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Articles récents

Deux visages

27 Janvier 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire secrète, #Pythagore-Isis, #Philosophie

J'ai déjà fait plusieurs fois sur ce blog l'éloge d'Ariel Cohen Alloro. Je pense qu'il est un peu fou et que délibérément son flot verbal qui mêle anglais de débutant et hébreu est destiné à égarer les gens, en outre il manie un peu trop le paradoxe et la réhabilitation du Mal, mais il y a au moins 10 % de précieuses vérités à retirer de son discours (par exemple, comme je l'ai déjà souligné, à propos de Nathanael, du serpent et des douze apôtres).

J'aime bien aussi ses récentes réflexions (vidéo ci-dessous) sur le double visage de tout un chacun, qui renvoie en hébreu au pluriel panim. Il en tire une conclusion intéressante sur le verset Matthieu 5.39 "Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre" (même s'il faut se méfier des interprétations ésotériques de l'évangile, qui la tirent trop vers le savoir - et donc l'orgueil - au détriment de l'éthique et de l'humilité). Cela m'a rappelé cette représentation romaine de Sappho (une héroïne pythagoricienne) qui combine deux visages, comme la Joconde de Léonard de Vinci.

 

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Une remarque sur le bourdieusisme

24 Janvier 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Sociologie des institutions

Je parcourais tantôt "Homo Academicus" de Bourdieu que j'ai dû lire il y a 20 ans. Je suis tombé sur un passage ridicule où Bourdieu explique que dans les années 1890 comme dans les années 1960 il y avait le camp du Bien (les intellectuels de gauche matérialistes et internationalistes, partisans du travail collectif), et le Mal (les individualistes spiritualistes nationalistes qui croient en la création inspirée). Bourdieu ne le dit pas ainsi mais cela revient à cela.

Bon, je dois beaucoup à ce sociologue qui m'a incité à faire mon doctorat dans son laboratoire, et je crois toujours aux vertus de l'analyse structurale des rapports sociaux et de la mise au jour des inconscients à l'oeuvre (notamment des schèmes de domination). Mais il est aspects grotesques de ses présupposés qu'il faut absolument fuir.

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Quand Napoléon célébrait Jacques de Molay

21 Janvier 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées

Il m'arrive encore de lire un ou deux textes sur ces églises parallèles de type gallican ou vieux-catholique, qui fonctionnent comme des instances de recours là où les médiums ont échoué. De ce que j'en comprends, elles sont souvent d'inspiration gnostique. A ce propos j'ai déjà parlé ici de Fabré-Palaprat, prêtre défroqué devenu pédicure épris de mysticisme néo-templier.

Son Ordre du temple se réunissait au 45 de la rue Jean-Jacques Rousseau à Paris dans l'actuel 1er arrondissement. Si la numérotation n'a pas changé, ce serait un actuel immeuble d'habitation. A l'origine c'était une bâtisse du début du XVIIIe siècle. Pendant la Révolution des clubs s'y réunissaient, ainsi que des loges maçonnique, dans ce qu'on appelait la "salle de la redoute".  L'historien monarchiste Robert Harvard de la Montagne, auteur d'un article sur Fabré-Palaprat en 1913 raconte : "A  l'extrémité du vestibule, se dressait un mélancolique tableau noir que je me rappelle avoir vu bien des fois jusqu'à la veille de la guerre (de 1870). Sur ce panneau, d'un mètre carré de superficie, environ, le passant pouvait lire le programme hebdomadaire des «tenues » de « l'Ordre du Temple »." Ce n'était, nous explique-t-il, qu'une loge du Grand Orient jusqu'à ce que le Dr Fabré-Palaprat en prît la direction sous le nom de "Frère Bernard-Raymond", le 4 novembre 1804.

En mars 1811, dans le cadre de son bras de fer avec le pape Pie VII sur la nomination des évêques, l'empereur convoqua Fabre-Palaprat et "l'informa qu'il voulait donner toute la solennité possible à l'anniversaire du « Martyre » de Jacques Molay. Le 18 mars, la cérémonie se déroula au milieu d'un déploiement inaccoutumé des pompes civiles et militaires. Une place d'honneur fut réservée au Grand-Maître et à ses lieutenants généraux. Le coadjuteur du Primat du Temple, le F.'. Clouet, revêtu du camail primatial, prononça l'oraison funèbre de Jacques Molay. Le catafalque de la "victime de Philippe le Bel " portait les insignes de la « souveraineté magistrale et pontificale ». Fabre-Palaprat avait convié les grands Corps de l'Etat et les représentants des Puissances étrangères. Cette solennité fit grand bruit."

A l'époque Napoléon avait menacé Pie VII de nommer lui-même un pape, ce qui suscita par la suite une concurrence chez les hauts dignitaires maçonniques. Fabré-Palaprat tenta d'acheter à la Sublime Porte une île à l'Est de la Méditerranée (éventuellement Chypre), puis de se rapprocher des nationalistes grecs dans le but aussi d'obtenir d'une une île (il y eut aussi des démarches auprès du roi du Portugal). Il est piquant de se dire que dans une "what if history" imaginaire, une église johannique aurait pu avoir pour pape Fabré-Palaprat, avec ensuite pour successeur Chatel que je mentionne dans mon livre sur Lacordaire.

Dans The Occult Theocrasy, Edith Starr Miller explique en citant Heckethorn, Secret Societies of all Ages and Countries, vol. I, p. 302 et seq. qu'à la nomination de Fabré-Palaprat comme grand maître, "Fabré, Arnal et Leblond partirent à la chasse de relique. Les boutiques d'antiquaires fournissaient l'épée, mitre et casque de de Molay, et l'on montra aux fidèles ses ossements, retirés du bûcher funéraire sur lequel il a été brûlé. " Ce sont ces reliques qui ont pu être ensuite utilisées pour la création de la loge de Charleston aux Etats-Unis par Hyman Isaac Long, venu de la Jamaïque, loge conçue comme la tête de pont des Illuminati dans le Nouveau Monde comme je l'explique dans mon livre "Le Complotisme protestant".

Nesta H. Webster dans Secret Societies and Subverive Movements, 1924 (p. 67 et suiv) rappelle qu'en 1811, l'Ordre du Temple avait monté toute sa stratégie de légitimation depuis Moïse, via Jésus, Saint Jean, Théoclet et le chevalier Hugues de Payen, avec un Levitikon certifié authentique (à tort) par l'abbé Grégoire (dont Fabre était le médecin personnel).

Le Journal de l'Empire du mardi 19 mars 1811 ne dit rien de cette cérémonie de Fabre-Palaprat qu'évoque Harvard de la Montagne. Il signale seulement que le 18 mars, "après la messe" l'empereur a reçu des prestations de serments de dignitaires de l'empire qu'il nomme.

Jean-Baptiste Alexis Durand (1795-1853) nous en dit un peu plus dans son "Napoléon à Fontainebleau" (1850) (p. 20-21) des rapports entre Napoléon et l'Ordre du Temple : " Bonaparte, consul de la république, avait eu déjà plusieurs conférences avec les dignitaires de cet ordre célèbre dont il connaissait l'importance, tant sous le rapport civil que sous le rapport religieux. Or, quelques jours avant le 29 novembre 1804, l'empereur avait fait prier le grand maître de le suivre à Fontainebleau. Evidemment Napoléon se proposait de tirer un bon parti de l'ordre et du culte des Templiers, s'il ne pouvait parvenir à maîtriser la cour de Rome. L'invité fut exact au rendez-vous; mais le Saint-Père ayant acquiescé à tout ce qu'on exigeait de lui, le Templier fut seulement interrogé sur les statuts de sa société, et sur l'époque, qui approchait, de la célébration de l'anniversaire du martyre de Jacques Molay, dernier grand maître officiel de l'ordre.

En 1811, l'empereur, revenant à ses idées de schisme, fit encore appeler le même personnage sans plus de résultat. Nous tenons ces renseignements du grand maître Bernard Raymond lui-même. Il nous assura avoir entendu sortir ces paroles de la bouche de Napoléon : La religion naturelle suffirait à l'humanité, si l'on n avait accoutumé l'homme aux pompes des différents cultes."

On apprend que Durand a parlé avec Fabre, que Napoléon n'avait qu'un rapport instrumental à l'Ordre du Temple (puisqu'il ne ressent pas plus le besoin pour l'humanité d'une religion catholique romaine que de la religion "johannique"), et que cependant il a tout de même déjà échangé avec ce cercle comme premier consul.

Je trouve encore quelques précisions supplémentaires sous la plume du biographe John Charpentier en 1935. En 1809, quand en Autriche un étudiant membre d'une société secrète essaya de l'assassiner, Napoléon avait dit "Toujours ces illuminés" (bien que l'étudiant n'eût pas de rapport connu avec les Illuminati).

Napoléon se méfiait des sectes. Il s'en prit aux théophilanthropes de Chemin et Haüy, et eut l'occasion de rencontrer Fabre quand il se trouva accusé d'exercice illégale de la médecine : "Accusé d'exercice illégal de la médecine, parce qu'il guérissait les sourds-muets, Fabre d'Olivet sollicite et obtient de l'Empereur une audience pour se justifier. Il se présente à lui comme un grand initié, l'hiérophante d'un nouvel empire universel. On imagine aisément de quelle manière le conquérant du monde accueille le fol qui a le front de se dresser devant lui comme un émule, sinon comme un rival. Peu s'en faut qu'il ne le fasse aller rejoindre le marquis de Sade à Charenton"... (il s'agit là d'une opinion de Charpentier contradictoire avec le fait que Napoléon avait échangé avec l'Ordre du Temple du temps où il était premier consul...) Charpentier fait remarquer par ailleurs que l'empereur se méfiait des francs-maçons. Il avait fait nommer son frère Joseph à leur tête, voulant les instrumentaliser face à l'Eglise mais sans leur donner trop de pouvoir.

D'après Charpentier avant d'utiliser Fabre contre le pape, il l'aurait instrumentalisée contre les francs-maçons. Il précise qu'il a trouvé dans Le Globe (mais sans préciser quel numéro) le récit de la cérémonie, et ajoute qu'elle eût lieu à l'église "Saint Antonin" (on ne sait dans quelle ville) mais Le Monde de 1891 dit que c'était à Notre Dame.

Encore un détail amusant concernant la secte de Fabre-Palaprat que conte dans la revue Historia de 1913 Georges Cain à propos de Rosa Bonheur :

"une curieuse histoire qui me fut racontée par Rosa Bonheur, la grande artiste. Vers 1855, les restes d’une petite chapelle appartenant aux chevaliers du Temple occupaient l’angle actuel de la rue de Damiette. C’est là que notre amie fut « consacrée » par les Templiers! Le père de Rosa Bonheur, fort épris des cultes bizarres et des religions hétéroclites, s’était lié —- quai de l’École, au café du Parnasse, jadis tenu par le limonadier Charpentier, beau-père de Danton, avec un nommé Fabre-Palaprat, grand maitre des Templiers, car l’ordre du Temple détruit, comme on le sait, par Philippe le Bel, comptait encore en 1855 quelques adeptes, tant en France qu’en Angleterre. Palaprat, chef de l’Ordre, possédait dans son petit logement le casque, l’épée, la cuirasse de Jacques Molay, le premier grand maître, martyr de sa foi, brûlé vif en 1314 dans l’île de la Cité. Les Templiers du règne de Louis-Philippe étaient propriétaires de la chapelle gothique délabrée. Dans ces ruines pittoresques ils avaient installé leur autel, leur chaire à prêcher, leurs fonts baptismaux; ils officiaient selon des rites spéciaux, et la petite Rosa Bonheur dut « passer sous la voûte d’acier ». Les chevaliers de l’Ordre, de braves négociants du quartier, et quelques illuminés parisiens — vêtus comme des figurants de Lohengrin : grand manteau blanc, croix rouge sur la poitrine, tunique blanche, bottes de daim, l’épée à poignée en croix au côté, sur la tête une toque de drap blanc surmontée de trois plumes, jaune, noire et blanche — avaient croisé au-dessus de l’enfant leurs glaives nus... et c’est ainsi que Rosa Bonheur avait été sacrée « apprentie templière », à deux pas de la Cour des Miracles !"

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Quelques considérations sur les lettres d'Ignace d'Antioche

12 Janvier 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Christianisme

Il est très intéressant de lire les lettres d'Ignace d'Antioche, évêque qui évangélisait l'Asie Mineure, pour avoir un aperçu des messages apostoliques au début du IIe siècle. Ses propos qui se calquent sur Saint Paul sont si calibrés à la virgule près qu'on pourrait y voir des grammata, des lettres magiques. A côté de cela il y a une très forte rigueur doctrinale : refus des hérésies judaïsantes (cf l'excellente analyse "bourdieusienne" d'R. Alciati du rejet de l'obsession herméneutique des "annales" ou "archives" de l'Ancien testament comme "transgression contrôlée" qui identifie la référence rituelle à l'archive comme une hysteresis; plutôt que de montrer son savoir comme faisait Paul, promotion de l'allodoxia des parvenus contre les Don Quichottes), du docétisme (qui ne faisait de l'incarnation qu'une apparence). Il est probable qu'il ait été disciple direct de Jean dont l'influence se sent dans ses formules (si du moins le contenu de ses lettres est exact). il a d'ailleurs une pensée très riche de ce qu'est un disciple, en lien avec lemerture conçu comme stratégie pour rendre Dieu viisble, comme la communauté des chrétiens).

Un professeur de Taiwan, Paulus Leeming Tchang, a insisté il y a sept ans qu'Ignace, qui se disait theophoros, était autant évêque que prophète charismatique. Par exemple quand il écrit :

"J'ai crié quand j'étais avec vous, j'ai parlé d'une voix forte, avec la voix de Dieu : « Soyez attentifs à l'évêque, au presbytère et aux diacres. » Mais certains soupçonnaient que je disais ces choses parce que je connaissais déjà la division provoquée par certaines personnes. Mais Il m'est témoin en qui je suis lié que je n'ai rien appris d'aucun être humain, mais l'Esprit proclamait en parlant de cette manière : « Sans l'évêque, ne faites rien ». « Gardez votre chair comme le temple de Dieu ». « Aimez l’unité ». « Fuyez les divisions ». « Soyez les imitateurs de Jésus-Christ comme il l’était du Père ! »"

En 1989, Harry O. Meier théologien de Sasketoon au Canada usant de la catégorie weberienne d'autorité charismatique rappelait qu'Igniace se percevait lui-même comme extraordinaire en accord avec les attentes de son public (un sentiment en tension avec le fait qu'il devait aussi sans cesse  se rabaisser, ce qui, note Max Weber va avec une rotinisation du charisme qui dès Paul est perçu comme nécessairement inférieur à celui de Jésus). Quand il se compare à l'eau vive, cela renvoie à la terminologie hellénistique pour les prophéties (cf David E. Aune). Son statut à ses yeux est lié à la perspective du martyr. On connaît mal ce que pouvaient être les croyances de son public. Meier estime que ces églises étaient marquées par un esprit de secte au sens de l'idéaltype de Bryan Wilson : un groupe élu hostile ou indifférent au reste de la société. Les symboles de la souffrance et de la résurection du Christ y étaient des thèmes structurants. Ignace confirme les Talliens dans le vocabulaire de l'élection, comme Paul le faisait aux Ephesiens (1:3-5). Wayne Meeks (1972) dans un essai sur l'imagerie de l'homme-du-ciel chez Saint Jean a montré que le langage mythique et l'identité sociale étaient liés chez les premiers Chrétiens.

Dans sa thèse "Ignace d'Antioche et la controverse Arienne" soutenue à Edimbourg en 2011 Paul R Gilliam montre que le corpus des lettres d'Ignace d'Antioche a été plus altéré qu'il n'y parait. JB Lightfoot (1828-1889) avait trop bien fait pour démontrer l'authenticité des lettres de St Ignace, nous dit-il . Aujourd’hui, chaque manuel élémentaire d’histoire de l’Église considère comme acquise l’authenticité des lettres de Clément et des sept lettres d’Ignace et les utilise comme source première pour l’histoire de l’époque sous-apostolique. En conséquence, la majorité des étudiants en théologie ne savent même pas que leur authenticité était même. Par exemple, il construit son texte ignatien à partir de trois recensions différentes (courte, moyenne et longue), de six langues différentes (grec, latin, arménien, syriaque, copte et arabe) et de cinquante et un manuscrits.

La plupart des différences entre ces manuscrits et versions sont insignifiantes. Ils incluent des changements dans l'ordre des mots, l'orthographe, l'ajout et la soustraction de l'article défini et les omissions dues à l'homiotéleuton. Mes recherches révèlent cependant que, parmi cette masse de variantes textuelles insignifiantes de divers types, il existe plusieurs variantes textuelles christologiques significatives qui peuvent être attribuées à la controverse arienne.

Après un examen des preuves textuelles, je suis d'accord avec la plupart des érudits selon lesquels Ignace d'Antioche, du début au milieu du IIe siècle appelle Jésus « Dieu ». Cependant, contrairement à bon nombre de ces mêmes chercheurs, cette caractéristique ne me semble pas nouvelle. L'Évangile de Jean, composé soit à l'époque des lettres d'Ignace, soit quelques décennies auparavant, le gaisaiy déjà. Paul aussi. Mais des questions se posent sur la variante sang du Christ ou sang de Dieu.

La raison que le « sang du Christ » soit plus authentique que le « sang de Dieu » est simplement que ce langage semble mieux correspondre à la période du IIe siècle.

Il cite des exemples de variante d'une version à l'autre.  «Je désire le pain de Dieu.» Cette phrase, par
lui-même, est affirmé par le latin de la recension moyenne, le syriaque de la recension courte, la version arménienne, le martyrologe arménien, le martyrologe syriaque et la version copte. Les manuscrits suivants, cependant, reconnaissant une allusion à Jean 6.33, ajoutent : « pain céleste, pain de vie » : le grec du manuscrit colbertin, les Actes de Métaphraste , le grec de la longue recension, le Codex Parisiensis, le Codex Hierosolymitanus, le Codex Siniaiticus et le Codex Taurinensis

L’intensification du langage ignatien sur Dieu peut également être attribuée à la controverse arienne du IVe siècle. Il y a l'exemple dans la lettre aux magnésiens du passage "qu'il y a un seul Dieu, celui qui s'est manifesté à travers Jésus-Christ son Fils, qui est sa Parole sortie du silence", choisi par Lightfoot alirs que ça ne se trouve qu'en arménien, les autre sversions disent le contraire ("pas sortue du silence").  Ca tient à l'ajout de  ἀΐδιος οὐκ. L'ajout pourrait être dû à une controverse avec les gnostiques selon Ehrman.

Chadwick relie Magn 8.2 avec son interprétation de l'accent mis par Ignace sur le silence des
 évêque (Éph. 6.1). Ce faisant, il n’est pas d’accord avec Lightfoot et Bauer. Lightfoot qui prend Éph. 15 comme une défense indirecte de l'évêque éphésien Onésime qui a une disposition tranquille dont d'autres pourraient profiter. Bauer comprend Éph. 6.1 comme signifiant que l’évêque n’est pas éloquent. Selon Chadwick, une clé pour comprendre ces passages énigmatiques réside dans Magn. 8.2. Ici, Ignace attribue le silence à Dieu d'une manière similaire au gnosticisme valentinien. Dans cette branche du gnosticisme, la divinité principale est une dyade, Bythos et Sigé (σιγή - silence), qui forment la première paire d'Eons dans l'ogdoade (voir Irénée Contre les hérésies 1.2.1 et 2.12.2). Chadwick soutient que puisque le silence est une caractéristique fondamentale de Dieu pour Ignace, Ignace souligne également l'importance de silence dans la vie de l'évêque car « il est donc clair qu'il faut chercher sur l'évêque comme le Seigneur lui-même » (Éph . 6.1). Chadwick écrit : « Cette doctrine selon laquelle l'évêque est le représentant du prototype divin amène Ignace à attribuer à l'évêque les caractéristiques qui se rapportent à Dieu. Voir Henry Chadwick, « ​​Le silence des évêques chez Ignace », La revue théologique de Harvard  43.2 (1950) : 169-172. La citation est tirée de la p. 171. Dans un article beaucoup plus récent, Allen Brent déploie une manière d’argumentation similaire, quoique non identique. Selon Chadwick « Ignace a repris la conception hellénistique familière selon laquelle les choses sur terre correspondent aux choses du ciel (notion tout à fait caractéristique du gnosticisme, du moins dans sa forme valentinienne), et l'a appliqué sans réserve à sa conception de l'Église et de ses ministère." Brent écrit : « J'ai soutenu dans cet article que la clé de cette transition [de la communauté charismatique à la structure ecclésiastique hiérocratique] réside dans l' assimilation [Ignace] de la théologie de l'ordre de l'Église chrétienne avec la théologie païenne impliquée par le cérémonial et l'iconographie des cultes à mystères."

Ce n'est sans doute qu'au IVe siècle que ce genre de correction a pu être fait, mais le texte arménien est plus fiable.

De même les érudits sont divisés sur la question de la subordination de Jésus à Dieu dans les écrits « authentiques » d'Ignace. Certains soutiennent qu'Ignace subordonne Jésus à Dieu. D’autres soutiennent que ce n’est pas le cas. Si on compare les versions on voit que l'idée que le Christ est subordonné à Dieu seulement pendant sa vie terrestre, qui est l'héritage du concile de Nicée, a été subrepticement introduite dans des tournures de St Ignace.

 La remarque ci-dessus sur le gnosticisme fait penser à Heinrich Schlier (1929). "Ignace 'imite' le 'pathos" de son Dieu, écrivait Schlier, comme le gnostique exprime le 'pathos' de la chute de l' 'homme premier' ou de Sophie ou de la "souffrance renouvelée' du mystique". Von Campenhausen, lui, verra dans l'approche de la mort par Ignace une reproduction de celle de Jésus mais n'y verra pas une dimension sotériologique gnostique comme Schlier ! il 'ny a pas de participation directe à la mort de Jésus, seulement une participation indirecte par les sacrements.

La critique du corpus ignatien conduit même Benno Zuiddam en Afrique du Sud à estimer qu'il faut soit révoquer en doute la validité des sept lettres (puisque les plus vieux fragments sont des papyrus du Ve siècle), soit en adopter onze comme ce fut proposé à la Renaissance.

Dans la voie du révisionnisme historique, il faut aussi citer le livre récent d'Allen Brent "Ignatius of Antioch and the Second Sophistic: A Study of an Early Christian Transformation of Pagan Culture ?" qu'un compte-rendu récent qualifie de "monographie dense, bien argumentée, provocatrice et finalement convaincante sur une figure véritablement énigmatique du christianisme primitif." Adoptant une méthode influencée par Wittgenstein, Brent cherche à récupérer « le discours et sa logique d’Ignace – son « jeu de langage » » – d’une manière qui n’est possible ni avec les méthodes historico-critiques traditionnelles ni avec une herméneutique postmoderne. Il soutient que la « construction de l’ordre ecclésial » d’Ignace – à savoir sa présentation des ministres chrétiens comme des porteurs d’images participant à une procession cultuelle, et de ceux qui l’accompagnent jusqu’à son martyre comme des ambassadeurs divins communiquant la concorde ( µ νοια) entre communautés sur la base de son « sacrifice » ( ντ ψυχον) – révèle l’utilisation d’une théologie du culte des mystères et de ses rituels dont les racines étaient finalement païennes et sacramentelles, impliquant « une atypologie de la divinité, du sacerdoce et du mystère en acte » dans laquelle les évêques ne sont pas les successeurs des apôtres mais plutôt « des icônes de personnes et d’événements divins » (c'est la notion de tupos). Ignace met en place des processions où le prêtre représente Dieu dont il porte la statue qui porte en elle-même le dieu (la notion d'agalmatophorein chez Athénagore pour la présence divine en l'homme est similaire). Cela transforme toute la communauté en procession mystique, celle des summustai, témoins du sang du Christ. L'évêque, tupos theou l'accompagne dans son martyre. En même temps l'homonoia qui assure la concorde des cités grecqus a comme ambassadeur le prêtre qui se sacrifie pour elle.

En bref, les lettres d'Ignace reflètent le « contexte culturel et historique » du discours social du monde hellénistique païen d'Asie Mineure au cours du Deuxième Sophistique, une culture dont Ignace s'est profondément imprégné et qui s'est révélée si énigmatique pour Polycarpe et les autres successeurs « orthodoxes » d'Ignace qu'i la  fallu en déformer le texte théologique original assez radical d'Ignace, ce qui a permis à des écrivains chrétiens ultérieurs, comme Irénée et Origène, de coopter Ignace comme prédécesseur « orthodoxe ». Ainsi Brent conclut que les lettres ignatiennes ne sont pas des documents interpolés ou falsifiés. Ignace a pu être envoyé à Rome en 113 pour son martyre en l'absence du gouverneur de Syrie.

Les débats sont ouverts...

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L'Eglise gallicane universelle

17 Décembre 2023 , Rédigé par CC

Vous souvenez-vous que l'an dernier, j'ai cité dans le panorama du paranormal que faisait la télévision française en 1989  Franck Schaffner exorciste dans le midi en 1981, primat de l'église catholique gallicane de France ?

Voici un de ses amis qui, à la différence d'autres que je connais, manie avec aisance l'outil d'Internet. Sur son blog, il se fait appeler Sa Sainteté Dom Antonio Maria, ou encore Mgr Antonio Miranda.

Voici comment il résume son itinéraire : "À l’âge de 6 ans, j’ai découvert  que j’avais  un don de clairvoyance, je savais à l'avance qui allait mourir dans le village, mais aussi je pouvais voir et communiquer avec le monde invisible.

Vers 10 ans, je ne suis enfui avec mon baluchon et mon bâton de pèlerin, car je voulais entrer au séminaire. J’ai été enfant de cœur toute mon enfance.

À partir de 12 ans, j’ai commencé des études  au séminaire de Braga au Portugal avec le Père Filipe.

En 1975, je débute des  études de  théologie et des trois religions monothéistes à Paris

Après  mes études, je me consacre aux groupes de catéchisme, de prière et à la préparation des messes en portugais à Gerzat en Auvergne (France), mais également, à la préparation des enfants à la confirmation, lors de retraites à Orcival, entre autres.


Et commence ma vie d'homme, de mari et de père de famille.

En 1991, je rencontre  Monseigneur  René Crozet, qui me fait prendre conscience que je suis également magnétiseur et mon rêve d’enfant, mon destin, ma mission peut enfin se réaliser. Devenir prêtre, mais aussi exorciste reconnu par le clergé.

En 1993,après deux ans d’études supplémentaires et un cheminement au travers des différents ordres, je suis  enfin ordonné prêtre par Monseigneur Nicolas Lhotel et Monseigneur René Jean Crozet, en la paroisse Ste Agnès, Commanderie de Gergovie, lieu béni de mon ordination.


Depuis, je continue mon sacerdoce en Auvergne, mais aussi partout où l’on a besoin de moi.  

De l’écriture de livres avec Monseigneur René Jean Crozet,aux messes sur le sanctuaire de Notre Dame de Fatima au Portugal, des cérémonies à la Commanderie de Gergovie et de nombreuses messes bilingues , mon chemin m'a conduit à être consacré évêque en charge du Patriarcat de Gergovie.  J'ai la charge Patriarcale de la gestion Universelle de l'"Eglise Gallicane Universelle" de par le Monde depuis 2015."

Leur revue mensuelle Actualités Gallicanes de novembre 2018 en dit plus : "Fils ainé d'une fratrie de sept enfants, il fait le petit et le grand séminaire à Braga au Portugal et à Paris. Electromécanicien de profession, il rencontre Mgr René Jean Crozet, puis dirigea l'église d'Auvergne avant d'être consacré évêque le 13 novembre 2013 par "Mgr Héliogabale" et "Mgr Arepo". Il devin ensuite archevêque puis primat en 2017. Mais elle ne dit pas qu'il est médium.

Le site renvoie à d'autres églises gallicanes régionales, mais qui ne sont pas toutes d'accord entre elles. Voyez ce que dit par exemple celle de Picardie (basée au Barisis-au-Bois dans l'Aisne, et liée à un culte de Vierge Noire semble-t-il, dont le primat était Mgr Daniel Etoré du Bourget en région parisienne - ordonné par le bordelais Mgr Truchemotte,( Vignot signale qu'il ordonna un évêque avec le saint chrême des rois des France) à propos de celle d'Alsace : "Fin septembre, le père Raphaël Steck d’Alsace annonce l’ordination de femmes à la prêtrise, il parle même d’événement historique pour l’église Gallicane ! De quel droit parle t-il au nom de l’église Gallicane ?  (Je rappelle qu’il tient son Episcopat d’un évêque Orthodoxe Celtique et qu’il a par le passé donné sa démission à trois évêques Gallicans) et même si il avait été évêque de notre église une décision de cette nature et de cette importance ne peut être prise par un évêque seul." (cette église dirigée par Raphael Steck a été excommuniée) D'ailleurs cette paroisse était en concurrence dans le même département avec une autre église gallicane sur le territoire même de l'Aisne. Sur les grands hommes dont se réclame ce genre d'église voyez ici, notamment Bossuet, l'abbé Grégoire, et le larmoyeur abbé Junqua "à l'accent gascon des plus agaçants" qui défendit Bernadette Soubirous (avant de se présenter aux élections à Bordeaux, ce théologien antiinfaillibiliste qui fit de la prison pour une attaque contre ses supérieurs épousa une vieille fille riche landaise comme lui pour financer son église "démocratique et sociale" aux tendances socialisantes rue des Saints Pères), l'abbé Loyson "ami de Ste Thérèse de Lisieux", l'abbé Julio "consécrateur de Mgr Giraud". Intéressant aussi son rapport aux antoinistes au moins au niveau des références bibliographiques si l'on en croit le père Olivier de Hauranne, et dont elle a racheté un temple à Tergnier

 

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Ste Rita a-t-elle existé ?

17 Décembre 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Notes de lecture

En page 420-422 de son livre Un siècle, une vie (1984) l'académicien Jean Guitton, que je cite sur ce blog depuis 12 ans, raconte l'histoire de son épouse, Marie-Louise Bonnet (1902-1974), professeur d'histoire de l'art au lycée de Montpellier qu'il avait au départ (en 1940) seulement recrutée comme femme de ménage. Celle-ci avait un côté un peu médium car "lorsqu'elle avait cinq ans, on venait la chercher pour trouver une bague égarée et elle la trouvait - comme elle trouvait, en se promenant avec moi, un trèfle à quatre feuilles qui semblait lui faire signe" - "Il ne s'agit pas de vouloir le texte mais de la valoir". "

C'était une "chrétienne" assez singulière qui disait prier Dieu sans jamais le nommer (p. 422) et ajoutait "qu'il existe ou pas, au sens des philosophes, cela m'est bien égal ; La matière m'a fait signe". Elle n'a jamais voulu dire quand ni comment elle avait eu ce signe. Elle avouait par contre qu'avant de répondre à la sollicitation de Guitton elle était entrée dans une église et avait entendu le mot "Va !" ce qui la poussa à accepter.

Il ajoute à propos de cette histoire de signe de la matière :

"Et, lorsque je lui disais que la sainte qui ne lui refusait rien, sainte Rita de Cascia, n'avait « peut-être pas existé », elle me répondait encore : "Cela m'est bien égal, sainte Rita est le canal par lequel je monte à Dieu". Marie-Louise avait  une foi à déplacer les montagnes. Et je vais raconter un cas où elle les a déplacées.

La fête de la Sainte-Rita est le 22 mai. Marie-Louise lui fixait rendez-vous ce 22 mai, il lui arrivait des événements favorables. J'avais en 1961 été élu à l'Académie. En janvier 1962, Marie-Louise me dit : "J'ai prié pour que vous soyer reçu sous la Coupole, le jour de Sainte-Rita, le 22 mai. - Mais, lui répondis-je, cela est exclu. Le 22 mai est un mari, les réceptions ont lieu le jeudi. - J'ai prié pour le 22 mai : et sainte Rita est la sainte des cas désespérés. " En ce temps là on ravalait la Coupole ; les réceptions se faisaient en d'autres lieux. La mienne fut fixée au Conservatoire de musique. Et on me fit savoir que ce serait le mardi 29 mai. Marie-Louise dit : "Ce n'est pas mal. Mais ce n'est pas ça". "

Finalement il y eut un contre-ordre et la réception eut effectivement lieu le 22 mai.

"Marie Louise ne s'étonnait pas : elle pensait que, si la foi est pure, totale et simple, elle peut obtenir l'impossible : mais sans miracle, par le jeu des circonstances. Elle me citait, à cet égard, l'épisode du didrachme dans l'Evangile" (en Matthieu 17:24-27).

Elle fréquentait la fille de Bergson à Nice et connaissait donc des secrets sur les expériences mystiques au quotidien de ce dernier. Guitton ajoute qu'en la voyant vivre il découvrait une forme de "mysticisme à l'état sauvage" "différent de celui qu'on voit dans les récits ou dans les livres, où les phrases convenues, les schémas religieux prévalent sur l'expérience".

Il choisit des extraits de son carnet  : sur Mme Heidegger qui lave son linge elle-même (1957), l'église de son baptême à Puget dans le Vaucluse (1971).

Décédée en 1974 elle est enterrée avec son mari dans le hameau de Deveix à Champagnat (Creuse) dans une chaumière sans électricité qu'elle avait transformé en mini-monastère avec une chapelle et où Guitton inspiré par Cocteau (qui avait fait de même à Villefranche, et Matisse à Vence) avait peint des fresques sur la Philosophie et la Mystique. L'académicien dit que cette chapelle est comme un oeil infiniment agrandi en rattachant la thématique des yeux  à l'Apocalypse et au Cantique des cantiques. Sa femme mourut dans un hôpital à Nice après une maladie dont elle ignora longtemps l'existence. Elle crut pouvoir en guérir puis eut droit à une journée pour se rendre compte que c'était la dernière et se mettre en règle avec ses sacrements, et partir en paix, non sans s'être fait répéter en anglais ce mot de la Marquise de Vogüé :"it is wonderful to die" -"Il est merveilleux de mourir".

Le récit de la canonisation de Sainte-Rita le 24 mai 1900 à Rome se trouve dans La Croix.

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Le disciple de Saint Dorothée et la femme au désert

10 Décembre 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

Extrait de "Vie de Rancé" de Chateaubriand (p. 221 version livre de poche) : "Saint Dorothée se convertit à la vue d'un tableau, comme Enée retrouva les souvenirs de Troie dans les palais de Carthage. Ce tableau représentait les tourments des pécheurs aux enfers : une dame d'une majesté et d'une beauté extraordinaires se montra tout à coup auprès de Dorothée, lui expliqua le tableau et disparut." Mais il semble plutôt que cela soit arrivé à un disciple de St Dorothée, si l'on en croit la note de bas de page d'André Bene-Joffroy.

S'intéresser à St Dorothée nous fait plonger dans le monde monacal de Gaza des années 500.

Emmanuel Faure, dans sa thèse soutenue à Metz en 2016 rappelle : "Depuis 1990 environ, les études sur l’histoire religieuse de Terre Sainte, particulièrement de Gaza, ainsi que les découvertes archéologiques ont aidé à mieux saisir le cadre de vie de Dorothée. Une exposition exceptionnelle qui se tint à Genève en 2007 a illustré la vitalité des communautés chrétiennes gazaouies à l’époque de Dorothée et la finesse de leur culture. Le catalogue de cette exposition évoque la figure de Dorothée Le monachisme n’est pas la seule gloire de Gaza. En effet, cette cité du littoral était connue dans l’antiquité tardive pour ses éminents rhéteurs, notamment Procope et Chorikios. Cette « école de Gaza » suscite aujourd’hui l’intérêt des chercheurs : des textes sont en cours d’éditions, des colloques se sont réunis en 2004 puis en 2013." Il est bon de rappeler cet arrière-plan intellectuel car, comme le souligne un prof assistant d'une université catholique d'Australie, Michael Champion, Dorothée, comme ses maîtres était un boulimique de la lecture de Platon (voir par exemple les polémiques d'Enée de Gaza contre Pythagore, Platon, et Origène - qui avait beaucoup influencé le monastère de Thawata, sur la préexistence de l'âme et ses réincarnations).

Dorothée de Gaza a vécu dans ce monde là, 200 ans après Hilarion de Gaza disciple de St Antoine Cet antiochien de famille aisée avait fait dans sa jeunesse d’excellentes études. Entré au monastère fondé par l’Abbé Séridos, à Thawata, au sud et non loin de Gaza, probablement après 525 (sous l'empereur Justinien), pour « vaquer à Dieu » et acquérir « l’art spirituel », il bénéficia de la direction de deux contemplatifs : Barsanuphe et Jean le Prophète.

Leur réclusion étant des plus strictes, ils ne recevaient personne pour des échanges spirituels. En revanche, ils acceptaient de répondre aux demandes écrites qui leur étaient transmises. C’est ainsi que l'on a gardé un témoignage exceptionnel de plus de huit cent lettres émanant majoritairement de moines, mais aussi de clercs, d’évêques et de laïcs.

Leurs conseils et leurs encouragements l’aidèrent à renoncer à ses volontés propres et à surmonter épreuves et tentations. Intéressé par la médecine il s'occupa au début de l'infirmerie du monastère qu'avait financée son frère.

Il fut nommé portier du monastère, ce qui était une marque de confiance, servit Jean pendant neuf ans et forma Dosithée qui mourut au bout de 5 ans.

Il n'est pas impossible qu'il fût monophysite comme l'avait été l'évêque de Gaza des années 480 Pierre l'Ibère (un géorgien) et le moine Isaïe. Il cite aussi Evagre le Pontique (pour la chute de 'âme dans le corps) qui a été condamné pour ses positions proches d'Origène, mais non sans discernement.

Il y a un épisode intéressant sur son découragement :

"La vie lui était tellement dure qu'il était prêt à mettre fin à ses jours. Un jour, il reçut pourtant une consolation mystique inattendue. Il se trouvait dans la cour du monastère, lorsque, tout à coup, jetant un regard à l'intérieur de l' église, il vit pénétrer dans le sanctuaire quelqu'un ayant l'aspect d'un évêque et comme revêtu de pourpre. Quelque chose l'attira en lui et il décida de le suivre à l'intérieur. Dorothée se mit derrière l'inconnu en prière, car la vision le remplissait de crainte et d'effroi. L'inconnu pria longuement debout, les mains levées au ciel, puis s'arrêta, se retourna et vint vers Dorothée. À mesure qu'il s'approchait, Dorothée sentait s'éloigner sa tristesse et sa peur. L'inconnu étendit sa main, lui frappa la poitrine de ses doigts en disant trois fois: «J'espérais le Seigneur d'un grand espoir, il s'est penché vers moi, il écouta mon cri. Il me tira de la fosse fatale, de la vase du bourbier; il dressa mes pieds sur le roc, affermissant mes pas. En ma bouche il mit un chant nouveau, louange à notre Dieu» (Ps 39, 2-4). Subitement, le cœur de Dorothée se remplit de lumière, de joie, de consolation et de douceur. D'après ses propres mots, il n' était plus le même homme. Lorsque l'inconnu sortit, Dorothée courut derrière lui à sa recherche, mais ne le trouva plus: l'homme avait disparu. A partir de ce moment, il ne fut plus jamais tourmenté par la tristesse et la crainte (Instr. V, 67). Qui était cet inconnu? Dorothée ne dit pas avoir vu un évêque, mais seulement quelqu'un vêtu d'ornements épiscopaux. S'il avait vu un évêque réel en visite au monastère, tous les frères - et en premier lieu Dorothée lui-même - auraient été au courant. Du récit de Dorothée il est clair qu'il s'agissait du Christ lui-même, venu sauver sa brebis en danger."

Après la mort de Jean et de l’Abbé Séridos et la réclusion complète de Barsanuphe, vers 543, Dorothée fonda son propre monastère, entre Gaza et Maïoumas. Son expérience spirituelle jointe à sa culture et à sa bonne éducation fait comprendre qu’il ait attiré auprès de lui de nombreux disciples.

 

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