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L'erreur tantrique

Amour, paix et vérité

Je regardais ce soir une vidéo "New Age" qui faisait l'éloge de la pensée positive pour créer des synchronicités qui vous mettent sur le bon chemin existentiel. Cela me faisait penser à ce que disait Doreen Virtue, la médium repentie : que du temps où elle croyait à ces pensées "énergétiques", la "loi d'attraction" et autres fariboles, elle s'épuisait à essayer d'être heureuse mais n'en tirait au fond qu'une frustration permanente de ne pas être vraiment "remplie" de quoi que ce soit, tandis que sa vie était chargée de dix mille rituels inutiles pour s'attirer les faveurs des anges.
Beaucoup de chrétiens diront que c'est parce que cette forme de satisfaction que recherche le New Age est profondément égoïste et que dans l'Ego il ne peut y avoir que de la frustration. Je suppose que les "New Agers" et adeptes des thérapies du développement personnel diraient simplement que des gens comme Doreen Virtue sont inaptes à trouver un équilibre énergétique dans les voies de la pensée positive et que donc, ils ont raison d'aller chercher ailleurs, mais que cela n'invalide pas la théorie de la pensée positive pour autant.
Je ne sais trop qu'en penser. Il y a peu j'ai croisé une gardienne de musée qui faisait un éloge vibrant de la méditation et du yoga, de la paix que cela apportait, mais dont la façon tonitruante d'en parler, et surtout la manière dont elle se comportait ensuite avec les visiteurs du musée, montraient qu'en réalité elle n'avait atteint aucune paix intérieure. Difficile de faire la part de la vérité et du mensonge à soi même dans ce genre de profession de foi.
Il en va de même d'ailleurs de toutes ces vidéos de gens sur You Tube qui ont trouvé "le salut en Jésus-Christ" - par des voies bibliques -. On veut bien les croire quand ils affirment que cela les a sauvés de mille addictions néfastes (à la drogue, au sexe, au stress, à la méchanceté, etc) mais on se doute bien que ça ne résout pas tous les problèmes psychologiques, loin de là. D'ailleurs j'ai souvent entendu des chrétiens "bibliques", dénoncer le christianisme trop auto-suggestif d'une Joyce Meyer ou d'autres charismatiques et autres adeptes de l'Evangile de la Prospérité comme autant de formes d'hérésie. A entendre ces fondamentalistes, du reste, on a presque l'impression que les excès de sérénité ou de bonheur peuvent être des pièges sataniques. En retour, les charismatiques les accusent d'être des pisse-froid qui refusent les "dons de l'Esprit" promis par Jésus aux fidèles pour faire face à la fin des temps. Tout cela me fait penser aussi, dans l'univers catholique, à Sainte Thérèse de Lisieux qui disait qu'il était bien d'être triste... On reste très loin des éloges évangéliques de la "paix du Christ" et des injonctions de Saint Paul à être remplis d'amour... Ces injonctions sont des sources d'une telle amertume, qu'on finit par devenir quiétiste et se dire "allons, ne faisons rien, ne cherchons rien, et Dieu nous remplira d'amour seulement s'il le veut ou s'il en a besoin, ce serait blasphémer que de prendre les devants en la matière". N'était-ce pas la position des braves Moraves qui faisaient l'admiration de Wesley ? Mais bon, ensuite, entre le quiétisme et l'absence totale d'engagement religieux il n'y a qu'un pas...
J'ai connu un protestant qui voyait que sa conversion ne l'avait si évidemment pas guéri sur le plan psychologique qu'il s'était lancé dans la programmation neurolinguistique (PNL) et avait voulu devenir thérapeute dans ce domaine lui aussi, car il était convaincu que les chrétiens qu'il avait connus, faute d'assumer le fait que la conversion ne guérit pas, stagnaient dans la souffrance mentale et ainsi échouaient à aimer leur prochain, alors que la PNL les eût guéris. Sauf que plus il faisait de la PNL plus ce protestant me semblait s'enfermer dans l'orgueil. Je soupçonne qu'il réinvitait le diable en lui à mesure qu'il pensait guérir.
L'exorciste Allan Rich dans une vidéo disait que tout n'est pas spirituel, qu'il y a du psychologique qui peut être soigné par la psychologie. Mais dire cela n'est ce pas admettre déjà une limite au pouvoir de guérison divin ? N'est ce point prendre les devant à l'égard du projet de Dieu en choisissant des voies profanes, voies chargées de choses dangereuses comme j'ai pu le vérifier moi-même sur les chemins du "développement personnel" ou de la psychanalyse ?
Pour ma part, lorsque j'ai échappé aux médiums et me suis converti, en m'en remettant à Dieu j'ai surtout trouvé là une source de révélations cognitives considérables sur le monde qui m'entourait, son histoire, le fonctionnement des gens au quotidien, les fautes de ma vie, les mécanismes de la politique, toutes sortes de choses qui donnent vraiment un sens nouveau à tout. J'ai aussi découvert un mode de collaboration avec le monde invisible, avec le "royaume de Dieu", en acceptant ce qui arrive, en se mettant à l'écoute de ses rêves, de divers signes, en ne voulant rien pour soi même et tout pour Dieu. Les bienfaits de cette démarche ont été considérables. Pour autant je ne veux pas les surestimer ni jouer la méthode Coué. Je ne peux pas cacher qu'en cinq ans si mon regard sur les choses a changé, mes conditions de vie restent similaires. Beaucoup de problèmes restent absolument intacts. Je suis intérieurement plus "unifié", et plus soutenu par l'espérance, mais je ne suis pas rempli d'amour et de paix comme est censé l'être un bon chrétien. Je manque souvent de patience, et cela d'ailleurs nourrit en moi de fortes tentations de pécher à nouveau - s'offrir un de ces petits plaisirs malsains auxquels j'ai par principe renoncé, quitte d'ailleurs à parer ces plaisirs de vertus salvatrices, y compris salvatrices d'autrui, qu'ils n'ont pas (je pense par exemple à tout ce thème reichien du salut par la sexualité auquel je croyais à 20 ans). Cela s'appelle le combat spirituel - "spiritual warfare" disent les Anglo-saxons. Cela fait partie du jeu. Les démons sont là pour tester que vous vous êtes bien converti, que ce n'est pas pour rire. Sinon ce serait trop facile. Il n'y aurait pas d'engagement authentique pour Dieu...
Le plus surprenant à mes yeux d'ailleurs est la persistance du vide qui était déjà une caractéristique de mon existence avant ma conversion. Si certains jours des événements intéressants s'enchaînent qui viennent m'apprendre des choses - ou confirmer des choses déjà apprises - parfois de façon très spectaculaire (c'est ce qu'on appelait jadis le processus d' "édification"), par moment tout retombe dans l'insignifiance, et pour de nombreux jours. Les gens qui ont été mis sur votre chemin d'une manière intrigante, inattendue, disparaissent d'une façon tout aussi impromptue (d'autant qu'Internet a rendu les gens capricieux et zappeurs et tout devient facilement inconsistant) si bien qu'on finit par se demander quel sens ça a pu bien avoir de les avoir près de soi, si on leur a vraiment apporté quoi que ce soit. Le sentiment d'absurdité, comme l'incapacité à être rempli d'amour que j'évoquais plus haut, est en soi une source de retour des tentations hédonistes et égoïstes.
Souvent, en proie à ce genre de démon, je recherche le contact avec l'Esprit saint dans la solitude et l'inaction. Je reste des heures à ne rien faire et attendre que ça passe. Je me souviens que Flaubert disait que des trois grandes tentations qu'il connaissait (la luxure, la tentation de la connaissance, et la tentation du néant - à mon avis la deuxième n'est pas une tentation mais une vertu sauf si elle conduit à enfreindre un des Dix Commandements) la première était la plus facile à vaincre car il suffisait d'attendre que ça passe. A vrai dire j'ai l'impression que l'inaction, et notamment le sommeil (pensez à Epiménide, que Saint Paul qualifiait de prophète et qui dormit pendant des décennies) sont un remède à tout. Sauf que pendant que l'on fait ça, on n'aide personne, mais on ne peut pas à la fois vaincre ses démons et assister utilement son prochain. Après tout Sainte Geneviève ne passait elle pas des mois en prière dans sa cellule ? En faisant cela elle n'aidait personne, et pourtant c'est grâce à cela qu'elle put ensuite sauver Paris comme Epiménide sauva Athènes.
Personnellement je suis enclin à placer la vérité au dessus de tout, et surtout au dessus du confort psychologique. Vivre selon la vérité, dans la vérité, compte plus que de vivre en paix. Alors tant pis si souvent l'on vit sans paix et sans amour. La vérité, un jour, nous libèrera, c'est une promesse qui nous est faite par l'Evangile. Donc elle nous fera aimer aussi... Et puis qu'est-ce qu'aimer ? J'en entends certains qui trouvent dans la Bible la preuve de ce qu'aimer c'est d'abord aimer Dieu, et donc d'abord obéir aux commandements - dans un second temps seulement Dieu nous aidera à aimer autrui. D'autres disent qu'aimer en voulant le salut de l'autre c'est déjà beaucoup, pas besoin d'avoir beaucoup de sentiments en plus de cette seule bonne volonté. L'excès de sentiment viendra après, inspiré par le Saint Esprit.
Allez savoir...
Une kabbaliste comme Arouna Lipschitz se demande aussi dans ses vidéos comment on concilie la paix intérieure et l'amour d'autrui, surtout quand cet "autrui" est un type qui vient vous casser les pieds avec sa musique. L'amour au temps de l'Antéchrist quand tout le monde est devenu égoïste et malpoli. Vaste sujet. Chrétiens convertis, New Agers, kabbalistes, énergéticiens pataugent tous dans la même gadoue à ce sujet, la triste condition humaine. Et il faut reconnaître que souvent la plus-value du chrétien biblique tient seulement à la cohérence du message dont il est détenteur (cohérence malgré d'ailleurs quelques contradictions superficielles) et la force de la promesse dont il est dépositaire. Une petite différence, qui dans le rapport à la Vérité (à la défaut du rapport à soi ou à l'autre), change quand même tout.
Les Etrusques, la liberté des femmes et les sacrifices humains

Il m'est arrivé de citer Larissa Bonfante sur les Etrusques - par exemple ici en 2007. Je ne saurais trop vous conseiller, donc, si vous vous intéressez à l'Antiquité, de jeter un coup d'oeil à son dernier article récemment téléchargé sur Academia.edu, "The Greeks in Etruria". Les comparaisons entre les civilisations sont toujours intéressantes pour comprendre les divers choix humains. Comme à son habitude Bonfante s'attarde beaucoup sur les représentations du corps. Elle s'interroge, comme nous l'avions fait dans nos écrits sur Praxitèle, sur l'obstination grecque à refuser la nudité féminine dans la statuaire, quand au contraire les Etrusques refusaient la nudité masculine. Par là ceux-ci signent leur appartenance au Moyen-Orient (d'où ils proviennent probablement) riche en représentation des déesses-mères nues.
Tout en insistant sur les bonnes relations entre Grecs et Etrusques (et l'adoption par les seconds du panthéon des premiers), Bonfante souligne aussi les incompatibilités entre eux : les Etrusques admettent la présence des femmes à la tête des banquets aux côtés de leurs maris (à l'occasion ils vont même jusqu'à représenter un couple d'aristocrates nu dans son lit, ce qui pour les Grecs eût évoqué la prostitution). Plus bienveillants que les Grecs envers le corps de ce qu'autrefois on appelait le "beau sexe", les Etrusques représentent la femme allaitant son enfant, et même Héra donnant le sein à son fils Héraklès complètement divinisé et totalement adulte, dans un geste rituel en présence des Olympiens.
Les Grecs et les Romains ont très tôt abandonné les sacrifices humains. Pas les Etrusques qui tuent pour donner du sang aux morts et se plaisent encore au IVe siècle av JC à représenter le sacrifice de Troyens à la Patrocle.
Les Etrusques (surtout leurs femmes) ont dans l'Antiquité une réputation de luxure, et ils sacrifient les humains comme les Germains et les Celtes (qui eux aussi accordent bien des libertés à leurs épouses). Sur ces deux points les Grecs leurs sont opposés. Y a-t-il un lien structural dans ce rapport à Eros et Thanatos ? Voire quelque chose qui, ici, nous aiderait à comprendre, par contraste, le "Miracle grec" et l'apparition du Logos ?
La philosophie grecque du point de vue de l'eschatologie biblique
Je m'interrogeais dans un billet d'hier sur l'intérêt du combat de St Jean de la Croix du point de vue de la science de la fin des temps.
On peut formuler la même question à propos de la philosophie grecque.

Beaucoup d'hérétiques en ce moment comme Jean-Marc Thobois ou Jacques Colant en France (ou les adventistes du 7e jour aux Etats-Unis) se plaisent à retraduire l'Evangile en hébreux (par là je ne veux pas dire que tout l'évangélisme est hérétique, mais celui qui opère cette régression hébraïsante à l'évidence l'est, d'autant qu'elle se place explicitement au service du projet antéchristique de construction du troisième temple). C'est un contre-sens. Si le Nouveau Testament est révélé en grec, cela faisait partie à l'évidence du plan de Dieu. On ne peut pas troquer une langue sacrée pour une autre sans déformer délibérément la nature-même de la révélation (ce qui est évidemment très grave).
J'approuve le philosophe américain E. Michael Jones quand il dit qu'il faut prendre très au sérieux le fait que St Jean présente le Christ comme le Logos de Dieu - Au principe était le Logos/verbe, et le Logos/verbe s'est fait chair - avec toute la charge philosophique que comprend ce terme (le logos est savoir, science et ordre).
L'héritage du geste de la philosophie grecque est explicitement assumé par St Paul dans les Actes des apôtres au moment de sa célèbre comparution devant un Aréopage d'Athènes pétri du souffle socratique (Actes 17:16-34). Le point le plus précis de cette acceptation de l'héritage se repère dans l'éloge que l'apôtre fait du culte rendu par les Athéniens au Dieu inconnu. On lit dans Plutarque et dans Dion Cassius que ce dieu a été introduit à Athènes par le crétois Epiménide, un des sept sages de la tradition hellénique, qui sauva Athènes de la peste à l'instigation de la Pythie de Delphes. Or Paul montre sa connaissance parfaite d'Epiménide dans l'Epitre à Tite où il cite l'aphorisme de ce sage "Tous les Crétois sont des menteurs" en présentant Epiménide comme un prophète (en usant exactement du même mot que pour les prophètes d'Israël). Epiménide est un prophète parce qu'il a annoncé le Dieu inconnu qui, révèle Paul, était en fait le Dieu d'Israël. Le missionnaire protestant Don Richardson a écrit des lignes inspirées à ce sujet.
Paul connaissait les philosophies grecques et l'on ne peut considérer comme un hasard le fait que Dieu ait choisi pour fonder l'Eglise chez les Gentils un Pharisien de la diaspora instruit et très au faite de la culture païenne puisqu'il a grandi dans une ville commerçante, Tarse, où de brillantes écoles philosophiques s'étaient développées.
Comme l'Eglise chrétienne l'a très tôt admis, cela ne pouvait faire prévaloir la philosophie grecque sur la révélation, mais incitait à y voir un avant-goût de cette révélation voire une source d'éclaircissement sur certains points obscurs.
Point toute la philosophie grecque du reste - c'est pourquoi j'ai parlé de son "geste". Il me semble que le stoïcisme a peu à voir avec le christianisme. Son idéal de maîtrise de soi ne lui est pas propre - il traverse peu ou prou toute la philosophie sauf chez les matérialistes, les sensualistes et les cyniques. En revanche sa foi en une sympathie universelle dans la recherche de l'unité naturelle ouvre la porte, comme le bouddhisme, à la communion avec les forces démoniaques. De même l'épicurisme qui, comme l'a montré Renée Koch-Piettre visait à créer aux marges de la société une sorte d'église nourrie du fantasme de la divinisation de soi-même, ce qui est, par essence, luciférien.
A n'en pas douter ce qui dans le geste philosophique annonce le mieux le christianisme c'est le platonisme. St Augustin disait que par Platon il a compris ce qu'était le monde spirituel, beaucoup mieux que par le manichéisme qui avait été sa passion initiale mais qui d'après lui ne permettait pas de saisir ce qu'est l'Esprit. Il est vrai qu'avec sa définition des Idées, le platonisme ouvre la voie à une recherche de la transcendance radicale, articulée à une raison compatible avec l'incarnation du Christ - l'événement de l'incarnation du Verbe vient valider a posteriori, sous certaines conditions (notamment celle de la soumission à ses commandements, et donc celle de l'humilité) la prétention de l'être humain à participer d'une raison divine.
Cela n'ôte rien à la validité de la prophétie d'Esaïe 55:8 "Mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes voies ne sont pas vos voies" (car même en sa rationalité Dieu nous reste au moins en partie complètement inaccessible) mais interdit en tout cas, comme l'a noté E Michael Jones notamment, d'imaginer un Dieu qui n'obéirait pas à ses propres règles (sans en être cependant esclave) et un règne de la volonté qui vouerait le monde au chaos.
Reste la question de l'aristotélisme qui fait descendre la perfection du ciel des idées vers la finalité même des choses. Il y a sans doute des arguments théologiques pour s'en inspirer, mais je me méfie quand même quand on voit, comme le soulignait récemment un auteur, que les prémices de la scolastique musulmane ont jugé utile d'importer l'aristotélisme musulman à cause de ses succès dans des domaines aussi suspects que l'astrologie judiciaire...
En revanche je crois que de la philosophie moderne le christianisme, dans son positionnement devant les temps de la fin, n'a rien à retirer. Descartes est "inutile et incertain" comme disait Pascal. La subjectivisation de la réalité du monde par les empiristes et par Berkeley ou Kant est une hérésie. De même le panthéisme de Spinoza, l'immanentisme de Hegel qui reconnaissait lui-même sa dette à l'égard du médium Jakob Bohme, et toutes les philosophies de la volonté à partir du romantisme allemand et de Schopenhauer qui sont en réalité des formes de nihilisme. L'existentialisme est un luciférisme. Quant à la phénoménologie, quand je lisais il y a peu qu'un prélat avait dit que le pape Jean Paul II croyait en Medjugorje parce qu'il était phénoménologue, je me dis que dans ces conditions il vaut mieux ne jamais avoir lu Husserl...
Concordances des temps autour de mon mémoire de maîtrise

En 2016, un étudiant de l'université de Laval au Canada, M. Benoît Duval, a remis à son directeur de recherche, Mme Marie-Andrée Ricard, un mémoire intitulé " Amor fati : entre stoïcisme et nietzschéisme " mis en ligne en avril 2018 et qui a été téléchargé 57 fois depuis lors
En page 86 de son mémoire M. Duval a recopié ce passage qu'il a trouvé en p. 24 du livre de Christophe Colera sur Nietzsche : "Obsédé par sa douleur, Nietzsche l’était aussi par la volonté de lui prêter une dynamique que n’aurait pas revêtue celle des philosophes qui l’ont précédé, et de montrer que cette douleur est en permanence porteuse d’un dépassement d’elle-même qui fait d’elle un facteur de santé supérieure."
Et il a ajouté ce commentaire : "Des nuances s’imposent par contre ici. Il est vrai que Nietzsche prête à la souffrance une importance non négligeable. Il est vrai également qu’elle offre la possibilité d’une élévation. En contrepartie, jamais il n’ose avancer qu’il y aurait une corrélation directe et nécessaire entre la quantité de souffrance vécue par un individu et son perfectionnement. Ses prétentions sont nettement plus modestes" en citant Le Gai Savoir, I, §3.
Je suis toujours surpris quand des étudiants comme M. Esteban Sierra Montiel de l'université de Toluca au Mexique et M. Rodrigue Ntungu Bamenga, de l'université Saint Pierre Canisius Kimwenza au Congo citent dans leurs travaux mon petit livre "Individualité et subjectivité chez Nietzsche", qui n'a fait l'objet que de deux recensions dans la revue Espace 70 (hiver 2004-2005 p. 48) au Canada et la revue France-Forum de septembre 2004 (n° 15 p. 101-102). Car pourquoi copier des extraits de mon petit livre alors que des sommités universitaires de M. Heidegger à M. Haar en passant par G. Deleuze ont traité avec bien plus de souffle le thème de l'individualité chez Nietzsche ?
L'inertie du monde universitaire, et, en un sens, l' "inactualité" du sujet traité, crééent d'étranges concordances ou discordances des temps autour de ce livre. Quand précisément M. Duval a-t-il remis son essai à Mme Ricard ? Vraisemblablement, si c'était en mai, quand je traînais mes chaussures du randonnée (à tort) du côté de Medjugorje en Bosnie, cherchant à donner un prolongement digne aux expériences que j'avais vécues entre les mains de magnétiseurs - ces expériences que j'évoque dans mon livre "Les médiums" -, et ayant à ce moment-là largement renié mon intérêt de jeunesse pour l'auteur de "La Naissance de la Tragédie".
L'utilité de mes travaux sur Nietzsche, je l'aurais plutôt recherchée... douze ans plus tôt...

Car ce livre a été publié le 1er février 2004 chez L'Harmattan. J'avais 33 ans. A l'époque j'étais conseiller juridique au ministère des affaires étrangères français. Très occupé par la publication en parallèle d'un ouvrage collectif sur les politiques d'ingérence occidentales dans le Tiers-Monde, et par la préparation de ma thèse en sociologie en plus du labeur quotidien au ministère, j'avais décidé de faire paraître ce livre chez L'Harmattan, juste après celui sur les immigrés serbes, simplement pour me "souvenir un peu" du temps où la philosophie était ma passion.

J'avais donc décidé de reprendre mon mémoire de maîtrise soutenu à Paris IV-Sorbonne... en juin 1992. Encore une autre époque. M. Duval n'était peut-être même pas né. Je terminais alors, en parallèle, ma préparation du concours de l'Ecole nationale d'administration à l'Institut d'Etudes politiques de Paris (IEP), hésitant encore entre une carrière de haut fonctionnaire et celle de philosophe reclus dans ses montagnes béarnaises, moi qui venais d'écrire un roman sur ma région natale - roman qui n'allait paraître lui aussi que très longtemps après, en janvier 2009, et profondément remanié... En réalité c'était déjà un combat d'arrière-garde pour rester "un peu" un philosophe, combat d'ancien lauréat du concours général dans cette discipline, bouffi d'orgueil solitaire, rempli de sottise, alors que toutes sortes de nécessités me poussaient vers une vie d'où l'enseignement serait absent.
A l'époque, j'aurais préféré explorer plus en profondeur l'oeuvre de Hegel, mais je n'en avais pas le temps à cause de mon travail à l'IEP. Nietzsche me paraissait être un auteur plus facile. Il me faisait baigner dans l'antiquité grecque autant que dans l'époque moderne. Je me sentais des affinités avec sa noirceur comme avec ses éclats de lumière, moi qui, né catholique, avais tété avec l'adolescence tout le désespoir ontologique des années 1980 (et cela n'a fait qu'empirer ensuite dans le monde "globalisé" que nous connaissons). Je me sentais bien des affinités avec les paradoxes de cet auteur, sa recherche sur le style, sur la forme, dans une vie ou l'au-delà de la mort me paraissait (à tort) être une chimère.
Dois-je me plaindre de n'avoir pas été cet "homo academicus" que déjà 20 ans je craignais de devenir ? Probablement pas. Je ne me serais pas vu passer toute ma vie dans Nietzsche ou Platon. "Amicus Plato sed magis amica veritas". La vérité aurait-elle fini par me rattraper, comme elle l'a fait en 2013-2014, si j'avais vécu une existence de course à la publication, dans des amphithéâtres poussiéreux, en face d'étudiants que je n'aurais pas su intéresser aux débats métaphysiques ? Question abstraite, hors de propos sans doute. De cette histoire bizarre d'une vocation philosophique avortée, ou du moins de sa dimension universitaire mort-née, il ne reste aujourd'hui que ces mentions de quelques lignes dans des mémoires de successeurs qui ont un quart de siècle de moins que moi, au Canada ou au Congo... La vie est étrange.
Philosophie et cannibalisme
Le célèbre historien Peter Green note dans son "D'Alexandre à Actium" (p. 673) que Diogène prêchait, entre autres, la communauté des femmes et des enfants, la légitimité de l'inceste, et... le cannibalisme. Green avec sa désinvolture anglaise habituelle ajoute : à propos de cette idée qu'il pourrait s'agir d' "une Modeste proposition* avant l'heure" en référence à un pamphlet de Swift. Un peu plus loin p. 703 Peter Green note qu'on trouve la même chose chez Chrysippe et les stoïciens.
Le système académique relativise ce genre de chose, le tourne en dérision. Mais tout chrétien sait ou doit savoir que la pulsion cannibale et celle qui conduit au sacrifice humain est réelle dans le paganisme, même chez les plus fins lettrés et qu'elle est mue par un démon (à propos des démons, voyez mon expérience dans le livre publié chez L'Harmattan "Les médiums").
Pourquoi croyez vous donc que le philosophe athée Richard Dawkins du jour au lendemain en mars 2018, se met à publier un tweet dans lequel il dit qu'il a hâte que l'humanité dépasse le tabou du cannibalisme ? Beaucoup ont remarqué que sa remarque ne correspondait à aucune nécessité rationnelle de la réflexion sur l'évolution darwinienne. Elle était purement pulsionnelle, purement démoniaque, comme tant de partis pris de philosophes soi-disant rationalistes.
C'est une stratégie des forces des ténèbres que de nous faire croire qu'il ne s'agit là que d'humour, de provocation, de fantasmes innocent. Il s'agit d'en banaliser progressivement l'idée avant que d'en banaliser la pratique. Et le rationalisme athée est le meilleur moyen de laisser ces forces avancer masquées dans l'indifférence générale. Ainsi elles feront du cannibalisme un attribut du règne de l'Antéchrist au même titre que la magie, le spiritisme, la divination, et tout ce qui est décrit comme une abomination par la Bible (toutes ces choses d'ailleurs son liées, et le cannibalisme rituel produit des effets magiques lucifériens sur les rapports entre les gens, tout comme il produit la maladie de kuru). Et la philosophie aura servi de paravent à cela, comme la pop culture et tant d'autres créations moins "nobles" en apparence.
On nous ment sur le rationalisme et le paganisme. Quand le professeur au Collège de France, Paul Veyne, lui aussi athée, disait que la morale païenne et celle des chrétiens avaient fini par se ressembler au temps des Antonins à Rome, pourquoi ne nous parle-t-il pas de ce passage du roman alexandrin à succès de l'époque, Leucippé et Clitophon, où l'on voit des prêtres égyptiens arracher le cœur de l'héroïne pour le manger ? Est-ce un signe du rapprochement avec la morale chrétienne ?
Si rapprochement il y a eu, le chrétien a des raisons de croire que c'est à cause de l'influence du message évangélique que les néo-platoniciens avaient intérêt à imiter pour ne pas tout à fait perdre de contrôle les masses de plus en plus séduites par la rigueur du message christique. Quand Jésus-Christ a été crucifié, l'empereur au pouvoir Tibère, était, si l'on en croit Suétone, un pédophile qui donnait son pénis à "têter" à des enfants, et dont la cruauté était digne de la brutalité des jeux du cirque, même si des historiens comme Catherine Salles pour plaire au système où elle évolue a pondu un livre édulcorant les vices de ce tyran - car bien sûr dans l'historiographie athée contemporaine il faut toujours réhabiliter tout ce que le christianisme a diabolisé. Faire de l'histoire hypothétique est toujours risqué, mais le chrétien a le droit de croire que sans la résurrection de Jésus l'empire romain aurait versé à la longue dans le même cannibalisme terroriste que l'Empire aztèque, et, de toute façon, il n'en était déjà pas loin puisque les rituels que décrit le roman Leucippé et Clitophon se pratiquaient à l'abri des regards dans les religions à mystères. Sans le christianisme, la philosophie païenne par elle-même n'aurait pas eu les moyens de s'y opposer, puisque le néo-platonisme était rempli de fascination pour le mysticisme égyptien (voyez par exemple cela chez Porphyre).
N'en doutons pas : maintenant que le monde se déchristianise à tout va (même si les statistiques à ce sujet dissimulent l'ampleur du phénomène du fait de l'influence des églises apostates), on ne va pas tarder à voir le cannibalisme (déjà présent dans les sociétés secrètes comme il l'était à l'époque romaine) refaire surface au grand jour dans la philosophie comme dans la culture populaire. Les déclarations de Richard Dawkins sur ce thème ne sont qu'un signe avant-coureur.
Le traitement des "Expériences de mort imminente" par les médias
Je regardais hier soir sur la chaîne Planète+ l'épisode 3 de la série documentaire de 2013 "Dossier paranormal", épisode consacré aux Expériences de mort imminente (EMI), avec notamment le témoignage du journaliste Philippe Labro.

J'avais évoqué dans mon livre publié chez l'Harmattan l'an dernier l'importance de ces expériences dans le domaine de la médiumnité.
Il est évident qu'elles montrent les limites de la science qui, en cherchant à fragmenter le vécu des gens qui en ont été témoins pour le rattacher à des cause physiologiques connues, échouent complètement à rendre compte de ce qui s'est réellement passé. La bonne nouvelle qu'on peut tirer de ces expériences c'est qu'en effet la conscience excède le cerveau, et peut "fonctionner" indépendamment de lui-même tout en décuplant à cette occasion ses facultés puisqu'elle n'est plus limitée dans le temps et dans l'espace par les contraintes de l'organisme.
Reste ensuite à penser le phénomène sur un plan spirituel, et là, ce genre d'émission échoue lamentablement. Dans celle de Planète+, comme dans les autres sur le même thème que j'avais vues auparavant, le journaliste tombe sous le charme de la fascination. "Les expériences de mort imminente nous montrent que l'esprit existe. Et c'est formidable parce qu'on y fait l'expérience de l'amour inconditionnel, on en revient plein d'amour pour le monde, et même parfois avec des facultés nouvelles" nous explique--on en substance. Le codicille anti-chrétien est très perceptible. Comme le dit Ph. Labro "si la mort se passe comme ça, alors il ne fait pas avoir peur". C'est le contraire de “La crainte de l'Éternel est le commencement de la sagesse.” (Psaume 111 :10)
Car oui, après tout pourquoi craindre la mort, s'il n'y a pas de jugement de l'âme dans l'Au-delà, au contraire de ce qu'enseigne la Bible ?
Et de fait, peu de gens reviennent d'une EMI christianisés. Ils en reviennent pleins d'amour du prochain (du moins ceux qui témoignent, on ignore si c'est la cas de tous) mais pas d'amour de Dieu qui est pourtant le premier des dix commandements. Les cas de conversion sont rares. Il y a Gloria Polo, la dentiste colombienne, que l'EMI a rendue catholique fervente, et Howard Storm, ancien prof d'université devenu prédicateur évangélique. Ceux-là n'intéressaient pas le documentaire de Planète. Peut-être parce qu'eux n'ont pas eu que l'expérience d'un amour intense dans un univers "cotonneux", rempli de chaleur : ils ont affronté un jugement et ont eu une première expérience de l'Enfer.
Pourquoi ? Parce que dans l'autre monde nous attend une vie à l'image de ce qu'est notre âme ici bas, de sorte qu'il y aurait un jugement pour Howard Storm et pas pour Philippe Labro ? C'est ce que laissait entendre le biologiste britannique Rupert Sheldrake il y a quelques années. Personnellement j'en doute. Qu'il y ait une univers pour chaque âme ou pour chaque style d'âme, et donc une pluralité de vérités à la mesure de chacun voilà qui sent la bonne vieille sophistique athénienne. Un relativisme commode sans doute trompeur.
Et si Gloria Polo et Howard Storm étaient allés simplement "un peu plus loin" dans l'EMI (du fait de la durée et de la gravite de leur coma ou pour d'autres raisons) que les témoins cités par le reportage ? Il est pour le moins gênant que le journaliste, en refusant de s'interroger sur le sens spirituel des expériences, n'aille pas jusqu'à se demander cela.
Sa fascination pour le phénomène est la même que celle qu'expriment beaucoup de reportage sur la médiumnité (laquelle dérive d'ailleurs souvent des EMI). D'ailleurs sa confusion va très loin puisque, tout à son enthousiasme pour les effets des EMI, il va aussi faire l'éloge des expériences de décorporation en faisant l'amour. Rien de nouveau dans ces expériences. On en trouve des témoignages dans l'histoire depuis les extases mystiques de l'Antiquité jusqu'aux récentes décorporations de Claire de Lys dans un ashram tantrique dont je parle dans mon livre. Sauf que là encore on ne peut pas juste se contenter de dire "c'est formidable on sort de son corps", comme on ne peut pas dire "c'est super on revient parfois des expériences de mort imminente avec des dons de médiumnité, allez youpi, quand est-ce qu'on s'y met tout". Recevoir des dons spécifiques d'empathie peut rendre très fragile et très malheureux : par exemple on ne peut plus aller dans les endroits trop peuplés de peur de ressentir tout ce que les gens autour de soi ont dans la tête, on a des insomnies etc. Et l'on ne compte plus les cas de gens qui ont failli devenir fous pour avoir laissé la kundalini monter le long de leur colonne vertébrale. Dans le vocabulaire chrétien classique cela s'appelle de la possession, et, même si cela ne fait tomber ici bas les gens dans la folie ou dans la dépendance à l'égard d'un Guide, cela selon la Bible condamne à un enfer certain dans l'Au-delà.

Il est coupable de la part d'un journaliste de traiter un pareil sujet sans aller jusqu'à évoquer cette face sombre de l'au-delà de la matière. Et l'on pourrait presque avancer une hypothèse : l'oubli est volontaire. L'éloge de l'EMI vise précisément à désarmer toute peur du jugement post mortem. "Do what thou wilt" "faites ce que vous voulez" comme disait Aleister Crowley le médium sataniste dont le slogan a inspiré toute la pop culture.
Pour traiter le sujet de manière plus responsable, il faudrait demander aux gens qui ont vécu un EMI quel genre de spiritualité était la leur ainsi que celle de leurs ancêtres, même leur spiritualité inconsciente (car on peut vénérer des dieux ou des démons sans même s'en rendre compte). Pourquoi l'accident leur est arrivé à tel instant plutôt qu'à tel autre. Décrire plus précisément les "entités" qui s'y sont exprimées, entrer dans le détail. Une minorité seulement de gens qui vivent un coma ont des EMI. Pourquoi eux et pas les autres ? Non pas pourquoi eux d'après la structure de leur cerveau comme se le demande les scientifiques belges, mais pourquoi eux d'après ce qu'on peut deviner des dispositions spirituelles de leur vie. Et ensuite tenter de discerner, quel type de force a fait "voyager" leur âme, dans ce que les médiums appellent le "voyage astral". S'agit-il de forces du deuxième ou du troisième ciel ? Préparent-elles à une vie de vérité ou seulement à une vie de médiumnité voire à simplement une vie de plus grande intensité (ce qui n'est aucunement une garantie de salut ni de moralité) ?
A défaut de s'interroger sur tout cela, les reportages des mass médias sur le sujet sont plus dangereux qu'autre chose.
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PS : Ici une très bonne analyse des EMI d'un point de vue biblique
Mon vieux livre sur Nietzsche cité dans deux mémoires

Ne le cachons pas : je m'amuse à voir mon mémoire de maîtrise de 1992 (soutenu à Paris IV-Sorbonne) légèrement augmenté pour prendre la forme d'un livre en 2004 être cité dans des mémoires universitaires. Je trouve que c'est lui faire beaucoup trop d'honneur, mais bon, si les étudiants l'utilisent comme une marchepied commode pour s'initier au nietzschéisme, pourquoi pas ?
Il y a quelques années un étudiant congolais avait ouvert le bal en l'utilisant dans le cadre d'un travail sur les châtiments. Puis en 2009, ça a été Esteban Sierra Montiel de l'université de Toluca au Mexique avec un mémoire de maîtrise El problema del sujeto en la obra de Nietzsche qui me cite assez abondamment et parfois en parallèle avec un livre de Marco Parmeggiani,dont le titre Perspectivismo y subjetividad en Nietzsche, évoque beaucoup le mien, paru à Malaga en 2002.
Puis en 2016, c'est Benoit Duval de l'université de Laval au Canada qui dans un mémoire de maîtrise Amor fati : entre stoïcisme et nietzschéisme me cite rapidement sur le thème de la souffrance pour apporter des nuances à mon propos.
Il faut accepter que les ouvrages qu'on publie ne nous appartiennent plus. Au moins, grâce à L'Harmattan, ces livres sont dans les universités et ils sont réimprimés par delà les décennies, ce qui n'est pas le cas des livres des grands éditeurs.