La Femme et le Sacrifice
Je viens de publier une petite page sur parutions.com à propos d'un ouvrage d'Anne Dufourmantelle : http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=85&srid=427&ida=8120.
Je ne suis pas très emballé, à vrai dire, par ce genre de psychanalyse philosophique, mais j'avais commandé ce bouquin par curiosité, espérant vaguement - mais à tort - qu'il serait utile pour mes recherches anthropologiques. Quelques-unes de ses intuitions peuvent cependant en intéresser certains...
Anne Dufourmantelle, La Femme et le sacrifice, D’Antigone à la femme d’à côté
L'auteur du compte rendu : Docteur en sociologie, diplômé de l’Institut d’Etudes politiques de Paris et de la Sorbonne (maîtrise de philosophie), Christophe Colera est l'auteur, entre autre, chez L’Harmattan, de Individualité et subjectivité chez Nietzsche (2004).
Il est des aspects de la réalité humaine dont une certaine rationalité instrumentale s’acharne à aplanir le relief, à désamorcer le potentiel, et qu’elle tente de rendre inoffensifs. Il appartient alors au penseur de les débarrasser de leur carcan de conformisme, et de banalisation. C’est ce que s’attache à faire, d’un livre à l’autre, la psychanalyste et philosophe Anne Dufourmantelle sur un sujet cardinal entre tous : celui de la féminité. Après avoir, il y a quelques années, dans son essai Sauvagerie maternelle, sondé le pouvoir des mères dans ce qu’il a de plus redoutable, elle en explore aujourd’hui le revers : le pouvoir de donner et de se donner la mort (symbolique ou réelle) en lieu et place de ce qu’une femme peut normalement donner, c’est-à-dire la vie.
A la différence du renoncement qui est un abandon du désir – qui obéit aux lois du lignage familial –, le sacrifice est une forme de « surdésir », une rupture active avec la communauté, en même temps qu’une convocation de l’Autre, pour briser le cercle, créer une ouverture.
La Femme et le Sacrifice est avant tout comme une promenade à travers les grandes figures et les grandes thématiques du sacrifice féminin. Cela lui donne une liberté à la mesure de son ambition. Sans s’embarrasser des particularismes sociaux, ethniques et historiques, l’ouvrage dresse une sorte de problématique existentielle générale saupoudrée de vocabulaire psychanalytique. Certes, selon l’expression consacrée, parfois « qui trop embrasse mal étreint ». Notamment on peine quelque peu à saisir dans la démonstration de l’auteure ce qui unit réellement le suicide d’une jeune kamikaze palestinienne et la « vie blanche » des femmes réduites à une existence minimale, ce sacrifice qui « ne sacrifie rien » de l’aveu même de l’auteur (p. 48). La différence entre cette dernière forme « intériorisée » de sacrifice et le renoncement ne réside-t-elle pas, au fond, dans le regard de la communauté, que précisément requiert tout acte sacrificiel, c'est-à-dire en dernière analyse le fantasme projeté par l’observateur extérieur sur ce qui peut être aussi bien sacrifice ou simple renoncement, voire simple accident ?
Néanmoins l’obstination d’Anne Dufourmantelle à séparer le sacrifice de la loi du désir (la « séparation » étant d’ailleurs le propre du sacré) et à voir dans les anorexiques qui s’allongent sur son divan des Antigone et des Iphigénie, a un mérite certain : celui de reconnaître la source spirituelle de leur mal (p. 76) face aux tentations d’une médication purement chimique, c’est-à-dire par la reconstruction imaginaire du sens redonner à chacun les moyens de sa réappropriation subjective.
Pour Dufourmantelle en effet, c’est le refus du sacrifice dans les familles et dans notre société qui pousse au renoncement, au devenir-objet – dont le suicide peut être une forme. Le sacrifice, lui, refait advenir le sujet dans un acte sublime de différance quand plus aucune autre option vivable n’est offerte.
Ainsi donc l’auteure, au milieu d’une sorte de tableau des grands mythes disséqués à la manière de la Psychanalyse des contes de fées de Bettelheim, rend-elle en quelque sorte justice à la jeune fille qui tue la mère en elle au nom d’un amour absolu pour le père, l’amante instrumentalisée comme dans Breaking the Waves, à la mère qui accable ses enfants du poids de ses sacrifices, ou les sacrifie eux-mêmes. Elle les rapporte aux paradoxes de la psyché, et au mystère des vies singulières. Incidemment, c’est aussi le tableau d’un certain milieu, d’une certaine époque, qu’Anne Dufourmentelle dessine en filigrane : celui de ses clients, les classes moyennes ou aisées, urbaines, dans un univers occidental saturé de biens matériels, et de solitude individuelle.
Somme toute il ne s’agit là ni de philosophie ni de science rigoureuse. Seulement de remarques tirées d’une pratique clinique, et d’une libre méditation souvent très éclairante sur le corpus canonique de notre littérature. Comme la philosophie de Derrida qu’elle cite une ou deux fois, Dufourmantelle se garde de conclure, parce qu’au fond le sacrifice féminin – comme peut-être tout sacrifice – ne donne aucune leçon, si ce n’est peut-être une leçon d’humilité : une incitation au respect de la singularité des expériences individuelles. « On ne peut pas rejoindre une vie au-delà d’elle-même, de ce qu’elle laisse comme traces, comme souvenirs, comme chagrin » observe Dufourmantelle, à la fin de son livre, devant le suicide de Virginia Woolf. C’est intellectuellement frustrant, mais peut-être "existentiellement" adéquat…
Christophe Colera
Stendhal et le bonapartisme
Toujours dans la série des petites recensions que je rédige pour Parutions.com, je signale la mise en ligne de celle que je consacre au dernier livre de Jacques Dubois sur la sociologie de Stendhal - voir http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=1&srid=123&ida=8049 et ci-dessous
Je dois préciser que je ne suis pas un très grand lecteur des auteurs du XIX ème siècle. Le cadre scolaire - qui me déplaisait souvent - ne m'y encourageait guère. J'ai lu Balzac, Chateaubriand, Nerval, Musset, Hugo, Flaubert, Proust ou Zola plus par obligation qu'autre chose. Et je n'ai plus guère le temps de me replonger dans cette prose. Pour autant je n'y associe pas que des mauvais souvenirs. J'ai lu la Chartreuse de Parme (au moins en partie) à 20 ans, quand l'envie de tenter le concours de Normale Sup sans passer par la Khâgne m'a effleuré (seulement effleuré car j'ai abandonné le projet au bout d'un mois - la Chatreuse était au programme). J'en ai beaucoup apprécié le style que pendant quelques semaines je m'efforçai même d'imiter (c'était mon côté éponge). Pour moi, de ce fait, Stendhal reste associé à quelque chose de vif et de lumineux qui va bien avec l'Italie.
Le livre de Jacques Dubois a certes quelques petits défauts que j'ai préféré ne pas mentionner. Mais l'intérêt principal du livre est qu'il m'a fait un peu réfléchir aux blocages de la société post-napoléonienne, qui, à certains égards, ressemblent à ceux de notre époque. En plus marqués peut-être parce que la structure de classe restait plus figée.
Du coup cela fait aussi penser à ce que fut le bonapartisme, comme phénomène social.
Je lisais l'an dernier La Démence coloniale sous Napoléon, un réquisitoire implaquable et juste contre le dispositif conquérant raciste que l'Empereur fit peser sur les colonies françaises (et voulait généraliser au monde entier, heureusement l'hégémonie maritime anglaise l'en empêcha). C'est un aspect néfaste et peu connu du premier Empire français. Il y a aussi celui que les autres Européens ne manquent jamais de rappeler : l'invasion sauvage de tout le continent : les meurtres, les viols, les pillages. Sur la place où je me suis fait prendre en photo début avril à Alcaniz il y a une plaque qui commémore l'héroïque résistance espagnole face aux soudards de l'Empereur qui ont causé mille ravages dans cette ville.
Mais l'histoire n'est pas morale, nous le savons. L'ardeur sanguinaire du bonapartisme est aussi ce par quoi les acquis de la Révolution se sont stabilisés dans l'Hexagone, et ont un peu "contaminé" les monarchies avoisinantes (le fameux Code civil, qui ne se serait peut-être jamais imposé autrement). Elle est aussi ce par quoi de brillants individus socialement condamnés par leur appartenance de classe se sont vus ouvrir des "opportunités", comme on dit, extraordinaires. Même un bourgeois, du niveau du Grenoblois Henri Beyle alias Stendhal, ex-auditeur du Conseil d'Etat napoléonien, en a bénéficié. D'une manière générale à peu près toutes les classes sociales profitent d'un pouvoir conquérant (du moins lorsque celui-ci a des tendances redistributrices, ce qui est le cas du bonapartisme). L'équivalent se vérifie autour de Jules César 20 siècles auparavant.
C'est ce qui fait que se multiplient les initiatives audacieuses et souvent admirables dans tous les milieux à l'occasion des phases de conquêtes, pourtant bien sombres pour les peuples qui les subissent - Nietzsche l'a bien compris qui ne manquait pas une occasion de vanter les mérites de Napoléon. Ce constat fait craindre que l'humain garde encore pendant quelques générations quelque goût secret pour les entreprises sanguinaires qui ouvrent des boulevards aux changements sociaux.
Cela dit il est vrai que la tendance conquérante est bien amoindrie aujourd'hui. En Europe du moins. Chaque peuple semble s'accommoder désormais des frontières qui lui échoient, tout arbitraires qu'elles soient - parfois d'ailleurs au prix d'une occupation "internationale" comme dans les Balkans. L'exploitation économique (notamment celle des peuples du Sud) compensant peut-être la frustration de ne plus pouvoir dominer militairement.
Cette sublimation est probablement un progrès. Je visitais hier le monastère de Mortemer auquel s'attache le souvenir glorieux du Plantagenêt Henri II qui aurait pu construire un grand royaume anglo-normand de l'Ecosse aux Pyrénées si la France centrale n'avait contrarié ses projets. Chaque région d'Europe garde le souvenir d'un souverain conquérant qui aurait pu fonder dans le sang un grand Empire (en Béarn par exemple on se souvent de Gaston Fébus). Il est heureux aujourd'hui que les grands empires ne soient plus à la mode (même aux Etats-Unis, l'hégémonisme n'a plus la côte) et qu'on puisse réfléchir aux réformes des structures sociales sans chercher d'exutoire guerrier.
Mais il est toujours bon de tenter de comprendre les générations antérieures. Stendhal raconte dans ses romans ce que Musset disait aussi : cette frustration des orphelins de la Révolution et de Napoléon, nés dans un monde où tout semblait possible, et vieillissant dans une société où l'on ne peut plus rêver que d'aimer une femme, au milieu des baudruches conservatrices les plus niaises... On voit bien pourquoi en France le deuil de Napoléon fut difficile, et, à certains égards, le reste parfois encore de nos jours.
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Stendhal au risque de la sociologie
Jacques Dubois, Stendhal une sociologie romanesque
L'auteur du compte rendu : Docteur en sociologie, diplômé de l’Institut d’Etudes politiques de Paris et de la Sorbonne (maîtrise de philosophie), Christophe Colera est l'auteur, entre autre, chez L’Harmattan, de Individualité et subjectivité chez Nietzsche (2004).
La sociologie reconnaît depuis longtemps sa dette à l’égard de la littérature. On se souvient notamment du livre que Bourdieu consacra à Flaubert (Les règles de l’Art) en 1992. L’auteur de Stendhal une sociologie romanesque, Jacques Dubois, a lui-même déjà rendu par le passé hommage au génie sociologique de Proust. Selon lui, les romans ne livrent pas seulement aux sciences sociales des scènes de la vie quotidiennes, des reflets d’une époque qui peuvent, à ce titre, faire l’objet d’une observation au moins ethnographiques, ils recèlent à l’état latent, un regard sociologique à part entière qu’il appartient au chercheur d’aujourd’hui de mettre à jour.
Stendhal se prête tout particulièrement à ce travail. Enfant du bonapartisme, observateur désabusé d’une société « bloquée », celle des élites sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, il fut, selon Dubois, un homme de gauche, un libéral tenté par le jacobinisme. Pourtant ses personnages principaux, dont les caractéristiques sociales se rattachent à la fois à l’aristocratie et à la bourgeoisie, tout en étant sensibles à l’émancipation du peuple, présentent des traits individuels socialement contradictoires et s’associent principalement en fonction d’une aptitude transformer en défis de « primitifs » leur inadéquation à leur milieu. Un idéal individualiste inspire Stendhal, qui le rend moins compatible a priori avec une grille de lecture structurale à la Bourdieu que Balzac ou Flaubert. Pour autant Dubois montre combien les intrigues amoureuses des romans stendhaliens sont profondément travaillées par la structure sociale de son époque. Les passions de leurs héros métissés, en lutte contre les déterminations de leurs milieux, sont autant de stratégies pour retourner contre la violence symbolique qu’ils subissent.
L’amour devient ainsi pour ces hommes et ces femmes un moyen privilégié de mise en œuvre de stratégies, pour obtenir une reconnaissance, quand la voie de l’ascension politique est définitivement barrée. A travers les concepts des sociologues Bernard Lahire et Axel Honneth, c’est une vision hégélienne voire sartrienne des rapports humains que Jacques Dubois retrouve chez Stendhal. Par là même à travers une sociologie de Stendhal, et, pourrait-on dire, une sociologie du Stendhal sociologue, on devine l’esquisse d’une véritable contribution à la sociologie du bonapartisme, ou disons une sociologie des lendemains du bonapartisme, des lendemains de conquêtes, quand, post festum, il n’est plus de réalisation sociale que dans l’ivresse amoureuse et dans l’ironie sur les pouvoirs établis. De ce point de vue la littérature stendhalienne ne dit peut-être pas autre chose que l’introduction de Musset à la Confession d’un enfant du siècle, avec toutefois une dose d’humour et de puissance en plus.
Ainsi l’analyse de Dubois qui emprunte à la sociologie un grand nombre de notions nous éclaire non seulement sur la littérature du début du XIX ème siècle en tant que telle, mais montre aussi en quoi celle-ci a pu préparer les esprits à la naissance, à partir d’Auguste Comte, d’une science de l’objectivation des faits sociaux. Cet essai d’une lecture agréable, qui échappe aux pesanteurs de nombreuses thèses académiques, fait redécouvrir le corpus stendhalien sous un angle d’approche nouveau, qui peut aussi servir à la réflexion sur l’époque actuelle.
Christophe Colera
Mon livre sur Nietzsche en 2004

Lui aussi est référencé par la bibliothèque du Congrès aux Etats-Unis (http://catalog.loc.gov/cgi-bin/Pwebrecon.cgi?v1=2&ti=1,2&Search%5FArg=colera&Search%5FCode=NAME%5F&CNT=25&PID=14134&SEQ=20070411045532&SID=1 ).
Il figure également dans diverses bibliographies sur Internet.



Le livre sur les Serbes que j'ai dirigé en 2003
En 2001, peu de temps après la guerre du Kosovo, j'ai fait un mémoire dans le cadre de mon DEA de sciences sociales à Paris V sur les immigrés serbes en France. C'était un moyen pour moi d'étudier l'articulation entre les relations internationales et l'acculturation des gens dans leur pays d'accueil, ainsi que d'enrichir la connaissance sur une population peu connue, souvent caricaturée, et sur laquelle aucun travail universitaire n'existait. On m'a proposé ensuite de diriger un livre collectif sur la "diaspora" serbe en Europe et aux Etats-Unis, et j'ai réuni une dizaine sociologues, politistes et historiens français, allemands et serbes pour composer ce livre. Je n'ai jamais été à 100 % satisfait de l'ouvrage qui fut d'ailleurs très long à composer (il n'est paru qu'en 2003) et qui n'a pas été très soutenu en France (la revue Balkanologie, qui est la revue de l'Afebalk, dont sont pourtant membres trois contributeurs, à ma connaissance s'est bornée à le mentionner sur son site http://www.afebalk.org/page.php3?id_page=104, et hors du milieu universitaire ce fut encore pire). Néanmoins cet ouvrage a eu le mérite d'exister, et certains commentateurs dans Courriers des Balkans, Le Monde Diplomatique, Hommes et Migrations et même Anthropologie et Société au Canada ont été enthousiastes.
Je livre ici pour mémoire les recensions qui ont été faites de ce livre, y compris les deux ou trois qui sont carrément critiques à son encontre (j'expliquerai dans quelques mois les raisons de ces critiques qui la plupart du temps reposent sur des motifs purement personnels, alors que les critiques que méritait vraiment ce livre, les critiques de fond, n'ont jamais été soulevées). Aujourd'hui le livre se trouve dans plusieurs bibliothèques universitaires et autres, y compris la prestigieuse bibliothèque du Congrès aux Etats-Unis (http://catalog.loc.gov/cgi-bin/Pwebrecon.cgi?v1=1&ti=1,1&Search%5FArg=colera&Search%5FCode=NAME%5F&CNT=25&PID=28033&SEQ=20070411040305&SID=1), ce qui, après tout, n'est peut-être pas donné à tous les ouvrages universitaires français.
Voici donc les recensions dont certains figurent aussi sur Internet (j'espère que ce sera lisible à l'écranen zoomant un peu) :
- Courrier des Balkans 9 décembre 2004 (également sur http://fr.search.yahoo.com/search?p=colera+diaspora&fr=yfp-t-501&ei=UTF-8&meta=vc%3D)
- Hommes et migrations n°1253 janvier-février 2005 p. 145
- Anthropologie et société vol 30 n°1 2006 p. 251-252
- Le Monde Diplomatique mai 2004 p. 31 (également sur http://www.monde-diplomatique.fr/2004/05/DERENS/11182)
- Revue d'études comparatives Est-Ouest vol 35 n°1-2 mars juin 2004 p. 386-389
- Südosteuropa n° 53 1/2005 p. 147-148 (voir aussi www.suedost-institut.de/Jg_2005_Inhalt2.doc)
- Medunarodna politika br.1113 janvier-mars 2004 p. 56-57
- Ekonomist magazine décembre 2004 (voir aussi http://www.ekonomist.co.yu/magazin/em234/lib/lib1.htm)- B.I. n°84, janvier 2004 p. 26















Egypte antique
Pour info, je viens de publier un petit commentaire assez critique du dernier essai d'un auteur à succès, Christian Jacq, sur Parutions.com.
En voici le texte : http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=4&ida=8031
Il est une manière de maltraiter l'histoire qui m'agace un peu. On retrouve ce travers aussi dans des livres beaucoup plus savants que celui-là. C'est regrettable.
Le charme obscur des sagesses anciennes
Christian Jacq, Les grands sages de l’Egypte ancienne
L'auteur du compte rendu : Docteur en sociologie, diplômé de l’Institut d’Etudes politiques de Paris et de la Sorbonne (maîtrise de philosophie), Christophe Colera est l'auteur, entre autre, chez L’Harmattan, de Individualité et subjectivité chez Nietzsche (2004).
La sagesse égyptienne a fasciné le monde antique jusqu’à l’époque romaine, puis à son tour l’Europe moderne cultivée est tombée sous son charme après le déchiffrage des hiéroglyphes. Christian Jacq, passionné d’égyptologie, et romancier à succès, entreprend une visite de deux mille ans d’histoire égyptienne à travers une galerie de portraits des principaux auteurs de traités et de maximes qui, tour à tour, créèrent et enrichirent l’idéologie pharaonique de leur temps.
L’ouvrage rempli d’érudition traverse les règnes, les dynasties, les décennies, les siècles, comme dans un voyage onirique. Les noms obscurs sont égrainés Imhotep, Méresânkh, Ipou-Our, Khêty. Tous sortis des abîmes de l’oubli, et parés par l’auteur de qualificatifs hyperboliques : « extraordinaire », « exceptionnel », « hors du commun ». De page en page, on s’abandonne à la torpeur des songes. L’Egypte du pharaon Djéser (autour de 2 650 av. JC) est nécessairement « sereine et puissante » (p. 21), même si Christian Jacq admet que nous ne disposons d’aucun document à ce sujet, Ramsès II (autour de 1 250 av. JC) offre « au Proche-Orient de belles années de tranquillité et prospérité » (p. 72). Moses Finley qui déjà regrettait ne pas disposer d’assez d’éléments sur la Rome de Caton pour savoir s’il fallait déduire du silence des textes l’existence d’une paix sociale se retournerait dans sa tombe… Sous la plume de Jacq, l’idée même d’une distance entre l’idéologie du pouvoir (par définition lénifiante) et la réalité du monde décrit est délibérément abolie. De même est abolie l’histoire : Christian Jacq, adhérant au système de contrainte qui obligeait les scribes au plus parfait conservatisme dans l’art de l’écriture tout comme dans le message délivré, semble dévoiler toujours la même sagesse, celle qui existe de tout temps, et qui vaut pour toutes les époques. La méthode donne des résultats étranges : ainsi par exemple on décrit l’enseignement de Ptahhotep comme s’il avait vraiment été celui d’un vizir du XXIV ème siècle avant notre ère … alors que les historiens soulignent habituellement que ces textes furent compilés, et peut-être même composés, près de trois cents ans après sa mort – en une époque troublée de morcellement du pouvoir, où les rituels monarchiques se démocratisent et où émerge une forme de conscience morale individuelle au regard du jugement dans l’au-delà. Un peu comme si l’on prétendait connaître les convictions profondes de Moïse, en omettant que tout ce que nous savons sur son compte ne fut écrit que six siècles après l’existence supposée du prophète (cf Finkelstein et Silberman)…
Plutôt que de rester rivé à une sagesse de l’immobilité, on aurait aimé que l’auteur n’oublie pas la philosophie héraclitéenne de Montaigne : « Le monde n'est qu'une branloire pérenne : Toutes choses y branlent sans cesse, la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d’Egypte».
La procession de El Encuentro à Alcañiz
Comme promis voici la vidéo de la procession de El Encuentro à Alcañiz vue mardi dernier, le 3 avril. Le journal local La Comarca en dit aussi un mot sur http://www.lacomarca.net/noticia.asp?m=6195&s=1.
La vidéo est accessible sur : http://www.youtube.com/watch?v=qmCaIKRoe3Q ou en cliquant ci-dessous
Cette bourgade d'Aragon très éloignée de tout, d'où vient ma famille paternelle, est très attachante. En outre il est toujours étonnant de constater avec quelle aisance les Espagnols vivent leurs traditions populaires, s'en imprègnent, tout comme ils s'immergent aisément dans les conversations, la vie quotidienne de leur communauté, là où nous autres français recherchons davantage la distinction, l'intellectualisation de l'échange, la rupture avec l'héritage historique. Je ne crois pas, dans ce propos, projeter mes propres particularismes d'intellectuel bourgeois. Il y a bien, dans la manière d'être espagnole, quelque chose de plus communautaire, de moins marqué par l'esprit de concurrence inter-individuelle (parce que moins marqué également par les travers que le centralisme étatique français imposait à sa population). Les Espagnols sont moins en guerre contre eux-mêmes que les Français. Et, à travers cette socialisation pacifiée, s'illustre une autre forme d'animalité humaine que celle que nous-mêmes vivons.
Alcañiz
Javier a des ascendants Colera comme

Alcañiz dit-on fut jadis une bourgade prospère et à l'avant garde du mouvement humaniste à l'époque de la Renaissance. Elle est aujourd'hui un peu éloignée de tout.
Les processions de la semaine sainte cependant accueillent beaucoup de monde. Je mettrai la vidéo de l'une d'elles sans doute sur Internet sous peu - celle que nous avons vue mardi soir. Tout le monde était dans les rues malgré le froid.
