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Les anges sous l'Euphrate
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Je ne suis pas spécialement attiré par la spiritualité soufie dont tout un chacun peut constater les accointances avec la magie et le culte de la déesse mère, voire avec le luciférianisme (pour ceux qui adhèrent à la maxime "Anal Haq", mais le sujet est compliqué, même le Christ dans les Evangiles renvoie au Psaume qui dit qu'on est des dieux), mais je regarde de temps en temps ce qu'ils enseignent, notamment le Cheikh Nurjan, que j'ai déjà cité, pour voir si leur tradition converge avec d'autres monothéismes.
J'ai cité dans mon livre sur les Nephilim le passage de l'Apocalyse (9-13-14) sur les anges enterrés sous l'Euphrate : "j'entendis une voix venant des quatre cornes de l'autel d'or qui est devant Dieu,et disant au sixième ange qui avait la trompette: Délie les quatre anges qui sont liés sur le grand fleuve d'Euphrate".
J'avais relevé à ce sujet que la youtubeuse pakistanaise convertie au christianisme réfugiée aux Etats-Unis Sonia Azam en conclut et que ces anges déchus seront libérés en Syrie-Irak pour former une armée musulmane contre Israël. Une théorie récente avance que le président américain Ronald Reagan dans les années 1980 aurait employé des médiums pour identifier le lieu de détention des quatre anges sous l’Euphrate, puis les faire enlever par les forces spéciales et incarcérer sur une base militaire pour épargne l’Apocalypse à son pays...
Le Cheikh dans la vidéo ci-dessous (de mars 2024) enseigne que les anges disciples de Azazil (le Sheitan) furent rejetés sur Terre après leur rébellion et se mélangèrent aux humains auxquels ils enseignèrent les sciences de l'artifice (le maquillage, mais aussi la sorcellerie), ce qui rejoint le livre d'Hénoch sur les Veilleurs et Genèse 6:4. Puis les anges rebelles Haorut et Marout furent envoyés sur Terre pour y être mis à l'épreuve. Le cheikh ajoute en minute 21 que ces deux anges furent jetés dans un puits à Babel (à l'emplacement de la Tour) là où convergent le Tigre et l'Euphrate et que c'est pour cela que les Américains firent la guerre en Irak : pour y trouver non des armes de destruction massive mais les deux anges et les sources de leur magie noire en prévision de l'arrivée du Dajjal.
Voilà qui rejoint l'enseignement chrétien sur les anges sous l'Euphrate.
Amour-passion soufi et accès à Dieu par l'immanence
Une excellente conférence de Michael Barry, professeur à Princeton, spécialiste de très haut vol de la miniature persane. J'attire notamment votre attention sur ce conte étonnant extrait de la Conférence des Oiseaux (Barry l'appelle le Cantique des Oiseaux - le titre renvoie au langage des oiseaux du Coran transposé peut être dans l’ésotérisme où l'expression existe aussi, c'est une sourate qui parle de Salomon, auteur du Cantique des Cantiques) écrit en 1177 par le sage soufi iranien Farid al-Din Attar, le parfumeur.
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Barry le commente à partir d'une illustration d'Herat (Afghanistan) de 1527 par un cheikh soufi employé par la dynastie chiite séfévide qui venait de s'emparer de la ville qui illustra la version turque. Le conte raconte qu'un cheikh sunnite de La Mecque très légaliste, célèbre pour son rigorisme, reçoit de Dieu le message qu'il n'a rien compris. Le Créateur lui donne l'ordre de se mettre en route pour Constantinople. Là-bas il aperçoit une très belle princesse chrétienne dont il tombe follement amoureux. Celle-ci va tester son amour jusqu'à lui imposer de se faire chrétien et de garder ses porcs.
Dans la miniature de 1527 qu'il examine le spécialiste identifie un arbre automnal qui indique l'approche de la perfection. Le cerisier en fleur, c'est la beauté de la princesse. Une illustration ouzbèke sunnite de 1553 qui coûtait une fortune (peinte avec de la poudre de pierre précieuse) montre la pâmoison mystique du cheikh et la niche de lumière dans laquelle la princesse apparaît comme dans la maison de prière. Dans une version peinte à Ispahan dans les années 1600 (art sacré offert à la mosquée d'Ardabil), la princesse est vêtue de rouge (celle pour laquelle le coeur doit saigner, l'homme doit s'humilier comme Lancelot et St François d'Assise).
A la fin la princesse meurt sur les genoux de son amant, et lui, redevient musulman et rentre à la Mecque ayant enfin compris le mystère divin.
Je précise que cette conférence ne m'intéresse pas au titre de la "culture générale" ou de l'anthropologie, de l'esthétique, pour admirer la "beauté d'une civilisation", mais du point de vue de ma recherche spirituelle, c'est-à-dire de tout ce qui engage la transformation de l'âme, son élévation, et le salut de l'humanité.
Barry dans sa conférence (qui fait très vaguement écho à mes souvenirs de jeunesse du fameux livre de Denis de Rougemont) explique non seulement que la spiritualité soufie autour de l'amour-passion a enfanté aussi bien les cours d'amour des chevalier courtois chrétiens que Dante, Pétrarque, et Saint François d'Assise, mais surtout que cette approche de l'amour de la femme par l'homme (et de l'homme par la femme) est réellement perçue comme une voie de sanctification très élevée. C'est le chemin par lequel le cheikh du conte va comprendre la dimension immanente de Dieu qui apparaît dans le visage de la princesse chrétienne, qui lui est donnée par ce visage.
On se souvient que Simone Weil disait qu'en spiritualité il faut tenir ensemble immanence et transcendance. Dans mon livre sur Lacordaire j'avais rappelé l'effort du XIXe siècle pour repenser un accès à Dieu à travers l'amour de la femme par Marie-Madeleine. Je ne suis pas du tout sûr que cette voie puisse être licite, parce qu'elle est une voie de l'anéantissement de l'individu dans le Tout propre au soufisme (on retrouve l'antéprédication du mana que j'évoquais récemment) qui n'est pas orthodoxe sous les cieux chrétiens (du moins est-ce ainsi que je comprends les choses, sous réserve de nuances que je suis prêt à entendre si quelqu'un m'en propose). En même temps, à défaut d'anéantissement, on ne peut pas nier que dans le christianisme il faut du dépouillement, et il faut peut-être réellement interroger le dépouillement qui se vit dans la passion avant de la révoquer comme forme d'idolâtrie et de perversion morbide et fétichiste.
L'ambassadrice de Sainte-Rita
Amandine Cornette de Saint-Cyr est une bourgeoise parisienne, fille de la galeriste et figure de la jet set Sylvana Lorenz et ex-belle-fille du commissaire-priseur Pierre Cornette de Saint Cyr (1939-2023).
Née en 1976, diplômée d'une école de commerce (spécialité marketing), stagiaire dans des magazines, ancienne assistante du journaliste Stéphane Bern au Figaro Madame, elle a travaillé à la télévision pour Thierry Ardisson notamment, et a publié un premier roman en 2007. Formée dans une sorte de christianisme hédoniste pour autant que cette expression ne soit pas un oxymore, elle dit préférer "être une pècheresse joyeuse qu'une sainte dépressive" d'après ce qu'elle a écrit dans son livre sur Sainte Rita, comme l'a rappelé son interviewer sur Radio Notre Dame de le 25 juin 2024. Dans un roman de 2018 elle a évoqué ses mésaventures avec le présentateur TV Patrick Poivre d'Avor, thème sur lequel elle est revenue quand celui-ci a été poursuivi en justice.
En 2019 à la suite de violentes douleurs abdominales elle a fait une pèlerinage à Cascia en Ombrie, c'était son second pèlerinage, à 43 ans, le premier étant à 26 ans au début des années 2000. Le 5 juin 2024 elle a été interviewée par Cyril Hanouna sur C8, elle racontait qu'elle avait rencontré là-bas une femme dont la tumeur au cerveau a disparu grâce à la sainte, une autre dont le problème cardiaque s'est résorbé. Elle raconte aussi qu'elle a amené une de ses collègues musulmanes de 45 ans frustrée d'être célibataire sans enfant à cet âge à la chapelle Sainte Rita de l'église Saint-Augustin à Paris, et que quelques mois plus tard, sa collègue était mariée en congé de maternité.
Notons que la presse de Bolloré a bien aidé Mme Cornette de Saint-Cyr, puisque le 1er juillet dernier c'était aussi le Journal du Dimanche qui l'interviewait sur son livre, ainsi que Paris-Match le 13 juillet.
C'est par cette chapelle de l'église Saint Augustin que l'autrice a découvert Sainte Rita, puisque sa mère l'y a amenée à un moment où elle se sentait perdue. Elle lui a dit : "vas y, prie, demande à la sainte ce que tu as à lui demander". Elle dit qu'elle partage maintenant Sainte-Rita autour d'elle depuis 25 an (donc depuis 1999) en les amenant à St Augustin.
Lors de son pèlerinage (qui fut plus productives que ses neuvaines, dit-elle), l'écrivaine a demandé à la Sainte de devenir son ambassadrice.
Selon ce que lui a indiqué le sacristain du sanctuaire de Sainte Rita Nice, à ainsi qu'elle le détaille dans son livre "Au Secours Sainte Rita" Marie Laforêt, Mireille Mathieu, Amanda Lear, Raymond Barre, Mylène Demongeot, la James Bond girl Claudine Auger, Grace Kelly (qui y a déposé une photo des Grimaldi), et le maire de Nice (ex ou toujours franc-maçon) Christian Estrosi s'y sont rendus.
Christophe Mory sur Radio Notre Dame (5ème minute) pose la vraie question : "est-ce de la spiritualité ou de la superstition ?" L'artiste Ben (1935-2024), ami de Sylvana Lorenz, athée, a un autel pour Sainte Rita dans son jardin pour que ça lui porte chance, et avait fait pour le carnaval de Nice un char dédié à la Sainte demandant la libération des femmes et des minorités régionales françaises (les phrases sont écrites sur un cube noir, ce qui n'a pas une très bonne significations ésotérique). Yves Klein, natif de Nice (1928-1962) artiste et pionnier du judo, a été initié à Sainte Rita par sa tante Rose. L'ex-beau père de l'autrice (qu'elle ne mentionne pas dans ses interviews) rappelle (ici en min 30) que ce visionnaire aux tendances rosicruciennes qui a fait plusieurs fois le pèlerinage à Cascia s'accoudait toujours à la même fenêtre pour faire des pauses quand il faisait du judo à Fontenay-aux-Roses. Ultérieurement des religieux ont sans le savoir construit une chapelle en face de cette fenêtre avec une statue de Sainte Rita. En 1961, après un tremblement de terre Yves Klein a déposé à Cascia un ex-voto demandant à devenir invulnérable et que son exposition soit "celle du siècle" (Emmanuelle Dancourt il y a 12 ans rappelait déjà que cet ex voto été beaucoup critiqué).
Pierre Cornette de Saint Cyr (qui avait toujours une statue de la sainte sur lui) quant à lui avait eu une série de synchronicités étonnantes en lien avec Yves Klein le jour de la bénédiction des roses à la chapelle Ste Rita de Fontenay aux Roses qu'il a racontées sur KTO TV en 2012 ici. Pour être tout à fait franc, avec Klein on est dans une philosophie rose-croix liée à Max Heindel et, en fait, à la théosophie de Mme Blavatsky (luciférienne, ancêtre du New Age). Pierre Cornette de Saint Cyr gravitait au conseil d'administration du Palais de Tokyo, thématisait beaucoup la conquête de l'espace autour du saut dans le vide d'Yves Klein. Il rêvait d'ailleurs de faire une vente aux enchères depuis une station spatiale. On peut se demander si la promotion médiatique de Sainte Rita dans la mouvance Bolloré a un rapport avec ça. Je referme la parenthèse.
En 1985 après sa guérison du cancer, Roland Gerbeau (1919-2012) qui a écrit la célèbre "Douce France" lui a consacré une chanson.
Amandine Cornette de Saint-Cyr pense que les gens sont incités à redonner aux autres les bienfaits qu'ils reçoivent de Sainte-Rita.
En décembre, j'avais relevé sur ce blog en décembre la spiritualité très providentialiste qu'avait nourri chez la femme de Jean Guitton sa dévotion à Sainte-Rita. Voici donc le versant médiatique du culte, avec un livre qui s'est hissé dans le "top 10" des ventes de la Procure en juillet 2024. Le petit détour par Yves Klein, et la question posée par Emmanuelle Dancourt sur le lien avec la rose-croix (question que plus personne n'ose poser dans les interviews à Amandine Cornette de Saint-Cyr) doit quand même nous interroger sur les forces spirituelles à l'arrière-plan de cette "ambassade".
Soigner une âme par le corps
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Voici une drôle d'histoire qui m'est arrivée en 2014. Il s'agit d'une expérience que j'ai faite avec une lectrice de ce blog le 9 novembre 2013 (son post est encore lisible ici, vous noterez que cela suit un mien billet sur un chien tué, moi dont le saint patron a une tête de chien), qui se faisait appeler "Idelphie". Je lui ai écrit le 8 mai 2014. A ce moment là je venais de découvrir l'existence du monde invisible au contact des médiums comme je l'ai raconté dans mon livre paru en 2017. Une sorte d'ébullition intérieure me poussait à rechercher les synchronicités , les signes. J'étais à l'époque si spirituellement perdu que j'allais prier une statue de Cybèle en pierre qui se trouvait non loin de chez moi --- La suite de ce billet n'est pas publique, vous ne pouvez l'obtenir qu'en en adressant la demande à l'auteur du blog par le formulaire de contact.
Lapis Exilis et Rennes le Château.
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Nous parlions il y a peu (et il y a plus longtemps dans mon livre sur le complotisme protestant) de la Lapis Exilis. Le guénonien Jean Robin en parle aussi ici, à propos de Rennes-le-Château. En minute 19, il rappelle que "toutes les déesses antiques avaient leur pierre noire, Cybèle par exemple, Isis..." Ces pierres seraient des météorites. La Lapis exilis, en 1328, après l'abolition de l'ordre du temple, n'avait plus sa place dans une France régie par les "forces obscures". Elle a été soustraite à leur maléfice et aurait pu migrer vers l'Orient (l'Argartha par exemple), mais après la dissolution alchimique dans le chaos actuel (solve et coagula) elle réapparaîtra. Il explique aussi que la contre-initiation (satanique) qui tire l'humain vers le bas est née dans l'Atlantide (voyez ce qu'on en disait l'an dernier à propos de Versailles) et aurait investi Rennes-le-Chateau (Corruptio optimi pessima).
Retour à Aphrodite Ourania
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En 2017, j'avais écrit sur l'Aphrodite céleste ici. Cela m'avait valu à l'époque de recevoir un message d'un certain Benjamin Bories qui voulait écrire sur la nudité - Dieu seul sait ce que ce garçon est devenu depuis lors. J'ai éprouvé aujourd'hui le besoin de retourner à la question de cette Aphrodite Ourania parce que j'ai de plus en plus conscience que la vérité, comme Aphrodite, est une perle dans un écrin, qui ne se donne pas à tout le monde (ou, comme le dit le christianisme qui à la Renaissance s'entremêlait avec le platonisme sur l'image d'Aphrodite, c'est la pierre de touche que tout le monde laisse au rebus). C'est pourquoi ce blog - qui au demeurant, comme mes livres, ne livre qu'une petite part des vérités que j'entrevois - n'intéresse personne, tandis que tout le monde se rue sur les vidéos de types qui, devant leurs micros, ne touchent qu'à la plus vulgaire écume des choses - l'Aphrodite Pandemos.
Pour méditer un peu sur l'Aphrodite céleste, j'ai regardé cette vidéo de l'universitaire britannique David Braund d'il y a neuf ans. Elle nous fait faire un détour par la Crimée grecque et la péninsule de Taman (le Royaume du Bosphore, à Bolshaya Bliznitsa), mais après tout pourquoi pas, cela convient à l'homme des marges que je suis.
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Les archéologues, sur la base d'Hérodote, ont parfois assimilé l'Aphrodite Ourania à la déesse chamanique scythe Argimpasa (que Yulia Ustinova a aussi rapprochée d'Astarte) Aphrodite Ourania est la déesse tutélaire du sancturaire Apaturum. Attardons nous un instant sur ce nom. Apatouros en grec veut dire trompeur. C'est un épithète d'Aphrodite à cet endroit car, assaillie par les géants, la déesse, selon Strabon, les trompa un par un en les envoyant à Héraklès qui les tua et les enterra. L'auteur d'un livre sur les Nephilim que je suis ne peut que s'intéresser à ce détail, d'autant que je sais que l'Abkhazie voisine (qui borde aussi la Mer Noire) a également une histoire forte avec les Géants. Braund rattache l'histoire au passé sismique de la région comme la Sicile (les cadavres des géants sous la terre causeraient les tremblements de terre), but that's another story for another day. Qu'Aphrodite céleste soit aussi l'Aphrodite trompeuse pour les brutes qui veulent se l'approprier trop facilement doit nous alerter !
Braund insiste sur l'intérêt qu'il y a à rattacher l'Aphrodite Ourania aux paysages qui entourent ses sanctuaires. C'est une tendance en vogue dans l'archéologie contemporaine : rattacher les cultes aux lieux, aux pratiques (on est de ce point de vue assez éloigné de la Renaissance italienne dont parlait mon billet de 2017. A ce stade on est en présence d'une déesse beaucoup moins "ésotérique" et associée aux recherches individuelles qu'à l'époque de Pic de la Mirandole. Il semble d'après Braund que dans le Royaume du Bosphore elle soit plus associée à un amour familial généralisé, un peu comme la Vénus de Pompéi décrite par jadis Paul Veyne.
En 1997 Maria Alexandrescu Vianu avait distingué l'Aphrodite Ourania-Astarte de Atargatis-Cybèle déesse nord-syrienne à Olbia, d'ailleurs appelée Aphrodite Syrienne. L'épiclèse Ourania pour l'Aphrodite Apatouros ne serait pas antérieure au IVe siècle - et la légende de l'Aphrodite trompeuse reprise par Strabon ne serait pas antérieure à cette époque là.
A Panticapée (aujourd'hui Ketrch) il y avait (d'après ce qu'on en savait en 1997) 3 inscriptions du IVe siècle à une Aphrodite sans épiclèse, et deux des années 200 av JC (une stèle et une base de statue) à Aphrodite Ourania Apatouria. Sur le relief de la stèle dédiée à Ourania, la déesse est représentée assiste sur un cygne envol, tenant un sceptre dans la main gauche. A sa gauche se trouve un Eros qui, si l'on en juge par l'aile restée dans sa main, portait un oiseau. L'Aphrodite sur le cygne est très répandue sur les vases de Kertch.
L'interpraetatio d'une déesse scythe ou orientale comme Aphrodite Ourania n'est pas spécifique au Bosphore. " Pour les Grecs classiques, Aphrodite était d’abord Ourania parce que fille d’Ouranos, écrit Vinciane Pirenne-Delforge du Collège de France. Ce n’était cependant pas la seule signification de l’épiclèse car c’est précisément en tant qu’Ourania qu’Aphrodite était qualifiée comme déesse venue d’ailleurs. Toutes les déesses étrangères auxquelles Hérodote s’attachera à donner une interpretatio graeca et qui adopteront le nom d’Aphrodite ne le feront jamais sans l’épithète Ourania : que ce soit la Mylitta des Perses, l’Astarté des Phéniciens ou l’Alilat des Arabes, chacune sera pensée en grec en tant qu’Aphrodite Ourania. De la même manière, Aphrodite Ourania est le nom grec adopté par des étrangers installant le culte de leur Grande déesse d’origine dans des cités grecques : les marchands de Kition de Chypre installent au Pirée, à la fin du ive siècle, un culte d’Aphrodite qu’une de leur compatriote honorera dans une inscription sous le nom d’Ourania. À Délos, les exemples ne manquent pas non plus de ce type d’interpretatio graeca (...) L’ambiguïté de l’adjectif, à la fois référence à la paternité du Ciel (tradition grecque) et à une origine orientale présumée, est bien présente dans les informations fournies par Pausanias à propos du sanctuaire d’Ourania à Athènes : Égée aurait fondé le culte (tradition « indigène »), mais c’est tout autant à Ascalon qu’il trouverait son origine première. C’est donc autour de cette épithète que se concentre le plus clairement l’ambiguïté de la personnalité d’Aphrodite telle qu’elle était déjà apparue en tant que « chypriote », Cypris. Ourania est la déesse d’ici et d’ailleurs, reine d’un ciel physique où elle règne au présent, mais qu’elle traversa jadis pour rejoindre la Grèce depuis une patrie dont l’identité exacte tend à se dissoudre. L’iconographie, quand elle offre l’image de la déesse chevauchant une monture dans un ciel étoile, parfois au-dessus des vagues de la mer201, condense ces deux conceptions de l’épithète."
Du temps où l'on m'écrivait....
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Mail reçu le 16 septembre 2013 :
Bonsoir Monsieur Colera,
Par curiosité j'ai regardé les liens et articles ayant trait à l'ouvrage dont vous parlez. C'est la raison pour laquelle je me permets de vous envoyer un message afin de vous encourager.
La manière dont vous parlez de cette "nudité" rétablit ce qui était si beau et qui malheureusement, comme beaucoup d'autres choses, a été sali par une société avide de rapidité et de richesse bien souvent tout autre que celle de notre âme.
Il n'est pas simple de défendre nos convictions lorsque celles-ci s'attaquent à des sujets délicats qui sont au coeur de la société. Toutefois cette démarche me semble utile pour contribuer à un certain "éveil" des consciences.
La jeunesse d'aujourd'hui est notre avenir, celui de l'humanité. Il est même de notre devoir de contribuer à cet éveil si nous en avons la possibilité, dans la mesure où nous sommes convaincu du message à faire passer... "C'est une nudité qui veut faire passer un message".
Je retiens une phrase que vous avez citée dans un article: "Sans me presser, je les laisse se décanter...", concernant les divers thèmes philosophiques ou socio-culturels que vous abordez. Prendre suffisamment de temps pour que les informations remontent "en surface", comme une évidence... Mais comment le pouvons-nous? La loi actuelle semble basée sur le "Toujours plus vite, stress, pression", " Le temps c'est de l'argent!"...
J'ai beaucoup aimé le commentaire suivant qui ouvre sur une multitude d'idées à développer.
"Et en même temps, ça permettait de se confronter à un sujet qui fascine notre époque, qui l’envahit même, dans les images et dans les pratiques. La mort de Dieu, la dé-spiritualisation des institutions, tout ça renvoie chacun à son corps, à la volonté de le mettre au centre des rapports sociaux. Un corps qui veut exprimer de plus en plus son dépouillement, son animalité."
Ne pensez-vous pas qu'en dépassant de plus en plus les dogmes instaurés au fil du temps par une interprétation erronée de certains messages, finalement en étant de plus en plus à l'écoute de ce que nous dicte "notre intérieur", là où prennent naissance nos émotions et certainement nos convictions qui en sont une résultante, de ce que nous portons en nous, nous ne nous rapprochons pas au contraire d'une spiritualité vraie, quelquefois à l'opposé de ce que certaines institutions veulent nous faire croire?
Au plaisir de vous lire,
Quand Leibniz voulait que la France conquière l'Egypte
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De Leibniz on retient les monades - j'étudiais ça à 17 ans quand je préparais le concours général de philo -, à la rigueur le "pli" en souvenir de Deleuze. Et puis on découvre d'autres aspects étonnants du personnage. Par exemple en 1907 Baruzi - qui n'avait que 26 ans et n'était pas encore professeur au collège de France - s'est intéressé au fait que "Leibniz fut hanté par l'Orient. Constamment il fut soucieux de l'atteindre, de le pénétrer, et comme d'y transporter l'Europe. Le projet de conquête de l'Egypte, les plans proposés à Pierre le Grand, les encouragements donnés aux missions des Jésuites, formulent diversement un rêve identique".
L'idée de la conquête de l'Egypte lui serait venue par hasard d'après son propre récit. Il avait 21 ans, mais était déjà entré à l'université (à Leipzig) sept ans plus tôt ! Secrétaire de la confrérie des Rose-Croix, il rencontre un diplomate alchimiste, Johann-Christian von Boineburg à Nuremberg en 1667, conseiller de l'électeur de Mayence, et se rend en Bavière. Il rêve alors à l'unité du Saint Empire (à laquelle, note Baruzi, Sully ministre d'Henri IV exhortait aussi en tant que Français au nom du souvenir de Charlemagne contre les Habsbourg), et ne voit l'unité de l'Europe ne se réaliser que par le colonialisme (à l'Angleterre l'Amérique du Nord, à l'Espagne celle du Sud, à la Hollande l'Inde, à la Suède et la Pologne la Sibérie et la Crimée, à la France l'Afrique et l'Egypte) .
Il fera ensuite de la conquête de l'Egypte un projet germanique, mais toujours dans l'idée de réaliser un empire chrétiens sur toute la Terre. Il s'agit ainsi de toucher l'empire turc au coeur et d'ouvrir une route vers la Chine (grande terre de découvertes passionnantes pour Leibniz jusque dans les années 1700), ce qui devait assurer un primat naturel à la France sur les autres puissances d'Europe, le but final étant, précise Baruzi, l'unification de l'humanité dans la religion chrétienne. Et le but est de vaincre en la Turquie une puissance qui n'aime pas l'homme et fait régner la peur, et voir dans Louis XIV et dans l'Egypte des monades de l'amour chrétien unificateur, pour que la vie terrestre reflète la vie céleste.
Quand Louis XIV attaquera le Luxembourg et l'Alsace plutôt que les Turcs, Leibniz, admirateur de Frédéric Von Spee en qui il voyait un "confesseur des sorciers" va reporter à partir de 1672 ses espoirs sur les Jésuites qu'il a probablement rencontrés à Paris par l'entremise de Père La Chaise. Il voit en eux une arme contre le cartésianisme qui par ses abstractions coupe l'homme de la créativité et de Dieu. Il les idéalisera eux-aussi comme vecteurs d'un amour universel (du fait de leur tolérance envers le paganisme). C'est là un projet adossé à son amour des langues illustré aussi par sa tentative de réunir toutes les versions du Pater Noster dans les langues vulgaires du monde entier pour définir à son tour une prière universelle qu'il exposa d'ailleurs aux jansénistes.
Je crois qu'on est en présence ici du projet typique d'unification religieuse du monde qu'on allait aussi retrouver ensuite dans la franc-maçonnerie. Et cela va avec le côté alchimiste qui est une science ésotérique très inspirée par les théories de l'amour universel.
"Leibniz s'est occupé d'alchimie dès sa jeunesse, notait l'abbé Piat en 1915 ; et plus tard, il n'a jamais cessé de consacrer à ce genre d'études une partie de son temps.
L'alchimie lui a toujours apparu comme une mine infiniment féconde. Il appartient aux alchimistes de « pénétrer jusqu'à la nature intime des choses- ». « Grâce à leur [double] procédé d'analyse et de synthèse, ils produisent déjà un certain nombre de corps nouveaux. » Ces succès ne sont que l'humble commencement d'une suite illimitée de victoires. La nature est un grand art; et cet art, l'alchimie finira peu à peu par le découvrir tout entier. Dans le « four » de quelque « Dédale » ou de quelque « Vulcain », s'élaboreront un jour les mêmes pierres que nos outils arrachent maintenant des ténèbres du sol. Il est vrai que les alchimistes ont encore une langue mystérieuse. Mais rien ne semble plus naturel; c'est presque toujours dans une demi-clarté que l'esprit humain fait ses découvertes les plus fécondes : la pleine lumière ne se produit quo dans la suite et par degrés, comme celle du soleil levant. C'est surtout de la chimie que dépend le progrès des sciences de la nature, et parce qu'elle représente une application directe de la combinatoire. Du même coup, c'est de la chimie que relèvent au premier chef les connaissances métaphysiques. « On ne saurait rien dire de si splendide sur l'excellence de cet art, que je n'applaudisse de tout coeur"'.
Leibniz avait d'ailleurs intégré les rose-croix pour comprendre mieux cet art qui n'était pas encore séparé clairement de la chimie.
"La « théorie du mouvement concret », explique encore l'abbé Piat, est elle-même chargée de termes, de formules et de notions qui lui viennent tout droit des alchimistes; et l'on voit, à la lecture, qu'il tient à rester d'accord avec ces vieux pionniers du savoir, qu'il n'y tient guère moins qu'à marcher en compagnie de Descartes, de Hobbes ou de Bayle. On retrouve le même langage et la même préoccupation dans la lettre qu'il adresse au duc Jean Frédéric le 21 mai 1671 : ces quelques pages sont également bondées d'alchimismes, et à ce point qu'on ne laisse pas d'en avoir une certaine surprise.
Leibniz suit avec une attention toute particulière les élucubrations de Franz Mercure van Helmont, l'auteur du Seder olam. Il les recueille, les commente, les critique, les rejette ou les intègre à sa pensée : les notes do ce genre comprennent plus de quarante folios inédits. L'entrevue de Leibniz et de van Helmont, qui eut lieu dans le courant de mars 1690 en présence de la duchesse Sophie nous a laissé un échantillon de ce libéral et sympathique examen que le philosophe faisait subir à l'alchimiste".
Le kabbaliste Van Helmont était un quaker, qui se vêtissait d'un drap brun. On l'aurait plutôt pris pour un artisan que pour un baron. Leibniz écrira à Placius qu'il n'aimait pas son kabbalisme un peu obscur (et ses thèses sur l'identité de Jésus et Adam, sur les deux filles d'Adam et Eve) et Emile Thouverez, prof à la faculté de Toulouse dira en 1910 que la notion de monade de Leibniz vint davantage de Giordano Bruno que de Van Hemont.