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CR "Naturalisme versus constructivisme ?"

2 Septembre 2008 , Rédigé par CC Publié dans #Notes de lecture

Je viens de publier sur Parutions.com ce nouveau compte-rendu de lecture - cliquez sur http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=94&ida=9778.

Le chant du cygne des sciences sociales ?

 

 

Michel de Fornel et Cyril Lemieux (dir), Naturalisme versus constructivisme ?

L'auteur du compte rendu : Docteur en sociologie, diplômé de l’Institut d’Etudes politiques de Paris et de la Sorbonne (maîtrise de philosophie), Christophe Colera est l'auteur, entre autre, chez L’Harmattan, de Individualité et subjectivité chez Nietzsche (2004).

 

Dans le courant des années 1990, aux Etats-Unis, les travaux de Tooby, Barkow et Cosmides aux Etats-Unis ont porté un coup important à l’ensemble des sciences sociales, dont le paradigme commun, identifié sous l’expression « modèle standard des sciences sociales » fut accusé notamment de percevoir le réel, sous l’influence de Durkheim, comme une construction sociale. Bien des chercheurs en neurosciences, et psychologie évolutionniste comme Steven Pinker ont ensuite enfoncé le clou contre les illusions du « constructivisme ».

 

La réplique des sciences sociales a tardé à venir. « Naturalisme versus constructivisme ? » en constitue peut-être une.

 

Etrangement le propos de ce livre collectif ne porte à aucun moment sur une défense du constructivisme en tant que tel. Reconnaissant aux sciences « dures » le droit de prétendre approcher le réel dans son objectivité, et notamment, de dénier la pertinence de la rupture « nature-culture », qui était pourtant au cœur de la légitimité des sciences humaines à l’époque du structuralisme, l’ouvrage est édifié ainsi d’emblée sur une position défensive. Tout prêts à admettre l’animalité de l’humain et la pertinence d’une approche naturaliste de ses comportements, ses auteurs oscillent entre la volonté de montrer que les sociologues et anthropologues sont plus objectivistes et naturalistes qu’ils ne veulent bien l’admettre (tel est le cas d’Anne Rawls dans son effort, très controversé et débattu dans le livre, pour démontrer, à la lumière des Formes élémentaires de la vie religieuse, que les critères de vérité de Durkheim s’enracinent dans la pratique sociale et non dans des catégories collectives posées a priori) et le projet de réserver  aux sciences humaines « une petite place » à côté des sciences positives.

 

Le problème, bien sûr, tient à ce que le statut épistémologique de cette cohabitation reste des plus énigmatiques : les unes ayant pour elles des règles de vérification que les autres n’ont pas. Les auteurs du livre soulignent la nécessité d’une telle cohabitation pour échapper à ce qu’ils appellent le « réductionnisme » du naturalisme pur. Mais la défense des sciences sociales comme garantie d’un « supplément de subtilité » (comme l’on dirait un supplément d’âme) dans l’approche des comportements humains, ne préserve que leur dimension « compréhensive » et ruine leur prétention à expliquer les phénomènes. « La culture ? C’est quelque chose que je mettrais dans la catégorie des licornes » a pu déclarer Noam Chomsky. En refermant ce livre riche et utile à la réflexion actuelle sur la hiérarchie des savoirs, on peut se demander si les sciences sociales ne seraient plus finalement qu’un art de décrire les licornes.

 

Christophe Colera

 

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