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Articles avec #histoire des idees tag

Vient de paraître "Le Complotisme protestant contemporain" de Christophe Colera

20 Juin 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Publications et commentaires, #Christianisme, #Histoire des idées, #Histoire secrète

Chez l'Harmattan. Un livre qui parle de la lecture que fait l'eschatologie (l'étude de la fin des temps) protestante des Mérovingien, des Templiers, et des Illuminati.

Vous pouvez le commander à l'éditeur ici.

 

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Fénelon et les visions de Mme Guyon

5 Juin 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

J'ai fait allusion en mars dernier au quiétisme dans un billet à propos d'un prédicateur protestant provençal.  Le quiétisme est une doctrine mystique consistant en un itinéraire spirituel de « cheminement vers Dieu » caractérisée par une grande passivité spirituelle vis-à-vis de Dieu. Née en Espagne, elle fut relancée par Mme Guyon, laquelle fut condamnée par Bossuet (évêque de Meaux et aumônier à la cour de Versailles) et le pape tandis qu'il était reproché (à partir de 1695) à son ami Fénelon (évêque de Cambrai et précepteur des fils du roi) de ne pas condamner assez fermement le quiétisme. Celui de Mme Guyon avait pour particularité de défendre que tout un chacun, et non pas des natures élues, pouvait par l'oraison du coeur (par la méditation chrétienne ou par la lecture) entrer en union avec Dieu (ce qui n'est pas très éloigné des croyances du yoga, et des sagesses orientales, mais on voit bien quel potentiel luciférien cela recèle).

Comme le résumait l'écrivain Paul Janet au XIXe siècle, dans la méthode de Mme Guyon pour atteindre Dieu : "Il faut que les chrétiens apprennent cette vérité fondamentale que le royaume de Dieu est au dedans de nous. Qu'ils disent leur Pater en pensant que Dieu est au dedans d'eux. Après avoir prononcé ce mot de Père, qu'ils demeurent quelques moments en silence avec beaucoup de respect. Ils ne doivent point se surcharger d'une quantité excessive de Pater et de prières vocales. C'est là le premier degré de l'oraison; le second est l'oraison de simplicité Ou de repos. Aussitôt qu'on a senti un petit goût de la présence de Dieu, il faut en demeurer là sans passer outre; il faut souffler doucement le feu et, lorsqu'il est allumé, cesser de souffler. Il faut y porter un amour pur et sans intérêt. Il ne faut pas se tourmenter des sécheresses. On croit marquer mieux son amour en cherchant Dieu avec sa tête et à force d'actions. Non; il faut qu'avec une patience amoureuse, un regard abaissé et humilié, un silence respectueux, nous attendions le retour du bien-aimé. C'est ici que commence l'abandon ou donation de soi-même à Dieu. Il faut renoncer à toutes les inclinations particulières, quelque bonnes qu'elles paraissent pour se mettre dans l'indifférence, soit pour l'âme, soit pour le corps, soit pour les biens temporels et éternels."

C'était une version édulcorée de ce que l'espagnol Molinos, fondateur du premier quiétisme, avait prôné : l'abandon de toute réflexion, de toute oeuvre et de toute recherche du salut dans la réception passive de la volonté de Dieu, au point qu'on peut laisser son corps au démon sans que l'âme puisse en être atteinte.

Je lisais tantôt justement la réponse de Fénelon à Bossuet sur ce sujet ("Réponse de M. l'archevêque de Cambray [Fénelon] à l'écrit de M. l'évêque de Meaux, intitulé : "Relation sur le quiétisme" "). Il y explique longuement que Mme de Guyon avait toujours déployé une spiritualité irréprochable, au point que Bossuet lui-même n'avait cessé de lui administrer les sacrements après avoir obtenu sa rétractation sur certains points, et que par contre il n'avait jamais connu le fond véritable des visions de cette mystique.

"Madame Guyon, écrit-il, m'avoit dit plusieurs fois qu'elle avoit de temps en temps certaines impressIons mommentanées , qui lui paraissoient dans le moment même des communications extraordinaires de Dieu, & dont il ne lui restoit aucune trace le moment d'après , mais qui lui paraissaient alors au contraire comme des songes. Elle ajoutoit qu'elle ne savoit si c'étoit ou imagination , ou illusion , ou , vérité, qu'elle n'en faisoit aucun cas , que suivant la régie du bienheureux Jean de la Croix elle demeuroit dans la voie obscure de la pure foi , ne s'arrêtant jamais volontairement à aucune de ces choses , qu'elle croyoit que Dieu permettoit qu'on y fut trompé, dès qu'on s'y arrêtoit, & qu'elle n'en avoit jamais parlé ni écrit que pour obéir à son Directeur. La bonne opinion que j'avois de sa sincerité me fit croire qu'elle me parloit sincerement , & je crûs qu'elle pouvoit être tres fidelle à la grâce au mi.lieu même d'une illusion involontaire , à laquelle elle m'assuroit qu'elle n'adheroit point. Loin d'être curieux sur le détail de ces choses, je crûs que le meilleur pour elle étoit de les laisser tomber , sans y faire aucune attention. "

Il compare les visions de Mme Guyon à celles que Satan procura à Ste Catherine de Boulogne pendant trois ans en se déguisant en Jésus et en Marie, selon le catéchisme du P. Burin, ce à quoi ledit catéchisme prônait pour remède l'obéissance à la Sainte Eglise, qui est exactement le parti que Mme Guyon disait avoir pris.

Fénelon témoigne qu'en 1696 il lui fut reproché de n'avoir pas déclaré que Mme Guyon "était ou folle ou méchante puisqu'elle se croyait la pierre angulaire, la femme de l'Apocalypse & l'Epouse au dessus de la mère de Jésus-Christ, & qu'elle croyait former une petite Eglise", et qu'il avait alors répondu que Mme Guyon avait dû mal d'exprimer ou être mal comprise. En réalité ce genre d'extravagance figurait bien dans les manuscrits de la visionnaire, mais Fénelon n'avait pas pris la peine de les lire, et il retournait l'accusation à nouveau contre Bossuet en demandant pourquoi lui qui les avait lus avait continué à donner les sacrements à la mystique.

Selon Fénelon, c'est lui est qui est visé par la polémique et non Mme Guyon : "Une femme ignorante & sans credit par elle meme ne pouvoit faire serieusement peur à personne. Il n'y avoit qu'à la faire taire & qu'à l'obliger de se retirer dans quelque solitude éloignée où elle ne se mêlât point de diriger. Il n'y avoit qu'à supprimer ses livres , & tout étoit fini. C'étoit l'expedient que j'avois d'abord proposé ; mais on le regarda comme un tour artificieux pour sauver cette femme, & pour éviter qu'on ne découvrit le fonds de sa pretendue secte. J'étois déjà suspect & je le fus encore d'avantage : après avoir proposé cet avis. Madame Guyon n'êtoit rien toute seule. Mais c'étoit moi que M. de Meaux (Bossuet) craignoit. "

Fénelon dit s'être reporté aux ascètes anciens -  St Clément d'Alexandrie, St Grégoire de Nazianze - et plus récents comme Jan Van Ruysbroeck, Harphius, Jean Tauler, Ste Thérèse d'Avila, St Jean de la Croix, Balthazar Alvarez, St François de ales ou Madame de Chantal pour montrer qu'il y a souvent des bizarreries dans les visions des mystiques sans que cela en fasse forcément des hérétiques aux yeux de l'Eglise.

Pour Fénelon, le fond du problème est la méfiance de Bossuet à l'égard de la recherche de la béatitude en général qui, du coup, le met en porte à faux aussi avec l'enseignement de St Paul, et de beaucoup d'autres saints. Et d'ailleurs Bossuet lui-même reconnaît dans la controverse que c'est le point décisif.

Concernant la réception passive de la béatitude, Fénelon précise qu'on a exagéré sa position : "Quoi que j'eusse nommé les actes faits dans l'état passif des actes inspirés, je declarois que je n'entendois par cette inspiration que celle de la grâce gratifiante qui est plus forte dans les ames parfaites & passives que dans les imparfaites & actives."    

Il ajoute p. 36 qu'il existe un sens du livre indépendant de ce que son auteur a mis en lui (la distinction d'Umberto Eco entre intentio auctoris et intentio operis). Là distinction est d'importance, car l'enjeu est de savoir si Mme Guyon était digne d'être physiquement brûlée comme Jeanne d'Arc ou pas (la question est posée en toutes lettres) et si Bossuet ou Fénelon ont méconnu leur office de prélats en ayant une attitude trop ferme ou trop modérée sur cette question. Fénelon estime qu'il a eu raison de continuer à Mme Guyon de bons sentiments indépendamment du caractère odieux de ses textes.

Fénelon n'est pas équivoque dans sa condamnation du livre, mais il semble que Bossuet lui ait fait le reproche d'en soutenir certaines hérésies. Le débat tourne alors moins autour de ce que Mme Guyon écrivait que sur certains thèmes généraux auxquels son propos de rattache. A commencer par la question des savoir s'il faut, par moment, ne point trop rechercher la vertu pour ne pas en tirer d'orgueil en la considérant comme un bien qu'on peut acquérir indépendamment de la grâce divine. C'est une idée que Fénelon défend en se réclamant de St François de Sales et d'Alvarez. De même Fénelon croit qu'il faut aimer Dieu "de pure bienveillance... indépendamment du motif de la béatitude" (la béatitude surnaturelle que Dieu ne nous doit pas). Cela n'implique pas qu'il ait été le "Montan d'une nouvelle Priscille", car l'amour gratuit de Dieu est pour lui propre à tous les saints, et n'implique pas un renoncement au salut comme chez les quiétistes.

Ce fascicule est intéressant parce qu'il montre la monstruosité des expériences qui sous-tendent des doctrines erronées (surtout à une époque où les gens avaient facilement des visions - voyez mon billet sur Jacqueline-Aimée Brohon, et l'écho trois siècles plus tôt chez Constance de Rabastens), monstruosité qui n'interdit pas par elle-même l'accès institutionnel à la sainteté catholique comme le montre ce cas étonnant de Ste Catherine de Bologne convaincue elle-même d'avoir été trompée pendant trois ans par le diable...

L'affaire est intéressante aussi sur le rapport de l'intellectuel au visionnaire, l'impact des visions sur le débat rationnel. C'est un point important qu'on retrouve dans divers milieux spirituels. Beaucoup se demandent évidemment ce qu'il faut "faire" des visions des voyant(e)s dans le milieu New Age, dans le bouddhisme, mais aussi au sein du christianisme : dans le protestantisme que valent les vision du mage Swedenborg, ou celles aujourd'hui d'un Allan Rich ou de Sadhu Sundar Selvaraj ? Quid en milieu catholique de Soeur Catherine Emmerich ou de Marthe Robin ? Par delà la question d' "éprouver les Esprits" comme dit Saint Paul, il y a celle de la place à accorder aux charismes comme les dons de vision, ou les dons de guérison, à côté du débat d'idée proprement dit bordé par la valeur dogmatique des Saintes Ecritures. C'est une problématique qui est aussi très présente chez Gougenot des Mousseaux au XIXe siècle dont j'ai parlé sur ce blog en 2015.

La question de savoir comment appréhender les visionnaire (ou ceux qui ont des inspirations "bizarres"),, jusqu'à quel point il faut dissocier le discours qu'ils produisent de leur personnalité intime est aussi d'actualité.

Fénelon se montre dans cette affaire plus souple de caractère que Bossuet. C'est peut-être plus affaire de psychologie que de doctrine. Voltaire eut l'occasion de souligner plaisamment l'effet de contraste à ce sujet en disant que si Bossuet était "l'aigle de Meaux", Fénelon était "le cygne de Cambrai".

Mme de Maintenon, la favorite de Louis XIV,  a estimé que Dieu avait voulu humilier Fénelon qui avait trop confiance en son génie en le soumettant à l'épreuve de la controverse autour de Mme Guyon. Comme le rappelle Janet, la polémique était pourtant partie sur une base assez saine, Fénelon ayant lui-même incité Mme de Guyon à envoyer son manuscrit à Bossuet pour validation. Bossuet connaissait mal les mystiques. Des évêques avaient tenu en 1696 des conférences à Issy, pour poser les principes de l'Eglise sur les sujets controversé, Mme Guyon les avait acceptés et toute la difficulté est venue, selon Janet, de ce que les commissaires s'étaient engagés à publier, chacun de leur côté, un commentaire des articles votés. "C'est de cette promesse que sortirent les deux livres qu'a produits cette controverse : L' Introduction sur les états d'oraison, de Bossuet, et l'Explication des Maximes des Saints, de Fénelon. De là vint le mal. On voulut s'expliquer, et dès lors on ne s'entendit plus".

Le noeud du refus de Fénelon d'approuver l'ouvrage de Bossuet tient au fait qu'il trouvait que Bossuet allait trop loin dans sa proscription de la mysticité (c'est ce qu'on a vu plus haut sur la question de la béatitude).  

La retenue plaintive qu'on sent dans le texte de Fénelon n'aura pas atténué le fiel qui finit par se répandre et lui coûta finalement son siège d'archevêque (alors pourtant qu'au départ le pape lui était plus favorable qu'au très gallican Bossuet). Janet pense que Fénelon n'a jamais vraiment été intéressé par le quiétisme et que cela se sent dans le côté terne de son "Explication des Maximes des Saints" qui tranche avec la beauté de ses autres livres et avec le côté coloré des textes de Mme Guyon. Il avait eu le tort de ne pas suffisamment prévenir les égarements imaginaires de son amie mystique, mais il avait  eu raison ensuite de vouloir défendre sa thèse selon laquelle on doit aimer Dieu indépendamment de la recherche du salut (d'ailleurs le collège papal sur son compte rendit un jugement mitigé). Mais il avait abordé la question d'un point de vue trop "pur", pas assez pratique...

Comme le dit Janet, il faut avoir beaucoup de théologie pour savoir qui avait vraiment raison dans cette controverse. En tout cas le style de ce débat fait réfléchir. Il manifeste à la fois un côté très affectif parfaitement assumé - l'un et l'autre dans leurs échanges n'ont pas hésité à décrire leurs sentiments au vu et au su de tous, comme si cela cautionnait leur sincérité - et en même temps une sorte d'obligation de douceur et de bienveillance qui fait que chacun doit afficher ses bonnes intentions à l'égard de l'autre, et de l'avenir de la communauté chrétienne (l'Eglise, le royaume de France), et montrer en toute humilité que c'est l'autre qui verse dans l'excès et l'injustice sans jamais se laisser aller soi même à l'invective. Il s'agit là d'un impératif lié au catholicisme qui donne à la controverse une tonalité très différente du côté hargneux des débats intellectuels à partir du siècle des Lumières et jusqu'à nos jours. Il est vrai que les prélats étaient très proches, évoluant dans les mêmes cercles de pouvoir, dans les mêmes lieux, auprès des mêmes personnes, et partageant une culture commune. Cette proximité rend le niveau d'argumentation d'autant plus intéressant : ce n'est pas un dialogue de sourds, mais l'équivalent d'un dialogue intérieur qu'un chrétien pourrait avoir avec lui-même. Sur la forme on sent quand même une tension permanente entre le devoir d'humilité et de douceur qu'impose le christianisme et la "libido dominandi" qui résulte de l'habitus intellectuel de prouver qu'on est dans le vrai, d'autant que l'enjeu en termes de statut social est énorme.

A titre personnel j'en retire plutôt l'impression que la notion de "débat intellectuel chrétien" est une contradiction dans les termes. Pourtant elle était imposée aux protagonistes (Bossuet et Fénelon) par les autorités épiscopales elles-mêmes puisque leur débat a été porté jusque devant le pape. L'Eglise a besoin des débats pour clarifier ses idées, et pourtant ces débats sont totalement destructeurs. La même chose se constate dans le giron protestant - je pense au constat du catholique anglais Hilaire Belloc au début du Xe siècle sur l'émiettement des églises protestantes sur les questions dogmatiques qui lui faisait pronostiquer la fin prochaine de ce courant... Le christianisme a besoin du "logos" pour ne pas sombrer dans les égarements charismatiques, celui de l'intellect, mais pas de l'intellectualisme...

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La portée eschatologique du Wesak des théosophes

18 Mai 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées, #Histoire secrète

Dans mon livre sur les médiums je m'étais demandé d'où venait la popularité en Occident de la lune de Wesak. En fait, l'origine est à chercher du côté de la Théosophie. Voyez ce qu'en disait dans la revue Astrosophie de mai 1936 (une revue basée à Nice), p. 216, Florence Yoder Wilson (une occultiste spécialiste de la broderie et du costume, on reviendra un jour sur le rapport entre vêtement, mode et sorcellerie).

"Le mot Wesak est le nom d'un des mois du calendrier Bouddhiste, et c'est à la pleine lune de ce mois — selon la Tradition — que le Bouddha donne sa bénédiction à Ses disciples et Ses serviteurs sur Terre. Depuis trois ans, un mouvement occidental a travaillé (1) pour rendre spécialement importants la bénédiction de Wesak". La note de bas de page renvoie au Lucis Trust basé au 26 rue Beauséjour à Lausanne, il s'agit de l'ex Lucifer Trust d'Alice Bailey, disciple d'H. Blavatsky, qui est encore actif au sein de l'ONU aujourd'hui. 

Wilson expliquait que la vallée de Wesak était près de Shigatse au Tibet, dominée par l'Everest et que des milliers de pèlerins s'y rendaient en rang serré pour la pleine lune de mai-juin pour méditer et voir l'apparition de l'ombre de Bouddha.

L'occultiste François Brousse (1913-1995) a évoqué dans une conférence à Paris le 24 juin 1987 celle du 7 mai 1939 qui s'était tenue au niveau international pour éviter la seconde guerre mondiale (cf le livre "François Brousse, enlumineur des mondes" eds Danicel Productions de Jean-Pierre Wenger de 2005). Selon lui, elle aurait contribué à ce qu'il y ait une "drôle de guerre" (une guerre larvée) pendant quelques mois, et n'est pas pour rien dans la capitulation allemande le 7 mai 1945 à Reims. Brousse a affirmé que cette fête "est en réalité doublée d'un rassemblement d'initiés maîtrisant le dédoublement", elle est "la grande nuit divine qui célèbre l'anniversaire" de Bouddha.

Dans les années 2000, un partisan du Wesak sur Internet expliquait plus en détail l'inspiration de Bailey autour de cette fête :

"À l’époque où elle militait encore dans les rangs de l’Église anglicane en tant qu’évangéliste et où le Bouddhisme n’était encore considéré par l’immense majorité des Occidentaux que comme un culte païen et idolâtre, la grande Alice Bailey révéla un jour à son entourage qu’à deux reprises, à sept ans d’intervalle, elle avait participé en rêve à une étrange cérémonie. Les événements enregistrés dans sa mémoire étaient si nets et si précis et les détails chaque fois tellement identiques qu’il lui était impossible de ne voir dans la répétition de ces deux rêves qu’une simple réminiscence de son imaginaire. 

En lisant, vingt années plus tard, une description de la Fête du Wesak, elle réalisa que c’était bien là, dans cette petite vallée tibétaine en forme de bouteille, surmontée au nord par une large roche plate et enchâssée dans un écrin de hautes montagnes, qu’elle s’était rendue, participant par deux fois activement à la cérémonie, mais sans en garder la conscience à l’état de veille, ce qui veut dire qu’elle avait voyagé en état de dédoublement. 

Par la suite, il lui fut donné de rencontrer différentes personnes qui avaient fait exactement le même rêve, au cours duquel elles s’étaient elles-mêmes rendu dans la même vallée, y avaient rencontré les mêmes Êtres nimbés de Lumière et y avaient assisté à leur côté au même rituel à la fin duquel le Seigneur Bouddha se manifestait puis se matérialisait avant de transmettre sa bénédiction à tous les participants et bien au-delà, à l’ensemble des habitants de notre planète. On ne pouvait dès lors plus parler de « hasard » ni de « coïncidence ». Il y avait certainement là matière à témoigner de la réalité d’un fait, même si celui-ci s’était produit sur un autre plan de conscience. 

Et on connaît la suite… La cérémonie du Wesak est peu à peu devenue l’un des piliers de l’enseignement théosophique et par-delà, une grande Fête reconnue et célébrée par de très nombreux mouvements spirituels sur toute la surface de notre planète. "

Le premier Wesak occidental en public a été organisé à Turin en 1981 par Antonio Amerio, et la tradition se perpétue depuis lors dans cette ville.

Apparemment de nos jours c'est aussi une grande fête au Sri Lanka, comme dans les autres pays bouddhistes. Dans cette île certains bouddhistes locaux tentent même de convaincre les chrétiens d'y participer pour fusionner Bouddha et Jésus comme dans la théosophie.  En juin 2016, le cardinal Jean Louis Tauran alors président du conseil pontifical pour le dialogue inter-religieux adressait pour la fête d'Wesak un message du Vatican (le pape venait de se rallier à la Cop21 avec les encouragements de divers grands financiers internationaux) aux bouddhistes du monde entier qui précisait : "Il est urgent que les adeptes de toutes les religions transcendent leurs frontières et s'unissent pour bâtir un ordre social écologiquement responsable fondé sur des valeurs partagées. Dans les pays où bouddhistes et chrétiens vivent et travaillent côte à côte, nous pouvons la durabilité de la planète par le biais de programmes éducatifs communs visant à sensibiliser davantage à l’environnement et à promouvoir des initiatives communes "

Selon un chrétien qui y aurait assisté, le directeur de la Maison de la Théosophie Bill Lambert dans un séminaire prophétique "Possible and probable events in the future" à Boston du 18 août 1991 (notes retranscrites en français ici) avait annoncé  que la combinaison de la fête de Wesak, de la fête de la Bonne volonté  et de Pâques permettrait de faire advenir le "nouvel ordre mondial", et admis que le pape catholique serait qualifié pour recevoir les "énergies christiques" de ce Nouvel ordre, ce qui, pour les adeptes d'une lecture littérale de la Bible, associe ces trois fêtes et le pape à la venue de l'Antéchrist.  Le Lucis Trust sur cette page  insiste en tout cas effectivement sur la combinaison de ces trois fêtes : Pâques (pleine lune du Bélier), la Fête de Wesak (à la pleine lune du Taureau) et la Fête de la Bonne Volonté (à la pleine lune des Gémeaux). Le 15 décembre 1999, lors de la 54ème conférence de l'Assemblée générale des Nations Unies, après avoir examiné l'ordre du jour 174 du programme, celle-ci, à l'initiative du Sri Lanka, a reconnu la  journée du Vesak/Wesak et prévu sa célébration annuelle à New York et dans ses bureaux régionaux. L'idée serait venue (mais comment est-elle née ?) du ministre des affaires étrangères srilankais de l'époque, Lakshman Kadirgamar. Celui-ci, avocat "progressiste", né dans une famille tamoule chrétienne selon Wikipedia (il fut assassiné par les Tigres de l'Elan Tamoul en 2005) avait été directeur du Bureau pour l'Asie et le Pacifique à l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI/WIPO) qui lui a récemment rendu hommage à Genève. En 2003 il avait été candidat au secrétariat général du Commonwealth. Son initiative est expliquée par son universalisme...

Cette année la Journée de Vesak/Wesak des Nations Unies (ONU) a débuté dans la province de Ha Nam, dans le nord du Vietnam, avec la participation de plus de 1 650 délégués internationaux venus de plus de 100 pays et régions.C'est la troisième fois que la commémoration de Vesak par l'ONU a lieu dans ce pays.

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La philosophie grecque du point de vue de l'eschatologie biblique

10 Avril 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Philosophie, #Histoire des idées

Je m'interrogeais dans un billet d'hier sur l'intérêt du combat de St Jean de la Croix du point de vue de la science de la fin des temps.

On peut formuler la même question à propos de la philosophie grecque.

Beaucoup d'hérétiques en ce moment comme Jean-Marc Thobois ou Jacques Colant en France (ou les adventistes du 7e jour aux Etats-Unis) se plaisent à retraduire l'Evangile en hébreux (par là je ne veux pas dire que tout l'évangélisme est hérétique, mais celui qui opère cette régression hébraïsante à l'évidence l'est, d'autant qu'elle se place explicitement au service du projet antéchristique de construction du troisième temple). C'est un contre-sens. Si le Nouveau Testament est révélé en grec, cela faisait partie à l'évidence du plan de Dieu. On ne peut pas troquer une langue sacrée pour une autre sans déformer délibérément la nature-même de la révélation (ce qui est évidemment très grave).

J'approuve le philosophe américain E. Michael Jones quand il dit qu'il faut prendre très au sérieux le fait que St Jean présente le Christ comme le Logos de Dieu - Au principe était le Logos/verbe, et le Logos/verbe s'est fait chair - avec toute la charge philosophique que comprend ce terme (le logos est savoir, science et ordre).

L'héritage du geste de la philosophie grecque est explicitement assumé par St Paul dans les Actes des apôtres au moment de sa célèbre comparution devant un Aréopage d'Athènes pétri du souffle socratique (Actes 17:16-34). Le point le plus précis de cette acceptation de l'héritage se repère dans l'éloge que l'apôtre fait du culte rendu par les Athéniens au Dieu inconnu. On lit dans Plutarque et dans Dion Cassius que ce dieu a été introduit à Athènes par le crétois Epiménide, un des sept sages de la tradition hellénique, qui sauva Athènes de la peste à l'instigation de la Pythie de Delphes. Or Paul montre sa connaissance parfaite d'Epiménide dans l'Epitre à Tite où il cite l'aphorisme de ce sage "Tous les Crétois sont des menteurs" en présentant Epiménide comme un prophète (en usant exactement du même mot que pour les prophètes d'Israël). Epiménide est un prophète parce qu'il a annoncé le Dieu inconnu qui, révèle Paul, était en fait le Dieu d'Israël. Le missionnaire protestant Don Richardson a écrit des lignes inspirées à ce sujet.

Paul connaissait les philosophies grecques et l'on ne peut considérer comme un hasard le fait que Dieu ait choisi pour fonder l'Eglise chez les Gentils un Pharisien de la diaspora instruit et très au faite de la culture païenne puisqu'il a grandi dans une ville commerçante, Tarse, où de brillantes écoles philosophiques s'étaient développées.

Comme l'Eglise chrétienne l'a très tôt admis, cela ne pouvait faire prévaloir la philosophie grecque sur la révélation, mais incitait à y voir un avant-goût de cette révélation voire une source d'éclaircissement sur certains points obscurs.

Point toute la philosophie grecque du reste - c'est pourquoi j'ai parlé de son "geste". Il me semble que le stoïcisme a peu à voir avec le christianisme. Son idéal de maîtrise de soi ne lui est pas propre - il traverse peu ou prou toute la philosophie sauf chez les matérialistes, les sensualistes et les cyniques. En revanche sa foi en une sympathie universelle dans la recherche de l'unité naturelle ouvre la porte, comme le bouddhisme, à la communion avec les forces démoniaques. De même l'épicurisme qui, comme l'a montré Renée Koch-Piettre visait à créer aux marges de la société une sorte d'église nourrie du fantasme de la divinisation de soi-même, ce qui est, par essence, luciférien.

A n'en pas douter ce qui dans le geste philosophique annonce le mieux le christianisme c'est le platonisme. St Augustin disait que par Platon il a compris ce qu'était le monde spirituel, beaucoup mieux que par le manichéisme qui avait été sa passion initiale mais qui d'après lui ne permettait pas de saisir ce qu'est l'Esprit. Il est vrai qu'avec sa définition des Idées, le platonisme ouvre la voie à une recherche de la transcendance radicale, articulée à une raison compatible avec l'incarnation du Christ - l'événement de l'incarnation du Verbe vient valider a posteriori, sous certaines conditions (notamment celle de la soumission à ses commandements, et donc celle de l'humilité) la prétention de l'être humain à participer d'une raison divine.

Cela n'ôte rien à la validité de la prophétie d'Esaïe 55:8 "Mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes voies ne sont pas vos voies" (car même en sa rationalité Dieu nous reste au moins en partie complètement inaccessible) mais interdit en tout cas, comme l'a noté E Michael Jones notamment, d'imaginer un Dieu qui n'obéirait pas à ses propres règles (sans en être cependant esclave) et un règne de la volonté qui vouerait le monde au chaos.

Reste la question de l'aristotélisme qui fait descendre la perfection du ciel des idées vers la finalité même des choses. Il y a sans doute des arguments théologiques pour s'en inspirer, mais je me méfie quand même quand on voit, comme le soulignait récemment un auteur, que les prémices de la scolastique musulmane ont jugé utile d'importer l'aristotélisme musulman à cause de ses succès dans des domaines aussi suspects que l'astrologie judiciaire...

En revanche je crois que de la philosophie moderne le christianisme, dans son positionnement devant les temps de la fin, n'a rien à retirer. Descartes est "inutile et incertain" comme disait Pascal. La subjectivisation de la réalité du monde par les empiristes et par Berkeley ou Kant est une hérésie. De même le panthéisme de Spinoza, l'immanentisme de Hegel qui reconnaissait lui-même sa dette à l'égard du médium Jakob Bohme, et toutes les philosophies de la volonté à partir du romantisme allemand et de Schopenhauer qui sont en réalité des formes de nihilisme. L'existentialisme est un luciférisme. Quant à la phénoménologie, quand je lisais il y a peu qu'un prélat avait dit que le pape Jean Paul II croyait en Medjugorje parce qu'il était phénoménologue, je me dis que dans ces conditions il vaut mieux ne jamais avoir lu Husserl...

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Saint Jean-de-la-Croix au cachot

9 Avril 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

Les guerres d'extermination sont épouvantables. Dans un autre registre, les luttes fratricides le sont aussi, et même peut-être davantage. Les premières traduisent un refus de l'altérité, les secondes une passion de l'identité. Il faut que l'autre soit en tout point identique à soi-même, sans quoi il deviendra suspect. Et la haine prendra racine dans les plus infimes différences. En me penchant aujourd'hui sur l'histoire de Saint Jean-de-la-Croix, je découvrais cette histoire invraisemblable du mystique emprisonné pour neuf mois à Tolède, à partir de décembre 1577, non par des ennemis, mais par des rivaux : parce que lui était un carme déchaussé (il avait initié avec Ste Thérèse d'Avila cette réforme), et les carmes "mitigés" adeptes d'une règle moins rigoureuse, voulaient le faire rentrer dans leur rang, lui, et ses disciples d'Avila.

Ernest Razy au XIXe siècle décrivait en ces termes ses conditions de détention :

"Située à côté d'un lieu infect, la prison de Jean de la Croix était une étroite cellule dans laquelle il pouvait à peine faire quelques pas. Elle ne recevait qu'indirectement la lumière par un trou large de trois doigts, pratiqué tout en haut du mur et quiprenait le jour dans un corridor voisin, assez obscur lui-même. Pour dire son office, le prisonnier était obligé d'attendre qu'un rayon de soleil vînt un peu percer les ténèbres que la clarté ordinaire du jour était impuissante à dissiper. Lorsqu'il apercevait ce rayon si impatiemment attendu et qui lui semblait un sourire de Dieu, il montait bien vite sur un mauvais banc, qui composait tout son mobilier avec un lit formé de trois planches, et, grâce à ce marche-pied, il lui était possible d'entrevoir les caractères de son livre. Mais le soleil était-il caché par les nuages, il ne pouvait remplir ce pieux devoir.

Son geôlier, homme dur et sévère, lui donnait à peine de quoi manger et ne le faisait sortir que le vendredi, pour le conduire au réfectoire, à l'heure du repas des religieux. Là, on obligeait le patienta s'asseoir par terre, et lorsqu'il avait pris quelques bouchées de pain, trempé dans un peu d'eau, chaque frère lui donnait, successivement, la discipline, avec une telle violence, que longtemps après Jean de la Croix en portait encore les marques sur les épaules. Mais lui, adorant les desseins de Dieu, ne murmurait jamais et se consolait en pensant que le Sauveur du monde avait été aussi flagellé et qu'avant de mourir il avait subi des humiliations et des tourments de toute sorte."

On imagine que la peine est d'autant plus dure que le délit est inexistant, le saint n'ayant réformé le Carmel que dans l'espoir de plaire à Dieu. Et la cruauté de la sanction frappe d'autant plus qu'elle est infligée entre "frères chrétiens", et même des frères de la meilleure réputation, tous pétris des valeurs d'amour du prochain, tous convaincus de servir le même but. L'amateur de sciences humaines peut y trouver matière à méditation sur la folie de notre espèce. L'interrogateur de l'eschatologie que je suis récemment devenu peut s'interroger sur le sens de cet épisode.

A quoi cela a-t-il pu servir que ce saint fût enfermé dans ce cachot ? Et d'ailleurs à quoi cela a-t-il servi qu'il y eût cette scission parmi les carmes, et même qu'il y ait eu des carmes tout court car quelle est aujourd'hui, au seuil des temps de la fin, leur fonction en ce monde ? C'est sans doute la voix de mon ignorance qui parle ici. L'ignorance est injuste, mais elle a sa fraîcheur et donc sans doute son utilité.

Je n'ai pas une très haute estime de Sainte Thérèse de Lisieux depuis que j'ai vu une ancienne adepte de l'occultisme accompagnatrice de pèlerins à Medjugorje (cette imposture de Medjugorje) entretenir un commerce quasi-spirite avec elle (ou avec un démon qui l'imitait, il en va de même d'ailleurs du médium Henry Vignaud). Bien sûr ça ne veut rien dire, et certains médiums voient aussi Jésus, mais bon... A Lisieux il y a un hommage à certaines "fleurs du Carmel" comme Edith Stein morte en déportation, mais ces âmes nobles ne se seraient-elles pas tout autant épanouies dans un autre ordre religieux ? Concernant plus spécifiquement les carmes "déchaussés" enfants spirituels de St Jean de la Croix, on peut aussi penser au navigateur normand Pierre Berthelot alias Denis de la Nativité qui périt sous le glaive du sultan d'Achem, à Sumatra, en 1638 : lui aussi n'eût-il point eu un destin aussi glorieux dans un autre ordre ?

On dira que l'enfermement de St Jean-de-la-Croix lui permit d'écrire ses plus beaux poèmes mystiques. Mais à quoi nous servent ces belles envolées de l'âme si aujourd'hui elles sont citées comme de simples exemples de dépassement personnel de soi comparables à ceux des moines bouddhistes au yeux des jungiens, des "new-agers", des kabbalistes à la Arouna Lipschitz, bref toutes sortes de gens amis de la sorcellerie en qui le mystique castillan eût, du fin fond de son XVIe siècle, sans hésiter reconnu les pires ennemis de sa foi ?

Peut-être l'ardeur de St Jean-de-la Croix, comme celle de Ste Thérèse, eût-elle son utilité en son temps pour sauver beaucoup de couvents d'un grave corruption morale, et, par capillarité, beaucoup d'âmes dans les sociétés latines - en Espagne, en France, en Italie - ? Ce sont là des mystères que les historiens ne peuvent pas sonder.

Mais on est frappé de voir tout de même quelle absurdité entoure, du point de vue de notre époque, ce combat du saint castillan. Le militantisme d'Athanase d'Alexandrie contre l'arianisme près de 1 700 ans après fait encore sens aux yeux de beaucoup de lecteurs de notre époque, même pour des protestants qui lui reconnaissent d'avoir sauvé le christianisme de l'hérésie. De quoi le combat de St Jean-de-la-Croix au fond de son cachot a-t-il sauvé le christianisme ? S'il n'avait point défendu si âprement sa vision des choses, le monachisme catholique eût-il versé davantage dans les tendances idôlatres du petit peuple auprès desquelles les carmes "mitigés"persécuteurs du mystique se tenaient chaque jour ? L'univers de la papauté eût-il été alors moins bien armé dans la Contre-Réforme et les pays du Sud en eussent-ils glissé plus facilement vers le protestantisme ?

Mon goût pour l'histoire hypothétique ressurgit peut-être un peu trop facilement ici. Peut-être vient-il susciter inutilement la curiosité d'un intellect humain qui n'a de toute façon rien de pertinent à dire sur ce genre d'énigme. Agiter des idées autour de ce genre de sujet (qui est d'ailleurs un sujet fort grave car il touche aux plans ultimes du Créateur) est peut-être parfaitement imprudent et vain. Prenons donc alors les brèves considérations que je viens d'exposer comme de simples ballons d'essai, peut-être sans lendemain, nous verrons bien...

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Bossuet : Sermon sur la passion de notre Seigneur

5 Avril 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

Il est fou de se dire que ce genre de propos était tenu devant la cour de Louis XIV, avec ses fastes, sa vanité et ses différents vices. Mais la société française à l'époque permettait que ce genre de choses soient dites au roi, et d'ailleurs la cour chrétienne de Louis XIV était sans doute plus disposée à les entendre que notre époque. Elle n'avait pas poussé le vice aussi loin que nos propres élites politiques aujourd'hui. Quand même il y a du mérite à lui avoir dit avec sincérité et inspiration ces choses, là, et dans une langue qui pour nous nous aide à voir sous d'autres lumières le message évangélique.

Quelques extraits d'un sermon que vous pouvez lire entier gratuitement ici.

"N'est ce pas que notre Sauveur savait que notre salut était dans son sang et que, pressé d'une ardeur immense de sauver nos âmes, il ne peut plus retenir ce sang, qui contient en soi notre vie bien plus que la sienne ?"

"C'est un prodige inouï qu'un Dieu persécute un Dieu, qu'un Dieu abandonne un Dieu ; qu'un Dieu délaissé se plaigne, et qu'un Dieu délaissant soit inexorable... Jetons nous donc, Chrétien, dans les horreurs salutaires du délaissement de Jésus ; comprenons ce que c'est que de délaisser Dieu et d'être délaissé de Dieu. Nos coeurs sont attachés à la créature ; elle y règne, elle en exclut Dieu ; c'est pour cela que cet outrage est extrême, puisque c'est pour le réparer que Jésus s'expose à porter pour nous le délaissement et le dédain de son propre Père".

"Tout se tourne en croix ; et premièrement les amis. Ou ils se détachent par intérêt, ou ils nous perdent par leurs tromperies, ou ils nous quittent par faiblesse, ou ils nous secourent à contretemps, selon leur humeur et non pas selon nos besoins ; et toujours ils nous accablent".

"Le perfide Judas nous fait voir la malignité de l'intérêt... C'est toujours l'intérêt qui fait les flatteurs ; et c'st pourquoi ce même Judas, que le démon de l'intérêt possède, s'abandonne pour la même raison à clui de la flatterie. Il salut Jésus, et il le trahit ; il l'appelle son maître, et il le vend ; il le baise, et il le livre à ses ennemis. C'est l'image parfaite du flatteur, qui n'applaudit à toute heure à celui qu'il nomme son ma^tre et son patron, que pour trafiquer de lui". 

"Pierre entreprend d'assister son maître, et il défend par le carnage celui qui ne voulait être défendu que par sa propre innocence. O Pierre ! voulez-vous soulager votre divin Maître, vous le pouvez par la douceur et par la soumission, par votre fidélité persévérante. O Pierre! vous ne le faites pas, Parce que ce secours n'est pas selon votre humeur; vous vous abandonnez au transport aveugle d'un zèle inconsidéré, vous frappez les ministres de la justice, et vous chargez de nouveaux soupçons ce Maître innocent qu'on traite déjà de séditieux. C'est ce que fait faire l'amitié du monde; elle veut se contenter elle-même et nous donner le secours qui est conforme à son humeur , et cependant elle nous dénie celui que demanderaient nos besoins."

"Je voulais encore vous représenter ce que font les indifférents ; et je vous dirai en un mot qu'entraînés par la fureur, qui est toujours la plus violente, ils prennent le parti des ennemis. Ainsi les Romains, que les promesses du Messie ne regardaient pas encore, à qui sa venue et son Evangile étaient alors indifférents, épousent la querelle des Juifs passionnés ; et c'est l'un des effets les plus remarquables de la malignité de l'esprit humain, qui, dans le temps où il est pour ainsi parler le plus balancé par l'indifférence, se laisse toujours gagner plus facilement par le penchant de la haine. Je n'ai pas assez de temps pour peser cette circonstance; mais je ne puis omettre en ce lieu ce que souffre le divin Sauveur par l'ambition et la politique du monde, pour expier les péchés que fait faire la politique. Toujours, si l'on n'y prend garde, elle condamne la vérité, elle affaiblit et corrompt malheureusement les meilleures intentions. Pilate nous le fait bien voir, en se laissant lâchement surprendre aux pièges que tendent les Juifs à son ambition tremblante.

Ces malheureux savent joindre si adroitement à leurs passions les intérêts de l'Etat, le nom et la majesté de César qui n'y pensait pas, que Pilate reconnaissant l'innocence et toujours prêt à l'absoudre, ne laisse pas néanmoins de la condamner. Oh! que la passion est hardie, quand elle peut prendre le prétexte du bien de l'Etat ! Oh ! que le nom du prince fait souvent des injustices et des violences qui feraient horreur à ses mains, et dont néanmoins quelquefois elles sont souillées, parce qu'elles les appuient ou du moins qu'elles négligent de les réprimer ! Dieu préserve de tels péchés le plus juste de tous les rois..."

"Admirons ici, chrétiens, en Pilate la honteuse et misérable faiblesse d'une vertu mondaine et politique. Pilate avait quelque probité et quelque justice. Il avait même quelque force et quelque vigueur. Il était capable de résister aux persuasions des pontifes et aux cris d'un peuple mutiné. Combien s'admire la vertu mondaine, quand elle peut se soutenir en de semblables rencontres ! Mais voyez que la vertu même, quelque forte qu'elle nous paroisse, n'est pas digne de porter ce nom, jusqu'à ce qu'elle soit capable de toute sorte d'épreuves. C'était beaucoup, ce semble, à Pilate d'avoir résisté à un tel concours et à une telle obstination de toute la nation judaïque, et d'avoir pénétré leur envie cachée malgré tous leurs beaux prétextes; mais parce qu'il n'est pas capable de soutenir le nom de César qui n'y pense pas et qu'on oppose mal à propos au devoir de sa conscience, tout l'amour de la justice lui est inutile; sa faiblesse a le même effet qu'aurait la malice ; elle lui fait flageller, elle lui fait condamner, elle lui fait crucifier l'innocence même ; ce qu'aurait pu faire de pis une iniquité déclarée, la crainte le fait entreprendre à un homme qui paraît juste. Telles sont les vertus du monde; elles se soutiennent vigoureusement jusqu'à ce qu'il s'agisse d'un grand intérêt, mais elles ne craignent point de se relâcher pour faire un coup d'importance. O vertus indignes d'un nom si auguste! ô vertus qui n'avez rien par-dessus les vices, qu'une faible et misérable apparence!

Qu'il me serait aisé, chrétiens, de vous faire voir en ce lieu que la plupart des vertus du monde sont des vertus de Pilate, c'est-à-dire un amour imparfait de la vérité et de la justice! On les estime, on en parle, on en veut savoir les devoirs, mais faiblement et nonchalamment. On demande à la façon de Pilate : « Qu'est-ce que la vérité?  » et aussitôt on se lève sans avoir reçu la réponse. C'est assez qu'on s'en soit enquis en passant et seulement pour la forme. Mais on ne veut pas pénétrer le fond. Ainsi l'on ignore la vérité, ou l'on ne la sait qu'à demi; et la savoir à demi, c'est pis que de l'ignorer tout entière, parce que cette connaissance imparfaite fait qu'on pense avoir accompli ce qui souvent n'est pas commencé."

"C'est, Messieurs, ce qu'il nous ordonne, et c'est la dernière partie de son testament. Quiconque veut avoir part à la grâce de ses douleurs, il doit en ressentir quelque impression. Car ne croyez pas qu'il ait tant souffert pour nous faire aller au ciel à notre aise et sans goûter l'amertume de sa passion. Il est vrai qu'il a soutenu le plus grand effort; mais il nous a laissé de moindres épreuves, et toutefois nécessaires pour entrer en conformité de son esprit et être honorés de sa ressemblance." (Philippiens 3:10)

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"Astrologie et religion au Moyen-Age" de Denis Labouré

22 Mars 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Histoire secrète, #Christianisme, #Alchimie, #Notes de lecture

Sapiens dominabitur astris

Un certain fondamentalisme chrétien, qui a eu des antécédents dans l’histoire, tend de nos jours à diaboliser l’astrologie comme pratique divinatoire occultiste. C’est une opinion que combat Denis Labouré, astrologue chrétien, titulaire d’un master de théologie qui, dans un récent essai historique très approfondi, propose une interrogation nouvelle sur l’articulation entre la «science» de la lecture des astres et la foi en la toute puissance divine.

Pour les Pères de l’Eglise, nous dit Denis Labouré, «le monde est un miroir dans lequel Dieu se fait contempler (…) chaque chose est un signe où Dieu se fait connaître à nous». Certes Ignace d’Antioche, Justin, Tertullien et Saint Augustin ont milité contre la divination par les astres, mais Isidore de Séville, en s’appuyant sur le précédent biblique des rois mages, a ouvert la voie à une astrologie qui, sans voir dans la position des étoiles et des planètes une cause de l’histoire humaine, l’analyse comme une série de signes que Dieu envoie aux hommes pour les éclairer sur leur condition.

Rien de mieux, pour convaincre le lecteur, que d’examiner dans une perspective historique, la période faste de l’astrologie chrétienne que l’auteur situe au Moyen-Age, plus précisément entre le XIIe et le XIVe siècles. Denis Labouré retrace précisément la généalogie de cette astrologie occidentale, à travers les auteurs indiens, babyloniens et perses. Il montre comment l’arabe Albumasar (787-886) synthétisa ces traditions et, par ses seuls travaux sur les astres, initia à l’aristotélisme de grands penseurs français ultérieurs comme Thierry de Chartres ou Guillaume de Conches.Pour atténuer la détermination du monde sublunaire par le monde supralunaire, Albert Le Grand (1193-1280), quant à lui, rattacha directement l’âme humaine à la cause première (Dieu) de sorte que les astres n’agissent que sur les corps (y compris les humeurs) ou comme signe du moment opportun, ce qui permit de résister à ceux qui accusent l’astrologie d’asservir l’homme aux démons de la nature, une voie de compromis que suivra Roger Bacon (1214-1294) en mettant l’accent sur l’influence qu’exerce l’astrologie sur les mouvements des foules.

Puis Denis Labouré se concentre sur les recherches d’un astrologue français dont les travaux firent date, Pierre d’Ailly (1351-1420) qui fut en son temps chancelier de l’université de Paris et aumônier du roi Charles VI. L’auteur montre comment le savant s’est positionné à l’égard de ses prédécesseurs sur les grands problèmes intellectuels médiévaux comme la datation de l’univers et la théorie des grandes conjonctions d’Albumasar (la mort des empires en fonction de la conjonction Saturne-Jupiter-Mars). Au terme de ces analyses, Pierre d’Ailly en viendra à voir dans le Grand schisme d’Occident (la dualité des papes), non pas un signe de la fin des temps mais une simple crise incitant à la réforme morale. Il en tirera aussi une vision prémonitoire de 1789 comme tournant de l’histoire du monde… Par ailleurs, en annexe du livre, le lecteur trouvera une intéressante traduction par le professeur Giuseppe Nastri assisté par Denis Labouré du traité du cardinal d’Ailly «Sur la concordance entre l’astronomie et la vérité des récits historiques» qui peut nourrir bien des travaux herméneutiques complémentaires sur la correspondance entre l’histoire humaine et les constellations.

On ne peut manquer d’être impressionné par la somme d’érudition mobilisée par Denis Labouré, féru de calculs astraux, lorsqu’il expose par exemple à propos des conjonctions de Jupiter et de Saturne, schémas à l’appui, que «les conjonctions de Jupiter avec Saturne sont éloignées de 20 ans environ, lorsque Saturne a parcouru les deux tiers de sa révolution (…). Or la longueur de l’arc séparant une conjonction et la suivante (mesurée en sens antihoraire) est légèrement supérieure à 240°. (…) Initiée dans Bélier, un signe de feu, la conjonction de Jupiter avec Saturne se reproduit ensuite dans les deux autres signes du même élément. Puis elle se produit ensuite dans le Bélier». L’aridité de ce genre de démonstration (qui en garantit aussi le sérieux) est toutefois heureusement tempérée par les résumés didactiques que Denis Labouré place à la tête de chaque chapitre et sous-chapitre, faisant de son livre un manuel d’une grande clarté, accessible aux étudiants et à tous les curieux qui, au-delà des modes actuelles - qui abandonnent l’astrologie au néo-paganisme ou aux «sagesses» asiatiques -, veulent comprendre la place que cette discipline a pu avoir, par le passé, dans l’intelligentsia européenne. Il ouvre aussi un champ de réflexion aussi passionnant que complexe sur la valeur que le chrétien accorde au monde créé pour l’éclairer dans son cheminement d’accomplissement spirituel sans rien sacrifier ni de son libre-arbitre ni de l’obéissance à son Créateur.

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L'échec de la reconstruction du temple de Jérusalem par Julien l'Apostat

1 Mars 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées, #Histoire secrète, #Pythagore-Isis

Un épisode qui, selon beaucoup de catholiques, devrait servir de leçon aux Evangéliques qui aujourd'hui soutiennent le projet de construction du Troisième Temple à Jérusalem :

Au IVe siècle, après la conversion de l'empereur romain Constantin au christianisme, Julien l'Apostat son successeur renie son baptême, favorise le paganisme et s'enthousiasme pour la sorcellerie néo-platonicienne (héritière du pythagorisme). Ayant besoin d'argent pour partir à la conquête de la Perse (certains rapprochent cela de l'ardeur de Trump à attiser le conflit avec l'Iran), il s'allie aux Juifs avec qui il partage une haine commune du nom de Jésus-Christ et organise pour eux la reconstruction du temple de Salomon, ce qui signifierait la ruine des prophéties chrétiennes.

L'auteur arien Philostorge (370-430) écrit dans son Histoire ecclésiastique : « Julien s'étant proposé de confondre les oracles du Sauveur qui avait prédit la ruine de Jérusalem, et qu'il ne serait laissé pierre sur pierre etc. ; non-seulement il ne parvint pas a remplir son but, mais déplus il accomplit, contre son gré, ces prophéties immuables. Car, ayant rassemblé de toutes parts les juifs, leur ayant ouvert ses trésors, et fourni tout ce qui leur était nécessaire pour le rétablissement du temple, des prodiges effrayants envoyés du ciel, et inexplicables (à l'époque), étouffèrent ce dessein, troublèrent les juifs et les couvrirent de confusion. Les flammes consumèrent leurs ouvriers, des tremblements de terre comblèrent leurs travaux, et il n'en résulta que des malheurs. »

Dans Histoire de l'Eglise écrite par Socrate le Scolastique (380-450) on peut lire : "Comme il aimait les sacrifices, et qu'il se plaisait à voir couler le sang des victimes, Julien s'imaginait que ceux qui n'en répandaient point lui faisaient quelque sorte d'injure. N'en trouvant pas néanmoins plusieurs qui en voulurent répandre, il envoya quérir les Juifs , et leur demanda pourquoi ils n'offraient point de sacrifices puisque parla loi de Moïse il leur était commandé d'en offrir. Quand ils lui eurent répondu qu'il ne leur était permis d'en offrir qu'à Jerusalem , il leur commanda de rebâtir le Temple de Salomon, et partit pour aller contre les Perses. Les Juifs qui depuis longtemps ne souhaitaient rien avec une si forte passion que de rencontrer une occasion favorable de relever leur Temple pour offrir dedans des sacrifices, s'appliquèrent à cet ouvrage avec une ardeur incroyable , et commencèrent à s'élever insolemment contre les Chrétiens,et à les menacer de leur faire autant de mal, qu'ils en avaient autrefois souffert des Romains. L'Empereur ayant ordonné de tirer du trésor public l'argent nécessaire pour la dépense, le bois , les pierres, la chaux , et les autres matériaux furent prêts en très peu de temps. Alors Cyrille Evêque de Jerusalem se souvenant de la Prophétie de Daniel , qui a été confirmée par le Sauveur dans l'Evangile, dit en présence de plusieurs personnes : Qu'elle serait encore bientôt accomplie en ce nouveau Temple, et qu'il n'y demeurerait pas pierre sur pierre. Il y eut la nuit suivante un grand tremblement de terre, qui ébranla les fondements qui restaient de l'ancien Temple, les jeta en l'air avec les bâtiments d'alentour. Les Juifs en ayant été extraordinairement épouvantés, accoururent de toutes parts sur le lieu , et quand ils furent arrivés , ils virent un autre prodige. Ce fut un feu descendu du Ciel, qui consuma durant tout le jour les marteaux, les ciseaux , les scies, les haches, et tous les instruments des Ouvriers. Les Juifs reconnurent malgré eux la Divinité de Jésus-Christ ; mais au lieu de lui obéir, ils demeurèrent dans l'erreur dont ils étaient prévenus depuis si longtemps. Un troisième miracle qui arriva ensuite, ne fut pas capable de les attirer à la foi. Des Croix lumineuses parurent la nuit sur leurs habits, et lorsque le jour fut venu, ils ne purent jamais les effacer. Ils furent aveuglés , comme dit l'Apôtre, et jetèrent le bien qu'ils avoient entre les mains. Voila comment leur Temple fut ruiné, au lieu d'être rebâti. "

L'existence du tremblement de terre de la nuit du 18-19 mai 363 est admise par les historiens.

Notez que dans La Vérité du 18 août 1866 p. 102 un commentateur ajoutait "Nous ferons à ce sujet une réflexion qui nous semble d'une grande force ; c'est qu'avec le secours et la faveur que l'Empereur donnait, à cette entreprise, le temple aurait été infailliblement rebâti, sans les prodiges dont nous parlons. Il faut nécessairement que celle subversion miraculeuse ait eu lieu, puisque le temple n'a pas été rebâti. Un juif, Rabbi Gédaljah, assure que le temple entrepris à grands frais s'écroula, et que le jour suivant un grand feu venant du ciel en consuma les débris avec, une multitude innombrable de juifs.

Cet aveu des Rabbins est d'autant plus digne d'attention qu'il ne favorise point leurs intérêts. A coup sûr les écrivains juifs n'auront pas puisé un fait de cette nature dans les livres des chrétiens: ce sera donc dans leur propre tradition; et cela est d'autant plus digne de créance, que les juifs contemporains du fait ne le niaient pas; mais ils disconvenaient que ce lût un miracle ou une intervention spirituelle en faveur du christianisme. Ils aimaient mieux l'attribuer au courroux du ciel contre Julien, prince idolâtre, qui ne méritait pas, disaient-ils, l'honneur de rebâtir le temple du vrai Dieu, ou a leurs propres péchés qui les rendaient, indignes de cette consolation: sur quoi nous observerons que les hommes ne s'accusent guère d'une faute, que lorsqu'ils peuvent en tirer quelque avantage."

Julien trouva la mort dans sa guerre en Perse le 26 juin 363, un mois après le tremblement de terre.

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