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La position de Saint Augustin sur les "apparitions des morts"

16 Septembre 2020 , Rédigé par CC Publié dans #Médiums, #Christianisme, #Histoire des idées

J'ai évoqué dans mon livre sur les médiums le cas de cette amie ivoirienne que le  fantôme de son père défunt guida jusqu'à sa tombe dont elle ignorait la localisation en 2015.

Je tombe ce soir sur ce que Saint Augustin disait de ce phénomène dans la seconde partie du "De cura pro mortuis gerenda" (telle que traduite par Jacques Le Goff dans "La naissance du Purgatoire" - Gallimard, 1981 p. 111) :

"On raconte certaines apparitions qui me paraissent annexer un problème non négligeable à cette discussion. On dit que certains morts se sont montrés, soit pendant le sommeil, soit de toute autre manière, à des personnes vivantes. Ces personnes ignoraient l'endroit où leur cadavre gisait sans sépulture. Ils le leur ont indiqué et les ont priés de leur procurer la tombe qui leur manquait. Répondre que ces visions sont fausses, c'est paraître contredire avec impudence les témoignages écrits d'auteurs chrétiens et la conviction des gens qui affirment en avoir eues."

La thèse de St Augustin est que ce ne sont pas les morts eux-mêmes qui apparaissent. "Je serais porté à croire, au sujet de ces apparitions, à une intervention des anges qui, avec la permission ou sur l'ordre de Dieu, font savoir au rêveur que tels morts sont à ensevelir et cela à l'insu des morts eux-mêmes".

Il évoque à ce sujet une anecdote : "Etant à Milan, j'ai entendu raconter qu'un créancier, pour se faire rembourser une dette, se présenta avec la reconnaissance signée par le débiteur qui venait de mourir au fils de ce dernier. Or la dette avait été payée. Mais le fils l'ignorait et il entra dans une grande tristesse, s'étonnant que son père, qui avait fait pourtant son testament, ne lui en eût rien dit à sa mort.

Mais voilà que dans son extrême anxiété il voit son père lui apparaître en songe et lui indiquer l'endroit où se trouve le reçu qui avait annulé la reconnaissance. Il le trouve, le montre au créancier et non seulement repousse sa réclamation menteuse, mais rentre en possession de la pièce qui n'avait pas été rendue à son père au moment du remboursement. Voilà donc un fait où l'âme du défunt peut passer pour s'être mise en peine de son fils et être venue à lui pendant son sommeil pour lui apprendre ce qu'il ignorait et le tirer de sa grande inquiétude."

Il rapproche ce point de la question de l'apparition des vivants à d'autres vivants (et qui pose celle du "double éthérique", me semble-t-il) : "A peu près vers l'époque où on nous raconta ce fait, ajoute-t-il, et quand j'étais encore établi à Milan, il arriva à Eulogius, professeur d'éloquence à Carthage, mon disciple en cet art, comme il me l'a rappelé, l'événement suivant dont il me fit lui-même le récit, à mon retour en Afrique. Son cours portant sur les ouvrages de rhétorique de Cicéron, il préparait sa leçon pour le lendemain ; il tomba sur un passage obscur qu'il n'arriva pas à comprendre. Préoccupé, il eut toutes les peines du monde à s'endormir. Or voilà que je lui apparus pendant son sommeil et lui expliquai les phrases qui avaient résisté à son intelligence. Ce n'était pas moi, bien sûr, mais, à mon insu, mon image. J'étais alors bien loin, de l'autre côté de la mer, occupé à un autre travail ou faisant un autre rêve et n'avais cure le moins du monde de ses soucis.

Comment ces deux faits se sont-ils produits ? Je l'ignore".

Saint Augustin ajoute avec beaucoup de prudence : "Si quelqu'un m'avait répondu par hasard par ces mots de l'Ecriture : 'Ne cherche point ce qui est trop haut pour toi, ne scrute pas ce qui est trop fort pour toi, contente toi de méditer sans cesse les commandements du Seigneur' (Ecclésiaste, III, 22), j'aurais accueilli ce conseil avec reconnaissance. Ce n'est pas, en effet, un mince avantage, quand il s'agit de points obscurs et incertains qui échappent à notre compréhension, d'avoir tout au moins la claire certitude qu'il ne faut pas les étudier et, quand on veut s'instruire dans la pensée de savoir quelque chose d'utile, qu'il n'est pas nuisible d'ignorer."

Etrange que Saint Augustin évoque la possibilité du "hasard" dans les enseignements qu'il pouvait recevoir à ce sujet...

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