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Articles avec #histoire secrete tag

Les ensorcelés de Garz/Carentia

11 Août 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire secrète

Dans le livre III chapitre IX, de ses Essais, Montaigne écrit :

"Nous n'avons pas fait marché, en nous mariant, de nous tenir continuellement accoués, l'un à l'autre, comme je ne sais quels petits animaux que  nous voyons, ou comme les ensorcelés de Karenty, d'une manière chiennine".

Depuis longtemps (cela figurait dans l’édition des Essais que je lisais au lycée) on nous dit que cette anecdote renvoie à la Gesta Danorum. Le commentateur de l'édition posthume de 1802, Jacques-André Naigeon, de l'institut national des sciences, nous dit même "C'est Saxon le grammairien qui nous a conservé l'histoire de ces ensorcelés. Voyez le liv. 14 de son hist. de Danemark".

L'édition de 1834 est plus circonstanciée encore puisqu'il y est précisé (p. 576) à côté de Karenty : "Ou Karantia, ville de l'île de Rugen, dans la mer Baltique. C'est Saxon le grammairien qui nous a conservé l'histoire de ces ensorcelés dans le livre XIV de son Histoire de Danemark. Il raconte que les habitants de cette ville, après avoir renoncé au culte de leurs idoles, les craignaient encore, se souvenant de la manière bizarre dot elles les avaient autrefois punis de leurs adultères : Siquidem maresin ea urbe cum feminis in concubitum ascitis, canum exemplo, cohoerere solebant, nec ab ipsis morando divelli poterant. Interdum utrique, perticis e diverso appensi, inusitato nexu ridiculum populo spectaculum proebuere. Si ce fait était véritable, on ne pourrait guère s'empêcher d'en conclure que le diable était alors beaucoup plus rigide et plus malin qu'il ne l'est aujourd'hui. "

Ce passage se trouve effectivement en p. 578 de ce document ou ici au niveau du 14.39.43.

En traduction française cela donne : "Il n'est pas étonnant qu'ils craignaient la puissance de ces dieux, par lesquels ils se souvenaient qu'ils avaient été punis plusieurs fois pour leurs crimes. En effet, les mâles de cette ville avaient l'habitude de cohabiter avec les femelles à la manière des chiens ascétiques, et ne pouvaient en être séparés. Cette abomination miraculeuse était venue par les statues ignominieuses du culte" . Cette remarque de Saxon intervient à propos de la réticence des habitants de Karentia/Karantia/Carentia/Korenica (aujourd'hui Garz, en Poméranie, au bord de la Baltique) à détruire la statue du dieu à plusieurs têtes Porenut, sur ordre de l'archevêque danois Absalon (1128-1201).

On ne manquera pas de noter ici que Montaigne avait lu en latin la Gesta Danorum, sans s'arrêter au neuf premiers livres (ceux traduits en anglais) résumés par les auteurs de la fiche Wikipedia sur cette chronique.

Montaigne, comme les commentateurs du XIXe siècle après lui, ont été surpris de ce que des divinités païennes aient pu à titre de punition condamner les couples à vivre collés l'un à l'autre, inséparables, comme un chien à l'égard de son maître.

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La Vierge et le serpent selon Saint Silouane

6 Août 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire secrète

Comme il menait une vie de jeune paysan chrétien ordinaire dans son village de Chovsk (province de Tambov en Russie), Saint Silouane de l’Athos (né Syméon Ivanovitch Antonov 1866-1938) à jouer de l'accordéon sur la place centrale et même à entrer dans des bagarres pour sauver son honneur devant les filles s'assoupit un jour (dans les années 1880) et vit dans l'état d'un léger sommeil un serpent qui se glissait dans sa bouche et pénétrait dans son corps. A ce moment, il entendit une voix qui lui disait : "Tu as avalé un serpent en rêve, et cela te répugne. De même je n'aime pas voir ce que tu fais. " "Syméon ne vit personne, ajoute son disciple l'archimandrite Sophrony dans la biographie qu'il lui consacre (eds du Cerf p. 18) ; il n'entendit que la voix qui prononçait ces paroles. La douceur et la beauté de cette voix étaient tout à fait extraordinaires. Malgré toute la douceur de cette voix, l'effet en fut bouleversant. Selon la profonde et inébranlable conviction du Starets, la voix qu'il avait entendue était celle de la Sainte Vierge. Jusqu'à la fin de ses jours il rendit grâce à la Mère de Dieu de ce qu'elle ne l'avait pas dédaigné mais qu'elle avait bien voulu le visiter (...) Le Starets attribuait à l'impureté dans laquelle il se trouvait à ce moment le fait de n'avoir pas été jugé digne de voir la Reine des Cieux".

Silouane l'Athonite était sensible à l'histoire de Saint Antoine conduit par Dieu à admirer le cordonnier d'Alexandrie convaincu de ce que tout le monde serait sauvé sauf lui, et lui-même était enclin par le Créateur à "maintenir son âme en enfer".

Il y a aussi chez ce saint des considérations très intéressantes et nuancées sur la façon font le starets prodigue les conseils qu'il tient de Dieu ou fait la part entre la lumière qui vient de l'âme et celle qui vient du divin, ce qui prouve bien que toutes ces questions n'ont rien d'évident en soi. La seule chose très manifeste c'est la force de l'expérience intérieure que vit le mystique. 

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Merveilleux protestant : les chants de psaumes célestes à Orthez en 1685

31 Juillet 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire secrète

Dans sa VIIe lettre pastorale du 1er décembre 1686, le calviniste Pierre Jurieu (1637-1713) écrit (p. 150 du recueil T. I), fait état "d'orages extraordinaires, de feux tombans du ciel ; d'autres sortant de la terre, de signes très parlants qui ont paru dans les airs, d'insectes de figure inconnue qu'on a cru voir tomber des cieux" et de "ce chant de psaumes qui a été entendu dans les airs en divers endroits".

Jurieu dit en avoir entendu parler, pour la première fois il y a"près d'un an" en Béarn, la "première province où fut envoyée la mission dragonne" de Louis XIV contre les protestants, du chant de psaumes. Le pasteur de l'Eglise d'Orthez Magendie ayant mené l'enquête a déclaré, dans une lettre du 23 novembre 1686 d'Amsterdam, qu'il recopie, que M. de Bazin s'étant promené avec un de ses amis aux alentours d'Orthez dans l'après-midi "ouit des voix qui chantaient les Psaumes, et, comme il crut que ce pouvaient être certaines femmes qui lavaient du linge" dans la rivière, "il courut à elles pour leur demander si c'était elles qui avaient chanté". "Elles lui dirent que ce n'étaient pas elles, et qu'il y avait longtemps qu'elles entendaient ce même chant de Psaumes" (p. 151). "Cela arriva quelques mois avant l'interdiction de nôtre temple". 

Par ailleurs Mademoiselle de Casenave, de la même ville, qui n'y croyait pas, reçut la promesse d'une femme qu'elle l'en avertirait si elle les entendait à nouveau. Lorsque cette femme, à 11 heures du soir "avec beaucoup d'autres personnes" se trouva à une extrémité d'Orthez, elle entendit les Psaumes. Elle courut chez Mlle Casenave qui sortit de son lit, fit lever une de ses voisines. Elles coururent à ce quartier d'Orthez éloigné de leur maison "où elles trouvèrent plusieurs personnes qui étaient ravies de cette douce mélodie, qu'elles entendaient dans les airs", et rentrent chez elles avec "cette grande consolation" de l'avoir entendue. Mme de Cazenave ajoute qu'après les Psaumes une voix parlait mais d'une façon peu compréhensible.

Les nombreuses personnes qui avaient entendu ce chant de Psaumes l'appelaient "le chant des anges". Cela les incitait à sortir la nuit et les jurats de la ville durent prendre une ordonnance d'interdiction de sortir la nuit.

Le ministre Garsin de l'église d'Orthez certifie (lettre du 23 septembre 1686 à Amsterdam) aussi que son beau-frère de Roux, avocat, entre 11h et minuit derrière sa maison dans cette ville a entendu un chant de psaume "au dessus de lui", puis d'un "endroit plus éloigné". L'avocat Clavier par ailleurs lui a dit que le curé Dufau, le sieur Lichirigai et un frère du curé, M. de la Roque, ont envoyé "quérir une fille papiste de Moncade pour savoir d'elle s'il était vrai qu'elle eût dit avoir oui ce chant de Psaumes" et "elle leur dit que oui". "Et lui ayant demandé comment elle savait que c'était le chant des psaumes, elle leur dit que c'était parce qu'elle avait oui la même chose que lorsqu'on chantait dans le temple". Comme les interrogateurs s'étonnaient qu'elle ait entendu ça au temple, elle précisé qu'elle "y avait été une fois à la suite d'un baptême, mais qu'allant à la fontaine, elle avait oui souvent ce chant passant devant le temple à l'heure des prêches et des prières."

Une autre attestation (du 22 novembre 1686) précise que dans l'année 1685, en août et septembre, Pierre de Maupoey, 23 ans, a oui "dans l'air chaud" à deux reprises un chant de psaume mélodieux, une fois devant la maison de Poey" où il était "à demi endormi, couché sur un banc", le chant l'a réveillé et a duré "près d'une demi-heure", puis il entra dans la maison de M. du Poey, marchant drappier, chez qui il travaillait. Il le dit à "mademoiselle du Poey et à ses filles". Elles le grondent de ne pas l'avoir averti. Huit jours plus tard, lui "et plusieurs autres" à 1 heure de matin se rendent à la Posterle (un lieu élevé de la ville) il entend "plusieurs voix dans l'air, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre". Il interroge Mlle Despagnou, fille de M. Dombideau, marchant d'Oloron, épouse d'un marchand tanneur accompagnée d'autres femmes du voisinage ": d'où venez vous ?" "Du gave, dirent-elles, près du moulin neuf". Il leur demande de quel côté venaient les voix. Elles disent qu'il leur semble que cela vient de la posterle. Mais lui même en venait et croyait que cela venait du moulin neuf. Ces personnes sont tombées d'accord pour estimer que cela était "dans les airs", "et que jamais elles n'avaient ouï de voix si belles"

Le père de Maupoey (qui avait changé de religion deux ans et demi plus tôt), voisin de Melle Despagnou et les autres femmes se tiennent sur la porte de la ville à 2 h du matin, avec un maréchal nomme Maresquas, "papiste de Lembeye, du quartier de Bitbil, qui ressort du Parlement de Navarre". Ceux-ci confirment qu'ils ont bien entendu un chant magnifique.

Pierre Jurieu cite encore le témoignage de M. Bergeret : en septembre 1685 il se couche à 8 heures du soir. Une demi-heure plus tard quelques voisines viennent et lui demande s'il est assez fou pour chanter des psaumes interdits. Au même moment sa mère entre dans la chambre pour le réveiller en disant qu'on "chante des psaumes en l'air". Il prête attention et croit que l'on chante dans le jardin.  Il sort, tout le voisinage se retrouve dans la rue de Moncade où l'on entend les psaumes.

Jean de Bordette en septembre 1685 a aussi vers 8 h du soir entendu les psaumes dans la rue, mais sans pouvoir identifier de quels psaumes il s'agit.

Mlle de Formalagués (attestation signée à Amsterdam du 4 septembre 1686) l' a entendu trois fois en octobre. Un vendredi vers 8 ou 9 h des voisines viennent l'avertir chez elle. Elle sort rue Saint Gilles et y trouve diverses personnes accourues de toute part pour entendre ces chants : "Et à l'instant, atteste-t-elle, mes oreilles furent frappées d'une mélodie si ravissante, que je n'ai jamais rien oui de semblable. Je pouvais discerner l'air de nos psaumes qui était chanté admirablement bien". Certains ont reconnu le début du psaume 41 qui à l'époque était traduit par "ainsi qu'on oit le cerf bruire". Mlle de Formalagué n'a jamais pu distinguer les mots. "J'ouis seulement une musique charmante, qui me représentait un grand nombre de voix très bien accordantes ; il y en avait une qui s'élevait par dessus les autres et qui se faisait remarquer lorsque toutes avaient fini" . Les voix ensuite diminuent peu à peu et se perdent "insensiblement dans les airs". La demoiselle rentre chez elle et se retrouve sur le pas de sa maison avec ses voisines et là, le chœur des anges reprend pendant un quart d'heure, puis disparait.

Le mardi suivant, elle est avec un parent sur la porte de sa maison le soir. Un grand nombre de voix retentissent avec force dans les airs. Elle court à l'appartement du médecin papiste qui loge en sa maison et qui était cette année là un des jurats d'Orthez. Il la suit sur le pas de la porte, mais fait semblant de ne rien entendre. Les voix se font plus fortes : "alors ayant pressé ce jurat, de me dire s'il oyait ce chant, cet homme ne put dissimuler la vérité". Mais il dit qu'il entend un beau chant mais dit qu'il reconnaît les voix d'Orthéziens qu'il nomme et qui sont connus pour leur bel organe, pour ne pas avouer que ce sont les anges. Mlle de Formalaguès s'exclame "Monsieur, si les hommes se taisent, les pierres mêmes parleront".

Monsieur de Brassalay gentilhomme d'honneur, témoigne que quelques jours avant la fermeture autoritaire des temples en Béarn, l'avocat Lichigaray Brunier persécuteur des protestants se leva de son lit pour aller dire au curé qu'il entendait une assemblée chanter des psaumes hors de la ville. Il passe aussi voir le sergent Goulan, catholique, pour le conduire au lieu où il pourra arrêter les membres de ce choeur. Mais le sergent penché à la fenêtre voit bien que cela vient des airs et qu'il n'y a donc rien à faire. Puis les chants ont continué pendant plus d'un mois. Cela ne venait pas d'une caverne précise Jurieu car à Orthez il n'y a que des maisons et des vignes et champs autour, et le chant des psaumes était interdit depuis longtemps. Tout le monde a fini par en entendre et Lichigaray Brunier a pu identifier le psaume 138 verset 2.

Le médecin Du Faur, jurat de la ville, l'entendit mais dit que c'était l'oeuvre de sorciers. "Le parlement de Pau et l'intendant de Béarn en ont aussi rendu le témoignage par un arrêt, qui défend d'aller écouter le chant des psaumes" sous peine d'amende. P. 163 Jurieu cite ensuite un témoignage sur les chants de psaumes dans les Cévennes, où les psaumes sont encore plus clairement identifiés, et même parfois accompagnés de bruits de tambours.

Le téléfilm de 1969 "Le Huguenot récalcitrant" évoque cette thématique des chants de psaumes célestes pendant les dragonnades, et aussi les apparitions d'anges qui ont été nombreuses en pays protestant dans les années postérieures à 1685.

Difficile de savoir quelle signification avaient ces phénomènes censés encourager les huguenots et quelle en était la source spirituelle.

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Une soi-disant abduction de jumeaux

29 Juillet 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire secrète

Une affaire de soi-disant abduction (rencontre rapprochée avec des OVNI) a fait parler d'elle à travers les travaux du psychiatre John Mack parus dans les années 1990 et qui se rapportait aux aventures survenues lors d'une excursion en camping en 1976, à Allagash (Maine USA) à quatre jeunes, qui ont élucidé à postériori ce qu'ils ont subi par l'hypnose.

Chuck Rak, un des quatre abductés (celui qui n'allait rien retrouver sous hypnose), quarante ans plus tard a prétendu que Jack Wiener et d'autres étaient sous l'effet du hashish afghan, mais les autres ont imputé ce démenti au ressentiment personnel de son auteur (mécontent de l'échec de ses régressions hypnotiques).

Jim Weiner a eu quelques années plus tard un accident à la tête provoquant une épilepsie tempero-limbique (convulsion des lobes temporaux avec hallucinations). Jim Weiner avait un jumeau, Jack.

Pendant des années, dans les années 1980, les jumeaux ont été hantés par des cauchemars avant de pouvoir en retrouver la cause.

« J’ai commencé à faire des cauchemars, a raconté Jack, des cauchemars vraiment terribles que je ne pouvais pas expliquer. Je me suis retrouvé dans une pièce très éclairée. Je n’avais aucune idée de l’endroit où j’étais ni de la raison pour laquelle j’étais là. À ma gauche, je pouvais voir mon frère Jim, Chuck Rak et Charlie Foltz assis sur une sorte de banc, et ils étaient tous nus. Je me demandais pourquoi ils ne m’aidaient pas, parce que j’avais l’impression d’être en danger, et alors que j’essayais de comprendre ce qui se passait, j’ai remarqué cette silhouette ou une silhouette sombre, de type ombre, émergeant de cette lumière – cette lumière vive devant moi. Je me réveillais, euh, euh, en sueur et en respirant fortement et juste dans un état de – dans un état de – dans un état de – dans un état de choc et de terreur. »

En 1988,  Jim, a avoué qu'il était lui aussi hanté par exactement les mêmes cauchemars :

« Certains éléments du rêve étaient toujours les mêmes : une sorte de créature, le fait d’être impuissante, d’être violé était un sentiment avec lequel je me réveillais souvent. »

Dans chaque rêve, les jumeaux étaient avec Charlie Foltz et Chuck Rak, deux amis qu'ils avaient rencontrés à l'école. Ils se demandaient si ces cauchemars pouvaient être liés à un voyage de camping de 1976 dans le Maine.

Dans des régressions hypnotiques, les jumeaux ont retrouvé que les "petits gris" avaient examiné leurs corps, d'où l'impact traumatique.

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Louis XIV, Raguet et l'Atlantide

26 Juin 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire secrète

Je veux ici reprendre les remarques récentes (2022) de Didier Coilhac sur Versailles et l'Atlantide en y ajoutant une mention des travaux de l'abbé Raguet sur la Nouvelle Atlantide de Bacon qui complètent ce que j'ai déjà écrit sur la Nouvelle Atlantide dans mon livre "Le Complotisme protestant". La juxtaposition de la vidéo de Coilhace et du livre de Raguet permet de comprendre l'importance du thème de l'Atlantide à l'époque de Louis XIV, même s'il est impossible pour l'heure d'en tirer des conclusions pour une compréhension plus profonde de cette époque.

                                                                                      *

Le point de départ des interrogations de Coilhac est le suivant : les statues des jardins du château de Versailles sont des allégories qui pour certaines représentent des caractères, pour d'autres des continents, pour d'autres des éléments (terre, air, feu, eau), pour d'autres des saisons, pour d'autres enfin des arts. Si on examine leur répartition (figure ci-dessous), il n'y a apparemment aucune cohérence, ce qui est contradictoire avec les idéaux de l'époque classique.

Même du point de vue de la répartition par sexe (homme/femme), il n'y a pas de cohérence.

Toutefois, si, comme Coilhac en avait déjà fait le pari à propos de Chambord, si les ruptures de symétrie ne sont là que pour attirer notre attention et coder un secret, on peut rapidement arriver à des observations très constructives. Prenons la statue qui représente l'Amérique : personnage féminin qui porte des plumes sur la tête, et un arc, avec un alligator à ses pieds et qui regarde vers l'Ouest.

Si on invertit la statue de l'Amérique avec celle du Mélancolique, on obtient ceci.

Cela aboutit à restaurer au moins une symétrie : celle des statues masculines et féminines par rapport à la ligne centrale rouge ci-dessous.

Ce qui nous y incite aussi, c'est la présente de la tête masculine à ses pieds, qui indique qu'elle a coupé le masculin et que donc il y avait là une erreur à corriger.

Et cette permutation des statues permet de rétablir aussi, de rétablir, par rapport à cette ligne rouge, de rétablir la symétrie des tempéraments humains (minute 14 de la vidéo).

Quel est le message dans cette inversion ? Le Mélancolique représente l'Initié. Il lit un livre (il a le savoir). Mais il le taira : il a un bandeau sélectif sur la bouche (cf à gauche). Sous son pied droit il y a un bloc de pierre, pour indiquer qu'il est le bâtisseur.  Il tient une bourse à la main droite, qui renvoie à celle que tient aussi un peu plus bas le dieu Mercure, dieu du commerce et de l'hermétisme.

En 1627, Francis Bacon (1561-1626) a publié la Nouvelle Atlantide. L'Amérique à Versailles, comme chez Bacon, représente d'Atlantide. Elle porte un drap symbole d'une destruction à venir comme dans beaucoup d'autres statues (le drap est un linceul). Dans la Galerie des glaces, un tableau de Lebrun représente Louis XIV tenant son code (qui veut dire aussi "encodage") entouré de deux Atlantes, vêtus d'un drap comme s'ils sortaient de leur tombeau et ressuscitaient.

Louis XIV est aussi représenté en roi atlante selon Coilhac dans "Le Rétablissement de la navigation" tableau de 1663 (il a alors 25 ans). Il porte le trident de Neptune, que l'on retrouve dans la statue de Neptune et Amphitrite. C'est lui qui détruira l'Atlantide. Dans la salle des Gardes la civilisation antédiluvienne de l'Atlantide est aussi représentée.

Dans le jardin, on voit Platon, le philosophe qui parla de l'Atlantide. Platon se tient la barbe ("barber" en vieux français veut dire tromper). Il est tourné vers deux vases dont un représente le char de Neptune, dieu de l'Atlantide, et un vase au trident. Un peu plus loin au carrefour des philosophes, se trouvent des statues qui ne sont pas des philosophes. Coilhac a étudié leur configuration d'origine au moment de la création des jardins. Pourquoi Ulysse est-il au carrefour des philosophes. Ulysse au Nord-Est fait face à Circé, la magicienne, au sud-ouest. Si on inverse Ulysse et Platon, Ulysse se retrouve à côté de Circé. Et Platon serait au carrefour des philosophes.

L'inversion est délibérée.

Si l'on distribue sur les petits bosquets l'alphabet, Sur l'axe Ulysse-Circé on a les lettres AEILN qui donnent "alien" (en vieux français étranger). Et si l'on inverse Platon et Ulysse, sur l'axe Platon-Ulysse on trouve ADELINST, lettres utiles pour former Atlantides au pluriel. Coilhac reconnaît que ce point est critiquable, et annonce qu'il y reviendra plus loin.

Tous les personnages du carrefour des philosophes ont connu l'exil, point censé attirer l'attention sur l'exil de Platon qui n'est pas dans le carrefour. Et le mot "exil" est écrit sur la ligne.

Ulysse parle aussi de l'Atlantide (minute 45) car Ogygie, l'île de Calypso, peut faire penser à ce continent. L'hypothèse de 'inversion des statues pourrait être contrée par la position de Diogène, situé en symétrie avec Platon, qui n'est pas non plus au carrefour des philosophes. Mais en réalité Diogène est inclus au codage. Il est exclu du carrefour en raison de son côté solitaire. Si on met Ulysse à la place de Platon c'est lui qui est en symétrie avec Diogène, ce qui est cohérent puisque celui-ci avait pris le héros d'Homère comme modèle. Avec l'inversion, Platon arrive à côté de Lysias, ce qui est logique parce que dans le Phèdre Socrate commente un discours de cet orateur.

Dans le groupe statuaire "La Renommée du Roi", le personnage ailé regarde la statue de Platon pour écrire quelque chose. Le personnage qui représente l'envie terrassée mordant un coeur peut faire penser à un Socrate condamné à boire la cigüe. Platon porte une flamme sur la tête. Si on inverse Platon avec La Renommée du roi, il ferait face à Neptune, le feu face à l'eau. La Renommée du roi est tournée vers Cronos, le dieu de l'Age d'Or. Pour mémoire pour Ignatius Donelly les dieux furent des personnages réels, et l'océan Atlantique était l'océan chronien,

Le château de Versailles compte 34 fenêtres sur chaque aile et 17 sur la façade. 17 revient souvent (comme 1717 la fondation de la maçonnerie en France ?). Il y a 102 statues (6X17). Il y a 6 statues au 1er étage. Et quand on distribue les lettres comme à l'a fait plus haut, c'est la lettre Q,la 17e qui se trouve en saillie. La galerie des glaces a 17 fenêtres, 17 arches sur le mur en face avec des miroirs. 17 est le nombre entre 16 et 18, présents dans le nombre d'or phi 1,618. Atlantide en guematrie fait 105, 17/105 donne 0,1619 très proche du nombre d'or. Dans la lettre 34 (2X17) Diogène se réfère à Ulysse.

La Galerie des glaces compte 27 tableaux, autant que des lettres distribuées dans le jardin. Nicolas Milovanovic a remarqué deux tableaux en symétrie que Coilhac va exploiter pour aussi mettre en valeur l'importance de 28 dans la composition, qui est le double de 14 (de Louis XIV).

Coilhac estime avoir ainsi révélé l'importance de l'Atlantide pour comprendre la logique de la composition de Versailles. Mais on ignore pourquoi il en est ainsi. Lui estime que plus on avancera dans le décodage de Versailles et de Chambord et plus cela risque de mener vers la découverte de caches secrètes de savoirs technologiques laissées par des civilisations antédiluviennes (ou des visiteurs d'autres planètes), mais c'est une réduction technocratique du problème à laquelle personnellement je ne souscris pas. Toutefois l'existence du code et son rapport avec l'Atlantide est ici montrée d'une façon intéressante.

                                                                              *

Je voudrais maintenant compléter cette approche purement architecturale de Didier Coilhac en présentant le contenu de la réédition de la Nouvelle Atlantide de Francis Bacon, éditions de 1702 approuvée par Louis XIV et dédiée au marquis de Magny, conseiller du roi et intendant de Basse-Normandie...

Cette édition est en fait présentée et établie par l'abbé Gilles Bernard Raguet (1668-1748). Raguet est un sulpicien belge, diplômé de la faculté de théologie de Toulouse qui allait treize ans plus tard enseigner la géométrie au futur Louis XV. Son protecteur le marquis de Magny (1643-1721), juriste, avait une riche bibliothèque dont les principaux exemplaires ont depuis lors été transférés en Angleterre et fut assez érudit pour découvrir en 1704 des ruines antiques à Vieux près de Caen (même si la fiche Wikipedia oublie de le  mentionner).

Ceux qui ont lu mon livre sur le complotisme protestant savent que Saint-Sulpice recèle des savoirs secrets. Il n'est pas besoin d'adhérer aux fantaisies de Dan Brown pour le constater. Et c'est un ordre très tourné vers l'Amérique. Rappelez vous par exemple qu'en 1781, le père John Carroll, un Américain issu d’une riche famille du Maryland, qui a enseigné à Bourges en France (une ville chargée d’occultisme) fonda le Séminaire des Sulpiciens à Baltimore et, en 1789, année de l'entrée en vigueur de la Constitution américaine, créa l'Université de Georgetown, une institution jésuite gérée par l'Ordre des Sulpiciens (selon la prédicatrice Barbara Aho).  Son frère Daniel Carroll (1730-1796), lui aussi élevé chez les Jésuites et par ailleurs franc-maçon, profita du droit ouvert aux catholiques en 1776 de devenir représentant du Maryland, et fut signataire des articles de la Confédération en 1781. Barbara Aho précise qu’il participa au rituel catholique de pose de la pierre de touche du Capitole à Washington en tant que représentant de la loge de son Etat. Tout cela dessine un lien entre jésuites, sulpiciens et futurs francs-maçons, et aussi avec la Rosecroix, car Francis Bacon est souvent présenté comme le père de ce mouvement.

En guise de préface à cette édition,  l'abbé Raguet propose un entretien entre deux amis, Philarque et Cléon, qu'il situe à Louvain, en Belgique. Le premier, anglais ("trinobante") catholique a été envoyé en France (Eleuthérie). Il est retourné en Angleterre lors du sacre de Jacques II (Josias), puis a travaillé pour Louis XIV. Cléon est le double de l'auteur (l'abbé Raguet), car il est né à Namur (Aduatica) comme lui. Il raconte que lui a voulu voyager dans sa jeunesse, mais a hésité entre l'Allemagne (Adelphie) et la France. Le raffinement de ce second pays lui fit préférer de s'y rendre. N'ayant plus son protecteur philosophe à Paris, il voyagea entre les Pyrénées (monts Cétubales) et les Alpes. Il fut finalement dissuadé de se rendre à Rome et rester en France pour traduire Bacon.

Raguet clôt ce dialogue introductif en expliquant que le livre de Bacon est de la pure fiction. On peut ensuite lire le roman de Bacon, ou sa présentation dans cet article de 2006. A partir de la p. 234, l'auteur reprend le dialogue entre Philarque et Cléon à propos du modèle de connaissance que présente Bensalem dans La Nouvelle Atlantide. On peut supposer que le fait que les noms des personnages et des pays soit codé, et la référence insistante à Mercure dans leur propos fasse signe vers quelque sens caché, mais nous n'avons pas été en mesure de le percer.

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Un sanctuaire gascon

26 Juin 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire secrète, #Christianisme

Une de mes correspondantes attirait mon attention sur ce qui fut jadis un très important sanctuaire gascon (on allait notamment y faire soigner son épilepsie - le "haut mal"), autour des reliques d'un baron batave, Saint Fris ou Fritz, qui se sacrifia pour résister aux Sarrasins à l'époque de Charles Martel.

Le sanctuaire se trouve à Bassoues dans le Gers. On peut trouver diverses informations à son sujet dans cet ouvrage de 1916. On y apprend (p. 73 et suiv.) notamment que c'est une vache qui a "inventé" selon l'expression consacrée les reliques et les a amenées près de la fontaine miraculeuse.

Avant cela en 1858, l'abbé Guilhempey avait rattaché l'origine de Bassoues aux cultes druidiques dans les bois voisins de Marsoulès, qui doivent leur nom à Mars (Esus dans le culte celtique) et détaillé (p. 9 et suiv, puis p. 34 et suiv) les miracles constatés à cet endroit.

Il est arrivé une étrange aventure à Mgr Henri Lamothe-Houdancour quand il fut archevêque d'Auch (donc entre 1661 et 1684), connut une mésaventure surnaturelle quand, accompagné de deux prêtres, il tenta d'ouvrir le tombeau de Saint Fris, mais ne voulut jamais dire ce qui s'était passé, et interdit aux prêtres de le répéter. Dom Brugèles dans ses chroniques ecclésiastiques du diocèse d'Auch de 1746 (p. 384) raconte qu'une grande flamme en sortit mais sans préciser comment il l'a su. Les récits concernant la punition des profanateurs à différentes époques sont nombreux. L'abbé Guilhempey en cite même un très circonstancié de 1818 (p. 46).

Il revint au béarnais de Salinis, dont j'ai parlé dans mon livre sur Lacordaire, d’ouvrer, quand il fut archevêque en 1856, à la restauration du sanctuaire, comme à Lacordaire de restaurer la Sainte-Baume (les deux étaient des libéraux autrefois proches de Lamennais). Bizarrement son biographe de 1873 l'abbé de Ladoue n'en parle pas.

Le pèlerinage à cet endroit avait lieu trois fois par an, dont à la Saint Jean, qui est le jour où ma correspondante a été inspirée pour s'y rendre (avant-hier 24 juin), sans savoir que Saint Fritz était mort, selon la tradition, le jour de cette fête.

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Fréquences maléfiques

18 Juin 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Les tubes des années 1980, #Histoire secrète

Il y a peu je voyais sur la chaîne YouTube d'une amie "Bohemian Rhapsody". Je me disais : "si seulement elle savait quelles horreurs se cachent derrière ce morceau de musique !".

La veille j'avais appris que les fans de Taylor Swift souffraient d'amnésie après ses concerts et certains vivaient même des sortes de décorporations dans ce cadre ("From out-of-body experiences to entering a dream-like state, Swift's fans - or Swifties as they prefer to be known - have taken to social media in recent days to reveal their guilt at not being able to remember key moments from the Eras tour. "). Cela évoquait à mes yeux l'effet "maléfique" des fréquences du concert Astroworld de Houston où dix personnes sont mortes en décembre 2021. Voyez aussi ce que j'ai déjà publié sur la musique par exemple ici.

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Joseph d'Arimathie et le Graal en Mayenne et Normandie

24 Mai 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire secrète, #Histoire des idées

On a vu à la suite d'Henri Martin que l'imaginaire celtique qui tournait autour du Graal et de Joseph d'Arimathie pouvait être lu comme une fusion entre l'évangile apocryphe de Nicodème et les traditions celtiques autour des bassines sacrées. Knight et Lomas dans "The Second Messiah" attribuent à l'initiative de Guillaume de Malmesbury. Il précisent aussi (p. 91) que "l'Eglise celtique, qui avait ses racines dans le christianisme alexandrin et s'étendait sur l'Irlande, l'Ecosse, le Pays de Galles et le nord de l'Angleterre, croyait que les femmes avaient un droit égal à la prêtrise, et elle a maintenu cette opinion jusqu'à son absorption par l'Eglise romaine catholique en 625 (Wikipedia donne 663-664), au synode de Whitby. Il est rapporté que les Pères de l'Eglise reconnaissaient l'autorité de Marie  (Madeleine), tandis que les historiens de l'Eglise ultérieurement se sont focalisés sur sa réputation de prostituée.

Il est connu que l'absolution utilisée par l'Ordre des Templiers était singulièrement hétérodoxe. Un précepteur templier, Radolphe de Gisisco précisait que l'absolution en français et non en latin en ces termes : "Je prie Dieu qu'il pardonne nos péchés, comme il a pardonné à Marie Magdelene".

Il y aurait selon eux une sorte de filiation entre  Joseph d'Arimathie, la gnose alexandrine, Marie Madeleine, l'Eglise celtique, les Templiers.

Un autre franc-maçon, Georges Bertin (ex vice recteur de l'université catholique de l'Ouest, auteur de deux livres sur les druides et deux sur la quête du Graal, décédé en 2022), qui avait été central au sein du Cercle d'Études Nouvelles d'Anthropologie (C.E.N.A.) explique dans cette vidéo à la minute d'1h03 qu'on trouve une forte présence de Joseph d'Arimathie en Mayenne et Normandie.

Selon Robert de Boron, Joseph d'Arimathie passe 42 ans en prison en se nourrissant du graal et de paroles mystérieuses que lui délivre Jésus à l'origine de l'ésotérisme chrétien. Le fils de Vespasien guéri par Ste Véronique libère Arimathie qui voyage jusqu'en Gaule avec trois saintes femmes (Marie Salomé, Marie-Cléophas - et non pas Marie l’Egyptienne comme le dit Bertin dans la vidéo - , Marie Madeleine), d'abord par les Saintes Maries de la Mer. Ils suivent la route de l'étain (oncle de Jésus il se serait enrichi en faisant le commerce de l’étain avec les Cornouailles et son neveu et lui auraient recueilli à Avalon l'enseignement secret des druides). Ils passent par le Mans – il existe une catacombe égyptienne dans le sous-sol du vieux Mans, on sait donc que c'était une voie de passage qui va du pays des gaulois sénomans jusqu’à Fécamp). A Montsûrs dans le diocèse de Laval se trouve une chapelle des Trois Maries. A Saint Fraimbault de Lassay (dont le fondateur auvergnat a pu inspirer le personnage de Lancelot du Lac) se trouvent, découverts par l'érudit local René Bansard (1904-1971), un calice et un trèfle sur une des douze pierres tombales de réemploi qui ont été utilisées pour construire l'église : Lancelot est le valet de trèfle, et la coupe est le Graal - cette dalle a pu être la stèle mortuaire de l'ermite Saint Fraimbault. A Fécamp à l'abbatiale de la Sainte Trinité on montre encore une ampoule qui aurait contenu le sang du Christ avant de partir pour Avalon. Les ossements de Saint-Fraimbault ont été transférés à Senlis par la femme d'Hugues Capet (Adélaïde princesse d'Aquitaine) pour en célébrer le culte et Aliénor d'Aquitaine (qui fit venir Chrétien de Troyes à Domfront) organisa à Senlis une grande fête en hommage au saint.

En 2016, Georges Bertin organisa un voyage à Glastonbury (au sud de Bristol) sur les traces du roi Arthur. 

Je ne crois pas que ce genre de "territorialisation" de l'imaginaire autour du Graal soit d'un grand intérêt pour la spiritualité. Mais cela permet simplement de comprendre certaines connexions entre diverses traditions autour de figures bibliques connues, certaines créations littéraires célèbres et des terroirs d'Angleterre et de France.

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