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Sainte Marguerite de Cortone

Je m'intéresse en ce moment à Sainte Marguerite de Cortone, une mystique italienne autrement plus "hardcore" que ce qu'en dit le père séraphique de Tijuana dans la vidéo ci-dessous. Je commence par la biographie écrite par le père capucin angevin Léopold de Chérancé à la fin du 19e siècle et qui est l'équivalent pour la sainte du travail effectué au même moment par Huysmans sur Ste Lydwine (une mise en ordre chronologique des récits de son confesseur). En plein scientisme triomphant, le P. de Chérancé, qui ne cachait pas ses idées réactionnaires, ne rejette rien de l'hagiographie médiévale, pas même les scènes des attaques du démon contre la sainte en lançant aux sceptiques en gros "les scientifiques ont dû en rabattre devant les tables tournantes et le troisième oeil des médiums, donc je suis fondé à y croire".
Le livre baigne dans la suave spiritualité franciscaine du 13e siècle qu'on trouvait déjà un demi-siècle plus tôt dans la vie d'Elisabeth de Hongrie de Montalembert. Les analogies avec Marie-Madeleine (et la Sainte Baume provençale souvent citée, mais il est vrai que les Angevins lui sont historiquement liés) sont évidemment légion. Pourtant Marguerite ne fut pas prostituée (il y a pourtant songé) mais juste en union libre avec un gentilhomme toscan (mais cette union, qu'elle fût romantique ou forcée, portait en elle une confiance idiote dans les biens de ce monde, et un sens orgueilleux de la révolte individuelle que Dieu ne pouvait manquer de sanctionner selon la loi de sa justice). Point aveugle du livre : il ignore le fils illégitime né de cette idylle. Est-ce délibéré ?
L'ascétisme pénitent radical de cette belle femme après la mort de son amant interroge notre époque. La plupart des chrétiens eux-mêmes aujourd'hui n'y adhèreraient point, de même qu'à sa fascination pour les plaies de Jésus (qui a son pendant chez St Antoine de Padoue, et St Bonaventure et qui annonce la mystique du Sacré-Coeur du 17e s). Tout cela ressemble à un message crypté dont on voudrait avoir le code, non pas intellectuellement mais sensoriellement. Peut-être parmi les plus récentes mystiques Marthe Robin et Thérèse Neumann l'ont-elles eu ?
La remise en perspective historique de la vie et de l'oeuvre de la sainte est remarquable (au regard de l'écartèlement de l'Italie, des Croisades, des crises de l'Ordre des frères mineurs), et le ton est toujours parfaitement fidèle à l'esprit catholique classique (à la différence des commentateurs actuels). C'est donc très instructif, et il est dommage que la fiche Wikipedia ne reprenne presque rien des informations qu'on trouve dans ce livre. Mauriac a passé les derniers mois de l'Occupation à travailler sur Ste Marguerite de Cortone. Je serais curieux de savoir ce qu'il en a dit...
La conversion de Justin Bieber
Justin Bieber abandonne sa carrière pour Jésus-Christ : conversion sincère ou volonté d'infiltrer le christianisme avec de l'occultisme ? Un prédicateur canadien qui se fait appeler "The Vigilant Christian" livre à ce sujet un avis argumenté. Il rappelle que selon lui Bieber par ses pratiques occultistes se rattacherait aux Illuminati (le courant révolutionnaire luciférien des Illuminés de Bavière qui aurait irrigué la franc-maçonnerie, notamment en Angleterre au XIXe siècle avant de conquérir les élites artistiques et intellectuelles de notre époque pour préparer le venue de l'Antéchrist). Il rappelle (minute 3'09) que le pasteur qui l'a converti par le biais de Selena Gomez, Carl Lentz de l'Eglise pentecôtiste d'Hillsong church (à New York) a rencontré le rappeur Jay-Z (le mari de Beyonce), réputé être lui aussi un Illuminati, à cause notamment du symbolisme du clip de son tube "No church in the Wild". Carl Lentz, qui a déclaré qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un rapport à Dieu pour être chrétien, s'est affiché en mai 2016 sur Instagram avec Oprah Winfrey, adepte de l'occultisme New Age néo-païen. Bieber portait en mars 2016 lors d'un concert à Vancouver un t-shirt portant la mention "Bigger than Satan" et le portrait de Marilyn Manson alors qu'il s'était déjà converti. C'est une référence à une déclaration de John Lennon en 1968 "Les Beatles sont plus grands que Jésus", et il avait déjà fait référence à Lennon dans "No Pressure". D'autres signes du chanteur antérieurs et postérieurs à sa conversion allaient dans le même sens (dans une autre vidéo d'un évangélique sur You Tube il est expliqué que le tatouage de la croix sur son torse a un sens pré-chrétien, et son tatouage de Jésus n'aurait pour but comme les professions de foi de Beyonce que de détourner les chrétiens de leur foi, l'oeil sur son bras gauche serait celui d'Horus, le G sur son bras droit serait un symbole maçonique comme première lettre de Géométrie, mais aussi "God" pour la divinisation de l'humain, son X sur le bras gauche en forme de khi qui représenterait la transformation et Osiris, ainsi que la chouette de la sagesse aussi associée à Moloch - voir notre billet sur le Bohemian Grove - les ailes derrière son cou représentent les anges déchus).
L'église Hillsong a été fondée à Sydney (Australie) en 1983 par le pasteur néo-zélandais Brian Houston (minute 5'50). C'est une église libérale qui admet la pop music dans sa liturgie et estime que chrétiens et musulmans adorent le même Dieu (ce que lui reproche "The Vigilant Christian"). Une église de cette mouvance avait marié Kim Kardashian et Kanye West en Floride en 2014.
"The Vigilant Christian" reproche à Justin Bieber de s'être vêtu en Lucifer comme le roi de Tyr dans Ezechiel 28:13. Selon lui il tombera sous le coup de la prophétie de 2 Thessaloniciens 2-3 et 1 Jean 2:19 (minute 7.50). -- hélas détruite en 2018 "Justin Bieber CANCELS Tour for JESUS --- Justin Bieber has canceled his Purpose Tour because of a "Spiritual Awakening" because of the influence of Pastor Carl Lentz and Hillsong NY Church. Be on guard and vigilant! I have been warning against this Trojan Horse deception for a long time now. Justin Bieber Illuminati Fake Christian Puppet EXPOSED Playlist https://www.youtube.com/playlist?list=PLTHDvEc6d7JH4e7hUWc4x5xzHjoQMeOzA Selena Gomez.
Description (optionnelle)"
PS : Voyez aussi cette vidéo "MILEY CYRUS " SATAN IS A NICE GUY!!" JUSTIN BIEBER"JESUS IS MY SAVIOR!! DUALITY WORLD!" (postée en octobre 2017) de Mary 40 qui, dans son style très macédonien, connaît beaucoup de choses sur l'industrie du disque.
Fantasmes sur la nudité des puissants : le Bohemian Club
Le chancelier Helmut Kohl est mort. En 2015 un autre Helmut chancelier était décédé, Helmut Schmidt, son prédécesseur immédiat. A son décès des traditionalistes n'avaient pas hésité à le qualifier de "sataniste" sur la base d'un seul élément : ce leader social-démocrate s'était exprimé une fois (une photo en faisait foi ainsi qu'une ligne dans ses mémoires) en Californie, tout comme d'ailleurs en 1989 son camarade de l'Internationale socialiste Michel Rocard mort l'an dernier, devant les membres du Bohemian Club ou Bohemian Grove (le Bosquet bohémien).
L'accusation reflétait un débat virulent qui existe aux Etats-Unis depuis des années sur le statut et les pratiques de ce que le Huffington Post en 2008 présente comme une "colonie de vacances" d'hommes politiques et hommes d'affaire (2235 à l'époque) en général plutôt classé à droite voire très à droite (Nixon, Reagan, Kissinger, Colin Powell, Cheney, les Bush en ont fait partie).
Dans l'identité de ce club d'élite créé en 1872 où aucune femme n'est admise, la nudité occupe une place de choix : interrogé à ce sujet par un provocateur, l'ex-président démocrate Bill Clinton avait répondu devant les caméras de CNN en riant : "Le Bohemian Club ? C'est là où ces riches républicains vont et se tiennent nus contre des séquoias, n'est-ce pas ? Je n'y ai jamais été mais vous devriez y aller ça vous ferait du bien c'est de l'air pur" (That’s where all those rich Republicans go up and stand naked against redwood trees, right?"). Selon le Washington Times du 11 juin 1993, David Gergen, conseiller de Clinton avait démissionné du Bohemian Club trois jours après avoir déclaré qu'il n'irait pas "courir nu" à la réunion annuelle du Bohemian Grove (il avait aussi démissionné par la même occasion de 17 autres groupes d'intérêt dont la Commission Trilatérale et la Very Special Arts Foundation".
Depuis une quinzaine d'années à l'imagerie bucolique d'une nudité virile en pleine nature qui était associée à ce club s'est ajoutée celle des sacrifices humains à cause d'une cérémonie bizarre qui y est célébrée de nuit l'été, la "Cremation of care" (la crémation des préoccupations).
Alex Jones a infiltré le club en juillet 2000 et a assisté au rituel de "Cremation of Care" célébré par trente prêtres en robe noire devant une statue de 15 mètres à tête de chouette. Il atteste (avec une vidéo à l'appui mais dans laquelle on ne voit pas grand chose à part les commentaires qui sont imposés au spectateur, en tout cas pour la partie accessible sur le Net) qu'au moment de la crémation de l'effigie d'un corps (avec un doute, selon Jones, sur le fait que c'est une effigie !), il y a des incantations aux morts "ceux qui sont morts à Grove dans le passé que leurs esprits réapparaissent et soient ramenés ici" et des odes à Tyr et à Babylone. Pour Jones c'est un culte au dieu-chouette cananéen Molech.
Toute une littérature conspirationniste s'est emparée du sujet pour accuser les politiciens et hommes d'affaire de se livrer à des messes noires lucifériennes. Des photos ont été retrouvées qui sont censées montrées (mais se rapportent-elles bien au Bohemian Club ?) que le club en 1909 et 1915 mettait en scène des parodies de sacrifices humains.
Pour l'analyste de gauche Alexander Cockburn ce n'était qu'un rituel local de renouveau remis au goût du jour dans les années 1900 par George Sterling, poète californien et membre du cercle, auteur du "Triomphe de la Bohême" (la Bohême parisienne avait du succès aux Etats-Unis à l'époque). Avant Alex Jones, en 1989, Philip Weiss de Spy magazine avait infiltré le club. Sa vision de la "Cremation of care" était à ce moment-là bien moins alarmiste que celle qui s'est imposée dans les années 2000. Il s'agissait pour lui seulement d'un divertissement pour mettre les membres du club à l'aise et se destresser. Il notait à l'époque que la principale critique que cette cérémonie suscitait était qu'elle pouvait signifier qu'on brûlait toute forme de "care" (de souci) pour le monde extérieur. Dans la narration de Weiss les prêtres n'avaient pas des robes noires (peut-être le rituel a--il changé depuis lors). Aucune référence à Babylone ou Tyr qui auraient mis sur le la piste d'un dieu cananéen. Weiss identifiait plutôt des réminiscences "de rituels druidiques, de liturgie médiévale, de Livre de la Prière commune (Book of Common Prayer), de théâtre shakespearien et de rites des loges américaines du 19e siècle". On est assez loin du satanisme, même si d'un point de vue chrétien littéraliste tout cela peut revenir au même...
Le chroniqueur de droite Rush Limbaugh qui a aussi parlé chez eux, aujourd'hui encore assure qu'il s'agit simplement d'un "truc social" (social thing) où les gens vivent de façon rustique au bord de la "Russian river" qui n'a rien à voir avec des cérémonies occultes. Alors rituels purement récréatifs ou incantations lucifériennes ? Le débat sur ce point reste en tout cas vif, sur Internet notamment, avec souvent des surenchères dans les accusations (par exemple sur les meurtres d'enfants). Des polémiques très révélatrices de notre époque, et qui entrent en résonance avec beaucoup d'autres semblables (comme celles du "Spirit cooking" d'Hillary Clinton avec l'artiste serbe Marina Abramovic elle aussi très liée au thème de la nudité, des rapports de la monarchie anglaise ou de Hollywood avec les Illuminati etc)...
Jollivet-Castellot à propos des médiums
Une page intéressante d'un étrange alchimiste chrétien qui fut un des pionniers du Parti communiste français (SFIC) dont il fut rapidement exclu. Sa position rappelle un peu celle des jungiens de notre époque - comme Michel Cazenave par exemple. En termes rationnels, elle ne serait défendable qu'au prix d'un pari métaphysique : que chaque âme ait une univers pour elle-même. Mais on sent bien que dans l'ordre métaphysique, comme avec la phrase d'Apollonios de Tyane "Néron a creusé et n'a pas creusé le canal de Corinthe", l'énoncé est à la fois vrai et non-vrai...
"Concluons : L'Occultisme, la Magie, l'Astrologie, l'Alchimie, la Thérapeutique, le Psychisme, le Spiritisme, — branches de la Science Hermétique, reposent sur des phénomènes réels, de l'ordre naturel et universel que l'homme terrestre interprète suivant l'état actuel de son Verbe. Le Verbe humain terrestre, la science humaine, ne sont pas sur cette planète, encore assez parfaits pour que l'on puisse affirmer que les causes sont rigoureusement celles qu'on leur assigne.
Mais la Science et la Mystique qui, réunies, forment l'Hermétisme, nous enseignent certes que ces causes ne peuvent être en dehors de la conscience et des facultés de l'Homme, à différents états d'évolution. Causes naturelles. Verbe cosmique incarné par des êtres différents. Lois inflexibles, en tous cas, que nous ne savons encore formuler, mais qui ne sont que l'extension des lois que nous avons définies, ou cru définir jusqu'ici, et qui, supérieures ou autres, ne peuvent être jamais contradictoires.
C'est pourquoi l'explication spiritique des phénomènes dus à la force astrale ou psychique, est-elle enfantine et superstitieuse. Elle équivaut au bégaiement d'un enfant étonné qui croit aux revenants, aux fantômes, aux évocations que crée son imagination délirante ou morbide.
Les médiums, rigoureusement nécessaires à la production des phénomènes qui demeurent donc bien du champ de la faculté humaine — sont presque tous des détraqués, des malades, des hystériques, des névrosés qui, sursaturés de cette énergie « psychique » ou mieux astrale, la projettent et l'attirent, la concentrent et la repoussent brutalement, en provoquent le flux violent, capricieux, telle une machine à vapeur ou une dynamo qui s'emballe.
Certains — très rares — parviennent à modérer la force, à la diriger parfois. Ils la modèlent selon leur intelligence et leur volonté, la revêtent de leur propre esprit souvent subliminal et inconscient.
Le Spiritisme n'a rien révélé d'important, ni de nouveau au monde. Il est la conscience humaine à ses divers degrés d'intelligence, d'évolution, de moralité — conscience projetée dans l'Au-delà de la Suggestion et des Forces encore imprécises ou formidables.
On n'y découvre point l'intervention d'entités étrangères, ni surtout supérieures au plan terrestre."
Nouveaux Évangiles : le christianisme libéral, la tradition occulte, métaphysique de l'hermétisme, l'Europe et la Chine, "finis Latinorum" / F. Jollivet-Castelot Eds Chacornac 1905 p. 171-172.
Grands voyants et occultistes de l'époque moderne
On connaît Nostradamus, Boehme, Swedenborg.
D'autres sont moins renommés mais ont joué un rôle important à leur époque :
Le père Jacques Gaffarel (1601-1681), fils d'un chirurgien des actuelles Alpes de haute Provence, auteur des Curiosités Inouyes sur la sculpture talismanique des Persans (censurées par la Sorbonne en 1629) et du Moyen de lire l’alphabet des étoiles et les révolutions des empires. Docteur en droit canon à la Sorbonne, abbé de Sigonce, bibliothécaire de Richelieu. Kabbaliste grand connaisseur des langues orientales antiques il est en outre un médium spirite qui déjà théorise sur le corps astral. Outre les talismans, il s'intéresse aux onguents magiques et à l'astrologie hébraïque.
Descartes affecte ne pas vouloir le lire, mais sa condamnation en Sorbonne aura provoqué la polémique. Il est en rapport avec Jean-Baptiste Morin de Villefranche, mais l'attitude de Morin hostile aux sciences les sépare car Gaffarel lui est ami de Gassendi.
Jean-Baptiste Morin de Villefranche sur Saône (1583-1656), médecin de son état, fut initié à l'astrologie par un Ecossais rencontré dans une auberge allemande, William Davidson ou Davisson. Le roi Louis XIII étant tombé malade en passant à Lyon, deux devins annoncèrent sa fin prochaine. Morin adressa a la reine mère, Marie de Médicis, un horoscope contraire, qui affirmait le prochain rétablissement du monarque-et en marquait le.jour. L'événement lui donna raison, et ses rivaux furent jetés aux galères. Morin fut alors nommé professeur de mathématiques au collège de France et souvent consulté par les grands seigneurs du royaume, y compris Descartes.
Selon P. Christian ("Histoire de la magie, du monde surnaturel et de la fatalité à travers les temps et les peuples ", 1870) "un jour, vers 1642, le jeune Cinq-Mars, grand-écuyer du roi, arriva chez le premier ministre en riant aux éclats, son horoscope à la main « Croiriez-vous, Monseigneur, que ce fou de Morin prétend, d'après ce chiffon, que j'aurai la tête tranchée ?» Richelieu ne riait jamais et se souvenait toujours. Peu de mois après, t'étourdi Cinq-Mars et son ami de Thou, fils du célèbre président, se prenaient au trébuchet d'une puérile conspiration risquée avec .l'Espagne. Ils y laissèrent leur tête, et le cardinal qui s'en allait au tombeau, légua le maître en Magie à son successeur Mazarin, comme un précieux outil de gouvernement." Avant sa mort, la reine de Pologne, Marie-Louise de Gonzague, dont l'Écossais Davidson était devenu le médecin, avait accepté la dédicace des oeuvres de Morin et les fit imprimer à ses frais.
Tommaso Campanella, qui finit prisonnier dans un couvent à Paris après avoir organisé une conspiration anti-espagnole en Calabre en alliance avec les Turcs, compose en 1623 une Cité du Soleil qui prône la théocratie universelle œcuménique remplie de références à la Kabbale.
Au même moment en Angleterre Francis Bacon (1561-1626), grand chancelier d’Angleterre peut-être rosicrucien. Kabbaliste et alchimiste compose en 1620 une Instauratio Magna qui prône la méthode inductive et annonce l’Encyclopédie et l’année suivante une Nouvelle Atlantide très néoplatoncienne qui ressemble à Thomas More et Campanella.
Le tchèque Johannes Amos Comenius ou Jan Amos Komensky (1592-1670) dont l’Unesco célébre le 3ème centenaire en 1958, né dans une famille de frères moraves héritière du hussisme, revendiqué par Piaget comme un père du structuralisme moderne, présent en Angleterre en 1641 en pleine révolution (à l’invitation du rose-croix allemand Samuel Hartlib pour conseiller le nouveau régime) puis en Suède où il rencontre Descartes, c’est un partisan de la réconciliation de l’Eglise et de la synagogue et d’une pansophie qui mènera à l’âge d’or (comme dans la kabbale). Il s’appuie sur des médiums amis de la cause protestante comme Nicolas Drabik, Christophe Kotter et Christine Poniatowska.
L’alchimiste anglais Elias Ashmole (1617-1692), qui allait influencer la création de la grande loge de Londres en 1717, pionnier de la franc maçonnerie dès 1646, fait le lien entre les rosecroix et la francmaçonnerie.
L'acquaintance de la couronne d'Angleterre avec la magie remonte au moins à Elizabeth Iere.
Le mage astrologue John Dee (1527-1608 ou 9), d’origine galloise né à Londres avait formé un cercle, les Dionisii Areopagites, avec sir Philip Sidney et Edmund Spenser (auteur d’un poème rosicrucien). Kabbaliste confirmé, il fut choisi par Elizabeth Ie pour choisir le jour de son couronnement. Il possédait une charte lui attribuant la possession du Canada et inventa le mot « empire britannique ».
Un jour de 1580, il entendit des bruits dans sa maison au milieu de ses rêves. Il loua les services du médium Barnabus Saul qui prétendait voir des anges dans sa boule de cristal. Il s’en sépara au bout de six mois puis rencontra en 1582 un certain Edwad Kelley qui voyait l’archange Uriel dans la boule de cristal de Dee. Il fit alors des séances spirites qui lui apprirent la lange « énochienne ». En voyage à Prague avec Kelley il échoua à transformer du plomb en or devant l’empereur Rodolphe II, puis en 1590 eut un message apocalyptique puis finit tristement dans la paranoïa.
Dee avait des idées qu’il exposa à Rodolphe II pour réformer la messe dans un sens magique propice a faire apparaître des esprits. Il avait aussi des clés initiatiques individuelles : « Ce que Dee suggérait à l'oreille de l'empereur était que, s’il jeûnait pendant une période déterminée, s’il travaillait sur sa respiration un certain nombre de fois, à des intervalles précis, s’il s’adonnait à la pratique sexuelle s’il prononçait une formule précise à une heure déterminée selon les astres, il pourrait entrer dans un état de conscience altéré au cours duquel il communiquerait de manière libre et raisonnée avec les habitants du monde des esprits ».
John Dee inspira le personnage Prospero dans « La Tempête » de Shakespeare. Le 24 mars 1583, un esprit lui apparut et lui parla de l’avenir en ces termes : « De nouveaux mondes jailliront de ceux-ci. De nouvelles manières ; des hommes étranges ».
Shakespeare lui-même est probablement un initié : les images florales du Songe d’une nui d’été peuvent être des symboles rosicruciens comme la rose de La Reine des fées d’Edmund Spenser écrite en 1589 ou les sept roses du mémorial de Shakespeare dans l’église de la Ste Trinitié de Stratford-upon-Avon où le roses peuvent être des chakras. Et l’intrigue de La Mégère apprivoisée (une des trois premières comédies du dramaturge) empruntée au Akf Layla Wa Lyla des Mille et un Nuit renverrait à une bibliothèque secrète des savoirs anté-diluviens, tandis qu’elle plonge dans la logique initiatique du « Dormeur éveillé » d’Haroun al-Rachid. « L’esprit mystique et irascible de l’Homme vert imprègne aussi bien Les Mille et nee Nuits que La Mégère apprivoisée » comme l'a relevé l'érudit de notre époque Jonathan Black .
Au XVIIe siècle, les alchimistes et les rosicruciens sont dans toutes les cours d'Europe, et en contact permanent les uns avec les autres. Newton allait être le dernier d'entre eux.
Au siècle suivant les voyants et ésotéristes sont moins dans les cours. Etteila traduit le Livre de Thot et invente un nouveau tarot dont va faire usage l'étonnante voyante Marianne Lenormand (1768-1843), orpheline d'Alençon montée à Paris, chiromancienne et cartomancienne que les principaux chefs de la Révolution, puis les dignitaires de l'Empire et de la Restauration consulteront.
Dans la lignée des occultistes du XVIIe siècle, se distingue au début du XIXe Antoine Fabre d'Olivet, bourgeois calviniste, monté à Paris en 1780, puis initié au pythagorisme en Allemagne en 1791, passionné par l'hébreu primitif et les hiéroglyphes (pour lui c'était tout un) qui s'attacha à en retrouver la version archaïque qu'il mettait en résonance avec le Chaldéen, le Chinois etc, et qui, en déchiffrant un vieux manuscrit magique pharaonique aurait trouvé la méthode pour soigner un sourd muet (ajoutez pour faire bonne mesure qu'il publia une analyse érudite des Vers dorés de Pythagore). Il avait acquis son bagage linguistique après 1809 ayant obtenu sa retraite du ministère de la guerre.Il utilisait sa femme comme une pythonisse. Napoléon refusa d'en faire son conseiller inspiré; Il instaura alors un culte polythéiste analogue à celui qu'avait tenté de fonder Gémiste Pléthon, premier président de l'Académie platonicienne de Florence. On le retrouva en 1825 mort percé d'un poignard au pied de son autel (cf Les Nouvelles littéraires et scientifiques 23 juin 1934). Il allait encore inspirer les spirites de Jersey à l'époque de l'exil de Victor Hugo.
"Conjuncting Astrology and Lettrism, Islam and Judaism"
Je lisais récemment un article intitulé "Conjuncting Astrology and Lettrism, Islam and Judaism" du Dr Matthew Melvin-Koushki, professeur assistant, spécialiste des sciences occultes du premier Islam à l'université de Caroline du Sud, article conclusif de trois autres articles, et paru en janvier dernier dans la revue Magic, Ritual, and Witchcraft de janvier dernier qui commence par une intéressante charge contre l' "occultophobie", notamment celle qu'il décèle dans un livre récent de Stephen P. Blake, Astronomy and Astrology in the Islamic World (Edinburgh University Press 2016).
Il explique comment du 10e au 17e siècle, dans les classifications persanes, les sciences occultes (astrologie, lettrisme et géomancie) ont été déplacées de la sphère des sciences naturelles à celle des sciences mathématiques pour renforcer leur légitimité.
Selon lui la sanctification, la désesotérisation, puis la mathématisation-néopythagorianisation de l'occultisme en général et lettrisme en particulier dans l'Egypte des Mamelouks et l'Iran tilmouride et sous le règne des Aq Qoyunlu du treizième au quinzième siècle constitue le contexte immédiat et sociopolitique immédiat de la célèbre mathématisation de l'astronomie par les Membres de l'Observatoire de Samarkand au XVe siècle et de la résurgence de la philosophie néoplatonicienne, deux processus qu'il faut tenir ensemble. La Kabballah juive qui lui est contemporaine donne une cohérence épitémologique, car l'occultisme islamique et juif formaient un mysticisme unique dérivée de l'héritage néo-platonicien grec (voir à ce sujet Moshe Idel). Il faut aborder ensemble ces deux courants et leur façon de marier Kabbalah et lettrisme sans approche positiviste ni religioniste ou eurocentrisme estime le Dr Melvin-Koushki. Quant à l'astrologie, Abu Mashar Balkhı (Grande introduction à l'Astrologie - K. al-Mudkhal al-Kabı¯r ila¯ Ilm Ah.ka¯mal-Nuju¯m), protégé du philosophe Al-Kindi (IXe siècle) reformula l'astrologie hellénique dans des termes strictement aristotéliciens, au sein des sciences naturelles (Liana Saif, “Homocentric Science in a Heliocentric Universe,” in Nicholas
Campion and Dorian Gieseler Greenbam, eds., Astrology in Time and Place: Cross-
Cultural Questions in the History of Astrology (Newcastle upon Tyne: Cambridge Scholars,
2015), 159–72).
Par exemple Al Kindi fait l'éloge du sacrifice animal comme acte magique efficace parce que l'interruption du rayon cosmique de la vie animale a nécessairement un impact à distance sur un objet donné en vertu de la correspondance ciel-terre, et Abu Mashar Balkhı dira de même de la convergence des rayons cosmiques et du rayon du mage dans le talisman, ce qui est une façon de réconcilier l'émanationisme platonicien et la doctrine de la cause aristotélicienne. Et c'est d'ailleurs par ces théories magiques que l'aristitélisme fut introduit, au début, en Europe au 12e s (voir Abu Mashar and Latin Aristotelianism in the Twelfth Century: The Recovery of Aristotle’s Natural Philosophy through Arabic Astrology (Beirut: American University of Beirut Press, 1962). Roger Bacon en fut un adepte. Plotin avait rejeté la causalité astrale, mais à la suite de Abu Mashar Balkhı les chrétiens Adelard de Bath (+ 1152), Hermann de Carinthie (+ 1160), Hugh de St. Victor (d. 1141), Thierry de Chartres (+ 1150), Bernard Silvestris (+. 1178), Guillaume de Conches (+. ca. 1154), et Daniel de Morley (+. ca. 1210) allaient suivre cette voie. Le Secretum secretorum de Philippe de Tripoli et le Picatrix (trauction espagnole du "But du sage" (Gha¯yat al-Hakı¯m) de Maslama al-Qurt.ubı¯aussi. La caution aristotélicienne d'Avicenne qui était pro-astrologie mais anti-occultiste y contribua.
Puis l'astrologie aristotélicienne d'Abu Ma'sharian fut pythagorianisée dans une forme de lettrisme mathématique sacré.
C'est un domaine peu connu en Occident. L'eurocentrisme et le rationalisme nous font manquer des courants essentiels de l'histoire de la pensée humaine.
La nudité des jeunes filles dans les lois de Lycurgue
Dans le 1er livre des Macchabées (Ancien Testament) il est écrit
"I M 12,5. Voici la copie des lettres que Jonathas écrit aux Spartiates:
I M 12,6. Jonathas, grand prêtre, les anciens de la nation, les prêtres et le reste du peuple juif, aux Spartiates, leurs frères, salut.
I M 12,7. Il y a longtemps que des lettres ont été envoyées à Onias, le grand prêtre, par Arius, qui régnait chez vous, car vous êtes nos frères, comme le montre la copie qui est jointe ici.
I M 12,8. Et Onias accueillit avec honneur l'homme qui avait été envoyé, et il reçut les lettres, où il était parlé d'alliance et d'amitié."
Onias I er, fils de Jaddus, et père de Simon le Juste, qui furent aussi grands-prêtres (Sir 50:1, cf. Jos., Ant., XI, 8, fin ; XII, 6) exerça ses fonctions, précisent les historiens, après la conquête de la Judée par Alexandre le Grand. C'est à lui qu'aurait été adressée une lettre d'Arias (ou Arius), roi de Lacédémone sous le règne de Séleucos IV Philopator (187-175 av. J.-C.), lui offrant son alliance, au nom d'une prétendue origine commune des peuples juif et lacédémonien, selon Flavius Josèphe, juste avant la conquête de la Grèce par Rome en 146.
Cette admiration des Juifs à l'époque de Jonathas Macchabée (157-152 av JC) pour Sparte ne pouvait pas englober (à la différence de la République de Platon) une estime pour les lois de Lycurgue.
Selon Plutarque (Vie de Lycurgue) "Lycurgue porta toute l’attention possible à l’éducation des femmes. En tout cas, il fortifia le corps des jeunes filles par des courses, des luttes, le jet de disques et de javelots. (...) Pour leur ôter toute mollesse, toute vie sédentaire, toute habitude efféminée, il habitua les jeunes filles, non moins que les garçons, à défiler nues, et, pour certaines fêtes, à danser et à chanter dans cet état sous les yeux des jeunes gens. (...)Quant à la nudité des jeunes filles, elle n’avait rien de honteux, puisque la modestie y présidait et que le dérèglement n’y était pour rien ; elle donnait, au contraire, l’habitude de la simplicité et le désir ardent d’une santé robuste.(...)Voici ce qui excitait encore au mariage : les processions des jeunes filles, leur déshabillement et leurs combats sous les yeux des jeunes gens, qui, selon le mot de Platon , cédaient à des contraintes, non géométriques, mais érotiques. Lycurgue a même imprimé une note d’infamie aux célibataires. On les écartait du spectacle des gymnopédies [exercices des jeunes filles nues] ; et, l’hiver, les magistrats leur faisaient faire nus le tour de l’agora, en chantant une chanson composée contre eux, où il était dit qu’ils subissaient un juste châtiment, parce qu’ils désobéissaient aux lois."
Aux yeux des Juifs les lois de Lycurgue sur la nudité des jeunes filles auraient été jugées de nature à attirer des démons dans la cité, tout comme d'ailleurs l'installation des cimetières dans les murs de la ville, elle aussi décidée par Lycurgue selon Plutarque.
En 1604, le médecin conseiller du roi Louis Guyon (1527-1617) écrivit dans "Les diverses leçons de Loys Guyon, sieur de La Nauche,... suivans celles de Pierre Messie et du sieur de Vauprivaz" (p. 104 et suiv) :
"Ledit Licurgue en fit une autre,qu' il voulait que les filles allassent aux jeux & danses publiques toutes nues, sauf de petits brodequins de couleur découpés , qu'elles portaient aux jambes, & ce pour plusieurs raisons , que je vais alléguer. La première était, par ce qu'il apercevait plusieurs jeunes hommes être tant amoureux des filles & femmes, qu'ils en perdaient le jugement, & oubliaient tout devoir, si bien qu'ils semblaient plutôt bêtes qui sont en ruth ou en chaleur, qu'hommes raisonnables. Or iceux amoureux, sans doute se trouvaient à telles assemblées,pour voir leurs Déesses toutes nues, & voyants les parties peu honnêtes, & posées non guère loin d'un réceptacle de toutes les puantes immondices du corps humain,s'en devaient dégoûter, & abhorrer-telles .amours,& se devaient remettre en leurs devoirs : & que la chose ne méritait point qu'on se tourmentât tant, perdant le boire, le manger & le repos. L'autre raison était,à fin que les filles n'eussent point de honte des parties desquelles nature les avait pourvuës mais fussent vergogneuses de commettre aucun vice. Car il disait., que les filles & les femmes devaient plus rougir de commettre quelque péché, que de montrer la partie de leur corps, qui leur était nécessaire.
Les femmes & filles de par deça semblent avoir opinion que les hommes désirent qu'elles aient les fesses & les cuisses grosses & rebondies, comme les Catayens, par ce qu'elles s'étudient à persuader cela aux hommes"
S'ensuit une condamnation de l'usage des vêtements par les femmes pour stimuler le désir masculin, puis une interrogation sur la question de savoir si la nudité stimule plus le désir que l'habillement (à partir d'une étude des Catayens dont le nom a d'abord désigné les Chinois puis les Indiens du Canada semble-t-il, puis des Indiennes, africaines et brésiliennes). Il en conclut que la nudité tue le désir ce qui est mauvais pour la procréation, que la nudité des femmes sous les tropiques est liée à la chaleur et peut se justifier seulement sous leur latitude parce que les femmes y sont bien faites (de sorte, note-t-il, qu'il n'y a pas besoin d'y appliquer la loi de Lycurgue qui prônait l'élimination des bébés mal formés), et s'en remet, pour l'Europe, au précepte évangélique "qui recommande sur toute charité, de donner moyen aux pauvres de se pouvoir vêtir non seulement pour les défendre du chaud, du froid,de la pluie,& des mouches piquantes,mais pour couvrir leurs parties honteuses."
Les lois de Lycurgue (que certains disent inspirées de l'Inde) présentent un côté "meilleur de mondes" : elles renforcent l'Etat en imposant à la fois un équilibre des pouvoirs dans les institutions pour les stabiliser, un dévouement total des citoyens à la préparation à la guerre en cassant toute vie privée de nature à ramollir la psychologie des gens : par exemple les gens mangeaient dans des repas collectifs frugaux, les hommes n'avaient qu'un bref commerce sexuel avec leur femme de nuit, y compris lors de leur nuit de noces (Plutarque note que cela avait pour effet paradoxal d'entretenir fortement le désir et l'amour au sein des couples). La nudité des jeunes filles pour les endurcir tout en poussant les hommes à se marier s'inscrit dans cette logique. Ce côté "expérimentateur sur l'humain" dans le cadre d'un Etat fort qui va jusqu'à l'eugénisme a séduit Platon, et rappelle certains aspects du communisme, mais aussi du capitalisme actuel. Il est logique qu'en bon chrétien, le docteur Louis Guyon, après avoir interrogé la légitimité de ces lois à l'aune de la nudité des populations tropicales (tout comme la découverte des Amérindiens avait aussi conduit, une génération plus tôt Montaigne et ses contemporains à interroger le bien-fondé des moeurs européennes), revienne, au seuil de la Contre-réforme, à la rigueur des principes évangéliques à ce sujet.
Platon, lui, aborde la question de la nudité des filles à propos de la formation des gardiens de la ville dans le livre V de la République, thème dont Kingsley a montré qu'il avait un rapport avec la problématique chamanique pythagoricienne des veilleurs de nuit. Il s'agit de réfléchir à la question de savoir si les femmes doivent participer au combat. Cette question, comme celle de l'eugénisme, est abordée par Platon sous l'angle de l'analogie avec les chiens. L'obstacle principal est celui du ridicule et le philosophe ne l'esquive qu'en soulignant que la nudité des hommes au gymnase avait aussi suscité des railleries dans les générations qui ont immédiatement précédé le siècle d'or athénien, lorsque la Crête et Sparte l'ont adoptée (il y a des nuances entre auteurs grecs pour savoir si cela vint d'abord de Crête, que le néo-pythagoricien Apollonios de Tyane, cet autre grand admirateur de Lycurgue, selon Philostrate nommait la nourrice de Zeus). Juste après, pour les mêmes motifs d'efficacité militaire, Platon justifiera la vie en commun de tous les citoyens sur le modèle des lois de Lycurgue, le fait que les magistrats organisent les mariages entre les gardiens de la cité, et le fait que les guerriers à la retraite puissent s'accoupler avec toutes les femmes sans leur faire d'enfants, tandis que les enfants des guerrières sont pris en charge par des nourrices (alors que les nourrices de Sparte selon Plutarque avaient très bonne réputation). Platon comme Lycurgue ont eu une éducation égyptienne (selon Plutarque, Lycurgue aurait acquis en Egypte des idées sur la spécialisation militaire) mais cela ne semble pas avoir eu d'influence sur le thème de la nudité publique des femmes.
La référence au "ridicule" renvoie à Aristophane qui, dans Lysistrata, représentée à Athènes en 411 av JC, raille la nudité des femmes spartiates au gymnase, comme le pubis ("jardin") imberbe des Béotiennes et le côté prostitué des Corinthiennes.
Rappelons nous la réflexion de Sade dans "Français encore un effort" (dans La Philosophie dans le boudoir ed 1993 chez 10-18 p. 226) : "La pudeur, loin d'être une vertu, ne fut donc qu'un des premiers effets de la corruption, qu'un des premiers moyens de la coquetterie des femmes. Lycurgue et Solon, bien pénétrés que les résultats de l'impudeur tiennent le citoyen dans l'état immoral essentiel aux lois du gouvernement républicain, obligèrent les filles à se montrer nues au théâtre. Rome imita bientôt cet exemple : on dansait nu aux jeux de Flore ; la plus grande partie des mystères païens se célébraient ainsi ; la nudité passa même pour vertu chez certains peuples".
MI Finley dans Problèmes de la guerre en Grèce ancienne (Point Histoire p. 195) voit dans les coutumes spartiates comme les flagellations publiques des détournements politiques de rituels initiatiques et rappelle (p. 196) que "l'énumération de certains rites et institutions suffit à montrer que tout était mis en oeuvre pour que la fidélité se déplace de la famille ou du groupe de parenté vers les différents groupes masculins", d'où par exemple le droit de tout Spartiate adulte à exercer une autorité sur n'importe quel enfant. L'appropriation de la nudité des femmes par l'Etat va dans le même sens.
Les femmes participaient probablement aux gymnopédies (danses guerrières sans vêtements), et aux flagellations rituelles des plus plus jeunes au temple de Diane Orthia (liées à des sacrifices humains ?si la flagellation allait jusqu'à la mort - "On fouettait les enfants spartiates sur l'autel de Diane Orthia, jusqu'à l'effusion du sang, et lorsque les coups se ralentissaient, la prêtresse, tenant en main une petite statue, criait avec colère de frapper plus fort par ordre de la déesse ; ; il arrivait parfois que l'enfant était emporté criblé de blessures ou qu'il expirait sur l'autel" selon Foissac). Leur nudité publique sous les lois de Lycurgue doit aussi se penser sur cet arrière-plan de mort.
La faute sexuelle d'Hermas et la sibylle de Cumes
Les universitaires athées devraient être plus prudents qu'ils ne le sont, je crois, quand ils abordent des textes antiques, lesquels puisent souvent leur inspiration à des sources métaphysiques obscures.
Il faut être très modeste. Personne ne connaît ces sources. L'abord "psychologique" ne signifie rien, car la "psyché" est une idole de nos contemporains plus obscure encore que les mystères religieux.
J'en veux pour preuve le début d'un texte connu chez les historiens du christianisme, "Le Pasteur" d'Hermas, recueil de visions qui date de 120 (c'est à dire du règne de l'empereur Hadrien). Hermas est un père de famille, affranchi d'une dame chrétienne appelée Rhodè.
Peter Brown, auteur estimé dans les milieux académiques, réduit l'inspiration prophétique à des "marqueurs identitaires" desquels l'abstinence sexuelle ferait partie (Le renoncement à la Chair, 1995, p. 98) et fait un phénoménologie "neutralisante" (plus que neutre) des visions, en notant par exemple que "des vierges y apparaissent comme des prophétesses" (il se réfère à Eusèbe de Césarée). L'historien présente Hermas, auteur qui allait inspirer l'empire romain jusqu'en Egypte, comme "le seul prophète chrétien dont la vie visionnaire nous soit connue".
Il retrace le passage connu de son livre "Le Pasteur" que j'avais lu en 1995 dans lequel il confesse que, ayant aidé sa maîtresse Rhodè à sortir du Tibre où elle se baignait ("entièrement nue" précise Peter Brown, mais ce n'est pas écrit dans le livre), il avait songé qu'il serait heureux d'avoir "une femme de cette beauté et de cette élégance". Pour Brown, le problème pour Hermas était de se "laver" de cette faute afin de développer sa vocation prophétique et devenir "transparent" pour le Saint Esprit. Hermas, dit-il, enseigne la nepiotes, la simplicité enfantine, pour combattre le désir. Pour lui, il s'agissait de rassembler les "puissances virginales de l'âme" dans les "prairies vertes d'une Arcadie chrétienne", "à l'ombre des jeunes filles en fleur" dit même Brown, qui oppose ce côté "candide" du "Pasteur" d'Hermas à la dureté de la répression sexuelle en milieu chrétien après la multiplication des persécutions par le pouvoir romain païen.
Voilà pour la lecture mi-littéraire mi-anthropologique que Brown fait d'Hermas. Je ne suis pas du tout sûr que sa thèse sur un Hermas "candide" opposé au christianisme dur qui l'a suivi à cause des martyrs tienne la route (car des martyrs il y en a eu depuis la mort de Jésus), et je suis en tout cas à peu près certain que, comme toute la machine institutionnelle des facs de lettres en France, ce dispositif de lecture d'Hermas est surtout fait pour éviter de se poser les bonnes questions (je ne dis même pas espérer d'avoir les réponses) qui nous permettraient éventuellement d'aller au coeur de cette bizarrerie qu'est le livre "Le Pasteur".
La recherche intellectuelle et spirituelle passe par l'étonnement (thaumazein) nous a enseigné Aristote. Brown et ses commentateurs sont là pour le stériliser. Etonnons nous donc, et commençons par nous étonner des petites choses.
Moi, quand je lis Le Pasteur, 20 ans après avoir découvert le commentaire qu'en faisait Brown, des tas de détails m'interpellent, à la fois dans le texte lui-même et dans le commentaire que fournissait en 1990 pour les éditions du Cerf un certain Dominique Bertrand, "ancien directeur des sources chrétiennes" - avec lequel je suis tout autant en désaccord qu'avec Brown.
Tout d'abord je note que Bertrand pose comme un élément du consensus universitaire que le ton autobiographique du livre relève de l'artifice. Hermas ne serait pas un affranchi de Rhodè, il ne l'a pas vue se baigner dans le Tibre. Ah bon ? Mais Brown lui ne relève pas de ce consensus. Je sais bien qu'à l'époque on appréciait les romans comme celui de Leucippé et Clitophon dont on a déjà parlé sur ce blog, mais je ne vois pas pourquoi un auteur qui entreprend de décrire une vision dans laquelle sa maîtresse Rhodè lui apparaît aurait inventé de toute pièce l'identité de cette femme. Ce ne serait pas conforme à la notion même de vision prophétique... Je comprends que des éditions catholiques en 1990 (ce ne serait peut-être plus le cas aujourd'hui) préfèrent penser qu'Hermas a imaginé la fiction d'une femme se baignant dans le Tibre, mais à ce compte là, ils peuvent aussi classer tous les Actes des Apôtres et tous les Evangiles au registre de la fiction. Faire de la fiction sur des visions religieuses n'a pas de sens.
Bertand (p. 335) nous dit que ce qui était intéressant c'est que cette Rhodè était une dame romaine et il juge que la mention de Rome "n'est pas fictive" (allez savoir pourquoi). Moins polarisé par la papauté que lui, je ne suis pas pour ma part intéressé par la capitale de l'empire. Ce qui m'intéresse le plus, d'un point de vue à la fois spirituel et intellectuel, c'est que la première vision qu'Hermas va décrire, il l'a sur le chemin de Cumes (ville grecque de Campanie). Je dirai un peu plus loin pourquoi c'est essentiel.
Sur ce chemin, tout en marchant, Hermas s'endort (ce que Bertrand juge "invraisemblable", ce commentateur, bien que chrétien, étant devenu si sceptique qu'il ne croit pas au somnambulisme inspiré). "L'esprit me saisit, dit Hermas, et m'emmena par une route non frayée, où l'homme ne pouvait marcher". Voilà un second détail fondamental. Tous les gens qui ont travaillé sur les médiums savent ce que ce passage évoque. L'auteur emploie le mot "esprit", pas Saint Esprit, et ce transport sur une route où l'homme ne peut marcher fait penser rigoureusement à un thème bien connu de l'occultisme : le voyage astral (qui n'est pas forcément nocturne mais est effectivement associé au sommeil)...
Avant de se demander pourquoi Hermas prône la continence sexuelle et quelle "stratégie" éventuelle cela peut servir comme le fait Brown, il faut savoir s'ouvrir à l'altérité antique : dans ce monde là, le voyage astral, l'interprétation initiatique des rêves, le dialogue avec les esprits etc étaient monnaie courante. On ne peut pas comprendre son rapport à sa maîtresse Rhodè sans cela, tout comme d'ailleurs on ne peut comprendre l'acte sexuel de Lucius avec son esclave thrace, qui va le transformer en âne, dans l'Ane d'Or d'Apulée sans connaître son rapport aux démons (qui lui valut de subir, dans sa vraie vie un procès en sorcellerie) et au culte sotériologique d'Isis.
Prenons donc le récit à la lettre : Hermas est sur la route de Cumes, et, en marchant, il vit un "voyage astral". L'endroit est escarpé, "déchiqueté par les eaux" nous dit le texte (les médiums connaissent le rapport du milieu aquatique aux démons). Il traverse le fleuve (ça aussi c'est initiatique), il arrive dans une plaine au sec (donc à distance des démons), là il s'agenouille et prie Dieu, et là il confesse ses péchés parmi lesquels, vu ce qu'il vient de raconter sur l'épisode du Tibre (notez au passage que cet épisode aussi était marqué par l'eau), la contemplation de la nudité partielle ou totale de sa maîtresse figure probablement.
Alors Rhodè surgit dans sa vision et lui dit qu'elle a été transportée au ciel pour dénoncer son péché et que Dieu, dans la perspective de la construction de l'église, est en colère lui. Il se défend en précisant qu'il a toujours considéré Rhodè comme une déesse (puisqu'elle était "propriétaire" de sa personne) et comme une soeur (puisqu'ils n'ont jamais eu de rapports sexuels). Mais elle l'accuse d'avoir au moins eu un désir dans son coeur quand il l'a sortie du Tibre.
La première vision se termine. Hermas culpabilisant, désespéré, se demande comment réparer sa faute. Alors lui apparaît une vieille dame en habits resplendissants sur un siège garni de laine, blanc comme neige. Cette seconde vision est la réponse à sa question. La dame confirme sa faute, mais souligne que Dieu est irrité parce que ses enfants se sont mal conduits à l'égard du Seigneur et de leurs parents (p. 339 - des commentateurs parlent d'apostasie et de dénonciation aux autorités impériales). Elle l'encourage à raffermir sa maison, puis elle lit un texte dont Hermas ne retient que la fin qui porte sur la louange de Dieu. Quatre jeunes gens enlèvent le siège et s'en vont vers l'Orient. Elle touche la poitrine d'Hermas, lui demande ses impressions, puis deux hommes amènent la vieille vers l'Orient en la prenant par les bras. D'un air joyeux elle lui dit "sois un homme" (comme l'ange dans le martyre de Polycarpe).
L'année suivante Hermas reprend le même chemin. Et là, juste au même endroit, second voyage astral : "un esprit m'enlève" (pas l'Esprit saint...). A nouveau il voit la même femme âgée, debout cette fois, lisant un livre. Il recopie son texte sans le comprendre, puis, au bout de 15 jours de jeûne et de prières (comme Daniel), le texte révèle son sens et ses préceptes : l'abstention sexuelle avec sa femme et l'enseignement de la maîtrise de soi et la fidélité à Dieu aux autres chrétiens par la pénitence (la metanoia).
Voilà pour la troisième vision de Cumes. Hermas ne s'est jamais demandé qui était la vieille dame. En ce sens on est loin du temps où quelques siècles plus tard on jettera de l'eau bénite sur les apparitions pour être sûr qu'elles ne viennent pas du diable. Une quatrième vision vient, on ne sait plus où ni quand, probablement plus sur la route de Cumes, où un beau jeune homme lui demande s'il sait qui était cette vieille femme qui lui a communiqué ce livre. Hermas dit qu'il pense que c'était la Sibylle et le jeune homme répond qu'il fait erreur, que c'était l'Eglise.
La réponse d'Hermas était naïve. On peut penser qu'elle trahit un restant de paganisme comme le fait qu'il dise qu'il considérait sa maîtresse comme une déesse. D. Bertrand rappelle que les Juifs attribuaient déjà à la Sibylle d'avoir prophétisé sur le Messie et que le cantique Dies irae dit "David et la Sibylle l'ont annoncé". Mais à mon avis la question est bien plus compliquée que cela.
Je pense qu'il faut d'abord repasser par Virgile. Les pères de l'Eglise ont dit de lui qu'il avait entrevu la naissance de Jésus. Ce qui est certain c'est que son Enéide contient des vers très beaux sur la Sibylle. La Sibylle est à Cumes (d'où l'importance que les deux voyages astraux d'Hermas se passent sur le chemin de Cumes). Cumes est un oracle d'Apollon, comme Delphes. L'Enéide est une ode à César-Auguste qui, rappelons le, a introduit le culte grec d'Apollon à Rome, se disant lui même fils d'Apollon par un python (ou un serpent de cette famille) qui a fécondé sa mère. Tout cela se tient.
Hermas a pris la vieille femme pour une pythonisse, et il est logique qu'il ait pensé à la Sibylle à cause de Cumes et aussi parce qu'elle lisait un livre comme les livres sibyllins, et donc sa voyance passe par la graphomancie... Qu'une prêtresse d'Apollon l'incite à la chasteté ne l'a pas plus surpris que cela, ni nous non plus quand on pense que les prêtres d'Isis eux aussi étaient privés de tout droit au rapport sexuel. Le rapport à l'au-delà et à la prophétie suppose l'abstinence dans l'Empire romain quelle que soit la religion en cause (il n'y a pas d'école tantrique, et, peut-être existe-t-il des voies isiaques ou crypto-isiaques - pensons à Astarté - ou chamaniques orgiaques, mais ça ne correspond pas aux voies religieuses prisées par les lettrés qui sont quasiment les seuls porteurs de témoignages des cultes de cette époque auxquels nous ayons accès).
Je pense que tout ce début du récit le marque d'une coloration apollinienne très forte, et donc, pourrait-on dire d'un point de vue chrétien, d'une tonalité démoniaque. On sait que dans la Cité de Dieu quand Augustin (qui d'ailleurs dialogue aussi avec Apulée) raconte que Porphyre rapportait le témoignage d'une païenne dont le mari était chrétien qui avait interrogé la Pythie à propos de Jésus laquelle lui avait répondu que le Dieu des Juifs valait mieux que lui, ce qui donnait argument à Augustin pour voir dans l' "Apollon" de Delphes un démon. Je crois qu'on est ici exactement dans la même atmosphère, en fait plus démoniaque et païenne que chrétienne, de sorte que la comparaison entre les "stratégies" littéraires d'Hermas et celles de ses successeurs autour de la sexualité n'a pas beaucoup de sens. D'ailleurs il n'est pas non plus complètement exclu que les successeurs, même s'ils sont moins marqués par l' "Arcadie" (qui est aussi potentiellement un univers démoniaque, voir l'imaginaire de Rennes-le-Château "et in Arcadia ego") ou par les vierges bucoliques, soient eux aussi potentiellement démoniaques, surtout s'il y a un culte des reliques autour des martyrs. Simplement dans une autre veine... (Et on laissera de côté la question de savoir si les voies démoniaques sont malgré tout, in fine, des voies d'accès à Dieu...)
Restons en là de nos réflexions sur Hermas pour l'instant. Il n'est pas exclu que nous soyons amenés à revenir sur ce sujet dans quelque temps...