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Articles avec #pythagore-isis tag

Epaminondas ou le problème du rapport entre philosophie et guerre

9 Avril 2014 , Rédigé par CC Publié dans #Pythagore-Isis, #Histoire des idées

Dans le cadre de ma réflexion sur le pythagorisme, je ne peux éviter de me pencher sur le cas du général thébain toujours victorieux Epaminondas, dont Châteaubriand nous apprend que Bonaparte avait adopté son nom comme pseudonyme pendant le siège de Toulon en 1795.
pyrrhique
Vidal-Naquet avant de mourir a bien voulu reprendre dans son ouvrage "Le chasseur noir" son article de la revue Historia de 1960 intitulé "Epaminondas ou le problème tactique de la droite et de la gauche". Epaminondas remporta ses batailles de Leuctres à Mantinée (qui assurèrent l'hégémonie thébaine en Grèce) en révolutionnant l'art de la guerre par la tactique de masser ses meilleures troupes dans une fonction offensive à gauche, et non à droite comme le voulait la tradition (révolution qui d'ailleurs ne sera pas adoptée par les grands généraux qui suivirent).

Chez les Grecs comme chez les Romains, la gauche est du côté de la faiblesse passive et de la mort (on trouve déjà cela chez Homère). Tout indique (et notamment les tables des contraires d'Aristote, que les pythagoriciens ont systématisé l'opposition entre haut et bas et entre droite et gauche, au point qu'il était très impudique de placer la jambe droite sous la jambe gauche quand on croisait les jambes. Les "acousmatiques" ordonnaient d'entrer dans un sanctuaire par la droite et de chausser le pied droit en premier.

 

A l'époque des Lumières athéniennes (notamment avec le Timée de Platon prolongé ensuite par Aristote, mais aussi les Lois où Platon comme le médecin Diogène d'Apollonie, recommande d'utiliser les deux mais indifféremment), dans la géométrie ("siège et métropole des autres disciplines" selon Philolaos de Crotone cité par Plutarque) et la métaphysique, l'espace et des plus en plus indifférencié (quoique l'opposition droite-gauche ne disparaisse jamais).

 

Vidal-Naquet considère qu'il faut prendre au sérieux la formation philosophique d'Epaminondas auprès du pythagoricien Lysis (présenté par Plutarque comme un compagnon d'infortune de Philolaos de Crotone chassé de Métaponte) voire selon certains auteurs auprès de Philolaos lui-même (qui fut un pythagoricien hétérodoxe qui, en tant que géomètre, voulut relativiser la polarité des lieux). Pour lui, Epaminondas fut un véritable général philosophe : Alcidamas d'Elée remarque que la prospérité de Thèbes fut liée au fait que les philosophes y devinrent chefs et six siècles plus tard Elien cite Epaminondas comme exemple de philosophe compétent dans les choses de la guerre. Dans son actualisation de 1980 (p. 118 et suiv de l'édition de 2005 La Découverte Poche), il regrette que dans les vingt années qui ont suivi la publication, les historiens n'aient pas donné d'écho à sa thèse selon laquelle le privilège accordé à l'aile droite dans la tactique grecque n'était pas seulement lié au fait que les guerriers portaient leur bouclier à gauche, mais aussi à un tabou culturel inhérent à la dévalorisation de tout ce qui est attaché au côté gauche. Il reproche à ses collègues historiens de n'expliquer le militaire que par le militaire sur la base des remarques techniques de Thucydide en occultant la part des surdéterminations culturelles. Selon lui l'articulation entre philosophie pythagoricienne et art de la guerre dans le cas des victoires de Leuctres et de Mantinée reste largement à étudier.

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Pythagore et la musique pour les nuls

17 Mars 2014 , Rédigé par CC Publié dans #Pythagore-Isis

 

 

 

Bon si on recherche plus sérieux, il y a aussi ça.

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Saint Christophe cynocéphale

11 Février 2013 , Rédigé par CC Publié dans #Notes de lecture, #Christianisme, #Christophe, #Pythagore-Isis, #Histoire secrète

Je voudrais juste dire ici un mot de ce saint dont le nom n'est plus du tout à la mode en France (après l'avoir été dans les années 70), et dont une correspondante américaine, baignant dans l'atmosphère des cultural studies, me faisait remarquer qu'il était très marqué par le christianisme (comme Christian, Christel etc). Si l'on en repère facilement l'empreinte chrétienne, il est bon aussi d'en connaître les origines pré-chrétiennes. Le lien qui l'unit à Hermès, à Anubis, au monde sauvage mais "en voie de domestication" des cynocéphales (les hommes à tête de chien), et le rituel du grand voyage au confins de l'humanité et de la mort.

 

Citons à ce propos l'intéressant article en ligne  "Cynocéphales et Pentecôte" de l'ethnologue Jean-Loïc Le Quellec qui rend justice à la richesse de l'histoire de ce prénom :

 

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christophe.jpg"Les origines du culte et de l'iconographie de saint Christophe ont fait l'objet de nombreux travaux ayant établi que sa légende originale appartient au domaine oriental 41. C'est le récit de la vie d'un certain Adokimo (ou Reprobus
(« Réprouvé ») 42,sorte de cynocéphale anthropophage qui, sitôt converti, perd sa tête de chien et acquiert la parole. D'après les Actes apocryphes de Barthélemy, composés en Égypte sous influence gnostique dans la deuxième moitié
du IVe siècle, il apparaît que ce monstre aurait été envoyé par Jésus à Barthélemy, se trouvant alors au Pays des Cannibales 43. Converti par Barthélemy, il aurait pris au moment de son baptême le nom de Christianus (« Chrétien») ou dans des textes plus récents, celui de Christophorus (« Porte-Christ ») 44, ces deux noms étant alors, comme Victor, des titres honorifiques de martyrs en général 45. Dans les versions occidentales des IXe-Xe siècles, sa tête de chien sera sciemment supprimée, et elle n'apparaîtra plus dans les versions ultérieures 46,alors que l'image du « porte-Christ» ne s'est superposée à ce récit qu'en Occident, à partir du XIIe siècle, par suite d'une remotivation du terme Christophorus 47, et cependant qu'un jeu sur canineus (« canin») et chananeus (« cananéen») permettait une nouvelle interprétation 48. Au XVe siècle, Dionysos du Mont Athos le représentera avec la légende suivante: Christophoros o reprobos o ek tôn kunokephalôn, c'est - à - dire : « Christophe Reprobos, l'un des Cynocéphales» 49.

 

Voici comment les Actes des saints André et Barthélemy seront développés dans le Gadla Hawâryât, livre éthiopien du XIVe siècle, mais inspiré de textes coptes du VIe :

 

"Alors notre Seigneur Jésus Christ leur apparut [à André et Barthélemy] et
dit: « Partez dans le désert, et je serai avec vous, ne soyez pas effrayés,
car je vous enverrai un homme dont le visage est comme la face d'un chien
et dont l'apparence est très effrayante, et vous l'emmènerez avec vous dans
la ville. » Alors les Apôtres s'enfoncèrent dans le désert, en grande tristesse,
car les hommes de la cité n'avaient pas été touchés par la foi. Ils s'étaient
seulement assis depuis très peu de temps pour se reposer, qu'ils
s'endormirent, et que l'Ange du Seigneur les emporta jusqu'à la Cité des
Cannibales. Alors, de cette Cité des Cannibales, sortit un être qui cherchait
quelqu'un à manger [...]. Mais l'Ange du Seigneur lui apparut et lui dit:
« Ô toi dont la face ressemble à celle d'un chien, tu vas trouver deux hom-
mes [...] et avec eux sont leurs disciples, et lorsque tu arriveras à l'endroit
où ils se trouvent, fais qu'aucun mal ne leur arrive par ta faute [...]. Et lorsque
l'homme dont la face ressemblait à celle d'un chien entendit cela, il se
mit à trembler de tous ses membres et répondit à l'Ange: « Qui es-tu? Je
ne te connais pas, ni toi ni ton dieu. Dis-moi donc quel est ce Dieu dont tu
me parles! » [...] L'Ange dit: « Celui qui a créé le Ciel et la Terre, c'est
Dieu en vérité» [...]. Mais l'homme à la face de chien demanda: «Je voudrais
voir quelque signe qui me permît de croire en ses pouvoirs miraculeux.
» [...] Et au même moment, un feu descendit du ciel et encercla
l'homme dont la face ressemblait à celle d'un chien, et il était incapable de
lui échapper, car il était au centre de ce feu [...] et il s'écriait: « Ô Dieu, toi
que je ne connais pas, prends pitié de moi, sauve-moi de cette épreuve, et je
croirai en Toi ». L'Ange lui demanda: « Si Dieu te sauve de ce feu, suivrastu
les Apôtres partout où ils iront, et feras-tu tout ce qu'ils te commanderont
? » ~ L'homme dont la face était comme celle d'un chien répondit: « Ô
mon Dieu, je ne suis pas comme les autres hommes, et je ne connais pas leur
langage [...]. Lorsque j'aurai faim et que je croiserai des hommes, je me
précipiterai certainement sur eux pour les dévorer [...] ». Mais l'Ange lui
dit: « Dieu va te donner la nature des enfants des hommes, et Il limitera en
toi la nature des bêtes. » Au même moment, l'Ange étendit les mains et tira
du feu cet homme à la face comme celle d'un chien, fit sur lui le signe de la
croix [...] et aussitôt la nature animale le quitta, et il devint aussi gentil
qu'un agneau [...]. Alors, l'homme dont la face était comme celle d'un chien
se leva, et se rendit au lieu où se tenaient les Apôtres. Il se réjouissait et il
était heureux, car il avait appris à reconnaître la vraie foi. Mais son apparence
était extrêmement impressionnante. Il mesurait quatre coudées de
haut et sa tête était celle d'un gros chien,. ses yeux étaient comme deux
charbons ardents, ses dents étaient comme les défenses d'un sanglier ou les
crocs d'un lion, les ongles de ses mains étaient comme des serres crochues,
ceux de ses pieds comme des griffes de lion, ses cheveux descendaient jusque
sur ses bras et ressemblaient à la crinière d'un lion, et toute son apparence
était horrible et terrifiante [...]. Lorsque cet homme à la face comme
celle d'un chien arriva au lieu où ils se tenaient, il y trouva les disciples
- [d'André] qui en étaient morts de peur. [...] André lui dit: «Que Dieu te
bénisse, mon fils, mais dis-moi, quel est ton nom? » Et l' homme à la face
comme celle d'un chien dit: «Mon nom est Hasum» [c'est-à-dire
'abominable ']. Et André lui dit: « Tu as bien dit, car ce nom te ressemble,
mais [...] à partir de ce jour, ton nom sera Chrétien ». Au troisième jour, ils
arrivèrent à la ville de Bartos, en vue de laquelle ils s'assirent pour se reposer.
Mais Satan les avait précédés dans les murs de la cité. Alors André se
leva et pria, disant: «Que toutes les portes de la cité s'ouvrent rapidement!
» Et comme il disait, toutes les portes tombèrent, et les Apôtres péné-
trèrent dans la ville avec l'homme dont la face était comme celle d'un chien.
Alors le gouverneur ordonna [...] d'apporter des bêtes sauvages et affamées
pour les faire attaquer par elles, et lorsque celui qui avait la face comme
celle d'un chien vit cela, il dit à André: «Ô Serviteur du Seigneur, me
commanderas-tu de me dévoiler la face ? » (car il l'avait voilée en entrant).
André lui répondit: « Ce que Dieu te commande, fais-le. » Alors celui qui
avait la face comme celle d'un chien se mit à prier, disant: « Ô Seigneur
Jésus Christ, Toi qui me délivras de ma vile nature [...] je te supplie de me
rendre à ma nature précédente [...] et de me prêter ta force, afin qu'ils sachent
qu'il n 'y a d'autre Dieu que Toi. » Et au même instant sa nature précédente
lui revint, il fut pris d'une colère extrême, le courroux emplit son
coeur, il dévoila sa face et regarda les gens avec fureur, il bondit sur toutes
les bêtes sauvages qui se trouvaient au milieu des foules, il les déchira,
tordit leurs boyaux et dévora leur chair. Lorsque les gens de la cité virent
cela, ils furent pris d'une grande peur [...]. Et Dieu envoya un grand feu des
Cieux tout autour de la cité, et nul ne pouvait en sortir. Alors ils dirent:
« Nous croyons et nous savons qu'il n 'y a d'autre Dieu que votre Dieu, Notre-
Seigneur Jésus Christ, sur la Terre comme aux Cieux. Et nous vous demandons
d'avoir pitié de nous, de nous sauver de la mort et de la double
épreuve du feu et de celui qui a la face comme celle d'un chien. » Et les
Apôtres eurent pitié d'eux [...], ils s'approchèrent de celui dont la face était
comme celle d'un chien, posèrent leurs mains sur lui, et lui dirent: «Au
nom de Notre-Seigneur Jésus Christ, laisse repartir hors de toi ta nature de
bête sauvage, ce que tu as fait ici est suffisant, ô mon fils, car vois-tu, tu as
accompli la tâche pour laquelle tu avais été envoyé. » Et au même instant, il
retrouva la nature d'un enfant, et redevint doux comme un agneau 50."


Selon David Gordon White, l'origine de ce texte tardif est à rechercher dans les légendes nestoriennes de Barthélemy et d'André, circulant au Ve siècle. Le nestorianisme en transmit des versions aux hagiographes syriaques, latins et arméniens, d'où elles passèrent, avec des ajouts, à l'église jacobite égyptienne puis, au XIIIe siècle, dans les synaxaires arabes, lesquels furent traduits en éthiopien au siècle suivant 51.

 

Par exemple, à la date du 21 novembre, les anciens synaxaires arabes présentent ainsi la vie de saint Mercure, martyrisé entre 249 et 251, et que les coptes appellent Abou Seifen :

 

"En ce jour mourut martyr saint Mercure. Il était de la ville de Rome. Son
aïeul et son père étaient chasseurs de métier. Un jour, ils sortaient comme à
l'ordinaire. Ils furent rencontrés par deux cynocéphales anthropophages
qui dévorèrent l'aïeul et voulurent manger le père. Mais l'ange du Seigneur
les en empêcha en disant: « Ne le touchez pas, car il sortira de lui un fruit
excellent» : et il les entoura d'une haie de feu. Comme la situation leur
était pénible, ils allèrent trouver le père du saint et se prosternèrent devant
lui: Dieu changea leur nature en douceur.. ils furent comme des agneaux et
entrèrent avec lui dans la ville. Ensuite cet homme eut pour fils saint Mercure
qu'il appela d'abord Philopator, ce qui signifie «aimant ses parents ».
Quant aux cynocéphales, ils restèrent chez eux pendant quelque temps et
embrassèrent le christianisme: cela dura jusqu'à ce que Philopator fût
devenu grand. Il devint soldat et ils partaient avec lui à la guerre. Quand
c'était nécessaire, Dieu leur rendait leur nature et personne ne pouvait leur
résister "52.

 

Il est remarquable que ce dernier texte, démarqué des Actes de Barthélemy, concerne un saint fêté le 25 juillet dans le calendrier copte (c'est-à6dire le même jour que Christophe pour l'église de Rome) et dont le nom n'est autre que celui du Dieu latin correspondant au grec Hermès, partageant avec Christophe la fonction de protecteur des voyageurs. Or cette date, placée au début de la Canicule, était celle de la fête grecque dite kunophontis 53 (« massacre des chiens») et de la fête latine des furinalia (lors de laquelle on sacrifiait une chienne rousse), festivités destinées à se protéger des méfaits de la chaleur et de la sécheresse caniculaires. Quant à la fin de la Canicule, elle est traditionnellement fixée au 24 août, jour où l'on fête... saint Barthélemy.

 

Dans tous les cas, ces récits précisent qu'une fois civilisé, le cynocéphale converti par le Saint-Esprit cesse d'aboyer pour clamer sa reconnaissance de Dieu en langue humaine, face aux peuples païens dont il provoque ainsi la conversion. C'est donc cette scène qui est représentée sur les figurations arméniennes de la Pentecôte où le cynocéphale apparaît. Mais en ce qui concerne Christophe, une explication evhemérisante a été tentée pour justifier la légende: «Sous le règne de Dèce [il fut] fait prisonnier dans un combat par le lieutenant de ce prince. Comme il ne pouvait parler grec, il fit une prière à Dieu.. et un ange lui fut envoyé, qui lui dit: Rassure-toi, et touchant ses lèvres, il fit en sorte qu'il parlât grec » 54. Mais ce miracle du « parler en grec », version appauvrie du «parler en langues» des Apôtres, n'est que l'écho affaibli d'un miracle autrement plus impressionnant: celui de l'apparition du langage articulé chez un être qui, jusqu'alors, ne savait qu'aboyer. Le détail qui, sur les miniatures arméniennes, montre le cynocéphale
habillé (parfois sommairement) résulte d'un procédé graphique destiné à rendre visible ce miracle essentiellement sonore, en montrant bien que le monstre est, maintenant, en partie civilisé: cela se retrouve à Vézelay, où cette humanisation partielle est marquée par le fait que l'un des cynocéphales est montré nu, alors que l'autre est déjà habillé. Les textes précisent enfin que, toute domestiquée qu'elle soit par le baptême, la fureur caniculaire du cynocéphale nouvellement converti réapparaît périodiquement: ce n'est plus alors que pour mieux combattre les païens, et seconder par la terreur une proclamation apostolique qui, sans cette aide, serait quelque peu démunie. (...)

 

Il apparaît tout d'abord que, pour la constitution d'une métaphore théromorphique de la Pentecôte, l'utilisation d'un homme à tête de chien plutôt que de tout autre monstre plinien présentait l'intérêt d'utiliser une espèce animale conçue comme médiatrice et qui, en divers temps et lieux, s'avéra souvent des plus utiles dans le cadre d'une réflexion sur les frontières ou les transitions entre homme et animal, présent et au-delà, réel et imaginaire 56.

 

De plus, dans le cas du chien, l'opposition domestique/sauvage se réfère essentiellement à l'habitat (domus) et donc plus à l'espace qu'à l'espèce: les chiens dits « domestiques» manifestent une propension à retourner vers la nature, dans une perpétuelle errance entre nature et culture 59. Déjà, les anciens textes mésopotamiens insistaient sur cette ambivalence profonde du chien, considéré par les Babyloniens comme à la fois sauvage et familier 60. Or les diverses espèces de canidés sont inter-fécondes et offrent toutes les gradations entre le domestique et le sauvage, ouvrant donc des possibilités de symbolisation proprement impensables avec, par exemple, le chat domestique et les grands félins 61.

 

On comprend alors que les canidés en général (et les cynocéphales en particulier) sont quasi universellement commis à deux rôles principaux: d'une part ils constituent une commune allégorie de l'autre, du « sauvage»
qui ne sait qu'aboyer et dévorer de la viande crue, et d'autre part ils jouent le rôle de gardiens de l'au-delà car ils doivent, dans des mythologies très diverses, surveiller l'orée du monde des morts, c'est-à-dire LA transition par excellence, puisque ce sont des êtres de la porte et du passage."

---- voir aussi le livre de Saintyves

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Notes

 

54. Ménologe de Basile, cité dans Saint yves 1935 :9.
55. THIERRY 1987, fig. 503.
56. LURKER1969, 1983, 1987. ~ LINCOLN1979.
57. Liu 1932.
58. LE QUELLEC1995.
59. Sur ce: POPLIN 1986.
60. ANET 1993, LIMET 1993.
61. BAINES1993 :66.

 

 

 

 

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Le platonisme de Marsile Ficin

21 Décembre 2012 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie, #Pythagore-Isis

leornardo.jpgDans mon ouvrage sur la nudité (je pourrais parler d'autres livres que j'ai écrits, mais celui-ci est populaire et évoque de nombreuses problématiques, alors pourquoi ne pas continuer là-dessus ?), je mentionne, à propos de la "nudité-affirmation", l'importance du néo-platonisme du XVe siècle, en m'appuyant sur François Jullien.

 

Mais on assume toujours trop facilement comme une évidence que la Renaissance italienne (par exemple Léornard de Vinci) fut néo-platonicienne, et il est toujours bon de se plonger dans le détail des choses. Je recommande à ce sujet la lecture du grand classique d'André Chastel de 1954 "Marsile Ficin et l'art", qui présente l'histoire de l'Académie néo-platonicienne de Careggi à Florence et de son fondateur. Bien sûr il est toujours facile de rattacher le mouvement des idées à de grands phénomènes sociaux, comme le platonisme italien à la migration des érudits byzantins à l'approche de la chute de leur ville, mais ce qu'il advint réellement dépend de l'histoire des individus qui laisse toujours une part aux aleas. Celle de Marsile Ficin conduisit à la création d'un aimable groupe de pensée retiré dans un magnifique jardin de Florence, où les gens devinrent des maniaques de Platon, au point de se référer tout le temps à lui, et de fêter systématiquement les anniversaires (conventionnels) de sa naissance, le 7 novembre (comme dans l'Antiquité les épicuriens fêtaient aussi celui de leur maître dans leur jardins). Ce faisant, et en s'inspirant des maîtres du platonisme tardif (Plotin, Porphyre etc), remaniés aux goûts italiens de l'époque, ils inventèrent un platonisme nouveau, plus ouvert aux arts, à la création, qui allait se diffuser largement dans l'intelligentsia artistique italienne.

 

J'avoue que j'ai beaucoup aimé ce platonisme délicat de Marsile Ficin que je ne connaissais guère. Moins pour sa volonté de "purifier l'âme" pour la faire accéder au monde des essences éternelles, que pour sa relative ouverture aussi au monde "d'en bas" en quelque sorte, et à sa volonté de saisir à travers la création, l'inspiration du génie créateur de l'artiste qui reproduit celle du Démiurge ou de Dieu, la profonde unité de l'univers, à laquelle initient l'alchimie, le jeu des analogies (dont on parlait précédemment sur ce blog à propos de la magie égyptienne), l'étude de la poésie antique, la réconciliation du christianisme et du paganisme, l'intérêt pour les hiéroglyphes égyptiens et l'astrologie des Mèdes etc...

 

Ce sentiment de l'unité de l'univers pensé à travers une métaphysique de la lumière, et de la similitude (classique depuis Aristote) entre le microcosme humain et le macrocosme universel ou terrestre (avec des images amusantes comme l'idée que l'herbe ce sont les poils de la Terre !) est certes purement imaginaire, mais c'est une source d'optimisme créatif et de sérénité, d'autant qu'il se construit à équidistance et au dessus de la débauche comme de la recherche du pouvoir social (la réussite professionnelle, l'engagement politique etc), avec une forte valorisation de la contemplation, des rêves nocturnes (ce qui me paraît très important et qui disparaît aujourd'hui de nos horizons à mesure que s'efface la psychanalyse) etc.

 

C'est parce qu'il y a eu Marsile Ficin à Florence, et sa façon très spécifique d'ouvrir le platonisme à l'art, attirant à lui une bonne partie de ce que Florence (mais aussi ensuite par capillarité le reste de l'Italie) comptait de théoriciens de la création, de grands peintres et de sculpteurs, que nous avons eu ensuite les Vénus de Botticelli (avant la conversion de Botticelli et d'ailleur d'une partie des disciples de Ficin à l'obscurantisme de Savonarole) ou la Joconde de Vinci, les Vénus de Botticelli étant, rappelons le au passage, des allégories de la connaissance pure platonicienne réunissant idéal artistique et élévation de la matière à une forme mathématique. Bien sûr la doctrine philosophique n'est jamais reçue dans sa pureté, elle connaît des mutations dans le langage philosophes (par exemple quand Pic de la Mirandole reformule l'héritage de Ficin) ou dans le langage mondain (quand la recherche de la Vénus céleste et de la connaissance pure se cristallise sur la vénération de femmes réelles). Mais la caution philosophique de la théorie initiale fonctionne toujours comme un point d'appui de légitimation du geste artistique, qui oriente ses partis pris (par exemple les thèmes qu'il choisit d'illustrer) et détermine sa place dans l'ordre social, l'artiste pouvant devenir, grâce au néo-platonisme de l'Académie de Careggi, un médiateur de la puissance divine, et un recréateur de l'unité du monde à l'instar du philosophe, ce qui n'est tout de même pas rien !

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Déesses primitives, déesses nues

7 Février 2011 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Shivaïsme yoga tantrisme, #Histoire secrète, #Ishtar, #Pythagore-Isis

Les éditions du Cygne publient un ouvrage sur un culte d'une déesse mère nord-caucasienne que l'auteure Mariel Tsaroïeva identifie aux déesses primitives proche-orientales (je renvoie à mes comptes-rendus de lecture sur l'invention des déesses et des dieux au Néolithique).

 

dionysm-nade.jpg

Le hasard fait que juste à ce moment là je lis dans la Métaphysique du sexe de Julius Evola le passage sur la secte russe des Khlystis et celle des Skoptzis qui toutes deux prônent la chasteté dans la vie ordinaire mais organisent dans leur cérémonie des rites sexuels autour d'une jeune femme nue. "Ce détail permet de reconnaître aisément dans la cérémonie secrète des Khlystis, observe Evola p. 154, un prolongement des rites orgiaques de l'Antiquité qui étaient célébrés sous le signe des Mystères de la Grande Déesse chtonienne et de la "Déesse nue" ". L'auteur hélas n'explicite pas les voies de filiation entre la Grande Déesse (peut-être Cybèle qu'il cite plus loin et le rituel de ces sectes)

Ces considération sont l'appendice d'un chapitre sur les orgies rituelles comme voies de dissolution du Moi dans l'élément féminin préalable possible à d'autres formes d'élévation spirituelle, thématique qu'il y avait déjà dans la Naissance de la Tragédie de Nietzsche si je me souviens bien.

Je ferai juste mention ici pour mémoire (et pour y revenir plus tard, éventuellement même dans une approche critique) des remarques intéressantes d'Evola sur la nudité des déesses.

Il évoque en premier lieu la nudité de l'archétype démétrien-maternel, fécond et protecteur, mais ne la thématise guère.

En second lieu Evola se montre plus prolixe sur ce qu'il appelle le nu abyssal aphrodisien. Dans le domaine spirituel, rappelle-t-il (p. 176), on observe une dénudation masculine pour atteindre l'être absolu et simple aussi bien dans les mystères antiques que dans le déchirement des vêtements des soufis. Dans l'ordre de la nature, la dénudation d'Isis comme d'Ishtar (ou celle d'Athèna ou d'Artêmis dont la vision tue) est une façon de délier la matière de toute forme. Cet accès à la matière interdite (vierge) et destructrice (guerrière) dans sa dimension la plus informe n'est autorisée qu'aux initiés, Evola montrant par exemple que dans le tantrisme l'union avec une femme complètement nue n'est possible qu'au stade terminal de l'initiation.

Il y a chez Evola un aller-retour intéressant entre une phénoménologie presque anthropologique (je dis "presque" parce qu'il ne recourt pas au travail rigoureux de recension de tout ce qui existe dans toutes les cultures existantes, ce qui est la grande faiblesse de sa théorisation) et l'étude des mythes (surtout grecs et hindouistes d'ailleurs, suivant une habitude très répandue en Europe entre disons 1850 et 1950), aller-retour qui peut aider ensuite, selon lui à trouver une définition "non empirique" (p. 200) du masculin et du féminin.

A l'heure où l'on s'efforce de retrouver cette définition par la voie du néo-darwinisme et des neurosciences, il n'est peut-être pas inutile de placer les deux visions en miroir l'une de l'autre pour les faire dialoguer. De même il faut peut-être dialoguer avec le propos d'Evola sur la pudeur, emprunté à un certain Mélinaud (p. 135) - auteur d'après mes recherches, en 1901, d'un article sur la  Psychologie de la Pudeur - qui rejoignent celles de Duer, et qu'il faudrait aussi peut-être mettre en perspective avec les réflexions de Sartre. Plutôt que d'ignorer ces considérations un peu littéraires sur la mythologie et la psychologie sexuelles l'anthropologie contemporaine devrait s'y confronter et évaluer rationnellement les intuitions qu'elles portaient, dans leur potentiel heuristique comme dans leur égarement.

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