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D'une habitude curieuse du Père Matéo Crawley-Boevey
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Alors que le pape publie une encyclique apparemment ennuyeuse sur le Sacré Coeur (un culte qui me paraît toujours assez étrange, ce qui ne signifie pas que je le désapprouve bien sûr, du reste qui serais-je pour le faire ?) je découvre ce soir cette anecdote que racontait le chanoine Elie Maire (1880-1949) à propos d'un artisan célèbre de la promotion de cette dévotion : "Le Père Matéo Crawley-Boevey, l’apôtre mondial de l’intronisation du Sacré-Cœur dans la famille, racontait naguère sous le manteau, en se mettant carrément en scène, un trait que l’on ne qualifiera pas de banal. Imaginez qu’il lui arrivait, jadis, à Paris, quand le trajet était moins dispendieux qu'aujourd’hui, de prendre deux tickets d’autobus ou de métro ou de bateau-mouche. L’un était à son usage. L’autre, à l’usage de l’autre. L’autre? Oui, le mystérieux compagnon qui ne le quitte jamais, jamais. Enfantillage? Si l’on veut. Peut-être aussi réfraction de la sublime simplicité de l’Eternel, du Seigneur Sabbaoth, de l’Amour."
Le prêtre était donc suivi par un double invisible. Fils de protestant anglais au Pérou, il avait trouvé à Paray-le-Monial la guérison d'une dépression et la mission d' "introniser" (selon l'expression consacrée) le Sacré Coeur dans toutes les familles (Roger Buck dit qu'en Irlande il était commun de demander aux gens pour qui on construisait une maison où ils placeraient leur Sacra Coeur). C'est comme un culte moderne des pénates, tourné vers les familles. Je ne sais pas si cet intérêt du père Mateo pour son "Autre" est aussi étrange que la coprophagie de Marie Marguerite Alacoque, fondatrice du culte du Sacré Coeur....
Règles pour les familles ayant effectué une intronisation :
"La mauvaise presse ne doit pas entrer dans une maison consacrée, et il ne doit pas non plus y avoir d'utilisation illimitée d'Internet sans la surveillance des parents. Bien entendu, aucun blasphème ou gros mot ne doit être prononcé ; l'impudeur vestimentaire doit être bannie ; les jours d'obligation et les jours de jeûne et d'abstinence doivent être observés ; L'anniversaire de la consécration devrait être un jour de célébration très spécial ; Les parents devraient avoir la pieuse coutume de bénir leurs enfants et les enfants de demander la bénédiction ; Il serait bon d'avoir une petite piscine d'eau bénite pour l'usage des personnes à la maison ; priez également le chapelet en famille et pratiquez les exercices des mois de juin (Sacré-Cœur), mai (mois de Marie) et mars (mois de Saint Joseph) ; Si possible, assistez ensemble à la messe dominicale et faites le catéchisme en famille."
Puzzi devenu moine
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Quelqu'un me demandait il y a peu si dans mes travaux sur Lacordaire j'avais croisé la figure d'Hermann Cohen, fondateur de l'abbaye de Tarasteix près de Tarbes, ce qui m'a donné l'occasion de parcourir la vie de ce musicien précoce protégé de Liszt, qui fut présenté à George Sand à 14 ans, dont la célébrité rejaillit sur lui. C'était du temps où on le surnommait puzzi. Sous l'influence néfaste de cette écrivaine, il ne "vécut plus que de fantômes et de rêves qui le poursuivaient et la nuit et le jour, et il en était venu à ce point qu'il négligeait complètement l'étude du piano", nous dit son biographe Charles Sylvain. Elle le conduisit aussi à vénérer Lamennais. "Dans ses nombreux voyages, des princesses russes ou polonaises, des personnes de distinction et de savoir lui demandaient s'il n'était pas le Puzzi dont parle George Sand", lit-on encore à son sujet. Converti à la foi catholique après une jeunesse très dissolue, en 1847, à 26 ans, il allait se faire moine après avoir notamment consulté Lacordaire, puis fonder des couvents.
L'évangélisation de la Gaule
Une conférence d'Arnaud Boüan du Chef du Bos, de la congrégation des Petits frères du Sacré-Cœur, qui pose beaucoup de questions. Son site est ici.
En gros Arnaud Boüan, inspiré par les Petits Bollandistes, reprend toute l'histoire soi-disant légendaire de l'évangélisation des Gaules au Ier siècle à laquelle on a cru pendant longtemps (alors que les universitaires reportent maintenant cette évangélisation au IIIe siècle) et essaie de voir comment elle fait système et jusqu'à quel point dans sa logique intrinsèque elle peut être crédible.
On auraît parmi les premiers évangélisateurs du Nord au Sud : Saint Lucien à Beauvais, Drennalus à Morlaix, Exupère à Bayeux, Nicaise à Rouen, Denis à Paris, Memmius à Châlons en Champagne, Sixte à Reims, Cléments à Metz, Materne à Cologne, Euchère en Germanie inférieure, Clair à Nantes, Julien au Mans, Gatien à Tours, Aubin à Orléans, Ursin à Bourges, Andoche à Autun, Bénigne à Dijon, Lin à Besançon, Eutrope à Saintes, Martial à Limoges, Austremoine à Clermont, Pothin à Lyon, Amadour à Bordeaux, Front à Périgueux, Saturnin à Toulouse, Trophime à Nîmes, Ste Marthe à Tarascon, St Maximin à Avignon, St Lazare et Marie Madeleine à Marseille, Aphrodisius à Béziers, St Paul dans les Pyrénées.
St Pierre a envoyé 7 apôtres : Trophime, Saturnin, Maximin, Austremoine, Martial, Gatien, Materne. Ce premier envoi est raconté par Grégoire de Tours dans la Gloire des Martyrs, on est sous le règle de Claude, ce sont des disciples directs du Sauveur. Et il y eut ensuite un second envoi par Clément de disciples des apôtres.
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Ces envoyés ont à nouveau leur filiation. Certains de ces saints ne sont pas connus. D'autres selon la tradition sont cryptés dans l'Evangile. par exemple Martial est le petit garçon qui apporte cinq pains au Sauveur (Matt 18:3). On le surnomme "l'apôtre des apôtres". Certains sont arrivés dès 72 ap JC, et il y a aussi des apparitions mariales dès le Ier siècle (ND du Puy, ND des Champs, ND de Bethléem - apparue à Saint Savinien à Sens - ).
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La conversion des élites romaines est importante aussi. Par exemple Silanus, bourreau de Sainte Valérie, convertie par St Martial à Limoges. Valérie était la petite fille de Lucius Capreolus, héros de la guerre de Cantabrie, et la fille de Léocade et de Suzanne (nom d'inspiration judéenne), la fille de Manilius Armillus, ex-lieutenant du proconsul des Gaules dans le Berry (que bizarrement en minute 7'22, Arnaud Boüan qualifie Suzanne de "duchesse d'Aquitaine de l'époque", ce qui est un anachronisme). Junius Silanus, cousin de Claude, proconsul d'Aquitaine en 42, avait été proconsul d'Aquitaine et aurait participé à la campagne de Bretagne. A son retour, il découvre que sa promise, Valérie, est devenue une vierge consacrée. Il la fait décapiter en 46 (c'est une sainte céphalophore). Silanus s'est ensuite converti. Cela a fait un gouverneur romain converti.
Les éléments convergent dit Arnaud Boüan. Les évangélisateurs sont des très proches des apôtres. Crescent, premier évêque de Vienne est un proche de Paul (mentionné dans Tim 4), Sergius Paulus, proconsul à Chypre, premier évêque de Narbonne (il aurait accompagné Paul à Narbonne, puis revenu à Chypre, il reçoit après la persécution de 66 sous Néron l'apparition posthume de Paul qui lui dit de s'occuper de Narbonne tandis que Barnabé s'occupera de Chypre). L'Eglise de Lyon est liée à Jean.
Véronique (Bérénice) née à Bazas (Cossium) en Aquitaine, servante chez un centurion romain suivit celui-ci et son épouse à Jérusalem quand le soldat y fut nommé. Quand ses maîtres retournent en Aquitaine pour fuir des persécutions (car Véronique les a convertis), Elle accompagne Saint Martial dans son travail d'évangélisation. En 1140, Garcias, évêque de Bazas dans son Baptista Salvatoris a expliqué que Véronique avait recueilli le sang de Jean le Baptiste avant que la hache ne s'abatte sur son cou. Michel Bourrières, professeur au collège des Petits Carmes à Cahors et spécialiste de Rocamadour allait avancer en 1895 que Véronique avait sûrement des origines juives.
St Philippe a aussi évangélisé la Gaule selon Isidore de Séville dans l'expédition de 63, En 69, Saint Clair (l'abbé Travers disait que c'était un Romain venu à Nantes par l'Aquitaine) a été converti par Saint-Pierre. Bouan tient de soeur Maryvonne historienne au Carmel de Morlaix que Drennalus envoyé par Joseph d'Arimathie (d'origine britannique car il faisait du commerce entre cette île et la Judée, ce qui faisait sa fortune, ce qui explique qu'il évangélisât Gastonbury) avait le premier évangélisé à Morlaix. St Maximin évêque d'Aix-en-Provence pendant 40 ans a été envoyé avec Joseph d'Arimathie par Saint Pierre en 63 (il faisait partie des 12 disciples envoyés). Il se serait arrêté à Rennes (Condate) avec Saint Luc et Suffrenus pour fonder l'évêché de Rennes.
Sainte Marthe a été enterrée par Saint Front (qui lui avait rendu visite à Tarascon quelques années plus tôt). Front, israélite du Mont Carmel,peut-être ancien soldat d'Hérode, qui fut un des 72 disciples présents à la Pentecôte accompagna Pierre à Rome. Evêque de Périgueux(Vésone), il participa aux funérailles de Marthe par bilocation.
Léon Dubois (1873-1959) le raconte ainsi :
"Le corps de la Sainte était exposé dans l’église qu elle même avait fait construire. Tout était prêt pour la sépulture, lorsque le Pontife allait célébrer, à Vésone, le Saint Sacrifice. En attendant le peuple, il se tenait recueilli à sa place. Tout à coup Jésus lui apparaît et lui dit : « Mon « fils, venez et accomplissez la promesse que vous avez a faite d’assister aux obsèques de Marthe, mon hôtesse. » Il dit, et tous les deux, en un clin d’œil, sont transportés à Tarascon auprès du cadavre de la Vierge de Béthanie qu’ils mettent dans le tombeau, au grand étonnement de la foule".
Arnaud Boüan retient aussi cette bilocation (prouvée par le gant et l'anneau de St Front que les gens de Périgueux ont pu aller récupérer à Tarascon). (minute 14')
Pour lui le fait qu'on ait retrouvé en 1943 une statue de déesse romaine brisée près de ND de la Délivrande en Normandie prouve que le récit de la tradition sur le remplacement du culte de Démeter par Regnobert était authentique.
Le nom des cathédrale Saint Etienne, premier martyr mort en 35, est lé au fait que les premiers évangélisateurs de la Gaule, Saint Martial, Saint Front, Sainte Véronique ont assisté à sa lapidation.
Dans un sermon St Augustin dit qu'en Afrique du Nord il y a une pierre qui a servi à lapider le martyr à son coude droit. On trouve des églises qui disent avoir ce genre de pierre dans le Médoc et à Limoges. Les cathédrales de Limoges, Metz, Auxerre, Sens, Bourges, Toulouse, Châlons, Toul, Agen, Cahors, Saint-Brieuc sont dédiées à St Etienne.
Au moment du martyr de Saint André, Saint Martial est à Bordeaux en 62, il reçoit l'apparition de Saint Pierre qui lui dit que son frère André vient d'être crucifié et de la lui dédier (source le dominicain Bernard de la Guionie/Bernardus Guidonis, ou Bernard Guy, dominicain évêque de Lodève vers 1300, qui dit aussi que Martial avait amené en Gaule du sang d'Etienne).
Pour la cathédrale Saint Pierre, à Poitiers, Jean Bouchet, dans ses Annales d'Aquitaine de 1557, rapporte qu'un jour que Saint Martial distribuait au peuple de Poitiers la parole de Dieu, la voix du Sauveur se serait fait entendre tout à coup, et en lui annonçant le martyre de saint Pierre (en 64), consommé à l'heure même dans la ville de Rome, elle lui aurait ordonné de "faire cy une église" en son honneur; ce que Martial aurait entrepris aussitôt.
Saint Amadour, envoyé à Rome 2 ans avant cela pour rendre compte de la situation en Aquitaine assiste au martyre et revient ensuite à Limoges avec des reliques, notamment a ceinture de St Pierre au moment de sa mort, des cheveux et un des clous (19ème minute). Des cathédrales St Pierre viennent ensuite en second (à Nantes, Beauvais, Rennes, Troyes, Angoulême) correspondent à la 2ème évangélisation.
Une fresque du palais papal d'Avignon montre la prédication du Sauveur devant Martial (né en 15), enfant de la multiplication des pains, son père et sa mère. Ils font partie de la tribu de Benjamin comme Etienne. On voit aussi son baptême. Il y a des représentations de l’apposition de la main sur son crâne. Le reliquaire de Limoges du chef de Saint Martial porte la trace de cette main.
Les témoins de la passion comme Martial et Véronique n'ont pas subi le martyre. Martial eut Alpinien et Austriclinien comme co-adjuteurs.
Ste Bénédicte à Bordeaux est la femme d'un gouverneur (Sigisbert) qui persécuta en 44 St Front et qui alla trouver St Martial pour guérir son mari tombé malade. Martial (30ème minute), convertie selon les Actes d'Amadour aussi sous l'influence de Véronique et Amadour devenus ermites à Soulac (comme Marthe l'était à Tarascon). Elle reçut le bâton d'évêque de Martial avec lequel elle réalisa des miracles (ce bâton allait en permettre jusqu'à la Révolution).
Arnaud Bouan admet que la conversion de gouverneurs permettait l'entrée des autorités chrétiennes dans les villes (auparavant des prieurés étaient construits hors de la ville tant que des autorités païennes gouvernaient la province).
Le tombeau de Ste Véronique est à Bordeaux (le corps a été enlevé de Soulac au moment des raids vikings). A Bazas la décollation de Jean-Baptiste fait partie des armes de la ville. Des vitraux à Bordeaux du XIXe siècle racontent toutes ces histoires.
Zachée, le publicain des Evangiles, est identifié à Amadour ("Amateur du Roc") par les traditions locales, et fut compagnon de Martial en Gaule. Le corps d'Amadour fut retrouvé intact en 1166 au seuil de la chapelle ND de Rocamadour. Arnaud Bouan fait siennes toutes les légendes, même celle consignée par le carme Bonaventure de Saint Amable des lettres de Martial à Zachée retrouvées sur le corps d'Amadour. Pour lui tout comme la déesse mère de St Aubin authentifie l'histoire traditionnelle de ND de la Délivrande en Normandie, une stèle au musée de Bordeaux disant "Arula a fait ce présent à Jupiter ; Saint Martial l'a consacré avec le temple et le vestibule" serait la preuve de l'apostolat de Marial."
A noter que Bonaventure de Saint Amable dit aussi qu'après avoir converti le gouverneur de Bordeaux Saint Martial réduit le paganisme au Pays Basque et en Béarn sous le règne de Néron en étant passé par Agen, puis obtient la conversion d'Austris, fille du cruel gouverneur de Toulouse Marcel qui avait avait supplicié l'évêque Saint Saturnin. Arnaud Bouan ne va pas jusqu'à suivre les traditions jusque là.
Je ne pense pas que ce conférencier rende vraiment service aux traditions en tentant d'évincer tout regard universitaire laïque sur elles, mais il a le mérite de faire connaître les discussions qui ont duré pendant des siècles sur l'action des disciples directs de Jésus et des douze apôtres en Gaule, discussions qui ne reposaient pas forcément que sur du vent. Et surtout, sa conférence peut être le point de départ d'une puissante méditation sur la notion de "militia dei".
Nephilim : les critiques contre Heiser
Dans mon livre sur les Néphilim, j'avais présenté les thèses de Michael Heiser décédé en 2023 et j'avais fait état aussi des critiques dont elles faisaient l'objet.
Dans ce montage de plusieurs vidéos publié cette semaine sur le site de Doreen Virtue cette semaine on apprend que celle-ci a bien connu Heiser, et qu'après avoir collaboré avec lui, elle s'en est distanciée.
Parmi les propos tenus par les différents intervenants, on peut retenir l'argument selon lequel le pluriel de majesté dans "Créons l'homme à notre image" ne renvoie pas nécessairement à la notion mésopotamienne de "conseil divin", l'idée que le "dieux "au pluriel dans les psaumes peut aussi renvoyer à des anges, que les "nephilim" éliminés par Josué sont des êtres humains, sans l'ombre d'un doute possible, de sorte que l'emploi du terme en Génèse 6 peut aussi désigner des êtres humains (ce que disaient déjà St Augustin et Luther), l'idée que Jésus n'a jamais cité mot pour mot le livre d'Hénoch 1, il a pu en emprunter le vocabulaire pour être compris par le public de sont temps et la référence des lettres de Jude et Pierre aux anges déchus dans le Tartare n'implique pas plus une validation canonique du livre que celle à Ménandre dans les épîtres de Paul n'encourage à adopter le paganisme de cet auteur.
Il est reproché à Heiser de s'être enfermé comme beaucoup de savants dans une seule hypothèse développée à partir de peu de verset, d'être devenu à son corps défendant une sorte de chainon manquant entre l'évangélisme et les tendances libérales du christianisme (notamment celles sensibles à l'historicisme critique qui font dériver le judaïsme du polythéisme). Pour les intervenants, l'hypothèse des Nephilim qui corrompent le sang humain est une thèse en phase avec le sensationnalisme et le complotisme ambiant qui nourrit une vision obscure et remplie de crainte de l'avenir. Il n'est pas étonnant que cela plaise aux new-agers et aux tendances charismatiques du protestantisme. Les invités de Doreen Virtue soulignent aussi que cela pousse beaucoup d'Américains vers l'orthodoxie russe, grecque ou éthiopienne qui a toujours reconnu le livre d'Hénoch comme canonique et qui est assez indulgente envers le gnosticisme. A titre personnel j'ajouterai que je ne suis pas étonné qu'en France le livre d'Hénoch soit promu par un ex-journaliste qui a déjà déclaré en public qu'il n'était pas catholique (son livre "Le grand mensonge universel" le démontre amplement) mais dont le gnosticisme sur les anges attire beaucoup de croyants. Naguère j'avais eu un échange avec lui par mail sur la stigmatisée Thérèse Neumann qui m'avait montré qu'il ne se souciait pas du tout de corriger les erreurs factuelles de ses propos même sur des sujets récents... a fortiori sur des thèmes historiques anciens; Les Nephilim sont devenus un des articles de vente des boutiquiers de la spiritualité assez étrangers à la recherche de la vérité.
Pour info cette vidéo a suscité une réponse assez longue (un live) qui accuse Virtue et ses invités de déformer les positions d'Heiser et de se méprendre sur le sens des mots en hébreu.
L'ambassadrice de Sainte-Rita
Amandine Cornette de Saint-Cyr est une bourgeoise parisienne, fille de la galeriste et figure de la jet set Sylvana Lorenz et ex-belle-fille du commissaire-priseur Pierre Cornette de Saint Cyr (1939-2023).
Née en 1976, diplômée d'une école de commerce (spécialité marketing), stagiaire dans des magazines, ancienne assistante du journaliste Stéphane Bern au Figaro Madame, elle a travaillé à la télévision pour Thierry Ardisson notamment, et a publié un premier roman en 2007. Formée dans une sorte de christianisme hédoniste pour autant que cette expression ne soit pas un oxymore, elle dit préférer "être une pècheresse joyeuse qu'une sainte dépressive" d'après ce qu'elle a écrit dans son livre sur Sainte Rita, comme l'a rappelé son interviewer sur Radio Notre Dame de le 25 juin 2024. Dans un roman de 2018 elle a évoqué ses mésaventures avec le présentateur TV Patrick Poivre d'Avor, thème sur lequel elle est revenue quand celui-ci a été poursuivi en justice.
En 2019 à la suite de violentes douleurs abdominales elle a fait une pèlerinage à Cascia en Ombrie, c'était son second pèlerinage, à 43 ans, le premier étant à 26 ans au début des années 2000. Le 5 juin 2024 elle a été interviewée par Cyril Hanouna sur C8, elle racontait qu'elle avait rencontré là-bas une femme dont la tumeur au cerveau a disparu grâce à la sainte, une autre dont le problème cardiaque s'est résorbé. Elle raconte aussi qu'elle a amené une de ses collègues musulmanes de 45 ans frustrée d'être célibataire sans enfant à cet âge à la chapelle Sainte Rita de l'église Saint-Augustin à Paris, et que quelques mois plus tard, sa collègue était mariée en congé de maternité.
Notons que la presse de Bolloré a bien aidé Mme Cornette de Saint-Cyr, puisque le 1er juillet dernier c'était aussi le Journal du Dimanche qui l'interviewait sur son livre, ainsi que Paris-Match le 13 juillet.
C'est par cette chapelle de l'église Saint Augustin que l'autrice a découvert Sainte Rita, puisque sa mère l'y a amenée à un moment où elle se sentait perdue. Elle lui a dit : "vas y, prie, demande à la sainte ce que tu as à lui demander". Elle dit qu'elle partage maintenant Sainte-Rita autour d'elle depuis 25 an (donc depuis 1999) en les amenant à St Augustin.
Lors de son pèlerinage (qui fut plus productives que ses neuvaines, dit-elle), l'écrivaine a demandé à la Sainte de devenir son ambassadrice.
Selon ce que lui a indiqué le sacristain du sanctuaire de Sainte Rita Nice, à ainsi qu'elle le détaille dans son livre "Au Secours Sainte Rita" Marie Laforêt, Mireille Mathieu, Amanda Lear, Raymond Barre, Mylène Demongeot, la James Bond girl Claudine Auger, Grace Kelly (qui y a déposé une photo des Grimaldi), et le maire de Nice (ex ou toujours franc-maçon) Christian Estrosi s'y sont rendus.
Christophe Mory sur Radio Notre Dame (5ème minute) pose la vraie question : "est-ce de la spiritualité ou de la superstition ?" L'artiste Ben (1935-2024), ami de Sylvana Lorenz, athée, a un autel pour Sainte Rita dans son jardin pour que ça lui porte chance, et avait fait pour le carnaval de Nice un char dédié à la Sainte demandant la libération des femmes et des minorités régionales françaises (les phrases sont écrites sur un cube noir, ce qui n'a pas une très bonne significations ésotérique). Yves Klein, natif de Nice (1928-1962) artiste et pionnier du judo, a été initié à Sainte Rita par sa tante Rose. L'ex-beau père de l'autrice (qu'elle ne mentionne pas dans ses interviews) rappelle (ici en min 30) que ce visionnaire aux tendances rosicruciennes qui a fait plusieurs fois le pèlerinage à Cascia s'accoudait toujours à la même fenêtre pour faire des pauses quand il faisait du judo à Fontenay-aux-Roses. Ultérieurement des religieux ont sans le savoir construit une chapelle en face de cette fenêtre avec une statue de Sainte Rita. En 1961, après un tremblement de terre Yves Klein a déposé à Cascia un ex-voto demandant à devenir invulnérable et que son exposition soit "celle du siècle" (Emmanuelle Dancourt il y a 12 ans rappelait déjà que cet ex voto été beaucoup critiqué).
Pierre Cornette de Saint Cyr (qui avait toujours une statue de la sainte sur lui) quant à lui avait eu une série de synchronicités étonnantes en lien avec Yves Klein le jour de la bénédiction des roses à la chapelle Ste Rita de Fontenay aux Roses qu'il a racontées sur KTO TV en 2012 ici. Pour être tout à fait franc, avec Klein on est dans une philosophie rose-croix liée à Max Heindel et, en fait, à la théosophie de Mme Blavatsky (luciférienne, ancêtre du New Age). Pierre Cornette de Saint Cyr gravitait au conseil d'administration du Palais de Tokyo, thématisait beaucoup la conquête de l'espace autour du saut dans le vide d'Yves Klein. Il rêvait d'ailleurs de faire une vente aux enchères depuis une station spatiale. On peut se demander si la promotion médiatique de Sainte Rita dans la mouvance Bolloré a un rapport avec ça. Je referme la parenthèse.
En 1985 après sa guérison du cancer, Roland Gerbeau (1919-2012) qui a écrit la célèbre "Douce France" lui a consacré une chanson.
Amandine Cornette de Saint-Cyr pense que les gens sont incités à redonner aux autres les bienfaits qu'ils reçoivent de Sainte-Rita.
En décembre, j'avais relevé sur ce blog en décembre la spiritualité très providentialiste qu'avait nourri chez la femme de Jean Guitton sa dévotion à Sainte-Rita. Voici donc le versant médiatique du culte, avec un livre qui s'est hissé dans le "top 10" des ventes de la Procure en juillet 2024. Le petit détour par Yves Klein, et la question posée par Emmanuelle Dancourt sur le lien avec la rose-croix (question que plus personne n'ose poser dans les interviews à Amandine Cornette de Saint-Cyr) doit quand même nous interroger sur les forces spirituelles à l'arrière-plan de cette "ambassade".
Le voyage sur la lune selon Kepler
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Les débats actuels sur la réalité de l'alunissage de 1969 nous le font peut-être oublier, mais la question du voyage sur la Lune a eu beaucoup d'importance sur le plan ésotérique, et a coûté fort cher à l'astronome J. Kepler dont on a déjà parlé ici.
Revenons sur ce sujet plus en détail.
A l'été 1609, Kepler a l'idée d'un alunissage en appendice à son travail de 1593 sur la perception des phénomènes célestes depuis la Lune (qui dérive d'une comparaison de la Lune avec la Terre, laquelle renvoie à Pythagore pour qui la Terre est une Lune, voyez Pierre Borel à ce sujet). Il en fait part à Galilée en disant qu'il a fait une géographie lunaire pour faire plaisir à Johannes Matthaeus Wackher von Wackhenfels, conseiller ecclésiastique de Rodolphe II.
Mais alors en 1611, des exemplaires de son Songe (un conte sur ce sujet) circulent jusqu'à Tübingen où des gens y voient une source de mise en cause de sa mère, Katharina qui vit à Weil-der-Stadt. Les archives auxquelles ont eu accès divers auteurs expliquent qu'une certaine Ursula Rheinhold a eu recours à ses services pour avorter avec une potion qui l'a rendue malade. Le frère d'Ursula, barbier, qui a lu le Songe, s'est épanché auprès du juge de Léonberg. Katharina a commis l'erreur de lancer un procès en diffamation, et alors les langues se sont déliées contre elle. Le 7 août 1620, à 74 ans, elle est emprisonnée à Léonberg pour sorcellerie. Elle sera libérée un an plus tard après que Kepler eut trouvé des causes naturelles aux sortilèges qu'on lui reprochait.
Ce qui a alerté le barbier c'est, dans le Songe, que le héros, du nom de Duracotus l'islandais venu de Thule, raconte comment sa mère Fioxhilde morte récemment a convoqué des esprit pour faire un "voyage astral" jusqu'à la Lune...
Cet événement donna envie à Kepler de préciser sous forme de notes ce qu'il avait voulu expliquer dans le Songe : le code de ce roman renvoyait à la magie naturelle (au sens de Pomponace) et non à la magie noire - par exemple que le daimon dont il s'agit est un ensemble de savants dont il a consulté les ouvrages).
Dans ce Songe, Kepler raconte qu'en 1608, au moment des conflits entre Rodolphe II et l'empereur Matthias, les gens en Bohème recherchaient des précédents à leur histoire, et lui-même, Kepler était tombé sur l'histoire de Libussa (Libussae viraginis), la mère légendaire du peuple tchèque, célèbre pour sa magie. Un jour il s'endort et il lui semble lire dans son sommeil un livre acheté à la foire de Francfort. Mais alors le vent et la pluie dans son sommeil viennent détruire la fin du livre. En fait dans son rêve il y avait la magicienne Fioxhilde (un mot que dans ses notes il dira inspiré par le fait qu'il avait vu le mot "Flox" sur une vieille carte de la maison que le recteur de l'université Charles lui louait à Prague au niveau de l'Islande, île qu'il relie à plusieurs références livresques), et son fils Duracotus (celui qui s'exprime dans le livre) et ils se sont couverts la tête pour mieux entendre un daimon. A la croisée d'un chemin ils prononcent une formule magique pour que neuf chefs d'esprits les fassent voyager jusqu'à Levania, allégorie de la Lune, ce qui est l'occasion pour Kepler d'utiliser ses travaux de 1593 dans ses descriptions.
L'histoire de l'aventure de Duracotus et de sa mère sorcière aurait été, selon l'historienne de l'Art Catherine de Buzon (Cahiers de Fontenay 1975) entièrement réduite à des explications naturelles par les notes de bas de page écrites pour disculper sa mère à Leonberg. Michel Ducos ici, en 1985, y voyait un pur divertissement. Il relève cependant que beaucoup de notes explicatives de Kepler renvoient au "Sur le visage qui apparaît dans le disque de la lune" de Plutarque. Or Plutarque, lui, ne plaisantait pas du tout quand il écrivait que l'une des taches de la Lune, appelée le "golfe d'Hécate" est le lieu "où les âmes subissent la peine et obtiennent vengeance de ce que, une fois devenues démons, elles ont fait ou souffert" (Plutarque, 944, c).
J'ajoute aussi que dans les années 1970 l'anthropologue Maurice Godelier qui enquêtait sur les Baruya, une des dernières tribus coupées des Blancs en Nouvelle Guinée fut interpellé par leur chamane qui lui dit : "la lune est est le séjour des morts - donne nous la formule magique qui a permis aux Blancs d y aller ".
La Jeanne d'Arc de George Bernard Shaw
Je regardais hier "Saint Joan" d'Otto Preminger avec Jean Seberg (1957) transposition à l'écran de la pièce de George Bernard Shaw qui est en intégralité ci-dessous.
Selon George Bernard Shaw (dont l'intégralité de la pièce peut aussi être vue sur You Tube) ,la Pucelle était "la plus insigne sainte guerrière du calendrier chrétien et le plus bizarre des excentriques preux du moyen-âge. Bien que catholique de profession et fort pieuse et en dépit de son projet d'une croisade contre les Hussites, elle était en réalité la première des martyrs protestants. Elle était également l'un des premiers apôtres du nationalisme et la première parmi les Français à pratiquer dans la guerre le réalisme de Napoléon, contrairement au jeu chevaleresque de son temps, avide de rançons. Elle a ouvert les voies à la rationalisation du costume féminin et,, comme le fit deux siècles plus tard la reine Christine de Suède, ainsi que Catherine d'Erauso et d'innombrables héroïnes inconnues qui se déguisèrent en homme pour servir comme soldats ou marins, elle refusa d'accepter le rôle réservé aux femmes et s'habilla, combattit et vécut comme les hommes. "
Par là Shaw signifiait qu'elle était capable de porter Dieu contre toutes les censures sociales, y compris celle de l'Eglise. On dit que la pièce publiée en 1924 (quatre ans après la canonisation) et fit beaucoup pour faire canoniser l'héroïne tandis qu'un comité d'intellectuels catholiques à Londres (la Saint Joan's Alliance - parmi eux des personnalités très estimables comme Hilaire Belloc) se mobilisait pour financer un mémorial expiatoire du crime commis par les Anglais à Rouen.
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On ne peut regarder le film sans une grande émotion. Le personnage de Jeanne y est fidèle à ce qu'on connaît d'elle. C'est d'autant plus touchant qu'il est incarné par Jean Seberg qui alors n'avait pas 19 ans. A l'époque la critique la trouva un peu trop "cutie". Aujourd'hui on voit les choses bien différemment, car elle fut elle-même une sorte de Jeanne d'Arc, à sa manière, et mourut en martyre - elle ignorait alors que cela finirait ainsi. Sur les planches, vingt ans plus tôt, c'était Katharine Cornell, la reine du théâtre américain (celle dont on faisait des statues), qui tenait ce rôle à New-York.
Je ne puis être indifférent non plus au fait que Graham Greene sur lequel je travaillais beaucoup l'an dernier, et qui avait un rapport si complexe à Dieu et à la révélation chrétienne, ait écrit le scénario.