Les caodaïstes selon Graham Greene
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Pour poursuivre avec nos caodaïstes, un portrait fait par Graham Greene que je trouve dans ses Reflections, p. 156 (un texte de 1952 "Indochine : La couronne d'épines de la France") :
"De tous les alliés de la France en Indochine, les plus étonnants sont les caodaïstes, membres d'une secte fondée vers 1920. Leur capitale qu'ils appellent leur 'Sanit Siège' est Tay Minh, à environ 80 km de Saïgon, où leur Pape vit entouré de cardinaux des deux sexes. A l'entrée de leur fantastique cathédrale en technicolor sont suspendus les portraits de trois saints mineurs de la religion caodaïste : le Dr Sun Yat Sen, Trang Trinh, un poète vietnamien primitif, et Victor Hugo bardé de son uniforme de l'Académie française avec un halo autour de son tricorne.
Dans la nef de la cathédrale, dans la pleine splendeur asiatique d'une fantaisie de Walt Disney, des dragons de pastel s'enroulent autour des colonnes et de la chaire ; de chaque vitrail le grand œil de Dieu vous suit, un énorme serpent forme le trône papal et tout en haut sous les arcs se trouvent les effigies des trois saint majeurs : Bouddha, Confucius, et le Christ qui montre son sacré cœur.
Les saints, Victor Hugo en particulier, s'adressent encore aux fidèles par le biais d'un crayon et d'un panier couverts d'une sorte de planche de oui-ja ; les cérémonies sont intolérablement longues, et un régime végétarien rigoureux est imposé. On ne sera donc pas surpris d'apprendre que des missionnaires ont été envoyés à Los Angeles.
Le souvenir qu'on retient de toute cette fantasmagorie : un pape enfumeur qui discourt pendant des heures sur l'Atlantide et l'origine commune de toutes les religions, mais qui en fait utilise cette façade avec toute sa pompe pour entretenir une armée de 20 000 hommes avec son arsenal sommaire pour se prémunir contre une éventuelle interruption d’approvisionnement d'armes françaises (les mortiers sont fabriqués avec de vieux pots d'échappement qui, après un an d'utilisation, sont refilés aux paysans pour leur autodéfense)... Sous la protection de l'armée, les membres de la secte pacifiste caodaïste compte un million et demi d'adhérents. Comme Victor Hugo l'a demandé aux fidèles le 20 avril 1930 à une heure du matin : 'Instruisez l'infidèle par toute méthode disponible'.
Mais l'été dernier une scission est survenue dans les rangs des caodaïstes : le Colonel Trinh Minh Thé, chef d'Etat major, s'est enterré avec 2 000 hommes (le premier signe de cette dissidence a peut-être tenu aux petits déjeuners au champagne qu'il accordait aux journalistes visiteurs). Le Général Thé - comme il se fait appeler maintenant en s'autopromouvant - déclare qu'il est autant l'ennemi des communistes que des Français, mais jusqu'ici ses exploits - comme l'assassinat du Général Chanson, un des meilleurs jeunes généraux français, ou l'installation d'explosifs à Saïgon - ont tous été dirigés contre ces derniers. Lors d"un déjeuner à Tay Minh, un colonel caodaïstes s'est plaint devant moi des difficultés que causait le Général Thé.
'Les Français veulent que nous le capturions, mais à l'évidence c'est impossible, dit-il.
- Pourquoi est-ce impossible ? ai-je demandé.
- Parce qu'il n'a attaqué aucun caodaïste.'
Voilà qui semble illustrer avec subtilité et précision la nature de l'alliance entre les caodaïstes et l'administration franco-vietnamienne. Depuis lors le QG du général Trinh Minh Thé a été attaqué mais, bien que sévèrement blessé, il s'est échappé."
Viminacium
On oublie souvent que la Serbie, sur laquelle j'ai écrit au début de ma carrière de sociologue il y a 20 ans, fut un grand centre de romanité. L'empereur Constantin et 17 autres empereurs y sont nés.
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Cette semaine encore on nous expliquait que des archéologues ont retrouvé récemment sur le site de Viminacium un "tintinnabulum" (carillon à vent magique) surmonté d'un phallus apotropaïque qui était à l'entrée d'une boutique. On trouve sur Gallica des compte rendus de recherches archéologiques à Viminacium, ex-capitale de la Mésie supérieure (en 85), depuis le XVIIIe siècle.
Dans la revue Comoedia du 22 avril 1931, je lis :
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"Une Vénus yougoslave résoudra-t-elle le problème de l'attitude de la Vénus de Milo ?
Un paysan yougoslave vient de découvrir dans le village de Kostolac, situé sur le Danube, aux environs de Pozarevac, cinq tombes romaines datant de l'époque où florissait la ville de Viminacium, dans laquelle les empereurs Caracalla et son frère Geta firent leurs études.
L'une de ces tombes contenait un sarcophage pesant près de cent kilos où furent retrouvés les ossements d'une fillette, une paire de boucles d'oreilles en or,des pierres noires et quelques objets de toilette.
Mais une trouvaille attire surtout l'attention des archéologues: c'est celle d'une petite Vénus en os sur laquelle on compte beaucoup pour résoudre le problème de l'attitude de la Vénus de Milo.
Un peu plus loin on a trouvé un monument funéraire pesant environ 2.000 kilogrammes, et richement orné de figurines, avec inscriptions disant que cette tombe est celle de Cornélius Rufus, édile de la ville autonome de Viminacium, qu'il a vécu 70 ans et que ce monument lui a été élevé par sa femme Ulpia Fufina et ses héritiers.
Le monument portait également le buste de ce magistrat, mais la tête manque.
On a également trouvé un très beau chapiteau de grandes dimensions.
Toutes ces pièces, qui sont d'un intérêt primordial, seront transportées au Musée national de Belgrade que dirige, on le sait, un savant éminent, le professeur Petkovitch"
Comoedia fait bien de préciser que Caracalla qui était né à Lyon en 188 y fit ses études. La fiche Wikipedia de cet empereur omet ce détail. A Viminacium stationnaient deux légions dont les symboles étaient le taureau et le lion qu'on retrouve aussi sur les monnaies frappées dans cette ville.
Au XVIe siècle un historien du Beaujolais, le chanoine Guillaume Paradin, racontait que l'empereur Probus (232-282), qui était pannonien, avait nommé une petite ville de Gaule (où il avait combattu Proculus *) juste en face du Mont d'Or près de Lyon à Rome du nom de Viminacium en hommage à la capitale de la Haute Mésie et fit de même près de Valence en Espagne. Paradin se réclame à ce sujet de l'autorité de Flavius Vopiscus de Syracuse. Il affirme que ces libéralités qui consistaient à autoriser les peuples à planter des vignes, et nommer des villages du nom de son terroir natal allaient de pair et constituaient des marques d'affection. Voilà un étrange téléscopage entre le Beaujolais et la Mésie supérieure...
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* "Après la mort de Proculus, on fit à Lyon une médaille où la tête de cet aventurier est attachée à un croc; au-dessus est le buste de Probus devant une Victoire; on y voit encore les lettres P. T. qui signifient sans doute Proculus tyrannus"
L'histoire des Mérovingiens
Il y a 6 ou 7 ans je me suis intéressé aux Mérovingiens sous l'angle ésotérique, et vous en trouverez une trace dans mon livre sur le complotisme protestant. Je recommande la petite interview ci-dessous de l'historienn Bruno Dumézil pour l'aspect (plus certain et plus tangible évidemment) de l'histoire de leurs institutions, du cadre social qu'ils ont fixé.