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"De nuditate sacra sacrisque vinculis"

La Revue Sociologique de 1911, p. 231-232, expédie assez rapidement le "De nuditate sacra sacrisque vinculis" de Josef Heckenbach publié en 1911, commenté par la Revue
"Cette petite étude ou plutôt cette suite de deux petites études s'attaque à deux problèmes différents : le problème de la nudité sacrée et celui des liens ou plutôt des noeuds et de leur usage dans la religion et dans la magie. On retrouvera un groupement utile des principaux textes de l'antiquité où il est question de la nuditas sacra : l'auteur montre la nécessité de la nudité pour celui qui accomplit un certain nombre de rites, pour le sacrifiant et pour le sacrifié dans certains cas. C'est une vierge nue qui nourrit le serpent d'Apollon en Epire ; Polyxène est immolée nue. certaines processions, certains rites funéraires, des rites agraires, des rites magiques n'obtiennent leurs effets que si celui qui les accomplit s'est dépouillé de tout vêtement. Malheureusement, l'auteur ne distingue pas suffisamment les tabous exigeant la nudité, la nudité lustrale, et les cultes phalliques ou génésiques qui sont des choses tout à fait distinctes. L'auteur voit dans la nudité des pieds exigée de celui qui pénètre dans un temple, un reste de la nudité antique exigée en pareil cas.
A propos des noeuds, M. H. met en lumière la force inhibitoire des noeuds dans les choses sacrées, et l'usage que la magie fait de cette force. La crainte superstitieuse de lien magique s'attache aux noeuds : pour les actions saintes, on doit les éloigner. Au contraire, le magicien utilise cette vertu des noeuds pour nuire à autrui."
Sur la nudité des pieds, on y reviendra peut-être ultérieurement sur un livre fort étrange d'un avocat de Melun du XVIIe siècle, Sébastian Rouillard, "Les Gymnopodes ou De la nudité des pieds", 1624. A lire dans le prolongement du chapitre sur la nudité des pieds dans "Nudités romaines" de Cordier.
Il est dommage que ce texte latin ne soit pas traduit. On en trouve des références et des discussions chez divers auteurs. Par exemple Ch. Josserand en 1932, dans un texte sur les symboles pythagoriciens s'appuie sur Heckenbach pour rappeler que Médée dans Sophocle cueille les herbes maléfiques nues, de même que deux magiciennes sur un vase antique décrit par Hamilton en 1795, représentant un katadesmos selènès : deux magiciennes nues regardent la lune, figurée par un cercle où l'on distingue une figure de femme, elles tiennent d'une main l'une un glaive l'autre une baguette, toutes deux tendent vers l'astre l'autre main et la descente de la lune est suggérée par une chaîne qui joint le globe à la terre, et l'on sait depuis Tibulle et Horace (Horace le dit à propos d'une Thessalienne) que les magiciennes tentaient de faire descendre les astres. Hérodote (Op. 729) fait allusion au danger de se dévêtir la nuit, ce que Pline l'Ancien dans Histoires naturelles XXVIII 69 interprète comme une offense aux dieux à qui appartient la nuit. l signale que le Flamen Dialis ne peut se dépouiller de sa Tunique, si ce n'est dans un endroit couvert (Aulu Gelle et Plutarque), et Josserand rapproche de cela l'interdiction d'uriner devant le soleil chez Plutarque.
"A brief history of nakedness" de Philip Carr-Gomm
Il me faut dire ici un mot de "A brief history of nakedness" de Philip Carr-Gomm qui est sorti chez Reaktion Books en 2010, soit un an après mon ouvrage "La nudité, pratiques et significations".
Philip Carr-Gromm qui se présente en quatrième de couverture comme écrivain et psychologue, est chef élu de l'Ordre des Bardes, druides et Ovates (OBOD) en Angleterre, disciple de Ross Nichols (qui a travaillé avec Gardner), ce qui nous renvoie à notre propos sur la nudité dans la Wicca (voir le billet ici).
L'intérêt du livre de Carr-Gromm, c'est que ce n'est pas un livre d'anthropologue, mais un livre de croyant. Vous le savez, la démarche de mon propre livre s'est tenue à l'écart des apologies de la nudité (d'autant que celles-ci sont souvent assez fades et superficielles). Il est cependant utile, une fois le travail "d'objectivation" mené en toute neutralité, d'entendre quelqu'un qui exposera avec conviction le sens spirituel qu'il investit dans la dénudation et le soutiendra d'un bout à l'autre de son ouvrage.
Carr-Gromm y examine notamment la dimension (démoniaque) religieuse de la nudité à partir du courant auquel il appartient, la Wicca. Il livre des anecdotes intéressantes comme cette histoires de cérémonies wicca nocturnes "in the nude" à la veille de l'attaque allemande contre l'Angleterre en 40, avec un regard intéressant sur l'itinéraire des fondateurs du néo-celtisme, leurs liens avec le naturisme et avec la franc-maçonnerie. Loin de s'en tenir à cette simple approche historiographique, il la fait entrer en résonnance avec des dimensions que j'ai traitées assez longuement dans mon livre : la nudité comme abolition des barrières sociales, rupture avec les conventions, ouvertures à son soi intime, mais aussi la dimension fertilisante de la nudité dans les rituels agraires (toujours un peu mystérieuse à mes yeux), et la valeur apotropaïque de l'exhibition des genitalia contre les esprits mauvais.
Les sorciers et sorcières de Wicca et la nudité
Historiquement, la nudité est assez fortement liée au souvenir de la prêtrise celtique féminine antique. Voir par exemple le texte sur ce site (un extrait de "L’instruction popularisée par l’illustration", par Bescherelle, de 1851, p.40).
« Druidesses. Prêtresses gauloises que l’on touve aussi appelés Druiades, Dryades*, mais qui, dans la langue gauloise, avaient des noms correspondant à ceux de Senœ et Kenœ, que leur donnaient aussi les Romains, et qui signifiaient saintes, vénérables. – Elles formaient des collèges indépendants les uns des autres. Les unes, qui paraissent avoir occupé le premier rang, vivaient dans une virginité perpétuelle ; celles de quelques collèges étaient mariées, mais n’avaient avec leurs maris que de rares communications. Les plus célèbres de leurs sanctuaires étaient ceux de lîle de Sein ou de Sains, sur les côtes du Finistère ; de l’île de Sana, sur la Loire, et du Mon-Jou (Mont Saint-Michel), sur les côtes de la Manche. Celles de l’île de Sein, nommées Barrigènes par les Gaulois, selon P. Mela, et du Mont-Jou, étaient au nombre de neuf. Leur costume ordinaire consistait en une longue robe noire à larges manches, serrée par une ceinture de cuir noir, et en un bonnet blanc en forme de cône tronqué, attaché sous le menton et recouvert d’un grand vile violet. Les Gaulois croyaient qu’elles pouvaient, par leurs enchantements, exciter des tempêtes, se métamorphoser en toutes sortes d’animaux, guérir les maladies les plus invétérées, et prédire l’avenir, surtout aux navigateurs. Elles expliquaient les songes, rendaient invulnérables ceux auxquels il leur plaisait d’accorder ce privilège, évoquaient les morts, les ressuscitaient même, et détournaient la grêle et les inondations au moyen d’opérations magiques qui ne pouvaient être faites que la nuit, à la lumière des torches ou au clair de la lune. On les voyait, dit Tacite, accomplissant des sacrifices nocturnes, toutes nues, le corps teint en noir, les cheveux en désordre, des torches à la main et s’agitant comme des furies. Leur réputation de prophétesses était aussi grande et plus grande peut-être dans l’Italie que dans la Gaule [...] Les auteurs chrétiens des six premiers siècles parlent souvent des Druidesses ; ils les qualifient de sorcières, en font les portraits les plus odieux et leur donnent même le nom de Lamies, de Stries, etc., qui annoncent des mœurs barbares et féroces ; mais nous croyons que de la part de ces dévots écrivains il y avait parti pris et haine religieuse. Nous ne saurions, en effet, attribuer aux Druidesses, comme l’ont fait inconsidérement certains auteurs, ce que Strabon rapporte (liv. VI) des prêtresses des Cimbres. Lorsque l’armée avait fait des prisonniers, dit cet auteur, les Druidesses accouraient vêtues de blanc et l’épée à la main, jetaient les prisonniers par terre, les trainaient jusqu’au bord d’une grande citerne ; là, une autre Druidesse attendait les victimes, et, à mesure qu’elles arrivaient, elle leur plongeait un couteau dans le sein et tirait des prédictions de la manière dont le sang coulait ; les autres Druidesses ouvraient ensuite les cadavres et en examinaient les entrailles pour en tirer des prédictions que l’armée attendait avec impatience. Sous les rois de la seconde race, où elles portaient les noms de Fadae, Fanae, Gallicae, on nous les montre habitant les cavernes, les puits desséchés, les lieux déserts, où de nombreux visiteurs venaient les interroger, et leur apportaient des présents en échange de leurs consultations ».
Ces textes ont beau relever largement de la légende (un signe : le nombre de neuf prêtresses comme les druidesses du Mont Saint Michel, ou les sorcières de Kaer Loyw - Gloucester - revient souvent), on voit bien que cette référence à la nudité a imprégné les imaginaires dans le cadre du néo-paganisme celtique en vogue depuis quelques décennies sous le nom de religion wiccane.
Le livre de référence sur l'histoire du renouveau de la sorcellerie celtique est "The triumph of the Moon : A history of Modern Pagan Witchcraft" de Ronald Hutton Oxford Universitary Press, 2000, gros ouvrage de 500 pages qui explique comment la sorcellerie païenne a connu un renouveau à la fin du 18ème siècle en Angleterre quand les rationalistes ont fait abolir la loi interdisant la sorcellerie. Gerald Gardner a pu fonder la religion wiccane sur cette base, qui a ensuite migré en se transformant sous la houlette de Margaret Murray. Comme le note Hitton (p. 361) "Pagan witchcraft travelled from Britain to the United State as a branch of radical conservatism ; it returned as a branch of radical socialism".
Une des preuves de l'importance de la nudité dans cet univers là (qu'on trouve aussi dans l'imagerie de la page Facebook en français des Sorcières de Wicca), est cette question posée sur un site wiccan : "I'm thinking about joining a Wiccan coven, but I read somewhere that Wiccans practice in the nude. That sounds kind of embarrassing. What's up with that?"
La prêtresse Phyllis Curott ici répond "pas toujours, pas forcément", et insiste sur le fait que cela n'est pas obligatoire, et sur le fait que cela est interdit chez les mineurs, tout en soulignant qu'il faut tout de même valoriser la sexualité naturelle du corps et en citant une analogie avec le yoga tantrique ("your body is an embodiement of the divine").
"Skyclad" ("vêtu de ciel") est le mot réservé à la nudité rituelle. Tant l'orthodoxie gardnerienne que la tendance alexandrienne ont valorisé celle-ci. Sur cette page Angelina Rosenbush, wiccane de Minneapolis (Minnesota) met en garde contre le fait que la nudité lors de la fête de Baltane (le 1er mai) peut provoquer une hypothermie.
La question rejoint celle de la sexualité orgiastique, imputée à certaines dérives sataniques. Ce site insiste sur le fait que le sexe rituel ("grand rite"entre prêtres féminin et masculin qui se transforment en dieu et déess) ne se vit le plus souvent qu'en privé parmi les couples "établis" ou symboliquement avec une baguette magique et un calice, mais que les expériences orgiaques des années 70 ont quasiment disparu avec l'apparition du SIDA et de la "syphilis résistante aux antibiotiques". Il reconnaît cependant certains recours occasionnels à une sexualité rituelle qui ne serait cependant pas centrale dans les cultes.
Une wiccane prétend exprimer ici le point de vue le plus répandu dans les milieux wiccans (mais cela devrait être vérifié avec une enquête sociologique). Les wiccans sont "sex positive" (valorisent positivement le sexe), les femmes, même si elles sont mariées, ne sont pas la propriété de leur homme, et par conséquent leur demander si elles ont un homme dans leur vie est "irrelevant". Les wiccans dissocient la nudité du sexe. Tous ne sont pas naturistes mais beaucoup le sont. Pour les gens qui vont à des festivals païens (Free Spirit, Pagan Spirit Gathering, etc) il faut être prêt à voir certaines personnes nues. La plupart des groupes que cette témoin connaît pratiquent habillés.
Une émission de la chaîne du National geographic sur la nudité rituelle, dont un extrait gratuit a été visionné plus de 700 000 fois sur You Tube a suscité un commentaire à propos d'un "coven" de Sidney. D'autres témoignages sur le rapport à la nudité et à la sexualité des wiccans en Australie se trouve ici.
Pour l'utilisation de la nudité dans les religions, je renvoie à mon livre "La nudité pratiques et significations" (Editions du Cygne).
Around the world
Lu aujourd'hui sur un profil Facebook : "Journée du nu sur FB les artistes s'unissent contre la censure".. Et bien moi j'en ai marre de voir des gens à poil sans poils et vas-y que je dois désirer, baiser, orgasmer, éjaculer partout... Donc pour que le concept d'intimité ressurgisse, bravo la censure!!!"
A noter aussi ceci sur un autre : "La police de New-York n'arrêtera plus les femmes sans le haut. De plus les éventuels attroupements autour d'une ou plusieurs d'entre elles devront être dispersés. Les femmes poursuivies pourront réclamer des dommages-intérêts."
Les recherches de Mme Pasche Guignard sur la nudité et le divin
Récemment j'ai dit un mot sur ce blog des travaux de Mme Magali de Haro Sanchez sur les papyrus iatromagiques égyptiens. Toujours soucieux de maintenir ce blog en lien avec les recherches universitaires récentes, je voudrais dire un mot de la thèse de Mme Florence Pasche Guignard intitulée "De quelques représentations de figures féminines en transaction avec des dieux : Exercice d’exploration thématique différentielle en histoire comparée des religions", thèse de doctorat sous la direction de Maya Burger et Dominique Jaillard, soutenue le 18 septembre 2012 à la Faculté des Lettres de l'Université de Lausanne.
Je ne parlerai ici que du deuxième axe "Le retrait au corps" de la partie III intitulée "Exploration", car il recoupe en partie certains aspects de mon livre "La nudité pratiques et significations". L'historienne des religions, après avoir décrit comment, dans le rapport aux dieux, le corps féminin peut être équipé d'attributs ornementaux, conjugaux ou érotiques, il existe aussi une corporéité féminine marquée par le retrait de certains signes distinctifs, retrait qu'elle concçoit sous deux catégories, celle de la nudité et celle du dépouillement.
Sur le versant de la nudité (que l'auteur aborde sans avoir lu mon livre et donc sans dialogue possible avec mes propres recherches, il faut le préciser), Mme Pasche Guignard part de la figure d'Akka Mahadevi, qu'elle présente comme "une figure féminine de la bhakti sivaïte de l’Inde du sud au 12e siècle, "souvent représentée nue dans l’iconographie traditionnelle", mais couverte d'une chevelure abondante (comme sainte Agnès sous nos latitudes), qui atténue son érotisme (alors que pourtant la chevelure a parfois une valeur érotique dans d'autres contextes).
Elle identifie cinq cas d'utilisation de la nudité devant les dieux : (1) la mise à disposition du corps féminin pour le dieu (en tant que corps de la bien-aimée) ; (2) un choix ascétique souvent associé à une marque de liberté par rapport aux contraintes et aux attentes de la société ; (3) une violence contre le corps féminin dans le but de porter une atteinte à l’honneur ; (4) une prescription rituelle ; (5) une manifestation de folie temporaire imposée comme châtiment par une divinité.
Le cas de Akka Mahadevi pouvant entrer dans le rubrique (2). Le cas des filles de Protée qui errent nues à la suite d'une décision d'Aphrodite dans les Histoires Variées d'Elien relèverait du (5), mais Mme Pasche-Guignard s'en tient au corpus indien.
Elle retient
- donc pour la catégorie (3) le déshabillage de Draupadi dans le Mahabharat (repris dans dans le Padavali attribué à
Mirabai) quand Duryodhana vainqueurs à une partie de dés demande aux époux de Draupadi de la dévêtirà la cour du roi Dritharastra avant d'être sauvée par Krishna
- pour la (4) le « vol des vêtements » (cir haran) des gopis (dans le Bhagavata Purana) par Krishna que j'ai voqué dans "La Nudité".
- et pour le (1) le pad du Padavali.
A partir d'une étude du déshabillage de Draupadi et du "vol de vêtements" de gopis, F. Pasche-Guignard rappelle que la nudité féminine, danger pour l'honneur de la famille de la femme et pour l'intégrité psychologique de l'homme qui la désire d'un point de vue patriarcal, est aussi une punition pour la femme (je renvoie ici à mes propres développements sur la nudité-humiliation dans mon livre précité).
On trouve dans son travail d'intéressantes mises en rapport de la nudité avec les lieux de son déploiement : par exemple sur la légitimité de la nudité (ce que j'appelle pour ma part la nudité-don) dans la chambre de la belle famille (avec au passage des remarques utiles sur la difficulté de traduire le vers "Je suis assise, parée et maquillée, dans la maison du Bien-Aimé et maintenant je n’ai même plus de brassière").
Il y a dans le travail de F. Pasche-Guignard une remise en contexte de la nudité féminine à l'égard de la problématique générale du dépouillement (et donc de l'abandon des marques sociales et du luxe). Elle note que la poétesse Mirabai du XVIe siècle (auteur des Padavali) renonce au luxe (pensons au dernier livre pour le "grand public" de P. Morand sur les religions et le luxe) sans renoncer au vêtement et les nonnes jaïns ne se dénudent pas (à la différence de certains renonçants masculins). Akka Mahadevi reste l'exception plus que la norme. Dans les rites de transition (que j'ai pour ma part rattachés aux travaux de Goffman) l'abandon des parures ou l'abandon complet des vêtements joue un rôle comparable. Dans une excursion hors du corpus indien l'historienne renvoie au dépouillement de Cassandre (dont on peut noter aussi que dans l'iconographie grecque il va jusqu'à la dénudation partielle, et même une dénudation des plus violentes selon les canons de représentation de la Grèce classique).
Les questions que pose F. Pasche-Guignard sur la place de la dénudation dans les religions, ainsi que leur mise en contexte (par exemple le lien avec l'eau, la double mise en danger de l'eau et de la nudité, pensons aussi au baptême) peuvent donner lieu à beaucoup de prolongements à partir de l'étude de corpus culturels hétérogènes et éclairer le rapport anthropologique de l'humain à ses vêtements. Je pense aussi comme le suggère l'auteur lui-même que cela devrait être pensé avec la problématique de la nudité des dieux et des déesses (il faudrait reprendre à nouveaux frais les intuitions de Georges Devereux là-dessus en les libérant de leur gangue psychanalytique). Je tombe par hasard en ce moment sur des remarques intéressantes de Tobie Nathan (dans son autobiographie dont nous ferons bientôt la recension) sur le rapport érotique des peuples sémitiques au divin (notamment à travers la hiérodulie). C'est aussi une dimension religieuse de la nudité qu'il faut tenir ensemble avec les analyses de Mme Pasche-Guignard. Nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir.
La nudité "intimidatrice" des mères en psychanalyse
La psychanalyse occupe une place problématique dans notre société. Après les polémiques des années 2000 et la montée en puissance des neurosciences et de diverses thérapies nouvelles, la méthode freudienne a été battue en brèche d'autant que les normes sociales s'accommodent mal du primat qu'elle accorde à la parole et à la démarche introspective. La tournure de pensée qui la soustend n'est pas des plus rigoureuses, et ses résultats sont souvent pris en défaut. Il y aurait beaucoup à dire aujourd'hui de la pluralité d'approches de cette matière qui va du freudisme orthodoxe au tantrisme en passant par le jungisme et tant d'autres écoles qu'on se gardera de détailler ici. On se contentera d'observer que, si elle n'est plus aussi centrale dans les références culturelles qu'il y a vingt ans, elle garde probablement une utilité thérapeutique ici et là (dans certains instituts médicaux, dit-on) et quelque intérêt heuristique aussi dans le domaine de l'interprétation des rêves par exemple, ou dans la lecture de certaines oeuvres d'art.
Dans mon ouvrage sur la nudité, j'utilise certaine de ses observations cliniques sans adhérer à toutes ses interprétations. Ces cas ont aussi une valeur historique, il illustrent un miieu social à une époque donnée et auraient peu de chances de se livrer sous la même forme dans d'autres contextes.
A la lecture de "Baubo, la vulve mythique" (un livre important pour nos études déjà abordées ici sur les déesses mères, et d'utant plus important qu'il fut défendu par Hans Peter Duerr - grand inspirateur de nos travaux sur la nudité - en Allemage, avant même que d'être connu en France), de Georges Devereux, psychanalyste et père de l'ethnopsychiatrie, je tombe sur des considérations sur la nudité comme "moyen intimidation" empruntées à Plutarque et à Hérodote qui renvoient à un texte de Sandor Ferenczi (illustre disciple de Freud) de 1919 (*) cité in extenso en annexe du livre et que je vous communique ci-dessous. Ce texte fait penser à la nudité des FEMEN en Ukraine et à celle des femmes africaine dans de manifestations politiques (voir encore au Togo le28 août dernier), voire à la légende de Jawdar dans les Mille et une nuits.
Cette nudité "intimidatrice" est aux antipodes de celle, réconfortante, de Baubo qui console Déméter ou la mère du futur Staline qui montrait sa poitrine à son enfant pour le faire rire - voir "Le Jeune Staline" - une pratique peut-être répandue en Géorgie ?
Il faudra revenir sur ce thème, notamment pour approfondir nos condidérations anthropoogiques sur les déesses-mères.
(*=) La nudité comme moyen d'intimidation "Die Nacktheit als Schreckmittel", in Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse, traduit dans Psychanalyse II, Oeuvres complètes, 1913-1919
Lady Gaga "nue" sur Twitter : le traitement médiatique
La chanteuse Lady Gaga le 27 juillet pose en string couleur chair (certains journaux disent nue pour simplifier ou vendre) sans guère de maquillage (pour "faire naturel", une fois n'est pas coutume) sur Twitter (quelques jours après avoir posé nue dans un style plus élaboré pour un parfum) En 2010 pour son anniversaire elle avait fait de même, mais juste topless. Le quotidien conservateur espagnol ABC, la Prensa du Honduras publient la photo sur leur site en coupant au bon endroit (Le Parisien, le Huffington Post français coupe encore plus, comme son homologue québécois), The Hindustan Time en la floutant, ce qui peut faire croire qu'elle ne porte rien (la plastique corporelle de la chanteuse est très suivie en Inde où des militants des droits des animaux lui avaient demandé de se couvrir de feuilles de laitue plutôt que d'une robe couleur viande). Pakistan Today et Emirates 24-7 (aux Emirats arabes unis) mentionnent la nouvelle sans publier la photo... Le Corriere de la Serra, la Reppublica (Italie), The Sun (Royaume Uni) ne censurent rien. Beaucoup de journaux ne signalent pas la nouvelle.
Livre : "Un anonyme nu dans le salon" d'Idan Wizen
Le photographe Idan Wizen qui a entrepris de photographier des gens ordinaires et de faire d'eux des portraits artistiques nus, proposés ensuite à la vente, vient de publier ses cent premières photos, dans un ouvrage que j'ai préfacé, aux éditions "Regard sociétal".
Le livre, qui sort aujourd'hui, peut être commandé ici (cliquez sur le lien).
Vous pouvez par la même occasion découvrir son site, et participer à son projet original si le coeur vous en dit. Comme le précise la quatrième de couverture "Initié à Paris, en avril 2009, le projet Un Anonyme Nu Dans Le Salon permet à chacun de venir poser dans le plus simple appareil, sans le moindre casting et sans le moindre préjugé." Il participe ainsi aux nouvelles approche du rapport à son propre corps et au corps d'autrui, un phénomène de société très caractéristique de notre époque.
Je vous signale aussi à toutes fins utiles des textes que j'ai postés sur son site, notamment une comparaison avec un autre concept de photo de gens ordinaires nus qui s'est développé sur un mode assez différent en Angleterre.