière dont autour d'elle se pose la question de la divisibilité de la substance), le philosophe irlandais John Toland (1670-1722), lui, l'y ramenait, et que ce n'était pas complètement infondé car Leibniz lui-même "face à ses interlocuteurs anglais, se réfère très fréquemment au platonisme anglais, et surtout aux Principia philosophiae antiquissimae et recentissimae d’Anne Conway qui propose un système largement inspiré des traductions de Knorr".

En 1677-1678 a lieu la publication des traductions latines par Christian Knorr von Rosenroth de textes issus de la tradition juive, d’extraits du Zohar et des plus récents développements de la Cabale de l’école d’Isaac Louria.

En 1662 Henry More (Henri Morus) avait publié les Conjectura Cabbalistica dans laquelle il cherchait à montrer à partir de la Kabbale (conçue comme étant la tradition mosaïque) comment la leçon du mécanisme cartésien ne saurait entrer en contradiction avec le platonisme qui pose la nécessité d’un plus haut principe, l’esprit pour « dresser un rempart exotérique ou une fortification extérieure autour de la théologie ». De cette kabbale il prétendait faire une lecture rationnelle, sans inspiration surnaturelle. Elle est pour lui convergente avec la tradition philosophique héritée d'Egypte via Pythagore et Platon, notamment sur la numérologie. L'une et l'autre sont pour More des piliers solides de la modernité qui d'ailleurs avaient anticipé sur l'héliocentrisme et le mécanisme.

En découvrant la traduction du Zohar et de Louria par Knorr von Rosenroth, More tombe sur  un immanentisme qui fait de Dieu « l’essence de toutes choses » et nie par conséquent la possibilité de la création, au risque de faire de Dieu et des anges des êtres matériels. Pour s'y opposer, il propose un exposé de l’arbre séfirotique qui écarte le modèle émanatiste. Seules les trois premières Sefiroth signifient des déterminations immanentes au divin, la trinité chrétienne et platonicienne : Kether, ou la Couronne est ainsi le « symbole de l’unité » qui correspond à la "première hypostase de la triade platonicienne". Hochmah, ou la Sagesse est interprétée comme le nous, la sophia ou le logos, correspondant à la « seconde hypostase de la trinité chrétienne », mais aussi de la « triade platonicienne ».Binah, ou la Prudence, et en tant qu’elle est constituée par la relation entre les deux premières hypostases, désigne « l’ardeur pure, immuable et infinie de l’amour divin, née de la perception de la perfection divine »  : il s’agit ainsi de la psyché platonicienne, à laquelle répond l’Esprit saint des chrétiens. Les sept Sefiroth suivantes correspondent, elles, à des « émanations » en tant qu’elle se rapportent essentiellement aux réalités créées.

 L’unique substance est l’esprit (« Quicquid vero est, spiritum esse », § 5). Cet esprit est « incréé, éternel, intellectuel, sensible, vital, se mouvant par soi-même et existant nécessairement par soi » (§ 6). Cet esprit est alors « l’essence divine » elle-même (§ 7), qui seule « peut exister par soi » (§ 8). Par conséquent, si tout est engendré de cette essence divine, de la division actuelle que l’on découvre dans les choses s’ensuit la divisibilité de l’essence divine elle-même. De l’essence divine se déduisent donc une infinité de « particules singulières » qui peuvent s’étendre et avoir de l’extension (§ 10), mais aussi se contracter ou se comprimer (§ 11). La contraction de ces particules constitue « le monde dit matériel ». Or puisque l’esprit est la substance unique, ce monde sera composé « d’esprits divisés ou de particules de l’essence divine contractées ou comprimées en monade ou points physiques »

Cet état de contraction correspond au « sommeil » de ces particules divines, et leur expansion, à « l’état de veille » (§ 13), suivant une terminologie que More emprunte aux textes traduits par Knorr. Il existe en outre différents états de veille, qui correspondent aux différentes facultés ou fonctions de l’âme (l’état végétatif, sensitif ou rationnel), et dans ces états de veille, s’étendant en orbes de dimension et de vertu presque infinies, les particules divines ou les esprits particuliers peuvent fabriquer ce monde et ses parties.  De l’unité substantielle de toutes choses, note Dagron, s’ensuit que les espèces peuvent se convertir les unes dans les autres, et que l’esprit qui était de la poussière de marbre peut se transformer en plante, puis de plante en bête, de bête en homme, d’homme en ange et d’ange en un Dieu créateur d’une nouvelle terre et d’un nouveau ciel (§ 15). Autrement dit, l’essence divine actuellement divisée en esprits sera tout entière dans chaque partie, qui, du fait de sa puissance et de sa faculté d’extension, pourra devenir elle-même une divinité créatrice, réellement distincte et séparée des autres (§ 16). La doctrine de l’unité de la substance conduit ainsi à poser une pluralité réelle de dieux. Conséquence absurde à laquelle échappe la doctrine de la création ex nihilo.

On est là dans des discussions typiquement internes au platonisme sur les conséquences de la théorie des émanations de l'être.

A partir de 1671, le cercle de Lady Conway (celle que Leibniz appelle par erreur Connaway) s'ouvre aux Quakers sous l'influence de François Mercure Van Helmont.

La Kabbala denudata, à la suite de la Confutatio de More, comprend un bref Dialogue apologétique entre le Compilator (Knorr) et un « Cabaliste cathéchumène » (vraisemblablement Van Helmont). Le cabaliste y critique alors  la définition « formelle » de la création comme production ex nihilo. Dieu est cause du monde comme le soleil de ses rayons. Toutes les Sefiroth sont ici conçues comme des relatifs ou des « genres » métaphysiques qui expriment la relation du créateur avec l’ordre du créé.

Dans la seconde moitié des années 1670 Anne Conway écrira les Principia philosophiae antiquissimae et recentissimae que Van Hermont publiera à titre posthume en 1690 qui spécule sur la rétractation de Dieu dans le mouvement de création dans laquelle prend place le Messie (ou l'Adam Kadmon), première créature émanée de l'infini, comme Verbe. La médiation du Christ présent en toutes choses est immanente est une doctrine solidaire de la théologie quaker (un point très important à mon avis pour comprendre le Christ cosmique du New Age).

Si les créatures émanent de leur principe, avançait Henry More, elles seront de même nature ou substance que leur créateur et il s’ensuivra que l’essence divine elle-même sera divisible et identique aux réalités corporelles ainsi produites, de sorte que l’on aurait un Dieu « transformé en argile et en pierre ». Mais s'il y a la médiation du Verbe comme idée de Dieu, répond Van Hermont, il peut se diviser sans atteindre l'unité de Dieu. Ann Conway renvoie à Actes 17:29, la source de l'humanité en Christ primogenitus fonde la fraternité humaine et la philanthropie quaker. Tous sont fils de ce premier né de Dieu. Les natures créées peuvent « dégénérer » de cet état de perfection originel, dans lequel toutes sont d’une même espèce. C’est cette possibilité qui fait la différence entre l’esprit médiateur, l’idée de Dieu, et la multiplicité des esprits engendrés par elle et nous pouvons cependant revenir à la filiation première après la déchéance par voir d'adoption en ressemblant au Christ. Le modèle est le Parménide platonicien, au moins tel que Ficin l’expose dans son commentaire, que la comtesse de Connway récupère à travers le travail de platonisation de la kabbale de Louria opérée par Abraham Cohen Herrera.

Je ne développerai pas ici les implications de ces problèmes sur la question de la divisibilité ultime de la matière (problème auquel Kant mettra un point final). Mon propos était seulement de montrer cette face cachée (ésotérique et théologique) de la philosophie européenne du XVIIe siècle que la philosophie de nos cours de Terminale ont eu trop tendance à faire passer à la trappe.

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Impasses des hypothèses astronomiques et des suppositions évolutionnistes

10 Février 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Otium cum dignitate, #down.under, #Anthropologie du corps

L'astrophysicien David Elbaz, dans une récente conférence à l'association française d'astronomie, explique qu'il y a eu un pic de croissance des naissances d'étoiles et qu'elles sont moins nombreuses maintenant, on ignore pourquoi. Beaucoup de choses de ce type sont inexpliquées.

Le Big Bang a eu lieu il y a 13,5 milliers d'années. 380 000 ans après l'univers se refroidit et naissent les atomes. Il y a un proton et un électron qui se combinent. Quand les électrons sont piégés dans les atomes ils ne flottent plus dans l'espace. Avant, quand ils flottaient, l'univers était opaque., et l'on ne pouvait rien voir, c'était une mélasse de matière et de lumière dans laquelle régnait une musique primordiale, des sons (cela fait penser à Pythagore évidemment). A la naissance des atomes, la musique s'est arrêtée, les notes se sont cristallisées qui allaient donner des étoiles.

Mais ensuite il y a un âge sombre qui précède la naissance des étoiles. Au bout de 100 millions d'années naissent les premières molécules, grâce aux vibrations desquelles les étoiles vont naître. C'est l'aube de l'univers. Le 11 juillet 2022, Biden a présenté le "livre d'histoire de nos origines"

Puis les étoiles brillent tellement qu'elles brisent les atomes. Les électrons sont à nouveau libérés mais l'univers a tellement grandi qu'il ne peut plus être opaque.

Il y a presque 5 milliers d'années nait le soleil, on est déjà dans la décroissance de formation d'étoiles.

Cette recherche sur l'aube de l'univers, est menée grâce au télescope James Webb, téléscope à 10 milliards de dollars lancé le 25 décembre 2021. qui présente les premières galaxies cosmiques. Cela se décrypte en fonction de leurs formes, leurs couleurs (les rouges ont des étoiles vieilles, ou parfois simplement parce qu'elels s'éloignent et se décalent vers le rouge), sil elles brillent beaucoup elles ont beaucoup d'étoiles ; puis on décompose leur lumière pour analyser leur fécondité, si elles perdent de la matière.

Ces images ont bouleversé nos théories. Six galaxies aux confins de l'univers (dans les premières centaines de millions d'années après le Big Bang) sont trop massives. Il y en a aussi de trop nombreuses, et trop lumineuses. Pourquoi l'univers primordiale a-t-il eu une fécondité ? y a t il eu quelque chose avant le Big Bang ? Y a-t-il eu une énergie noire primordiale qui aurait créé ce sursaut ?

Les premières galaxies sont très petites, à peine plus grosses que des amas globulaires, très compactes. Les trous noirs sont formés trop tôt.

Ces incohérences pointées par Elbaz rappellent celles qu'avait repérées le prix Nobel Francis Crick, découvreur de l'ADN. Le vulgarisateur de mythes Graham Hancock en parle dans cette interview de début 2023 (min 27) : dans Life Itself (1989) il montre que la soupe primordiale qui s'est formée il y a 3,9 milliards d'années après les 600 premières années de trop forte température de la Terre n'a pas pu, en 100 millions d'années comme on le  pense donner lieu à la naissance de la vie qui se serait répandue sur toute la Terre sous forme de bactéries, il a fallu que les molécules viennent d'ailleurs.

Un problème à rapprocher aussi de celui des sauts quantiques dans l'évolution naturelle que Graham Hancock pense que certains de ces sauts ont pu être favorisés par l'ergot de seigle... Thème à la mode. Sans grand intérêt, mais il fallait bien que j'en dise un mot.

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Quand Leibniz voulait que la France conquière l'Egypte

9 Février 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire secrète, #Spiritualités de l'amour, #Alchimie, #Histoire des idées, #Philosophie

De Leibniz on retient les monades - j'étudiais ça à 17 ans quand je préparais le concours général de philo -, à la rigueur le "pli" en souvenir de Deleuze. Et puis on découvre d'autres aspects étonnants du personnage. Par exemple en 1907 Baruzi - qui n'avait que 26 ans et n'était pas encore professeur au collège de France - s'est intéressé au fait que "Leibniz fut hanté par l'Orient. Constamment il fut soucieux de l'atteindre, de le pénétrer, et comme d'y transporter l'Europe. Le projet de conquête de l'Egypte, les plans proposés à Pierre le Grand, les encouragements donnés aux missions des Jésuites, formulent diversement un rêve identique".

L'idée de la conquête de l'Egypte lui serait venue par hasard d'après son propre récit. Il avait 21 ans, mais était déjà entré à l'université (à Leipzig) sept ans plus tôt ! Secrétaire de la confrérie des Rose-Croix, il rencontre un diplomate alchimiste, Johann-Christian von Boineburg à Nuremberg en 1667, conseiller de l'électeur de Mayence, et se rend en Bavière. Il rêve alors à l'unité du Saint Empire (à laquelle, note Baruzi, Sully ministre d'Henri IV exhortait aussi en tant que Français au nom du souvenir de Charlemagne contre les Habsbourg), et ne voit l'unité de l'Europe ne se réaliser que par le colonialisme (à l'Angleterre l'Amérique du Nord, à l'Espagne celle du Sud, à la Hollande l'Inde, à la Suède et la Pologne la Sibérie et la Crimée, à la France l'Afrique et l'Egypte) .

Il fera ensuite de la conquête de l'Egypte un projet germanique, mais toujours dans l'idée de réaliser un empire chrétiens sur toute la Terre. Il s'agit ainsi de toucher l'empire turc au coeur et d'ouvrir une route vers la Chine (grande terre de découvertes passionnantes pour Leibniz jusque dans les années 1700), ce qui devait assurer un primat naturel à la France sur les autres puissances d'Europe, le but final étant, précise Baruzi, l'unification de l'humanité dans la religion chrétienne. Et le but est de vaincre en la Turquie une puissance qui n'aime pas l'homme et fait régner la peur, et voir dans Louis XIV et dans l'Egypte des monades de l'amour chrétien unificateur, pour que la vie terrestre reflète la vie céleste.

Quand Louis XIV attaquera le Luxembourg et l'Alsace plutôt que les Turcs, Leibniz, admirateur de Frédéric Von Spee en qui il voyait un "confesseur des sorciers" va reporter à partir de 1672 ses espoirs sur les Jésuites qu'il a probablement rencontrés à Paris par l'entremise de Père La Chaise. Il voit en eux une arme contre le cartésianisme qui par ses abstractions coupe l'homme de la créativité et de Dieu. Il les idéalisera eux-aussi comme vecteurs d'un amour universel (du fait de leur tolérance envers le paganisme). C'est là un projet adossé à son amour des langues illustré aussi par sa tentative de réunir toutes les versions du Pater Noster dans les langues vulgaires du monde entier pour définir à son tour une prière universelle qu'il exposa d'ailleurs aux jansénistes.

Je crois qu'on est en présence ici du projet typique d'unification religieuse du monde qu'on allait aussi retrouver ensuite dans la franc-maçonnerie. Et cela va avec le côté alchimiste qui est une science ésotérique très inspirée par les théories de l'amour universel.

"Leibniz s'est occupé d'alchimie dès sa jeunesse, notait l'abbé Piat en 1915 ; et plus tard, il n'a jamais cessé de consacrer à ce genre d'études une partie de son temps.

L'alchimie lui a toujours apparu comme une mine infiniment féconde. Il appartient aux alchimistes de « pénétrer jusqu'à la nature intime des choses- ». « Grâce à leur [double] procédé d'analyse et de synthèse, ils produisent déjà un certain nombre de corps nouveaux. » Ces succès ne sont que l'humble commencement d'une suite illimitée de victoires. La nature est un grand art; et cet art, l'alchimie finira peu à peu par le découvrir tout entier. Dans le « four » de quelque « Dédale » ou de quelque « Vulcain », s'élaboreront un jour les mêmes pierres que nos outils arrachent maintenant des ténèbres du sol. Il est vrai que les alchimistes ont encore une langue mystérieuse. Mais rien ne semble plus naturel; c'est presque toujours dans une demi-clarté que l'esprit humain fait ses découvertes les plus fécondes : la pleine lumière ne se produit quo dans la suite et par degrés, comme celle du soleil levant. C'est surtout de la chimie que dépend le progrès des sciences de la nature, et parce qu'elle représente une application directe de la combinatoire. Du même coup, c'est de la chimie que relèvent au premier chef les connaissances métaphysiques. « On ne saurait rien dire de si splendide sur l'excellence de cet art, que je n'applaudisse de tout coeur"'.

Leibniz avait d'ailleurs intégré les rose-croix pour comprendre mieux cet art qui n'était pas encore séparé clairement de la chimie.

"La « théorie du mouvement concret », explique encore l'abbé Piat, est elle-même chargée de termes, de formules et de notions qui lui viennent tout droit des alchimistes; et l'on voit, à la lecture, qu'il tient à rester d'accord avec ces vieux pionniers du savoir, qu'il n'y tient guère moins qu'à marcher en compagnie de Descartes, de Hobbes ou de Bayle. On retrouve le même langage et la même préoccupation dans la lettre qu'il adresse au duc Jean Frédéric le 21 mai 1671 : ces quelques pages sont également bondées d'alchimismes, et à ce point qu'on ne laisse pas d'en avoir une certaine surprise.

Leibniz suit avec une attention toute particulière les élucubrations de Franz Mercure van Helmont, l'auteur du Seder olam. Il les recueille, les commente, les critique, les rejette ou les intègre à sa pensée : les notes do ce genre comprennent plus de quarante folios inédits. L'entrevue de Leibniz et de van Helmont, qui eut lieu dans le courant de mars 1690 en présence de la duchesse Sophie nous a laissé un échantillon de ce libéral et sympathique examen que le philosophe faisait subir à l'alchimiste".

Le kabbaliste Van Helmont était un quaker, qui se vêtissait d'un drap brun. On l'aurait plutôt pris pour un artisan que pour un baron. Leibniz écrira à Placius qu'il n'aimait pas son kabbalisme un peu obscur (et ses thèses sur l'identité de Jésus et Adam, sur les deux filles d'Adam et Eve) et Emile Thouverez, prof à la faculté de Toulouse dira en 1910 que la notion de monade de Leibniz vint davantage de Giordano Bruno que de Van Hemont.

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