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La multiplicité intérieure
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Il y a vingt et un ans, je publiais "Individualité et subjectivité" chez Nietzsche. Ce livre reprenait mon mémoire de maîtrise soutenu à la Sorbonne. Ma conversion au christianisme, après être passé par les mains des médiums, a gardé un aspect de mes convictions nietzschéennes : l'attachement à la multiplicité méta-subjective et au devenir.
La société nous éduque à devenir "un". Répondre de nos actes, répondre du rôle qui nous est assigné. Depuis l'enfance. Moi, vous le savez (je l'ai raconté dans "Incursion en classes lettrées"), je suis fils d'ouvrier. Pas seulement fils d'ouvrier. Enfant de la guerre civile espagnole par mon père, héritier du long naufrage d'une famille de propriétaires terriens aragonais très chrétiens, descendant de mystiques d'outre-Pyrénées, et, par ma mère, fils du terroir béarnais, de ses coteaux et de son désespoir silencieux. Je n'ai jamais pu me plier à un rôle, pas même celui de premier de la classe que j'avais accepté d'endosser superficiellement pour venger l'échec existentiel de mes parents. J'étais chahuteur au fond de la salle de cours, jamais servile à l'égard des institutions. Savez vous que le mois où le livre sur Nietzsche était commercialisé je refusais l'invitation àaller parler à une tribune universitaire de mon précédent ouvrage "Une communauté dans un contexte de guerre", un livre collectif que j'avais dirigé sur les émigrés serbes ? J'avais préféré envoyer Marina Glamotchak à ma place. Il y avait plusieurs raisons à ce choix, mais mon refus des rôles, ma multiplicité intérieure y furent pour beaucoup. Marina avait dit que c'était à moi de "cueillir les fruits" du succès du livre. Je n'ai jamais voulu cueillir aucun fruit. Quand un livre est écrit, il est derrière moi. Je n'avais aucune envie de devenir un spécialiste de l'ex-Yougoslavie, des migrations ou que sais-je encore. Ce livre payait une dette morale à l'égard de certaines personnes. Une fois la dette acquittée, j'étais libéré.
Les succès et les rôles enferment. Souvent j'ai eu des gestes de "charité" (au sens profond de "caritas") envers les gens placés sur mon chemin. Mais je ne suis jamais demeuré au point où ces actes pouvaient m'enfermer.
Parce qu'il y a une multiplicité, un flux, qu'il ne faut pas arrêter. Ca peut être douloureux, et parfois un peu jubilatoire, mais en tout cas ça ne doit pas être fixé. Le monde vous assigne un rôle, vous demande des comptes. Il en demandera de plus en plus à travers l'identité numérique, l'intelligence artificielle, la robotisation des vies, et la dictature politique qui s'impose de plus en plus. Mais Dieu nous libère de cette "unidimensionnalité". Il nous donne une morale comme boussole, mais, pour le reste, il laisse le pluriel agir en nous. Dans notre pauvreté, dans notre silence. On n'est jamais aussi multiple que dans le silence. quand tout n'est plus que nudité, renoncement, pure virtualité.
Encore une star qui s'assimile à une sorcière
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Il y a quelque chose de touchant dans cette interview (ci-dessous) sur BFM TV de Brigitte Bardot qui, à 90 ans, a des expressions du visage, des gestes de ses 25 ans.
A la minute 8'31 elle laisse échapper : "S'il y avait la tradition, il y a belle lurette qu'on m'aurait brûlée comme sorcière. Heureusement que certaines traditions n'existent plus".
Rappelons que Brigitte Bardot, qui a autorisé la commercialisation d'un tarot divinatoire à son nom (cf à droite), a son nom relié dans la chanson "Initials B. B." de Gainsbourg au roman de Pauwels sur la religieuse possédée Magdeleine de la Croix de Cordoue qu'elle lui avait conseillé de lire.
L'assassinat de Pretextat
Les Britanniques ont la mort de Saint Thomas Beckett à la cathédrale de Cantorbéry, assassiné sur ordre du roi, à l'origine de la Magna Carta. Les Francs ont celle de Saint Prétextat à la cathédrale de Rouen le 14 avril 586 sur ordre de la reine mérovingienne Frédégonde (Rouen avait été capitale de province romaine au Bas-Empire et à la pointe de la christianisation deux cents ans plus tôt comme on l'a vu dans les échanges épistolaires entre Victice et Polin de Nole).
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En 1866, un prêtre rouennais anonyme, A. D., écrivit une petite synthèse édifiante sur la vie de Prétextat avec des passages du genre : "Sa conversation était agréable, sa parole forte et féconde; sa doctrine, toujours empreinte de pieux sentiments de modération, de piété et de vertu, ravissait tous les cœurs, sans charger les esprits de mille questions inutiles. A l'exemple de notre Seigneur Jésus-Christ, son divin maître, il était rempli de douceur et d'humilité; il prenait un soin particulier des pauvres malades, rendait une prompte justice à tous ceux qui étaient victimes d'une injuste violence, visitait avec une tendre sollicitude les affligés et tous ceux qui avaient des infirmités et des peine".
Le roi Chilpéric de Soissons (un des 4 héritiers de Clotaire) en fit le parrain de son fils ainé Mérovée. Puis il fut pris dans la querelle entre Chilpéric et Sigebert animée par la rivalité entre la belle princesse wisigothe Brunehaut épouse du second, et la jolie roturière franque Frédégonde deuxième femme du premier, qui avait fait étrangler la soeur de Brunehaut, première femme de Chilpéric. Ce dernier poussé par Frédégonde ravagea les terres de son frère et se comporta en Dioclétien.
Une étape importante de la guerre civile fut l'assassinat de Sigebert en 575 et l'arrestation de Brunehaut et de son fils de 5 ans. Elle fut emmenée en captivité à Rouen. Mérovée premier fils de Chilpéric, amoureux de sa tante Brunehaut captive, l'épousa dans la future capitale normande. L'union fut célébrée par Prétextat son parrain.
Chilpéric marcha sur Rouen dont s'échappa Brunehaut pour ensuite aller régner sur l'Austrasie au nom de son fils, rejointe par Mérovée qui y périt assassiné. Chilpéric ensuite retourna son ressentiment contre Prétextat qu'il fit juger par 45 évêques réunis en concile à Paris. Malgré la défense de Grégoire de Tours, Prétextat crut habile d'avouer les charges pesant sur lui après les avoir d'abord révoquées en espérant que cela lui éviterait la mort, Il fut banni à Jersey dans le diocèse de Coutances, tandis que Dieu punissait Frédégonde, "le Néron de la France"(titre aussi attribué à Chilpéric), de ses péchés en faisant mourir de ses fils du feu Saint Antoine. Celle-ci trouvait encore la force de faire périr le dernier fils de Brunehaut, Clovis. En 584 Chilpéric de retour de la chasse mourrait près de Chelles (à l'instigation de sa femme ?).
Prétextat put demander au nouveau roi Gontran son retour à Rouen tandis que l'évêque de Paris plaidait que son exil de 7 ans n'avait été qu'une pénitence. Gontran y fit droit. Ayant repris ses fonctions Prétextat siégea au concile de Mâcon en Bourgogne pour y acter une remise en ordre des églises locales. Frédégonde se retira au château de Vaudreuil/Val de Reuil (dans l'Eure) d'où elle pilotait encore à distance des assassinats. En compagnie de Mélaine-Mélantius-Mélance, qui avait remplacé Prétextat sur son trône épiscopal pendant 7 ans, elle paya un meurtrier.
A la messe de Pâques 586, Prétextat "demeura constamment appuyé sur une forme ou prie-Dieu; et tel était son recueillement dans la prière, qu'il ne s'aperçut pas qu'un homme qui était entré avec précipitation dans l'église cherchait à pénétrer et à s'avancer, malgré les flots pressés de la foule silencieuse et recueillie, jusque sur les degrés de l'autel, où il se tenait agenouillé, le regard attaché sur le tabernacle où repose la personne adorable du Sauveur. Cet esclave, qui a pu s'approcher ainsi du saint évêque, brandit tout à coup un poignard qu'il tenait caché sous son manteau, et, avec la rapidité de l'éclair, le plonge dans le sein du- pontife, et prend la fuite".
Pour dissimuler son crime Frédégonde vint lui rendre visite sur son lit d'agonisant. Le prélat eut encore la force de dénoncer son forfait puis expira après avoir reçu l'extrême onction de l'évêque de Coutances.
Le tableau la Mort de Prétextat d'Edouard Cibot (1799-1877), composé en 1832, est au musée des beaux arts de Rouen.
Le hollandais Lawrence Alma Tadema a peint Frédégonde visitant Prétextat sur son lit de mort. Il existe aussi une gravure sur le même thème dans un livre de Gustave Demoulin.
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En 1896 et 1897 on joua à Paris au Théâtre français Frédégonde drame historique en cinq actes et en vers d'Alfred Dubout, achevé en 1885. Paul Mounet, 49 ans, y jouait Prétextat. Un des décors était la cathédrale de Rouen, pour son assassinat. C'était une pièce mélodramatique assez grossière d'après les critiques qui mettait en scène diverses parties imaginaires dont une confession de Frédégonde à Prétextat. La franco-belge Adeline Dudlay jouait Frédégonde.
Dans le style d'une histoire un peu romancée on peut aussi se reporter au Récit des temps mérovingiens qu'Augustin Thierry dans les années 1840 consacrait à Prétextat (Pretextatus). On y trouve un détail intéressant sur le lieu et les circonstances du procès de l'archevêque. Il y explique aussi les raisons psychologiques de la persistance de la haine de Frédégonde contre le pontife de Rouen quand elle se rendait dans sa ville (Thierry reprend fidèlement Grégoire de Tours à ce sujet). Il situe le meurtre au dimanche 24 février, qui est l'ancienne date de la Saint Prétextat, déplacée depuis lors au 14 avril.
L'erreur du dolorisme
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Orwell dans un article (recueil "Une bonne tasse de thé") sur les soins et la mort dans un hôpital parisien du XVe arrondissent de Paris a les accents d'un Pierre Leroux dans "Y aura-t-il toujours des pauvres ?" à propos des hospices de son temps.
Dans certains milieux aujourd'hui on dénonce volontiers le "luciférisme" des modernistes et des francs-maçons, mais ces récits anciens rappellent dans quelle indifférence on traitait jadis la souffrance de l'indigent. Peut-être au nom d'un certain dolorisme chrétien... qui a fait "dialectiquement" le lit du progressisme.
Il y a plus drôle aussi dans l'article, heureusement. Ainsi on y apprend que les infirmières anglaises sont idiotes, qu'elles fétichisent la royauté et lisent l'avenir dans les feuilles de thé (sic !).
Un prémontré dans le train
Dans le TGV pour Pau cet après-midi j'étais à côté d'un des quatre chanoines (que vous voyez ci-dessous à côté de son évêque), installés le 11 octobre 2023 dans le prieuré de la rue Montpensier à Pau. Prémontré de Lagrasse dans l'Aude (ils succèdent à Pau aux Jésuites) c'est homme d'une grande culture qui lisait le dernier bouquin de Sylvain Tesson sur les fées, mais qui n'avait jamais entendu parler de l'abbé Julio.
Nous avons eu une conversation très intéressante, sur des thèmes d'actualité comme l'euthanasie, l'avortement, l'évolution récente des monastères en France, la montée de l'orthodoxie orientale chez nous, la difficulté de maintenir le catéchisme dans les collèges privés, le flirt conscient ou inconscient des gens avec l'occultisme etc. Il n'est pas exclu qu'il y ait derrière cela une volonté d'en-Haut... Matt 10-29 : "Ne vend-on pas deux passereaux pour un sou ? Cependant, il n'en tombe pas un à terre sans la volonté de votre Père". Donc les places dans les trains aussi sont choisies par Dieu.
Je retiens notamment de cet échange une information précise sur la formule des coupeurs de feu que j'ignorais et qui ne plaide pas en faveur de cette pratique car il l'a connue autrefois... Il l'a connue ? Oui... Etrange non ?
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Un chemin dans le monde
Il y a quinze ans, avant ma conversion, je publiais un livre sur mon itinéraire intellectuel et professionnel "Incursion en classes lettrées" (eds du Cygne).
J'avais 39 ans et je pensais qu'il fallait écrire ses mémoires avant la vieillesse, comme le dernier empereur de Chine. Et c'était juste car, à l'époque, je croyais encore avoir un avenir, notamment du côté de la politique alors que je m'engageais pour une maire récemment élue en Seine-Saint-Denis.
Tout le mécanisme s'est enrayé vers 2013-2014. Aujourd'hui mon "chemin dans le monde" comme dirait Naipaul n'est plus qu'un sentier couvert de ronces : supporter des supérieurs hiérarchiques médiocres, des dénonciations calomnieuses, une routine professionnelle souvent sans intérêt.
Et je sais que ce pourrait être bien pire. Même si j'avais été accepté dans la caste universitaire comme j'avais tenté de le faire après mon doctorat je n'aurais été que plus entravé encore par les rivalités médiocres, le conformisme intellectuel etc. Cela faisait partie de mes configurations astrales, je suppose (je n'ai fait faire mon thème astral que jusqu'en 2019 pour ne pas avoir à connaître mon avenir à ce sujet).
Le plus frustrant est que, si j'ai appris beaucoup de choses dans le domaine spirituel et celui de l'histoire "cachée", depuis 2014, je n'ai pas vraiment pu en faire profiter les gens. Mes livres ne se sont vendus qu'à 70-75 exemplaires, personne ne m'a proposé de donner des cours. Encore une fois sans doute est-ce une affaire de "mana". A certains toutes les portes sont ouvertes, et pas à d'autres. Si seulement cela m'avait rempli d'attention et d'empathie envers les plus faibles en compensation de toute la sévérité avec laquelle j'étais traité.... Mais je ne suis même pas sûr de cela. Dans le meilleur des cas, la grisaille m'a motivé à travailler encore plus, pour mes blogs, pour mes livres. Mais pas toujours. Aujourd'hui je suis assez tenté de tout laisser filer, de ne même plus trop retenir ce que j'ai lu, d'avoir des idées approximatives. L'hiver de la vieillesse qui se profile est lourd de tentations de paresse et de lâcheté, comme la jeunesse était chargée de tentations de luxure et de cruauté. Espérons que je ne tomberai pas trop dans ces pièges.
Déclin intellectuel
Nous en sommes au point où un intervenant au Collège de France en 2024 Salikoko S. Mufwene en 43ème minute de son exposé ose dire et publier avec Power Point que Cicéron était un empereur romain.
Une telle bévue eût été impensable il y a vingt ans.
Le Grand Sommeil
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Extrait de "Les mystères du sommeil et du magnétisme ou Physiologie anecdotique du somnambulisme naturel et magnétique : songes prophétiques, extases, visions" (1854)
"Dans le Journal de médecine, chirurgie et pharmacie de 1754, on trouve parmi plusieurs observations celle -d'un homme surnommé le dormeur de la Charité. Son sommeil durait exactement la moitié de l'année ; on avait beau crier à ses oreilles, l'agiter, le secouer ; il dormait toujours : l'immersion dans l'eau froide ne put le réveiller.
Van-Swieten rapporte un cas à peu près semblable pour la durée. Le dormeur dont il parle ne voulut pas croire, en se réveillant, que la nuit eût été si longue ; cependant il se laissa persuader, car il se rappelait s'être endormi à l'époque des semailles, et le temps de la récolte commençait.
Une femme de la campagne dormait régulièrement toute la semaine et ne se réveillait que le dimanche au matin : alors elle faisait sa toilette, prenait quelques aliments et se rendait à l'église ; à son retour, elle se rendormait jusqu'au dimanche suivant.
Un homme, glouton de son naturel et qui ne mangeait qu'une seule fois le jour, s'endormait aussitôt qu'il avait avalé le dernier morceau et vidé la dernière bouteille. Il se réveillait le lendemain à la même heure, pour recommencer exactement ce qu'il avait fait la veille."