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Articles avec #notes de lecture tag

Egypte antique

9 Avril 2007 , Rédigé par CC Publié dans #down.under, #Histoire des idées, #Notes de lecture

Pour info, je viens de publier un petit commentaire assez critique du dernier essai d'un auteur à succès, Christian Jacq, sur Parutions.com.

En voici le texte : http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=4&ida=8031

Il est une manière de maltraiter l'histoire qui m'agace un peu. On retrouve ce travers aussi dans des livres beaucoup plus savants que celui-là. C'est regrettable.

Le charme obscur des sagesses anciennes

 

 

Christian Jacq, Les grands sages de l’Egypte ancienne

L'auteur du compte rendu : Docteur en sociologie, diplômé de l’Institut d’Etudes politiques de Paris et de la Sorbonne (maîtrise de philosophie), Christophe Colera est l'auteur, entre autre, chez L’Harmattan, de Individualité et subjectivité chez Nietzsche (2004).

 

La sagesse égyptienne a fasciné le monde antique jusqu’à l’époque romaine, puis à son tour l’Europe moderne cultivée est tombée sous son charme après le déchiffrage des hiéroglyphes. Christian Jacq, passionné d’égyptologie, et romancier à succès, entreprend une visite de deux mille ans d’histoire égyptienne à travers une galerie de portraits des principaux auteurs de traités et de maximes qui, tour à tour, créèrent et enrichirent l’idéologie pharaonique de leur temps.

 

L’ouvrage rempli d’érudition traverse les règnes, les dynasties, les décennies, les siècles, comme dans un voyage onirique. Les noms obscurs sont égrainés Imhotep, Méresânkh, Ipou-Our, Khêty. Tous sortis des abîmes de l’oubli, et parés par l’auteur de qualificatifs hyperboliques : « extraordinaire », « exceptionnel », « hors du commun ». De page en page, on s’abandonne à la torpeur des songes. L’Egypte du pharaon Djéser (autour de 2 650 av. JC) est nécessairement « sereine et puissante » (p. 21), même si Christian Jacq admet que nous ne disposons d’aucun document à ce sujet, Ramsès II (autour de 1 250 av. JC) offre « au Proche-Orient de belles années de tranquillité et prospérité » (p. 72). Moses Finley qui déjà regrettait ne pas disposer d’assez d’éléments sur la Rome de Caton pour savoir s’il fallait déduire du silence des textes l’existence d’une paix sociale se retournerait dans sa tombe… Sous la plume de Jacq, l’idée même d’une distance entre l’idéologie du pouvoir (par définition lénifiante) et la réalité du monde décrit est délibérément abolie. De même est abolie l’histoire : Christian Jacq, adhérant au système de contrainte qui obligeait les scribes au plus parfait conservatisme dans l’art de l’écriture tout comme dans le message délivré, semble dévoiler toujours la même sagesse, celle qui existe de tout temps, et qui vaut pour toutes les époques. La méthode donne des résultats étranges : ainsi par exemple on décrit l’enseignement de Ptahhotep comme s’il avait vraiment été celui d’un vizir du XXIV ème siècle avant notre ère … alors que les historiens soulignent habituellement que ces textes furent compilés, et peut-être même composés, près de trois cents ans après sa mort – en une époque troublée de morcellement du pouvoir, où les rituels monarchiques se démocratisent et où émerge une forme de conscience morale individuelle au regard du jugement dans l’au-delà. Un peu comme si l’on prétendait connaître les convictions profondes de Moïse, en omettant que tout ce que nous savons sur son compte ne fut écrit que six siècles après l’existence supposée du prophète (cf Finkelstein et Silberman)…

 

Plutôt que de rester rivé à une sagesse de l’immobilité, on aurait aimé que l’auteur n’oublie pas la philosophie héraclitéenne de Montaigne : « Le monde n'est qu'une branloire pérenne : Toutes choses y branlent sans cesse, la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d’Egypte».

 

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