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Les Cercles qui se réclament du Padre Pio
On a évoqué il y a six mois sur ce blog les Cercles Bruno Gröning (1906-1959) qui organisent une sorte de présence du grand médium guérisseur dans les assemblées qui se réclament de lui et par lesquelles le fondateur mort poursuit son oeuvre de guérison. Sans doute les chrétiens diraient-ils que les hérétiques ne font qu'imiter les oeuvres de Dieu, mais j'ai été surpris d'apprendre hier en écoutant une émission sur You Tube de l'association "Le Sentier de la Croix Glorieuse" (lié à Dozulé) que, dans le giron de l'Eglise catholique il existe autour de Padre Pio (1887-1968), le même genre de cercle très discret et confidentiel qui se réunit dans les monastères de capucins à travers le monde (par exemple, à date fixe à Paris, le deuxième samedi de chaque mois dans l'après midi, 32 Rue Boissonade, dans le 14ème arrondissement et le 3ème vendredi de chaque mois à St Nicolas des Champs).
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L'émission renvoyait au livre "Le Secret de Padre Pio", paru en 2013, que je me suis empressé d'acheter.
Comme le met en exergue la quatrième de couverture du livre, «le 13 mai 1981, Ali Agca tire sur Jean-Paul II. C'est un excellent tireur et pourtant cet assassinat échoue. Le tueur turc révèle alors : " (...) à côté de moi, il y avait une sœur qui, à un certain moment, m'a pris le bras droit, c'est pourquoi je n'ai pu continuer à tirer. Autrement, j'aurais tué le Pape."
Antonio Socci, en lisant ces mots, est saisi : qui est cette sœur ? Il mène alors l'enquête et remonte à sœur Rita, fille spirituelle de Padre Pio. Comment obtint-elle le « salut » d'un grand pape ?».
Antonio Socci, journaliste à la RAI, rappelle qu'une des deux premières balles, celle qui a touché le pape, a filé en zigzag dans le ventre et a évité de très peu l'aorte du pape. Ce que le pape a attribué à l'intervention de Notre Dame de Fatima, dont on célébrait l'anniversaire de la première apparition.
Socci s'est intéressé à la religieuse qu'Agca a vue à côté de lui au moment où il tirait. En rangeant des dossiers, il tombe sur l'histoire de Cristina Montella (soeur Rita Montella), "la petite fille du Padre Pio", stigmatisée en 1935, décédée en 1992 et qui avait le même âge que le pape. Il a enquêté en Toscane auprès du père Franco d'Anastasio, recteur du sanctuaire de Saint Gabriel de l'Addolorata (le saint patron des Abruzzes, mort en 1862). Tout de suite après 1981, soeur Rita confia au père Franco, lors d'un entretien - en lui faisant promettre d'en garder le secret jusqu'à sa mort), qu'elle avait été présente, en bilocation, sur la place Saint-Pierre, le 13 mai 1981. Elle avait ajouté : "Avec la Sainte Vierge, je déviai le coup de l'auteur de l'attentat contre le pape". Ce témoignage a déjà été cité dans 3 livres en Italie dans les années 2000).
Une autre fois soeur Rita dit à son amie Gabriella Panzani : "Comme il me fut difficile de faire en sorte que ce ne soit pas plus grave." Socci l'interprète ainsi (p. 18) : c'est à force de prières et de lourdes pénitences que soeur Rita obtint de pouvoir empêcher l'assassinat du pape, parce que la souffrance volontaire peut "faire violence à la justice de Dieu" (Mt 11:12, Romains 12:1).
Ali Agca a parlé de cette soeur qui retenu son bras, et Adriano Sofri dans la revue Panorama en 1997 a aussi évoqué cette religieuse qui s'est ensuite volatilisée.
Dans l'Echo de Bergame du 10 janvier 2006, Soeur Lucia Giudici, la soeur qui a arrêté le tueur et que Socci a pu interviewer en 2007, a confirmé qu'elle était à 10 m derrière lui quand il a tiré et que donc ce n'est pas elle qui a retenu son bras.
L'histoire de Soeur Rita permet de mieux comprendre la postérité du Padre Pio et son secret. Lucia Forentino, tertiaire franciscaine, morte en 1934 à 45 ans, qui avait des locutions intérieures et s'était offerte comme victime pour l'apostolat de Padre Pio a témoigné que Jésus en 1923 lui a dit que Padre Pio était l'arbre qui recouvrirait le monde entier qu'il lui avait annoncé en 1906. Maria Francesca Foresti (1878-1953), franciscaine qui connut Padre Pio en 1919, affirme que Jésus en rêve lui dit qu'il sauva l'Italie d'une révolution communiste grâce à la prière de Padre Pio (qu'il qualifie de "parfait imitateur" de sa vie) en 1920 (p. 27). Padre Pio lui-même a fait savoir à Giovanni Bardazzi (un ancien communiste qui amenait toutes les semaines des gens au Padre Pio) qu'il donnerait plus après sa mort. Le rôle de Soeur Rita s'explique d'autant plus qu'en avril 1948, Padre Pio avait dit à Wojtyla, 30 ans avant qu'il ne devînt pape : "Tu deviendras pape, mais je vois aussi sur toi du sang et de la violence".
Avant sa disciple Rita, Padre Pio avait été un habitué des bilocations. Il avait même précisé ceci à ses frères en 1922, veille de la fête de St Antoine : sans savoir si c'est le corps ou l'âme qui se déplace (bilocation objective/subjective), ils se sentent se déplacer. Resté à San Giovani Rotondo, en méditation, il avait été vu ailleurs et des gens avaient parlé avec lui. Le 18 janvier 1905, alors qu'il est étudiant en philosophie dans un couvent de Pianisi, vers 23 h tout en discutant avec un frère il est transporté das une maison seigneuriale où un père meurt et une enfant nait. La Sainte vierge la lui confie en disant que cette enfant très pure ira vers lui à Saint Pierre de Rome. Le Padre Pio le note dans son journal un mois plus tard (que le père Agostino de San Marco allait conserver).
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C'est la marquise Rizzani Boschi. Sa mère lui raconta qu'effectivement quand elle accoucha dans la cour de leur château en 1905 avant le dernier soupir de son mari, elle aperçut un capucin. La marquise chercha à se confesser en vain auprès d'un capucin (qui était Padre Pio mais elle l'ignorait) en 1922 à Saint Pierre de Rome puis alla le voir à San Giovani Rotondo. Quand elle devint franciscaine tertiaire Padre Pio la nomma Jacopa du nom d'une femme qui avait vu mourir St François d'Assise, et lui annonça qu'elle assisterait à sa mort, ce qui se passa en septembre 1968 (puisqu'elle entendit la voix du père, ce qui la poussa à se rendre à San Giovani Rotondo, puis le 22 septembre elle eut la vision de la mort du capucin, avec les gens qui y étaient présents, elle se réveilla brusquement, se rendit à sa cellule et apprit qu'il était mort. Elle avait donc assisté elle aussi à son décès par une forme de bilocation.
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Le Padre Pio avait fait plusieurs bilocations à Lourdes sans jamais sortir de son couvent, et pouvait en décrire le sanctuaire. Il priait fréquemment en bilocation avec soeur Rita Montella. Il apparut au général Cardona, chef d'Etat major catholique de l'armée italienne en Vénétie quand celui-ci voulut se suicider après la défaite de Caporetto. A partir de 1949 il assista aussi le primat de Hongrie incarcéré par les communistes dans sa geôle et lui apporta ce qui était nécessaire pour qu'il dise sa messe.
Les disciples du Padre Pio partagent les mêmes charismes. Mais à la différence des cercles de Bruno Gröning, ils le paient d'un prix élevé : ils se font "victimes" expiatoires pour le reste de l'humanité, comme Antonietta Vona (1886-1949) qui vivait allongée sur un lit, le corps recouvert de multiples plaies, ou une certaine "Laura" (pseudonyme), née en 1988, future mère de famille que le journaliste a rencontrée en 2005. Ces charismes se payent au prix fort : des souffrances horribles notamment au moment des célébrations des messes où les "victimes" revivent les souffrances de Jésus-Christ sur la croix.
A l'été 1994, une femme "victime", et employée d'un hôpital, qui était sous la guidance spirituelle du père Gabriele Amorth (1925-2016), exorciste du diocèse de Rome, annonça qu'aux portes de Rome une statuette de la Sainte Cierge (celle qu'avait achetée à Medjugorje le curé de Pantano et qu'il offrit à une famille de Civitavecchia en septembre 1994) pleurerait des larmes de sang, ce qu'elle fit à plusieurs reprises à partir du 2 février 1995, mais qu'avec des prières l'Italie éviterait la guerre civile. Selon Socci, le sacrifice de ces victimes joue un rôle cosmique spécial pour l'Italie, la papauté, et le monde. C'est, à n'en pas douter, un des aspects les moins connus de l'histoire contemporaine, et même de celle qui s'enseigne dans les milieux catholiques.
Les "guides" qui interdisent les doutes...
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Il y a peu je signalais que Saint Augustin sur certains points mettait en doute le fait que les expériences spirites puisse procéder uniquement de simulacres créés par des "esprits familiers", du moins lorsqu'elles sont involontaires.
En revanche pour ceux qui en font leur métier (les médiums) le soupçon à ce sujet peut quand même être maintenu, semble-t-il. Je crois que le dernier message du médium Reynald Roussel à ce sujet plaide dans ce sens.
A la minute 5'27 de la vidéo intitulée "Le contact spontané du médium" posé le 12 septembre 2020 (cf ci-dessous), il explique : "A un moment donné de ma vie, il y a pas très longtemps j'ai douté, je me suis dit est-ce que tout ça ça sert vraiment à quelque chose, est-ce que tout ça ce n'est pas fait exprès ? Et comme j'ai douté, je me suis fait rappeler à l'ordre par mes guides. Ha ! Ils m'ont dit 'on va tout te couper. Tu n'auras rien plus rien du tout, ça va te manquer'. Mais j'ai eu une période de doute, ça veut dire que je suis humain. Voilà".
Des "guides" qui menacent le médium qui ne croit pas que les morts qu'il voit sont vraiment des morts et qui soupçonne une mise en scène... Peut-on croire en une "vérité" imposée sous la menace ?
Encore un mot sur le texte de Saint Augustin et les nécrophanies
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Je repense à ce texte de Saint Augustin que je citais la semaine dernière.
Je veux bien adhérer à sa conclusions : qu'il ne faut pas chercher à savoir (encore que je peine à comprendre pourquoi il ne donne pas de raison à cet impératif, qu'il semble avoir découvert sur le tard). Mais tant qu'à ne point savoir, je dois au moins me défaire de la fausse connaissance que je traînais au cours des dernières années sous la foi de ce que disait un personnage à maints égards très suspect : Allan Rich. En écoutant ses enseignements, je m'étais mis en tête que les esprits des morts qui apparaissent aux spirites sont des "esprits familiers" "obh". Et ils étaient connotés négativement pour nous égarer. Mais cela semble trop simpliste.
L'âme du père de mon amie ivoirienne ne lui a rien fait faire de blâmable, ni du point de vue musulman qui était sa religion, ni du point de vue chrétien, quand il lui a enseigné où se trouvait sa tombe et comment lui rendre des honneurs mortuaires. Cela n'a détourné mon amie d'aucune bonne action, ni d'aucune bonne croyance (elles est au contraire devenue plus religieuse après cela), et elle n'est pas du tout devenue "accro" au spiritisme : elle ne s'est pas du tout tournée vers cela une fois qu'elle s'est acquittée de ce devoir. Elle a repris une existence de labeur vertueuse orientée vers la vie et l'avenir.
C'est exactement le même cas de figure que lorsque St Augustin évoque les morts sans sépulture qui apparaissent pour en obtenir une. Il n'y a tellement rien de blâmable à cela (et notez que cela n'a rien à voir avec la nécromancie), que même l'évêque d'Hippone en vient à la conclusion que l'apparition du mort dans ce cas peut être une "intervention d'un ange"... Mais si c'est un ange, pourquoi l'ange se dissimule-t-il sous les traits du défunt plutôt que d'annoncer directement la couleur sous son identité véritable ou même sous les traits d'un inconnu ?
Le Goff signale que le Moyen Age allait en venir à l'idée que le mort bénéficiait d'autorisations spéciales de sortie du purgatoire pour délivrer ce genre de message. On sent bien qu'il y a là quelque chose de mystérieux, qui peut faire signe éventuellement à une "démultiplication du mort" (entre la part qui reste sous la sentence du jugement et celle qui rôde encore près des vivants).
Notez que ce n'est pas plus simple à concevoir que, pour les vivants, cette notion du "double éthérique" que pointe aussi Augustin à propos des manifestations des vivants à d'autres vivants...
Tout cela renvoie aussi à cette complexité des expériences de mort imminente, toutes très diverses, entre ceux qui se retrouvent aux portes de l'Enfer comme le prof d'histoire de l'art accidenté à Paris dans les années 1980 ou la colombienne frappée par le foudre Gloria Polo (pour la plus grande joie pédagogique de l'Eglise), et ceux qui, entourés de leurs chers disparus, ont l'impression qu'il n'y a pas d'enfer du tout.
J'entendais tantôt le témoignage de René Volken, qui raconte comment son épouse récemment défunte lui a "préparé" une relation avec une autre femme peu de temps après sa mort, en le lui disant dans une expérience de mort imminente, tout en provoquant aussi quelque chose chez l'autre femme au moment de l'EMI. Là pour le coup on peut se demander si ce n'est pas un esprit mauvais ou un démon qui arrange ce genre de combinaison qui n'a pas vraiment l'aval de la morale chrétienne. Mais si je cite ici cette histoire, c'est parce qu'elle réunit en elle les deux dimensions du texte d'Augustin : celle de l'apparition du mort au vivant (encore que le vivant ne soit plus trop vivant puisqu'on se trouve en situation d'EMI), et celle de la manifestation d'un vivant à un autre vivant : puisque juste après que sa femme morte lui eut parlé, il "voit" la nouvelle femme (vivante) censée prendre la relève qui lui pose la main sur le front, et lui même apparaît à la femme qui se trouve en vacances à l'étranger...
La position de Saint Augustin sur les "apparitions des morts"
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J'ai évoqué dans mon livre sur les médiums le cas de cette amie ivoirienne que le fantôme de son père défunt guida jusqu'à sa tombe dont elle ignorait la localisation en 2015.
Je tombe ce soir sur ce que Saint Augustin disait de ce phénomène dans la seconde partie du "De cura pro mortuis gerenda" (telle que traduite par Jacques Le Goff dans "La naissance du Purgatoire" - Gallimard, 1981 p. 111) :
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"On raconte certaines apparitions qui me paraissent annexer un problème non négligeable à cette discussion. On dit que certains morts se sont montrés, soit pendant le sommeil, soit de toute autre manière, à des personnes vivantes. Ces personnes ignoraient l'endroit où leur cadavre gisait sans sépulture. Ils le leur ont indiqué et les ont priés de leur procurer la tombe qui leur manquait. Répondre que ces visions sont fausses, c'est paraître contredire avec impudence les témoignages écrits d'auteurs chrétiens et la conviction des gens qui affirment en avoir eues."
La thèse de St Augustin est que ce ne sont pas les morts eux-mêmes qui apparaissent. "Je serais porté à croire, au sujet de ces apparitions, à une intervention des anges qui, avec la permission ou sur l'ordre de Dieu, font savoir au rêveur que tels morts sont à ensevelir et cela à l'insu des morts eux-mêmes".
Il évoque à ce sujet une anecdote : "Etant à Milan, j'ai entendu raconter qu'un créancier, pour se faire rembourser une dette, se présenta avec la reconnaissance signée par le débiteur qui venait de mourir au fils de ce dernier. Or la dette avait été payée. Mais le fils l'ignorait et il entra dans une grande tristesse, s'étonnant que son père, qui avait fait pourtant son testament, ne lui en eût rien dit à sa mort.
Mais voilà que dans son extrême anxiété il voit son père lui apparaître en songe et lui indiquer l'endroit où se trouve le reçu qui avait annulé la reconnaissance. Il le trouve, le montre au créancier et non seulement repousse sa réclamation menteuse, mais rentre en possession de la pièce qui n'avait pas été rendue à son père au moment du remboursement. Voilà donc un fait où l'âme du défunt peut passer pour s'être mise en peine de son fils et être venue à lui pendant son sommeil pour lui apprendre ce qu'il ignorait et le tirer de sa grande inquiétude."
Il rapproche ce point de la question de l'apparition des vivants à d'autres vivants (et qui pose celle du "double éthérique", me semble-t-il) : "A peu près vers l'époque où on nous raconta ce fait, ajoute-t-il, et quand j'étais encore établi à Milan, il arriva à Eulogius, professeur d'éloquence à Carthage, mon disciple en cet art, comme il me l'a rappelé, l'événement suivant dont il me fit lui-même le récit, à mon retour en Afrique. Son cours portant sur les ouvrages de rhétorique de Cicéron, il préparait sa leçon pour le lendemain ; il tomba sur un passage obscur qu'il n'arriva pas à comprendre. Préoccupé, il eut toutes les peines du monde à s'endormir. Or voilà que je lui apparus pendant son sommeil et lui expliquai les phrases qui avaient résisté à son intelligence. Ce n'était pas moi, bien sûr, mais, à mon insu, mon image. J'étais alors bien loin, de l'autre côté de la mer, occupé à un autre travail ou faisant un autre rêve et n'avais cure le moins du monde de ses soucis.
Comment ces deux faits se sont-ils produits ? Je l'ignore".
Saint Augustin ajoute avec beaucoup de prudence : "Si quelqu'un m'avait répondu par hasard par ces mots de l'Ecriture : 'Ne cherche point ce qui est trop haut pour toi, ne scrute pas ce qui est trop fort pour toi, contente toi de méditer sans cesse les commandements du Seigneur' (Ecclésiaste, III, 22), j'aurais accueilli ce conseil avec reconnaissance. Ce n'est pas, en effet, un mince avantage, quand il s'agit de points obscurs et incertains qui échappent à notre compréhension, d'avoir tout au moins la claire certitude qu'il ne faut pas les étudier et, quand on veut s'instruire dans la pensée de savoir quelque chose d'utile, qu'il n'est pas nuisible d'ignorer."
Etrange que Saint Augustin évoque la possibilité du "hasard" dans les enseignements qu'il pouvait recevoir à ce sujet...
Médiumnité et christianisme : la filiation de Saint Cyriaque
Dans le sillage de mon livre sur les médiums, je continue de m'interroger sur le rapport entre médiumnité et christianisme. J'ai déjà souligné certaines contradictions comme le fait que Sylvie Simon ait entendu la mystique Marthe Robin reconnaître la présence d'extraterrestres près de sa maison, ou que le Padre Pio avait encouragé Mademoiselle Bouvier à persévérer dans sa vocation de spirite.
J'en ai "parlé" par mail à un exorciste d'évêché dont je tairai le nom : on peut faire dire ce qu'on veut aux mystiques morts m'a-t-il répondu en substance. Accuser à la légère quelqu'un de mensonge même sous forme de sous-entendu est un péché grave dont ce prêtre devrait se repentir s'il ne veut pas que cela ne gâche son activité d'exorciste (au passage cela ne grandit pas à mes yeux cette profession et conforte l'idée que certains exorcistes d'évêché chassent peut-être des démons à l'aide d'autres démons !).
J'ai été à nouveau troublé la semaine dernière de constater que feu le père Mathieu, capucin exorciste franc-comtois, dans une vidéo mise en ligne sur YouTube en 2017 (cf ci dessous), tout en disant le plus grand mal des magnétiseurs, reconnaissait avoir réalisé certains de ses exorcisme avec la Soeur de Boujailles décédée en 2015 et connue pour avoir été une guérisseuse et magnétiseuse toute sa vie. Désireux d'apprendre à faire la part du sacré et du diabolique dans ces affaires après mes expériences "bizarres" que j'ai vécues entre les mains des magnétiseurs en 2015, j'en ai interrogé un qui a connu la soeur de Boujailles.
Il m'a aimablement répondu ce matin. Il observe que "la religion catholique est très fermée concernant toutes ces pratiques divinatoires, guérisseurs... tous ces courants new age y mettant une odeur de soufre, (...) il n'empêche que dans ma pratique, j'ai déjà été consulté par des prêtres, soeurs... qui de ce fait ont une approche plus sereine..." J'avoue que l'argument en soi ne plaide pas pour la validité de la pratique car j'ai aussi un cousin qui a vu un prêtre dans une soirée échangiste, ce qui ne rend pas l'échangisme spirituellement licite pour autant.
Concernant la soeur de Boujailles il ajoute plus spécifiquement : "Le Père Matthieu connaissait parfaitement la pratique de la soeur de Boujailles, à savoir l'utilisation du pendule, les points énergétiques qu'elle pratiquait ainsi que le magnétisme, l'utilisation des plantes ainsi que le reboutement. Sa congrégation (les soeurs de la Sainte Famille à Besançon) connaissait également son activité. Sa "prescience" et son intuition, ses flashs faisaient également partie de son quotidien."
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Pour creuser la question, ce magnétiseur m'a orienté vers le ministère charismatique du Père Michele Bianco en Italie, recteur du Sanctuaire de Torre Le Nocelle à Avellino en Campanie où l'on conserve le sang de l'anachorète palestinien originaire de Corinthe saint Cyriaque à qui le prêtre, avec l'aide d'un spécialiste des civilisations indo-européennes et la journaliste Patrizia Cattaneo ont consacré un livre paru en français en 2017 aux éditions du Parvis.
Peut-être un sujet à creuser...
Mon nouveau livre : Les Nephilim

Vient de paraître chez L'Harmattan
Christophe Colera : Les Nephilim, une lecture biblique de l'histoire des Géants
Parmi les thèmes surnaturels bibliques marginalisés par la théologie académique figure celui des Nephilim, êtres hybrides issus de l'union narrée par le Livre de la Genèse entre les mystérieux « Fils de Dieu » et les femmes humaines. Selon certaines traditions ce sont des Géants, et leurs pères étaient des Anges déchus. L'ufologie et les réseaux sociaux, dans les milieux chrétiens, notamment aux États-Unis, confèrent à cette thématique un regain d'intérêt dans une optique apocalyptique. Cet ouvrage présente les thèses actuelles de ces chrétiens, ainsi que la manière dont ils projettent cette croyance dans leur lecture du monde contemporain, et en cherchent des preuves dans des domaines comme la possession psychique, la voyance, ou les énigmes archéologiques.
Vous pouvez le commander chez l'Editeur, sur Amazon, ou chez un libraire.
Jumeaux

Toute ma vie, jusqu'à ma découverte de l'existence du monde invisible en 2014, je me suis demandé pourquoi il y avait deux saints le jour de ma naissance Côme et Damien. Ma mère qui n'y connaissait rien disait : "on aurait dû t'appeler Côme-Damien". Mais un voile est souvent jeté sur nos yeux qui ne peut être levé qu'en son temps. Dès que je me suis retrouvé entre les mains des médiums, je suis aussi tombé sur une BD de Manara qui m'apprit qu'à la Renaissance on invoquait les Saints Guérisseurs pour guérir les gens : les jumeaux Côme et Damien... Une médium m'a aussi dit que j'étais issu d'une grossesse gémellaire : elle l'avait annoncé avec une certaine solennité - "est-ce que j'ai l'autorisation de vous le dire ? oui, alors je vous le dis" - et m'avait recommandé la lecture du livre "Le syndrome du jumeau perdu" d'Alfred et Bettina Austermann. C'était une époque où je n'accordais plus un crédit automatique à la parole des médiums, et notamment de celle-là, et je n'ai pas pris spécialement au sérieux son propos sur ce thème.
Ensuite quand j'ai emprunté la voie chrétienne, j'ai plutôt identifié ces recherches du jumeau perdu comme des pièges. Mais j'ai pu constater aussi que les soi-disant spécialistes de la Bible (les évangéliques, les théologiens etc) étaient incapables de m'expliquer cette étrange remarque qu'il y a à la fin du verset 11 du chapitre 28 des Actes des Apôtres : "Après un séjour de trois mois, nous nous embarquâmes sur un navire d'Alexandrie, qui avait passé l'hiver dans l'île, et qui portait pour enseigne les Dioscures."
Jamais dans la Bible aucun auteur ne précise quelle enseigne porte un bateau ou de quelle couleur sont les voiles. Peut-on supposer que Saint Luc dans ce passage-là ait "gratuitement" fait une référence aux Dioscures (les jumeaux Castor et Pollux). D'autres lectures du Nouveau Testament m'avaient montré qu'il arrive que les apôtres ne rejettent pas purement et simplement les références païennes : par exemple quand Saint Paul à Athènes fait l'éloge d'Epiménide le Crétois qu'il qualifie même de "prophète".
Cette année divers détails me ramènent aux jumeaux. Mes travaux sur les géants dans la Bible, à travers Michael Heiser, me révèlent l'importance d'une comparaison entre les récits de l'Ancien Testament et les mythes sumériens (à vrai dire je le savais déjà, mais qu'un chrétien convaincu le dise, voilà qui a du poids) début avril dans ce cadre j'ai découvert les travaux de Raymond Kuntzmann dont j'ai acheté le livre le plus connu "Le symbolisme des jumeaux au Proche-Orient ancien : Naissance, fonction et évolution d'un symbole" (1983).
Divers événements du printemps sont venus aussi relancer la thématique de la gémellité. J'ai travaillé sur le livre d'un Abkhaze, or je ne pouvais ignorer que leur capitale, Soukhoum, est l'antique Dioskourias, la ville des Dioscures. Et puis, le 11 juin mon attention était attirée sur un texte un peu curieux sur le rapport de Nietzsche à la thématique de l'âme soeur. Les médiums très souvent "titillent" votre psyché avec la thématique du double. La voyante Maud Kristen n'avait pas hésité à la faire en janvier 2015 quand je l'avais consultée, et je pense que ce n''est pas forcément pour le meilleur... Ce n'est pas là le meilleur aspect du problème.
Sur un plan psychologique à la mode dans les années 1980, Kuntzmann dans la conclusion de son livre notait à propos de Jacon et Esaü ou de Gilgamesh et Enkidu que "le symbole des jumeaux part de l'expérience angoissante de l'homme devant la divinité ou son destin. L'angoisse naît du fait de l'infifférencié, du manque de limites et de contours ou du flux constant qui marquent la divinité, le destin individuel ou l'histoire du groupe. Quand l'homme s'y affronte, ces réalités ne lui renvoient aucune image nette : au contraire, elles le font douter sur lui-même. Le symbole des jumeaux vient alors à point pour introduire les ruptures nécessaires à l'instauration de la différence rassurante". Et il ajoutait qu'il y a aussi une dimension initiatique à la victoire d'un héros sur son jumeau qui est une victoire contre soi-même.
Mais puisque nous parlons un peu de physique quantique sur ce blog depuis quelque temps (voyez ma remarque sur Dozulé), disons un mot sur l'intrication. Je vous renvoie par exemple à cet article de Sara Ducci. Elle écrit : "L’intrication est une des propriétés les plus fascinantes de la mécanique quantique ; quand deux particules sont intriquées, la mesure des propriétés de l’une permet de connaître instantanément les propriétés de sa jumelle, quelle que soit la distance les séparant. Après avoir été démontrée expérimentalement sur différents systèmes, l’intrication est aujourd’hui au cœur de plusieurs domaines de recherche, comme les communications, le calcul et la métrologie." En juillet 2017 un test avec des paires de photons intriqués émis depuis l'espace vers le sol a permis de battre un record en montrant, dans un premier temps, que l'intrication subsistait sur une distance de 1.200 km, et, dans une seconde expérience, qu'il permettait une téléportation jusqu'à 1.400 km via le satellite chinois Mozi. Mais ce genre d'application technique ne m'intéresse pas trop.
Plus profondes sont les implications spirituelles : l'action à distance sur les particules jumelles participe de la structure holographique de l'univers. Jack Sarfatti : "Tous les systèmes de conscience, indépendamment de leur localisation spatio-temporelle par rapport à l'appareillage expérimental, contribuent à l'ensemble du potentiel quantique ressenti par les photons ou les électrons individuels" (cité par Michael Talbot dans Mysticisme et physique nouvelle, Mercure de France, 1984 p. 53 et par le père Brune).
Dozulé : catholicisme, OVNIs et physique quantique
Je voudrais attirer votre attention sur une très bonne initiative qu'ont eue les responsables de l'association "Le sentier de la croix glorieuse" de mettre, il y a cinq mois, sur You Tube, les enregistrements sur cassettes magnétiques du témoignage de la voyante des apparitions de Dozulé (Calvados) Madeleine Aumont. Du point de vue de la spiritualité, de l'histoire, de la psychologie, des sciences naturelles etc c'est un élément très important : on eût aimé avoir à disposition le témoignage de Bernadette Soubirous de Lourdes, de Mélanie Calvat de La Salette et de tant d'autres voyants et visionnaires des siècles antérieurs. On a celui de Madeleine Aumont et c'est une très grande chance. Je les ai écoutés en partie. Ce qui frappe, c'est la simplicité et l'apparente sincérité avec laquelle cette dame raconte ce qu'elle a vu et entendu et comment cela s'est passé.
Ca n'a nullement l'air "scripté" comme on dit de nos jours en usant d'un anglicisme. La voyante ne semble pas raconter une "histoire officielle" dont un tiers lui aurait suggéré la narration. Tout cela semble provenir assez spontanément de ses souvenirs. Et l'on écartera donc, en ce qui concerne Dozulé, ce que j'ai écrit il y a peu à propos d'une réécriture de l'histoire signalée par l'occultiste Sylvie Simon autour d'une "présence extra-terrestre" autour de la maison de la mystique Marthe Robin en 1980.
Pas de réécriture, donc, si l'on tient cette hypothèse, l'inspiration est réellement catholique et non "extra-terrestre", sauf à faire le pari - défendu par certains - que les extraterrestres savent singer n'importe quel vocabulaire religieux orthodoxe et qu'ils aient inspiré d'eux-mêmes par une sorte de télépathie l'adhésion catholique de Madeleine Aumont qu'elle raconte dans son témoignage à partir de son retour à l'eucharistie. Il n'y a donc pas grand chose à retirer, me semble-t-il, de l'avis de la voyante recueilli par Rémy Mauger et Jacques Lacan et FR3 en 1986 (et lourdement souligné par la même chaîne 31 ans plus tard) sur son apparition de 1972 quand elle dit : "J'ai d'abord aperçu une forte lumière sur la bute, alors j'ai eu peur évidemment, j'ai pensé à une soucoupe volante, on en parlait à ce moment-là. Et puis je me disais 'même si les gens pensent qu'il y a des soucoupes volantes moi je leur dirais que c'est vrai, parce que j'ai cru que c'était ça. D'ailleurs après quand je suis retourné à la fenêtre la deuxième fois j'ai vu la croix qui s'est formée dans le ciel".
Il est indéniable que Madeleine Aumont "capte" des images en trois dimensions, et des "fragments de discours" (au sens où Roland Barthes parlait de "fragments d'un discours amoureux"), en latin notamment, dont elle ne peut pas être l'auteure puisqu'elle n'en comprend pas du tout le sens, et que c'est le curé du village qui ensuite les décrypte pour elle. Se peut-il qu'il y ait là simplement une sorte de phénomène quantique, lié à la structure "holographique" de l'univers dont parlait le père François Brune (cf ici) et qui voudrait que du fait d'une certaine intentionnalité du sujet (je le fait qu'il soit tourné vers la Foi) il ou elle "reçoive" sur un mode condensé des éléments spirituels qui "flotteraient" dans un univers quantique (que Jung assimilerait à l'inconscient collectif) ? A noter que "l'intentionalité" même ne ressort pas dans ce récit comme émanant du sujet puisqu'au départ elle n'est poussée vers l'eucharistie que pour faire plaisir à sa mère. Le goût pour la présence christique ne vient qu'après - ce qui nourrit une métaphysique de l'élection arbitraire qui va, notez le bien, dans le sens du quiétisme (un de mes sujets préférés)... Evidemment, le fait que cela soit subi peut jouer en faveur d'une hypothèse de manipulation par une entité extérieure (et pour le coup éventuellement extraterrestre) capable justement de jouer avec la structure quantique de l'univers. A ce sujet je renvoie à une intéressante interview d'un ex-patron de la DGSE Alain Juillet dans Paris Match le 11 avril 2020 du qui expliquait que les grandes puissances qui s'intéressent aux extraterrestres cherchent à "découvrir s’il n’y pas derrière le phénomène Ovni quelque chose qui, techniquement parlant, peut être intéressant." "Là, je débouche, ajoutait-il, sur un autre aspect ... qui a été expliqué par d’autres beaucoup plus forts que moi en la matière : nous passons d’une vision du monde modelée par la physique traditionnelle à une autre vision fondée sur la physique quantique. Et l’on comprend beaucoup mieux ces phénomènes à travers le prisme de la physique quantique qu’avec celui de la physique actuelle".
On observe à propos de Madeleine Aumont que, si les visions et les références sont très orthodoxes sur le plan religieux, les prophéties sont fausses - puisque la vision annonçait une guerre avec l'URSS avant la fin du siècle. Les prêtres disent en général (par exemple à propos de La Salette) que c'est parce que les prophéties sont conditionnelles, mais cela ne me convainc pas trop. On louera au passage la prudence de l'Eglise qui eut la bonne idée de soumettre Madeleine Aumont à l'exorcisme (peut-être un exorcisme pas assez poussé ?). Elle dit que le curé du village a estimé qu'elle n'était pas une "fausse prophète" parce qu'elle n'accomplissait pas des guérisons et des prodiges antéchristiques annoncés pour la fin des temps, mais c'est peut-être là une conclusion un peu hâtive...