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Colloque à l'assemblée nationale
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L'ancienne membre des Femen Eloïse Bouton organisait, avec le soutien de Sergio Coronado, député EELV de la 2e circonscription des Français de l'étranger, Amérique latine et Caraïbes, le 18 juin dernier à l'assemblée nationale un colloque assez axé, semble-t-il, sur le droit à exposer sa nudité (dans une optique très juridique). Je n'ai été prévenu par une association qu'un peu tardivement, mais les Inrockuptibles m'ont contacté aujourd'hui à ce sujet, ce qui sera l'occasion de poursuivre le colloque en quelque sorte en dehors de l'enceinte de nos institutions.
La nudité en ex-RDA
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Ci-dessous un documentaire d'André Meier (2007) idéologiquement très orienté (dans la définition qu'il a du bonheur sexuel notamment - est-il vrai qu'une sexualité sans image publique, et sans dimension rebelle est nécessairement une bonne sexualité ?). Il a le mérite de contrebalancer une certaine propagande occidentale anti-communiste des années 1970-80, et de montrer à la fois que la République démocratique allemande était fille de Clara Zetkin (mais les femmes du monde entier savent-elles de nos jours ce qu'elles doivent à Clara Zetkin ?) et quelle dialectique Est-Ouest a pu jouer, en RDA dans le sens de la libération des moeurs (notamment sur la libéralisation de l'avortement au début des années 1970, symétriquement au développement des hippies et de Commune 1 à l'Ouest), le rôle du livre de Siegfried Schnabl 1969 Mann und Frau intim.
Sur le rapport à la nudité dans les années 1970-1980, notons les remarques en 44ème minute sur l'érotisme amateur à domicile des films "Energie" présentés comme émanant du VEB Energiekombinat de Berlin, et en 46 ème minute, les fêtes à l'été 1987 du 750ème anniversaire de Berlin, où des nudistes défilent sous la présidence de Erich Honecker (le chiffre de 90 % de personnes ayant eu une expérience nudiste est avancé par Kurt Starke de l'université de Leipzig en minute 46'46).
http://www.youtube.com/watch?v=Fl_r7rIcds8
A propos de la nudité d'Andromède
"Andromède (en grec ancien Ἀνδρομέδα / Androméda) est une princesse éthiopienne. Fille du roi Céphée, elle est victime de l'orgueil de sa mère Cassiopée. Exposée nue sur un rocher pour y être dévorée par un monstre marin, elle est sauvée de justesse par Persée dont elle deviendra l'épouse" nous dit Wikipedia.
Le mythe a nourri une iconographie abondante à travers les siècles au point qu'on peut y voir une image paradigme de la "nudité humiliation" en version féminine.
Et cependant, Andromède (dont le thème est obsédant dans un roman comme les Ethiopiques) n'a pas nécessairement été toujours nue. Dans le roman "Leucippé et Clitophon" d'Achille Tatius dont les érudits vantent souvent la précision des témoignages, on nous décrit deux tableaux placés derrière le temple de Zeus (en fait un Zeus très "local", jeune et portant une grenade) dans la ville grecque de Péluse en Egypte (là où le grand Pompée fut décapité) : un tableau d'un certain Evanthès représentant Prométhée et un autre Andromède (l'un et l'autre enchaînés, peut-être des symboles de la condition humaine). Dans le second tableau, c'est Persée, le libérateur d'Andromède, qui est nu, et Andromède, elle, porte une blanche "tunique descendant à ses pieds" (Pléiade p. 923) d'un tissu léger "non pas comme cellui que l'on fait avec la toison des brebis mais semblable à ces flocons ailés que les femmes de l'Inde ramassent sur les arbres pour les filer" (du coton selon Pierre Grimal).
On observe qu'Apollodore dans sa Bibliothèque ne parle pas de sa nudité :
" Persée arriva en Éthiopie, où régnait Céphée, et il découvrit qu'Andromède, la fille du roi, avait été exposée pour devenir la proie d'un monstre marin. Car Cassiopée, l'épouse de Céphée, avait osé défier les Néréides dans un concours de beauté, en se vantant d'être plus belle qu'elles toutes. Les Néréides s'étaient offensées, et Poséidon se mit en colère : il envoya une inondation pour dévaster tout le territoire, et aussi un monstre marin. Ammon avait alors donné sa réponse : la seule façon de faire cesser ce fléau était de livrer Andromède, la fille de Cassiopée, en pâture au monstre. Céphée, sous la pression de ses sujets Éthiopiens, obéit : il enchaîna la jeune fille à un rocher. "
Pas de mention non plus de la nudité d'Andromède dans les Métamorphoses d'Ovide :
"There Jupiter Ammon had unjustly ordered the innocent Andromeda to pay the penalty for her mother Cassiopeia’s words.
As soon as Perseus, great-grandson of Abas, saw her fastened by her arms to the hard rock, he would have thought she was a marble statue, except that a light breeze stirred her hair, and warm tears ran from her eyes. He took fire without knowing it and was stunned, and seized by the vision of the form he saw, he almost forgot to flicker his wings in the air. As soon as he had touched down, he said ‘O, you do not deserve these chains, but those that link ardent lovers together. Tell me your name, I wish to know it, and the name of your country, and why you are wearing these fetters. At first she was silent: a virgin, she did not dare to address a man, and she would have hidden her face modestly with her hands, if they had not been fastened behind her. She used her eyes instead, and they filled with welling tears. At his repeated insistence, so as not to seem to be acknowledging a fault of her own, she told him her name and the name of her country, and what faith her mother had had in her own beauty.
Before she had finished speaking, all the waves resounded, and a monster menaced them, rising from the deep sea, and covered the wide waters with its breadth. The girl cried out: her grieving father and mother were together nearby, both wretched, but the mother more justifiably so. They bring no help with them, only weeping and lamentations to suit the moment, and cling to her fettered body. Then the stranger speaks ‘There will be plenty of time left for tears, but only a brief hour is given us to work. If I asked for this girl as Perseus, son of Jupiter and that Danaë, imprisoned in the brazen tower, whom Jupiter filled with his rich golden shower; Perseus conqueror of the Gorgon with snakes for hair, he who dared to fly, driven through the air, on soaring wings, then surely I should be preferred to all other suitors as a son-in-law. If the gods favour me, I will try to add further merit to these great gifts. I will make a bargain. Rescued by my courage, she must be mine.’ Her parents accept the contract (who would hesitate?) and, entreating him, promise a kingdom, as well, for a dowry."
Sur le vase corinthien du musée de Berlin (d'époque classique), c'est Persée qui est nu, et Andromède habillée
Dans la peinture d'époque romaine le tableau "Persée et Andromède" (à droite) de la villa d'Agrippa Postumus à Boscotrecase (musée de New York) montre un vêtement léger semblable à celui que décrit Achille Tatius. Il y a juste un début de dénudation dans la "Délivrance d'Andromède par Persée" de la maison des Dioscures à Pompéi (Naples) ce qui coïncide aussi avec des début de nus partiels pour les femmes (comme dans une fresque du sacrifice d'Iphigénie).
Mon hypothèse est qu'à partir de Praxitèle l'ouverture orientale de l'art grec (les déesses mères nues) a ouvert la voie à une nudité féminine conventionnelle. Mais c'est sous les cieux italiens de la Renaissance (dans les jeux de la société de cour et à la faveur de l'essor du néo-platonisme) que celle-ci a pleinement trouvé droit de cité dans l'art.
Chose amusante, la mise à l'écran de l'exposition d'Andromède en 1981 dans le film "Le choc des Titans" a abandonné la nudité de l'héroïne (cf la vidéo ici et ci-dessous). Un illustrateur de livres pour enfants (éditions anglo-américaines) explique que l'éditeur, pour un de ses dessins, lui a demandé récemment de couvrir Andromède d'assez de cheveux de sorte que sa poitrine ne soit pas visible.
Une classe de lycée devant une danse nue
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Témoignage d'un prof de lycée sur son blog après une visite au Centre national d'art et de culture :
"Passées les cinq premières salles les oeuvres exposées deviennent difficiles, et même les plus persévérants finissent par décrocher. Nous glissons de plus en plus vite vers la fin de l'exposition, comme si son sol était en pente. Bien, me dis-je ; il commence à faire faim. Il ne nous reste, pour finir en beauté, que quelques performances. Des toiles d'Yves Klein ouvrent la section, avec un film documentant ses Anthropométries de l'époque bleue.
"Mais pourquoi y font ça ? C'est dégueulasse. Ca se fait même pas !" Telle est leur opinion. Je hasarde des éléments d'explication, mais seule Catherine fait mine de m'écouter avec un profond scepticisme. Je suis de toute façon assez peu convaincu moi-même. Passons.
Dans la salle suivante, on projette un long extrait d'une chorégraphie de Jan Fabre, Quando l'uomo principale é una donna. Quatre de mes élèves se tassent sur un petit banc devant l'écran, figé par un mélange d'amusement énorme, d'incrédulité et de dégoût. Mais j'ai surtout la surprise de retrouver les CM1 croisés dans le hall, qui étouffent des cris pendant que leur conférencière impassible leur explique la centralité de l'huile dans les cultures méditerranéennes.
Tandis que la magnifique danseuse Lisbeth Gruwez rampe nue et expose largement sa vulve aux (jeunes) spectateurs, mon regard croise celui de l'accompagnatrice voilée. En un dixième de seconde, nous nous comprenons et nous savons que nous éprouvons exactement la même chose. De la honte. Je m'approche de Nassim et Houda, et je leur fais signe que nous devons partir. Ils traînassent. Je tourne les talons. Deux minutes plus tard, ils me rejoignent :
"-Vous auriez dû rester Monsieur, à un moment elle se met des olives dans le... euh... dans la...
-C'est bon Nassim, j'ai compris."
Juste avant la sortie, j'entends dans une dernière salle la sympathique chanson I like to move it, entendue dans le film Madagascar. J'entre à tout hasard. Il s'agit d'un extrait du spectacle de Jérôme Bel, The show must go on. Disposés en arc de cercle sur la scène, une vingtaine de danseurs reproduisent mécaniquement des gestes simples au rythme de la musique. L'un d'eux, sur la droite, a baissé son pantalon et remue en cadence un zboub de bonne dimension. Deux ou trois élèves retardataires le regardent avec intérêt.
Je sors. Les seconde ont bien ri. Sur le parvis toutefois, une de mes élèves préférées, Myriam, résume ainsi ses impressions : "Je me sens violée mentalement. Encore si j'avais été prévenue, mais là ils m'ont eue par surprise, je m'y attendais pas du tout. C'est censé être de l'art ces trucs-là ? C'est du..." Elle aussi cherche ses mots. Puis elle en trouve un, parfait : "... cannibalisme !" "
Conversation avec un libraire
Je parlais cet après-midi avec un libraire des beaux quartiers spécialisé dans les livres de photos. Il me disait que le livres de nu de vendaient très bien, qu'il ne lui en restait jamais sur les bras (à la différence des photos de paysage par exemple), mais que les éditeurs ne peuvent pas mettre n'importe quel type de nudité sur leur couverture. Il fallait que ce soit féminin pour que ça se vendre, et de la nudité qui suggère sans montrer. Par exemple une femme de dos dont les seins sont cachés, car sinon les libaires n'osaient pas afficher ça dans leur vitrine. Lui même a eu trois vitrines cassées à coups de batte de baseball parce qu'il est situé non loin de lycées catholiques de tendance assez dure. "Il faut dire que les ados sont, comme de mon temps, il y a 30 ans, prêts à se tordre le cou pour mieux voir et rouges pivoines dès qu'il y a des livres de nus visibles depuis la rue", me disait-il, ce qui me faisait penser aux adolescentes dans le RER il y a quelques mois gagnées par des réflexes de rejet et de rire devant une photo de Spencer Tunick.
Le défilé de mode nu de Robyn Coles à Londres
Les grands médias hier ont beaucoup parlé du défilé de chapeaux organisé par la jeune (31 ans) créatrice galloise inconnue Robyn Coles mardi dernier à la London Fashion, présentant des hommes et des femmes de tous âges (y compris une femme enceinte) nus, sur un mode plus "démocratique" en quelque sorte que le défilé nu des modèles dans le film Prêt-à-porter de Robert Altman (à rapprocher du même genre de défilé en décembre 2010 de Charlie Le Mindu mais avec chaussures et des corps plus conventionnels).
Je ne livrerai ici que le commentaire d'une des participantes sur son blog, la modèle italienne Alex B, posté sous le titre "Nude, pregnant and on the runaway".
"As I mentioned in my earlier post, on Tuesday I modelled for Robyn Coles Millinery as part of London Fashion Week. Robyn chose unconventional models, who would walk naked on the runway, wearing only her hats - most of the models were art models, such as myself . One of the models was Sophia Cahill, former Miss Wales and a glamour model, heavily pregnant with her second child.
The show certainly made people take notice. Nudity is always news , even more so if one of the nude models is pregnant.
Robyn admitted she did it to attract attention to the hats. We got our photos splashed on the web and in all papers within hours. Some people were sarcastic, some people applauded Robyn. I did not expect to see my self in the Metro yesterday morning, I was sitting on a train and someone was reading about it and my picture was there. It felt weird, but he could not possibly recognise me so I did not say or do anything.
But the most surprising reaction was from an Italian fashion blog with a post that was vitriolic and so very bigoted, it made me feel ashamed of being Italian. I will not translate it in full but it was a gratuitous attack on nudity. Pregnancy was viewed as if it were an illness, as if pregnant women's bodies were horrendous. It just made little sense to me. Robyn, by the way, was mistaken for a man - it shows the bloggers had done little research.
I think Sophia was beautiful and I am really glad her picture can be seen everywhere. She looked radiant on the catwalk.
As for me, fifty plus with grey hair to my waist, my inspiration is the beautiful Yasmina Rossi who at 55 sports similar hair - and who has also posed nude. I feel good about my body and about myself and I love Robyn's hats. This was the reason why I accepted to be in her show.
There is absolutely nothing wrong with nudity, it is time we should really question these anti-nudity attitudes. The nude has a great tradition in art. The rounded belly, inspired by pregnancy, was regarded as a sign of beauty by Renaissance artists. I would have thought these Italian bloggers would have some knowledge of such matters, coming as they do from a country that is steeped in art.
But hold on, the "Berlusconi generation" is rather bigoted and to my great chagrin, incredibly ignorant..."
Ce billet répondait à celui d'une certaine "Anna" (présentée comme une jeune blogueuse intéressée par la mode) qui trouvait notamment "à la limite du mauvais goût" la présence de la femme enceinte nue (Sophia Cahill, ex-Miss Pays de Galles). Le billet de cette "Anna" est d'ailleurs intéressant car il estime que le défilé porte atteinte à la dignité de l'ensemble des modèles, et pose le jugement selon lequel un défilé n'est pas la même chose qu'une photo.
Christine Boutin et la nudité : le renouveau de l'adamisme ?
L'ancienne ministre Mme Boutin l'a confié à Paris Match : elle aime être nue chez elle, "et dans l'eau" (détail qui a son importance). Elle est adepte du zéro vêtement et elle aime se promener nue. Ce n'est pas la première fois que j'entends ou lis des personnalités chrétiennes vanter les bienfaits de la nudité et n'y point voir de contradiction avec le dogme catholique (ce qui fut pourtant le cas jadis). Est-ce le signe d'un renouveau de l'adamisme en milieu chrétien ? Il y aurait beaucoup à dire et il faudrait chercher du côté de l'héritage grec aussi bien que vétéro-testamentaire pour comprendre ce qui se joue dans le renouveau de la nudité en milieu chrétien. Peut-être un sujet d'article...
Nudités russes (suite)
J'ai cité dans mon ouvrage sur la nudité le livre de Mikhaïl Stern (sexologue de son état) sur la vie sexuelle en Union soviétique, livre très apprécié par la propagande occidentale dans les années 1970 car il révélait certaines pathologies psychiques de la société russe (mais n'importe quel ouvrage d'un de ses homologues occidentaux en eût sans doute révélé autant sur l'Europe et les Etats-Unis).
L'utilisation quasiment officielle aujourd'hui de la nudité féminine dans la stratégie de communication de M. Poutine ferait oublier combien l'esthétique soviétique des grands-mères des jeunes russes actuelles était aux antipodes du phénomène actuel. La revue "La Vie parisienne" de juillet 1956 note dans sa chronique de cinéma :
"De passage à Paris, la plantureuse vedette soviétique d'Othello, Irène Skobtseva, a déclaré aux journalistes :
- Nous n'entendons jamais parler de sex-appeal dans nos studios. Il est convenu chez nous que cela n'a rien à faire avec l'art...
Et, avec un soupir de regret qui dilata son ample poitrine, elle précisa :
- On ne nous laisse même pas poser en maillot de bain...
En somme la ligne générale du parti est en désaccord formel avec celle des vedettes."
Dans le contexte de l'époque, les moeurs soviétiques tranchent avec celles de l'Europe occidentale où les pin-ups partiellement ou entièrement dévêtues font florès, notamment dans La Vie parisienne elle-même où la nudité en dessin est à chaque page de la revue.
N'étant pas spécialiste du cinéma russe, je ne peux me fier qu'aux éléments que donnent les fiches de Wikipedia. L'Othello auquel fait référence la revue est un film de Sergueï Yutkevitch (Ioutkevitch), qui a déjà une filmographie abondante à son actif à l'époque. Irina Skobtseva y joue Desdémone. Son partenaire sur scène qui joue le rôle d'Othello sera aussi son mari et le père de ses deux enfants (dont une actrice connue). Elle a 29 ans quand ses propos sont rapportés par La Vie parisienne. Elle vient alors de recevoir (en 1955) son diplôme d'actrice du Studio du théâtre d'art de Moscou. Othello, qui est son premier film, semble avoir connu un grand succès puisqu'il la conduit à visiter Paris peu de temps après sa sortie. Ses regrets sur les censures vestimentaires du cinéma soviétique ne l'ont cependant jamais conduite à s'exiler...