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L'ésotérisme "chrétien" du Hiéron du Val d'Or
Je ne suis pas très fan de la saga de Rennes-le-Château, même si je m'y suis un peu intéressé en 2014 et par la suite. Mais il faut reconnaître que c'est une porte d'entrée commode pour comprendre certaines recherches des ésotéristes du XXe siècle, car l'énigme de l'abbé Saunière a été au croisement de plusieurs courants, plusieurs sociétés secrètes.
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C'est ce que rappelait dans une conférence du 18 mai dernier à Paray-le-Monial Christian Doumergue (lequel hélas oublie de payer sa dette, si je ne me trompe, à Gino Sandri, mais bon...). Je n'en dirai que quelques mots. Dans cette conférence Doumergue rappelle le souvenir du baron Alexis de Sarachaga, catholique qui reçut sa mission mystique en voyant un enfant mort de froid à Saint Petersbourg (ce qui rappelle le Bouddha). Pris en charge par un Jésuite à Paray-le-Monial, fief de l'héritage de Marguerite Alacoque, il fonde une société (le Hiéron d'Or) qui voit dans le Christianisme le nom actuel de la religion primordiale comme le faisait déjà Saint Augustin quand il écrivait dans Rétractationes I,13,3: " la réalité même qu’on appelle maintenant la religion chrétienne existait jadis […] ; dès les origines, elle n’a pas fait défaut au genre humain jusqu’à ce que vienne le Christ dans la chair ; et c’est alors que la vraie religion, qui existait déjà, a commencé à prendre le nom de chrétienne ". Voir aussi "Le catholicisme avant Jésus-Christ" du chanoine Jallabert.
Marthe de Noaillat décédée le 6 février 1926, poursuivit l’œuvre de ce groupe, qui réunissait, avec l'approbation du pape Léon XIII (qui voulait réintégrer le surnaturel dans la science), archéologues, géologues, et qui était censé former des professeurs agrégés.
Le Hieron du Val d'Or recherchait les restes de la civilisation antédiluvienne comme l'Atlantide ou la Lémurie censée être directement en connexion avec le savoir de Dieu. Précurseur des travaux actuels de Grimault, ils voient chez les Egyptiens et les Aztèques les dépositaires de ces héritages. Ils estiment que les pyramides ont été construites par Hénoch avant le déluge, et sont alignées avec d'autres monuments à travers le monde (ils ont même enquêté au Venezuela). Des historiens de l'art, des archéologues, des théologiens en faisaient partie et même l'ésotériste Henri Favre.
Ils voient dans Isis (min 36) qui est une sorte de messagère de Dieu qu'on trouve en Gaule pour instruire les druides. Jusqu'en 1514 il y aurait eu, selon le Hiéron, une statue d'Isis à St Germain des Près. Issoire, Issy-l'Evêque, Chartres, la grotte de Massabielle à Lourdes. Isis serait apparue à Eve chassée de l'Eden et lui aurait révélé une voie de restauration du paradis perdu. Les Celtes sont des initiés "aoriques" d'après leurs symboles et leur culte solaire. Le culte de l'eau chez les Chrétiens (les sources des églises romanes) prolonge ce savoir celte. Ils ont beaucoup travaillé sur les mégalithes celtiques.
Jeanne Lépine-Authelain, collaboratrice des époux Noaillat, secrétaire de l'Association du Hiéron, expliquera que Paray-le-Monial fut le lieu où l'incendie des Pyrénées fut éteint par l'invocation d'Isis.
Elle fut l'initiatrice de Paul Le Cour, fondateur le 24 juin 1926, du Groupe d'Etudes atlantéennes (devenu ensuite Atlantis). Le Cour, en quête de sens pour sa vie, fut aiguillé en 1923 vers Paray-Le-Monial par le libraire Pierre Dujols, frère de celui qui se disait descendant des Valois. La rencontre entre Lépine et Le Cour fut d'ailleurs providentielle (récit à 1h29). Ils vont s'écrire 2 à 3 lettres par mois. Une lettre de Le Cour en 1925 pensait que derrière le Hiéron se trouvaient les supérieurs inconnus porteurs de l'Ere du Verseau comme il y a les templiers derrière les Jésuites. Lépine-Authelain lui explique certains aspects de l'architecture secrète, le feu sacré vers lequel elle pointe. En 1923 elle le félicite de ne plus s'égarer vers la théosophie et lui promet d'être bientôt prêt pour l'initiation à la combinaison de l'Evangile et de la Tradition.
Le Cour eut une grande influence sur l'homme qui braqua les projecteurs sur Rennes-le-Chateau, Pierre Plantard. Parmi les apocryphes qu'il a déposés à la Bibliothèque nationale, il y a "Les dossiers secrets " d'Henry Lobineau". On y trouve des extraits d'ouvrages de Paul Le Cour, avec en plus une référence au Hiéron du Val d'Or et à Paray-le-Monial.
Doumergue estime que Pierre Plantard et les gens qu'il inspira comme Gérard de Sède ou Henry Lincoln co-auteur de Holy Blood, Holy Grail, sont des artistes qui mêlent le vrai au faux parce qu'ils ne peuvent pas tout dire. Plantard dans diverses revues (notamment la revue Vaincre de la médium Geneviève Zaepffel) a confié croire que dans des endroits secrets se trouvent des savoirs transcendants antédiluviens. Il cherchait la tradition primordiale comme le Hiéron (et comme Guénon au même moment).
Gérard de Sède dans "L'Or de Rennes" écrit (min 1h09) "Les découvertes de quelque poids modifient toujours profondément l'univers mental de ceux qui les font. A plus forte raison l'auteur d'une trouvaille stupéfiante sera s'il en peut la révéler prisonnier d'une contradiction presque intolérable entre l'orgueil qui le pousse à publier et la crainte qui le contraint à se taire. Qu'on l'imagine obsédé sa vie durant par ce qu'il a vu qui était peut-être effrayant, mais dont il ne peut se délirer auprès de quiconque. Pour un tel homme la seule issue serait ainsi de parler en prenant soin qu'on ne puisse le comprendre ou de se faire comprendre en veillant à ne pas parler mais pour ce faire le langage commun n'est d'aucun secours. Il lui faudra donc forger un autre langage, créer une mer pour y jeter sans trop de risque le message qu'il tient en bouteille c'est-à-dire en futile ignorant réinventer l'hermétisme".
Tous les thèmes sur le trésor et sur la descendance de Jésus et Marie-Madeleine ne seraient que des devantures d'une recherche plus profonde sur la transmission de la tradition atlantéenne. Le conférencier dira même que Plantard a agi sur ordre en suivant des instructions d'initiés anonymes. Il remarque aussi que le travail sur Rennes-le-Chateau pourrait conduire à déplacer le regard vers Rennes-les-Bains, la commune voisine, dont le curé était passionné par les Celtes.
Doumergue remarque que l'abbé Saunière est lié au photographe de Toulouse Clovis Lassalle. Or celui-ci est mentionné dans des documents émanant de l’AMORC (Ancien et Mystique Ordre de la Rose Croix) américaine dont le fondateur Harvey Spencer Lewis a été initié dans le Sud de la France. Dans Voyage d'un pèlerin, ce dernier raconte avoir été conseillé à Toulouse par un photographe (dont il ne dit pas le nom) qui l'orienta vers un lieu secret d'initiation.
Gino Sandri, lui, précisait en 2018 qu'il était ancien membre de la société Atlantis de Jacques d'Arès, présenté comme un fils adoptif de Paul Le Cour. Je renvoie à sa vidéo pour mieux comprendre l'inspiration du Hiéron.
Ce mouvement millénariste a l'air très lié à la déesse mère (d'ailleurs Sarachaga aurait transmis à Le Cour via la succession de sa secrétaire une bague d'intronisation qui portait le portrait de Cybèle). A moins que la connexion à la Terre-mère soit purement allégorique.
Vannina Schirinsky-Schikhmatoff
On peut entendre sur You Tube un témoignage étonnant d'expériences de mort imminente de la médium Vannina Schirinsky-Schikhmatoff (née en 1973). Cette dame est fille d'un journaliste connu et d'une princesse Xénia Alexandrovna Schirinsky-Schikhmatoff qui avait elle-même des dons de médiumnité (qu'elle cachait) et issue d'une grand-mère qui avait fait une expérience de mort imminente en Russie jadis (et qui voyait des lutins).
Réincarnationniste convaincue (et adepte des spiritualités qui vont avec cette croyance dont elle parle dans de très longues interviews dont l'écoute est facultative), cette médium a aussi fait parler d'elle en 2019 sur France 3 Corse comme chargée de mission à la conservation et la restauration à la bibliothèque patrimoniale Fesch d'Ajaccio où elle a retrouvé le Thesaurus hieroglyphicorum, premier recueil d'égyptologie - dans sa version corse de 1610 (il n'y en a que 7 au monde répertoriés, dont 2 en France), annotée avec des nombres mystérieux qui ont pu être utilisés pour la création de loges maçonniques par des fidèles de Napoléon au retour de la campagne d'Egypte. La version corse a appartenu à Colbert (avec la signature de son bibliothécaire). Schirinsky-Schikhmatoff a aussi retrouvé des courriers de la famille impériale de Bonaparte (perdus au milieu de 13 mètres linéaires de livres de notre époque que la nouvelle bibliothécaire voulait jeter le lendemain). On sait que les médiums sous l'inspiration de leurs "guides" font souvent des trouvailles inattendues, quand ils se mêlent d'archéologie par exemple. Elle y a aussi retrouvé dans une réserve réputée hantée (on avait fait venir un exorciste pour nettoyer cet endroit en 1986, les lumières continuaient à y clignoter et une ambiance fort angoissante y régnait, d'après son témoignage sur Corse Matin en 2020), un exemplaire de la première édition du Philosophiae naturalis principia mathematica de Newton, ouvrage qui vaut des millions de dollars. Ici la médium raconte (en minute 24) qu'un fantôme (et peut-être d'autres entités) l'a aidée à trouver les livres, et notamment le Thesaurus au milieu de 2 500 livres. Son séjour à la bibliothèque s'est mal fini. Elle a même été attaquée à coup de poings et de tournevis (cf ici 29' minute). C'est d'ailleurs juste avant de partir avec tout le monde contre elle qu'elle a vu le livre de Newton dans le listing informatique des ouvrages, il lui est apparu comme surligné en lumière puis elle a été guidée jusqu'aux Principia mathematica en escaladant les étagères. "En prenant mes fonctions, j'ai eu l'impression que la bibliothèque m'appelait au secours", dit-elle. Elle l'a sauvée en lui rapportant une dotation de millions d'euros. La bibliothèque avait rendu des tas de gens odieux ou fous.
La bibliothèque corse a été constituée par Lucien Bonaparte. Rappelez vous que la Ste Baume aurait été sauvée en partie de l'extrémisme de la Terreur que par le zèle de Lucien Bonaparte (voir ses mémoires p. 49) et son adjoint, un moine défroqué surnommé "Epaminondas" (tout cela est très pythagoricien, comme la foi de Mme Schirinsky dans la réincarnation). Donc tout cela nous renvoie à l'aura de ce sanctuaire.
La dame a fait aussi des enluminures dans l'Allier (à Charroux).
Voilà donc un personnage étrange, visiblement bien intentionné quoi que l'on pense de ses croyances, qui a été utilisée par la Providence à des fins assez curieuses comme cette exhumation de livres rares. Les recherches sur le Thesaurus qu'elle a sorti des nimbes de la bibliothèque ajaccienne il y a cinq ans ne font l'objet d'aucune publicité sur le Net, le devenir du livre de Newton non plus. Dans son interview sur France 3 elle laisse échapper sur un mode énigmatique qu'elle a trouvé aussi d'autres choses, mais la journaliste ne la relance pas (il y a peut-être un accord pour que cela ne soit pas dit à l'antenne). Dommage...
Lapis Exilis et Rennes le Château.
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Nous parlions il y a peu (et il y a plus longtemps dans mon livre sur le complotisme protestant) de la Lapis Exilis. Le guénonien Jean Robin en parle aussi ici, à propos de Rennes-le-Château. En minute 19, il rappelle que "toutes les déesses antiques avaient leur pierre noire, Cybèle par exemple, Isis..." Ces pierres seraient des météorites. La Lapis exilis, en 1328, après l'abolition de l'ordre du temple, n'avait plus sa place dans une France régie par les "forces obscures". Elle a été soustraite à leur maléfice et aurait pu migrer vers l'Orient (l'Argartha par exemple), mais après la dissolution alchimique dans le chaos actuel (solve et coagula) elle réapparaîtra. Il explique aussi que la contre-initiation (satanique) qui tire l'humain vers le bas est née dans l'Atlantide (voyez ce qu'on en disait l'an dernier à propos de Versailles) et aurait investi Rennes-le-Chateau (Corruptio optimi pessima).
Alexandre le Grand, les Nephilim et le Baphomet
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Il faut que je vous parle de la dernière vidéo d'Ariel Cohen Alloro qui est un kabbaliste contemporain marginal mais intéressant à plusieurs égards - j'ai notamment déjà salué sur ce blog son travail sur les 12 apôtres ou sur les deux visages.
Dans cette vidéo d'il y a 15 jours intitulée "Who is Lucifer ?", il y a des éléments très utiles. Tout d'abord j'apprécie qu'il précise comme je le fais dans mon livre sur ce sujet que Nephilim peut à la fois signifier "géants" (comme dans le Livre des Nombres ch 13) ou "fils de Dieu" (les beni elohim, pères des géants) et précise (ce que j'ignorais) que cela dépend si le mot s'écrit avec ou sans la lettre youd... Ca n'a l'air de rien mais je crois que cela peu dissiper certaines équivoques de la Septante.
Evacuons aussi à titre préalable certaines approximations ou fautes de Cohen Alloro qui, à mon avis, nuisent à sa crédibilité : par exemple lorsqu'il dit qu'Alexandre fut instruit pas Socrate (au lieu d'Aristote), ou lorsqu'il fait un calcul absurde du titre d'Alexandre en intégrant le titre "augustus" (qui est latin) pour trouver que cela fait 666.
La partie vraiment à retenir est celle qu'il puise dans la Kabbala, selon laquelle Alexandre avant de se livrer à ses conquêtes avait eu accès au Jardin d'Eden (qui se situerait à l'Ouest) et y aurait goûté de l'Arbre de vie. Cela lui aurait conféré des pouvoirs exceptionnels. Cohen Alloro rappelle que selon la tradition juive Alexandre est un des huit rois qui auront dirigé le monde (le 9ème sera le Messie).
Voici ce que Cohen Alloro en tire. Selon lui, le fait qu'Alexandre fils d'Olympias soit un bâtard de Philippe en fait une sorte de Nephilim. Il rappelle que selon certaines traductions de Genèse 6:4 "Les Nephilim étaient sur la terre en ces jours-là, et aussi après", ce qui signifie qu'ils peuvent revenir dans l'histoire, même après le déluge, et "Ce sont ces puissants hommes qui de tout temps ont été des gens de renom", ce qui signifie qu'ils dirigent le monde - donc Alexandre comme 8ème roi peut diriger jusqu'à nos jours.
Rappelons que la naissance mystérieuse d'Alexandre, comme je l'avais souligné dans mon livre, le rattache dans Plutarque au serpent (ce que le new ager Oliver Stone montre dans son film sur ce personnage), et à Apollon. On est donc bien, d'un point de vue monothéiste, dans la symbolique des Nephilim.
Cohen Alloro se plonge ensuite dans le chapitre 8 du livre de Daniel. Il nous montre que le bouc qui vient de l'Ouest et renverse le bélier perse est Alexandre le Grand. Il est velu comme Esaü (c'est l'esprit d'Esaü qui est donc passé dans Olympias lors de sa naissance "miraculeuse"), il vient de l'Ouest (parce qu'il a eu accès à l'Arbre de Vie), il marche en lévitation au dessus du sol comme les anges. Daniel précise que cette vision concerne la Fin des Temps. Donc le règne d'Alexandre se perpétue, et il est plausible que ce soit à travers le Baphomet qui, comme Alexandre dans le Livre de Daniel, est un bouc...
Rappelons aussi qu'Alexandre porte les cornes du dieu Ammon, sur certains tétradrachmes frappés à son effigie, d'où son identification dans certaines traditions islamiques à Dhû-l-Qarnayn, celui aux deux cornes (de la sourate 18 du Coran), et le livre de Daniel au chapitre 8 parle beaucoup de ses cornes.
Cohen Alloro insiste aussi sur la mort mystérieuse d'Alexandre à 33 ans (chiffre maçonnique). Cela fait un lien un peu mince avec les Illuminati. Mais rappelons quand même qu'une certaine tradition du Graal (présente chez les sociétés secrètes) associe Alexandre à la pierre (Lapis Exilis, petite pierre, de la taille d'un oeil) de Lucifer. Dans le Iter Alexandri Magni ad Paradisum, livre juif du XIe siècle Alexandre reçoit cette pierre, et Wolfram von Eschenbach, dans sa version de la saga de Lancelot (comme je l'ai cité dans mon livre sur le Compotisme protestant) l'identifie au Graal (le terme vaut aussi pour la pierre philosophale en alchimie). Il y a peut-être là aussi une connexion possible.
Retour à Aphrodite Ourania
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En 2017, j'avais écrit sur l'Aphrodite céleste ici. Cela m'avait valu à l'époque de recevoir un message d'un certain Benjamin Bories qui voulait écrire sur la nudité - Dieu seul sait ce que ce garçon est devenu depuis lors. J'ai éprouvé aujourd'hui le besoin de retourner à la question de cette Aphrodite Ourania parce que j'ai de plus en plus conscience que la vérité, comme Aphrodite, est une perle dans un écrin, qui ne se donne pas à tout le monde (ou, comme le dit le christianisme qui à la Renaissance s'entremêlait avec le platonisme sur l'image d'Aphrodite, c'est la pierre de touche que tout le monde laisse au rebus). C'est pourquoi ce blog - qui au demeurant, comme mes livres, ne livre qu'une petite part des vérités que j'entrevois - n'intéresse personne, tandis que tout le monde se rue sur les vidéos de types qui, devant leurs micros, ne touchent qu'à la plus vulgaire écume des choses - l'Aphrodite Pandemos.
Pour méditer un peu sur l'Aphrodite céleste, j'ai regardé cette vidéo de l'universitaire britannique David Braund d'il y a neuf ans. Elle nous fait faire un détour par la Crimée grecque et la péninsule de Taman (le Royaume du Bosphore, à Bolshaya Bliznitsa), mais après tout pourquoi pas, cela convient à l'homme des marges que je suis.
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Les archéologues, sur la base d'Hérodote, ont parfois assimilé l'Aphrodite Ourania à la déesse chamanique scythe Argimpasa (que Yulia Ustinova a aussi rapprochée d'Astarte) Aphrodite Ourania est la déesse tutélaire du sancturaire Apaturum. Attardons nous un instant sur ce nom. Apatouros en grec veut dire trompeur. C'est un épithète d'Aphrodite à cet endroit car, assaillie par les géants, la déesse, selon Strabon, les trompa un par un en les envoyant à Héraklès qui les tua et les enterra. L'auteur d'un livre sur les Nephilim que je suis ne peut que s'intéresser à ce détail, d'autant que je sais que l'Abkhazie voisine (qui borde aussi la Mer Noire) a également une histoire forte avec les Géants. Braund rattache l'histoire au passé sismique de la région comme la Sicile (les cadavres des géants sous la terre causeraient les tremblements de terre), but that's another story for another day. Qu'Aphrodite céleste soit aussi l'Aphrodite trompeuse pour les brutes qui veulent se l'approprier trop facilement doit nous alerter !
Braund insiste sur l'intérêt qu'il y a à rattacher l'Aphrodite Ourania aux paysages qui entourent ses sanctuaires. C'est une tendance en vogue dans l'archéologie contemporaine : rattacher les cultes aux lieux, aux pratiques (on est de ce point de vue assez éloigné de la Renaissance italienne dont parlait mon billet de 2017. A ce stade on est en présence d'une déesse beaucoup moins "ésotérique" et associée aux recherches individuelles qu'à l'époque de Pic de la Mirandole. Il semble d'après Braund que dans le Royaume du Bosphore elle soit plus associée à un amour familial généralisé, un peu comme la Vénus de Pompéi décrite par jadis Paul Veyne.
En 1997 Maria Alexandrescu Vianu avait distingué l'Aphrodite Ourania-Astarte de Atargatis-Cybèle déesse nord-syrienne à Olbia, d'ailleurs appelée Aphrodite Syrienne. L'épiclèse Ourania pour l'Aphrodite Apatouros ne serait pas antérieure au IVe siècle - et la légende de l'Aphrodite trompeuse reprise par Strabon ne serait pas antérieure à cette époque là.
A Panticapée (aujourd'hui Ketrch) il y avait (d'après ce qu'on en savait en 1997) 3 inscriptions du IVe siècle à une Aphrodite sans épiclèse, et deux des années 200 av JC (une stèle et une base de statue) à Aphrodite Ourania Apatouria. Sur le relief de la stèle dédiée à Ourania, la déesse est représentée assiste sur un cygne envol, tenant un sceptre dans la main gauche. A sa gauche se trouve un Eros qui, si l'on en juge par l'aile restée dans sa main, portait un oiseau. L'Aphrodite sur le cygne est très répandue sur les vases de Kertch.
L'interpraetatio d'une déesse scythe ou orientale comme Aphrodite Ourania n'est pas spécifique au Bosphore. " Pour les Grecs classiques, Aphrodite était d’abord Ourania parce que fille d’Ouranos, écrit Vinciane Pirenne-Delforge du Collège de France. Ce n’était cependant pas la seule signification de l’épiclèse car c’est précisément en tant qu’Ourania qu’Aphrodite était qualifiée comme déesse venue d’ailleurs. Toutes les déesses étrangères auxquelles Hérodote s’attachera à donner une interpretatio graeca et qui adopteront le nom d’Aphrodite ne le feront jamais sans l’épithète Ourania : que ce soit la Mylitta des Perses, l’Astarté des Phéniciens ou l’Alilat des Arabes, chacune sera pensée en grec en tant qu’Aphrodite Ourania. De la même manière, Aphrodite Ourania est le nom grec adopté par des étrangers installant le culte de leur Grande déesse d’origine dans des cités grecques : les marchands de Kition de Chypre installent au Pirée, à la fin du ive siècle, un culte d’Aphrodite qu’une de leur compatriote honorera dans une inscription sous le nom d’Ourania. À Délos, les exemples ne manquent pas non plus de ce type d’interpretatio graeca (...) L’ambiguïté de l’adjectif, à la fois référence à la paternité du Ciel (tradition grecque) et à une origine orientale présumée, est bien présente dans les informations fournies par Pausanias à propos du sanctuaire d’Ourania à Athènes : Égée aurait fondé le culte (tradition « indigène »), mais c’est tout autant à Ascalon qu’il trouverait son origine première. C’est donc autour de cette épithète que se concentre le plus clairement l’ambiguïté de la personnalité d’Aphrodite telle qu’elle était déjà apparue en tant que « chypriote », Cypris. Ourania est la déesse d’ici et d’ailleurs, reine d’un ciel physique où elle règne au présent, mais qu’elle traversa jadis pour rejoindre la Grèce depuis une patrie dont l’identité exacte tend à se dissoudre. L’iconographie, quand elle offre l’image de la déesse chevauchant une monture dans un ciel étoile, parfois au-dessus des vagues de la mer201, condense ces deux conceptions de l’épithète."
Les lévitations de Saint Joseph de Cupertino
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Il y a peu un correspondant me parlait d'une fanatique des films d'horreurs qu'il connaissait et qui l'avait effrayé quand il avait vu qu'elle était capable de léviter à plus d'un mètre du sol. Assurément la lévitation est souvent diabolique comme dans le cas de Magdeleine de la Croix de Cordoue au siècle d'Or espagnol ou des possédées de Louviers sous Mazarin. L'ufologue soi-disant catholique, qui se vante du fait que ses recherches lui ont attiré l'intérêt de représentants de l'industrie aéronautique, fait preuve de moins de discernement quand dans "American Cosmic" elle se penche indistinctement sur tous les religieux lévitants en expliquant qu'elle cherche ainsi à mieux comprendre les personnes contactées par les extra-terrestres qui ont aussi lévité (comme si toutes les lévitations procédaient des mêmes mécanismes spirituels).
Elle a étudié notamment St Joseph de Cupertino.
Saint Joseph de Cupertino était un franciscain italien né en 1603. Il est connu pour ses talents extraordinaires en matière de lévitation (qui le conduisait haut dans le ciel) et de mystique. Il a également été considéré comme un saint pour son humilité et sa dévotion à Dieu.
Pasulka a eu accès au rapport de l'avocat dans le procès en canonisation du début du 18e siècle, qui fut impuissant à démentir les plus de mille témoignages sur les lévitations de ce saint, ce qui lui a valu de devenir le saint patron des aviateurs... Ste Thérèse d'Avila (comme l'indien Yogananda en son temps l'a rappelé), la carmélite Ste Marie-Madeleine de Pazzi, St Philippe de Néri, Pierre d'Alcantara, le Padre Pio, Maria de Agrada ou Mariam Baouardy (150 au total selon Herbert Thurston dans "The Physical phenomena of Mysticism", il y en a probablement plus).
L'ufologue raconte aussi que lors de son séjour à Rome pour étudier la canonisation de St Joseph de Cupertino, elle fut frappée par le nombre d'images à l'église de Ste Sabine sur l'élévation physique vers le ciel du Christ, d'Elie, d'Habakkuk.
Michael Grosso qui a aussi examiné le cas de ce saint pendant deux ans, et qui pense que le don de lévitation a sûrement un côté très naturel, précise que ce St Joseph au départ inspirait de la méfiance car il lévitait en allant vers l'arrière. Mais il le justifia en disant que ce mouvement lui était inspiré par l'humilité. Il avait aussi une forte disposition à l'extase notamment en lien avec la musique (il avait d'ailleurs un rapport si privilégié à la musique qu'il pouvait envoyer à des clarisses un oiseau au chant merveilleux pour les inviter à chanter, mais il s'agit peut-être d'une broderie poétique inventée par un biographe).
Tout cela est évoqué bien sûr au XIXe siècle par le P. Godefroy de Paris (1886-1950) qui cite aussi les ennuis que cela lui a valu, quand on l'a soupçonné d'être possédé ou de provoquer ses extases par des herbes.
L'auteur de sa biographie raconte même (p. 68) que le frère Joseph eut une lévitation involontaire quand il fut examiné par le pape : "Infortuné fra Giuseppe! Voilà maintenant que le pape, lui-même, se mettait en tête de l'examiner ! Toujours humble, toujours obéissant, le saint, accompagnant son général, se rend à l’audience pontificale qui lui avait été spécialement réservée. Il s’apprête, en silence, à subir ce quinzième examen d’appareil si solennel. Urbain VIII siégeait sur son trône. Nombre de cardinaux l’entouraient. Le Pape se disposait à l’interroger lorsque au moment où il baisait la mule du Pontife, le Saint volant fut ravi en extase et s’en alla planer près du plafond. "
Dans Vie de Saint Joseph de Cupertin de l'ordre des Frères mineurs du Fr. Bernini (1657-1723, le fils du célèbre sculpteur), on peut lire que "durant les seize années de séjour de Joseph à la Grottella, ses ravissements furent presque continuels. On le voit, dans l’église, s’élancer d'un bond sur la plate-forrne de l’autel, et, le jour du jeudi saint, voler du pavé de l’église au tombeau de Notre-Seigneur. Le jour de la fête de saint François, on le voit voler sur l’autel du saint patriarche, et, le jour de la fête de Notre-Dame du Carmel, sur le principal autel de la Madone. On l’a vu, dans sa cellule, si quelque parole venait embraser sa dévotion, voler dans l’espace en état de contemplation ; et, quelquefois, dans cette ascension, tenir un charbon ardent, sans que sa main en fût offensée. Au réfectoire, au milieu de ses frères glacés d’un saint effroi, on l’a vu se soulever sur son siège, et voler dans l’espace, enlevant avec lui un hérisson de mer. Enfin , dans les campagnes voisines de Cupertin, on l’a vu s’élever en volant, une fois sur un olivier, et une autre fois sur une grande croix qu’il avait miraculeusement plantée au lieu où elle se trouvait."
A chaque fois il s'agissait d'expériences que le saint ne maîtrisait pas et qui lui coûtaient. Michael Grosso, chercheur indépendant non religieux, mobilise le cas de St Joseph de Cupertin au service d'un panpsychisme à la Rupert Sheldrake.
En 1933, la revue "Science et monde" (numéro du 15 juin) qui jugeait irréfutables les témoignages sur les lévitations de St Joseph, concluait seulement, sur la base d'un livre du professeur Olivier Leroy :
"La lévitation consiste en une élévation verticale, suivie d’une position d’équilibre. La translation est plus rare. Le corps est généralement porté à une faible hauteur, et garde la position qu’il avait au moment où il a été enlevé, à genoux, debout, couché. Le lévité enfin dispose vis-à-vis des tiers d’une force ascensionnelle, parfois considérable. Il paraît bien établi que l’origine de la lévitation est à chercher dans une légèreté soudaine du corps. On a vu des corps en lévitation, dans des cas bien contrôlés, osciller au souffle du vent. Des personnes les ayant saisis ont été frappées de leur pesanteur infime. Ils les comparent à des plumes. C’est le cas d’un extatique cité par de Rochas et contrôlé par un professeur de la Faculté de Grenoble et un ingénieur, ancien polytechnicien. La redescente est progressive et l’atterrissage est sans heurt. Les plus longues lévitations (le moins bien assurées) auraient duré jusqu’à trois jours (Louis de Mantoue). Les cas les mieux avérés se réfèrent à des lévitations de quelques minutes. Pourtant on en cite une de Joseph de Copertino qui dura deux heures dans d’excellentes conditions de visibilité. Plus fréquente chez les hommes que chez les femmes, la lévitation n’a pas de rapport avec la santé. On a vu des mourants être ravis tout comme des gens très bien portants. Souvent le lévité n’a pas conscience de ce qui lui arrive. Dans l’état actuel de la science, aucune explication ne peut être fournie."
Le Graal en Espagne avant Chrétien de Troyes ?
Ce n'est pas la première fois qu'on s'intéresse au Graal sur ce blog, sous l'angle de Marie-Madeleine, des Templiers, ou de Joseph D'Arimathie.
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Je voudrais ici revenir sur ces origines du Graal, mais cette fois d'un point de vue espagnol, à travers l'interview ci-dessous de la médiéviste léonaise Margarita Torres qui nous parle ici (minute 19) d'une relique très connue en Espagne : le calice de l'infante de León Urraca de Zamora (1033-1101). Cet objet se trouve au musée de la collégiale de San Isidoro de León depuis le XIe siècle. Je précise à titre liminaire qu'outre son engagement politique à droite, l'historienne est aussi favorable aux Templiers (plus loin dans son interview elle dit beaucoup de bien de Jacques de Molay), ce qui peut faire signe vers des engagements maçonniques. Ses travaux sont en tout cas ont inspiré notamment le film américaine Onyx, les rois du Graal de Jim Caviezel (2018).
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Voici comment l'historienne essaie de démontrer qu'il s'agirait du Graal. Fille de Ferdinand Ier, doña Urraca fut une héroïne de guerre qui affronta sur le champ de bataille le roi de Castille, le Cid Campeadeor (qui inspira Corneille) etc. A son époque un objet venant d'Egypte qui est une moitié de l'actuel calice (qui est en deux partie) arrive en Espagne. C'est une coupe romaine abimée (il en manque un morceau). Deux parchemins de l'époque où le Leon fait partie de la Castille ont été retrouvés à l'université d'Al-Ahzar (min 26). Les manuscrits racontent qu'à l'époque du calife fatimide Al-Mustansir (qui régna de 1035 à 1094, il avait autorité sur Jérusalem) il y eut une famine telle que de milliers de chevaux de combat il n'en resta que trois, dont le calife mangea les deux derniers.
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Par charité l'empereur de Byzance lui envoya du blé. Le sultan de Dénia (près de Valence), Ali ibn Mujahid ad-Danii qui l'a également aidé (dit le premier parchemin) vers 1055 demande en retour la coupe dans laquelle Jésus a bu avec ses disciples qui se conserve à Quds (Jérusalem). Ad-Danii a précisé qu'il voulait en faire don à Ferdinand Ier de Leon et que les Chrétiens de Jérusalem n'ont accepté de le remettre au calife qu'à condition qu'il soit transporté par des mains chrétiennes. Le second parchemin, document administratif, porte un ordre de Saladin pour récupérer le fragment de la coupe qui a été enlevé par le gouverneur d'Egypte au moment du transport de celle-ci vers l'Ouest car il sivait que la coupe avait un pouvoir curatif et il voulait soigner sa fille.
Si l'on enlève les décorations ajoutées par Urraca, le calice est une coupe d'onyx, sur laquelle on voit l'impact du choc causé par le gouverneur d'Egypte pour enlever le fragment.
Au dessus de cette coupe se fixe une autre coupe en or qui a été ajoutée pour que les gens n'utilisent pas directement pour la messe une coupe où Jésus-Christ a bu mais une coupe au dessus à laquelle elle a transmis ses bénédictions (minute 34).
Ce "calix domini" est-il authentiquement celui de Jésus ? Les premiers textes sur ce calice à Jérusalem remontent au IVe siècle (le bréviaire A). Auparavant la clandestinité du christianisme ne permettait pas de noter ce genre de chose officiellement. Il y a aussi un texte d'Adomnan de l'abbaye écossaise d'Iona sur le témoignage d'Arculfe (VIIe siècle) sur ce qu'il a vu en Terre Sainte, relaté ensuite dans De Locis Sanctis qui décrit le calice comme étant d'onyx. Un document de Charlemagne aussi mentionne la présence de ce calice dans la Saint-Sépulcre dans une chapelle où deux prêtres le surveillent.
A San Isidoro de León au dessus des tombeaux des rois qui ont voulu être enterreés près du calice, se trouve une reproduction de la Cène,
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Tous les apôtres y ont leur coupe personnelle en métal.
Jésus a nécessairement eu une coupe en métal ou en pierre parce que les prescriptions juives pour la Pâque interdisaient les coupes en bois ou en céramique.
Jésus sur la fresque n'a pas de coupe. Sa coupe c'est ce personnage qui l'a en main : Marcial de Limoges, l'homme qui selon la légende servit Jésus.
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Le point important est que la forme et la couleur de la coupe, et la ligne noire qui se trouve aussi sur la coupe de Dona Urraca telle qu'on peut la voir quand on la démonte aujourd'hui. Donc l'auteur de la fresque a vu le calice.
Ferdinand II au XIIe siècle allait faire dévier le chemin du pèlerinage de St Jacques de Compostelle pour qu'il passe par la Collégiale de Saint Isidore. Il avait pour beau frère Philippe de Flandres qui avait pour chambellan Chrétien de Troyes, auteur du roman du Graal...
L'historien français Patrick Henriet qui fut le premier à remettre en question, dans un article publié en France, la théorie selon laquelle le calice de Doña Urraca était le Saint Graal, et accusant Margarita Torres et son collègue José Miguel Ortega de mélanger science et roman.
Alejandro García Sanjuán, professeur d'histoire médiévale à l'Université de Huelva, dans sa critique du livre Les Rois du Graal , dénonce la confusion entre fiction et savoir dont il souffre, révélant un manque de clarté dans la découverte des parchemins du Caire, dans le contenu et la traduction des documents eux-mêmes et dans une datation vague, ce qui le rend sceptique à ce sujet. Il décrit le livre comme une « œuvre commerciale conçue de manière stratégique ».
Ces démentis universitaires seraient à examiner mais à ce stade on ne peut pas partir du principe que ceux-ci sont plus pertinents que la thèse de M. Torres.