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Articles avec #generalites nudite et pudeur tag

Culte solaire et éloge de la possession

9 Juin 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Généralités Nudité et Pudeur, #Nudité-Pudeur en Europe

Dans "La Saison des apparences, naissance des corps d'été" (eds Anamosa), le sociologue Christophe Granger cible bien la dimension de possession par des entités que revêt le corps estival au contact du soleil aux yeux des auteurs de l'entre-deux guerres.

Il note p. 105-106 que Pierre Laurier dans un article intitulé "Soleil" de la luxueuse "Revue Ford des Sports du monde" (juin 1935, p. 38-39) écrit qu'au soleil "nous devenons parsis, ou, si vous préférez, disciples de Zoroastre, nous adorons le soleil" (pour mémoire c'était là la religion du chanteur Freddy Mercury, de Queen, qui déclarait sur scène avoir passé un pacte avec le diable). Laurier y vante la "douce anesthésie" du cerveau. Roger Ribérac dans Amours de Plage (Gribiche aux bains de mer, 1934, p. 29-30) décrit le fait que  "Le soleil brûle, pénètre la peau, le sang ; on dirait une vie nouvelle qui s'infiltre". Alice Ducaen dans la même veine "Quand il fait bien chaud, quand le soleil tape fort vous fatigue et vous exalte à la fois (....) comme ces choses là vous remuent, vous agitent délicieusement, sans qu'on sache au juste pourquoi,lorsque le soleil vous monte à la tête".

DH Lawrence chantre de l'adultère, en 1926 dans "Soleil" : « Elle sentait le soleil qui pénétrait jusqu’à la moelle de ses os, plus loin encore jusqu’à ses émotions et ses pensées. La sombre tension de ses sentiments se relâcha, les caillots sombres et froids de ses pensées commencèrent à se fondre. Elle sentait enfin la chaleur envahir son être. Elle se retourna pour laisser ses épaules, ses reins, ses cuisses et même ses talons se dissoudre au soleil. Et elle demeurait stupéfaite de la transformation qui s’opérait en elle. Son cœur las et glacé se fondait et s’évaporait au soleil. » La chaleur abolit la lucidité, ajoute le poête Philippe Huc alias Tristan Derème (écrivain d'origine béarnaise) dans Marianne du 10 août 1938, sous le titre "La sirène des vacances" (jetez un oeil aux témoignages sur les esprits de sirènes sur Youtube...)

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La nudité en France équinoxiale

2 Juin 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Généralités Nudité et Pudeur

Pendant trois ans, de 1612 à 1615, il exista sur l'Ile de Maragnan autour de la ville de Saint Louis une "France équinoxale". Elle a fait suite à la tout aussi éphémère "France antarctique", colonie huguenote située à Rio de Janeiro (1555-1560) sur lequel écrivit Jean de Léry  qui s'y rendit en 1557.

Le capucin Claude d'Abbeville s'y rend en 1612 et rédigea un compte rendu de sa mission.

En p. 269, le P. d'Abbeville fait cette réflexion su la nudité des Indiens Topinamba (chap XLVI).

Il ne se trouve guère de nation tant puisse-elle être barbare qu'elle n'aie recherché de tout temps l'usage des vêtements ou de quelque chose pour couvrir au moins leur nudité : en qui les Indiens Topinamba sont d'autant plus étranges non seulement qu'ils vont ordinairement tout nus comme s'ils sortaient du ventre de leur mère, mais encore de ce qu'ils ne font paraître aucunement qu'ils aient tant soit peu honte ou vergogne de leur nudité.

Si tôt que nos premiers parents eurent mangé du fruit défendu, leurs yeux furent ouverts (dit l'Ecriture) et connaissant qu'ils étaient nus, ils prirent des feuilles de figuier et cachèrent leur nudité pour honte et vergogne qu'ils en avaient.

D'où vient donc que nos Topinamba ayant été faits participants de la coulpe d'Adam et héritiers de son péché, n'ont-ils pas aussi hérité la honte et vergogne (qui est un effet du péché) ainsi qu'ont fat toutes les autres nations du monde ?

On pourrait alléguer pour réponse la très ancienne coutume de ces peuples lesquels de tout temps ont été nus comme ils font, et que pour celui-ci ils n'ont point de honte ni de vergogne de leur nudité, ne s'étonnant non plus de voir le corps tout découvert que faisons ne voyant la main ou la face d'une personne.

Mais je dirai davantage que nos premiers parents ne cachèrent pas leur nudité et ne ressentirent aucune honte ou vergogne d'icelle jusques à ce que leurs yeux furent ouvertes, c'est à dire jusques à ce qu'ils eurent connaissance de leur péché, et qu'ils se virent nus et dépouillés de ce beau manteau de la justice originelle. car la honte ne provient que par la connaissance de la défectuosité du vice ou du péché, et la connaissance du péché ne provient que par la connaissance de la loi, Peccatum non cognovi (di St Paul) nisi par legem. Puis donc que les Maragnans n'ont jamais eu la connaissance de la Loi, ils ne peuvent aussi avoir la connaissance de la défectuosité du vice et du péché, ayant toujours les yeux fermés aux plus profondes ténèbres du paganisme. Et de là vient qu'ils n'ont honte ni vergogne d'aller tout nus sans aucune espèce d'habit ou autre couverture pour cacher seulement leur nudité.

Plusieurs croient que c'est une chose bien monstrueuse de voir ce peuple tout nu et qu'il y a bien du danger de fréquenter parmi les femme set les filles indiennes étant nues comme elles sont, parce qu'il ne se peut faire que cette nudité ne soit un objet bien fort pour attirer ceux qui s'y arrêtent et les faire tomber en quelque précipice de péché.

Il est ainsi que cette coutume de marcher nu est merveilleusement difforme et déshonnête, ressentant infiniment sa brutalité. Aussi le danger semble-il bien grand en apparence, mais en effet je puis dire qu'il a sans comparaison beaucoup moins de danger à voir la nudité des Indiennes que la curiosité des attraits lubriques des Dames mondaines de la France. Car ces Indiennes sont si modestes et retenue en leur nudité que l'on ne voit en elles ni mouvement, ni geste,ni parole, ni action, ni chose quelconque qui puisse offenser les yeux de ceux qui les regardent ; ains êtant fort soigneuses de l'honnêteté en ce qui es même de leur mariage, elles ne feront jamais rien publiquement qui puisse causer scandale ou quelque admiration. Joint que la difformité ordinaire ne donne pas peu d'adversion, la nudité de soi n'était peut-être si dangereuse ni attrayante que sont les attifects lubriques avec les effrénées mignardises et nouvelles inventions des Dames de par deçà, qui causent plus de péchés mortels et ruinent plus d'âmes que ne font les femmes et les filles indiennes avec leur nudité brutale et odieuse.

Et ce qui rend ordinairement les Indiens, soit hommes, soit femmes, d'autant plus désagréables qu'ils s'imaginent beaux, est qu'ils se peignent le visage et tout le corps de diverses couleurs. Vous leur voyez quelquefois la face toute bigarrée de rouge et de noir, quelquefois ils n'en peignent qu'un côté et la moitié du front avec la joue qui est à l'opposite, laissant le reste en son naturel : Ainsi vouez vous leur corps plein de diverses figures devant et derrière, depuis la tête jusques aux genoux, comme s'ils étaient vêtus de pantalon fait d'un satin noir figuré et découpé, ayant les mains et les jambes toutes noires de suc de junipap.

Ce n'est pas toutefois qu'ils soient toujours peints et figurés, cela est quand bon leur semble : et s'il y en a de plus coutumiers les uns que les autres à s'y plaie, ce sont principalement les jeunes filles qui prennent plaisir à se bigarrer et figurer ainsi tout le corps en diverses façons, chacune selon sa fantaisie.

lls ne se peignent pas toujours eux-mêmes, mais ils s'entreparent et figurent ainsi les uns les autres : les filles êtant les plus addrextrées et celles qui sont les plus ordinaires à ce métier. Et bien qu'elles 'aient jamais appris à pendre, vous seriez néanmoins étonnés de voir la diversité des belles figures qu'elles font sur les corps.

Vous verrez quelquefois un jeune homme tout deout les deux mains aux côtés et auprès une fille à genoux ou assise sur un talon avec un couy (espèce de vaisseau fait de la moitié d'un fruit) dedans lequel est une peinture, tenant en sa main un petit bout de pindo qui sert de pinceau dont elle tire les traits sur le corps d'icelui aussi droits que si elle avait une règle, et aussi dextrement que pourrait faire un peintre : si bien que faisant de telles figures qui lui plait vous n'y verriez pas un point passer l'autre.

Néanmoins il s'y trouve quelquefois des femmes lesquelles tenant un miroir en main gauche et en l'autre un petit pinceau de pindo, se peignent elles mêmes la face avec autant de curiosité que les Dames mondaines se fardent par deçà, faisant des petits traits de junipap au lieu des sourcils qu'elles ont arraché : c'est en cela qu'elles passent une bonne partie du temps, s'estimant bien braves d'être ainsi bigarrées.

Pour le regard des plus valeureux et grands guerriers, ils ont coutume, à ce qu'ils soient plus estimés entre ceux de leur nation et redoutés de leurs ennemis, de prendre un os de la jambe de quelques certains oiseaux, qu'ils assillent comme rasoirs, avec lequel ils se gravent et figurent le corps de diverses façons.

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Qui était derrière le lobbying pour la nudité publique en 2015 ?

29 Avril 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Généralités Nudité et Pudeur, #Nudité-Pudeur en Europe, #Pythagore-Isis, #Histoire secrète

Le grand public ne l'a peut-être pas su, mais, en 2015, les partisans de la nudité publique ont voulu profiter de l'ouverture de la garde des sceaux Christiane Taubira au thème des réformes sociétales (le mariage homosexuel avait été adopté en mai 2013) pour promouvoir une dépénalisation de la promenade publique en tenue d'Adam ou d'Eve. A cette fin la journaliste escort girl ex-Femen Eloïse Bouton lançait un colloque sur ce thème à l'assemblée nationale sous la houlette du député EELV  Sergio Coronado. L' association pour la promotion du naturisme en liberté (Apnel), ainsi que Me Tewfik Bouzenoune, avocat à la Cour (défenseur d'un randonneur nu à Périgueux en 2013 puis en 2017 de l'artiste Déborah de Robertis, mais aussi de Cécile Duflot, ) étaient présents aux côtés de la Fédération française de naturisme (FFN) à laquelle l'Apnel appartient. Le colloque s'est tenu le jeudi 18 juin 2015 de 9h30 à 12h à l'assemblée en salle Colbert.

Etaient intervenus Geneviève Fraisse, philosophe, directrice de recherche au CNRS, ancienne déléguée interministérielle aux droits des femmes et ancienne députée européenne, Me Tewfik Bouzenoune, avocat à la Cour, l'artiste nudiste Déborah De Robertis, Rachel Mulot, membre de La Barbe (et Cheffe du service Enquêtes au magazine Sciences et Avenir), groupe d’action féministe, Philippe Colomb, membre de la Vélorution et organisateur de la manifestation cyclo-nudiste de Paris (il se présente sur Twitter comme un "bibliothécaire engagé, écolo politique, internationaliste pro-migrants").

L’artiste américaine féministe Rhiannon Schneiderman (qui comme De Robertis aimait se montrer nue sur ses photos) avait réalisé une série de photos intitulée "Exhibitionist" "en soutien au colloque" (sic).

Pour continuer à faire avancer cette cause, l'Apnel adressait le 20 juin une invitation (dont j'étais destinataire car à l'époque les médias m'interviewaient souvent sur la nudité publique)  "à l’adresse de personnalités, associations et partis politiques pouvant contribuer, par leur action, à la  dépénalisation complète de l’état simple de la nudité humaine" le 4 juillet, à 9 heures au siège de la FFN à Pantin. Elle annexait à cette invitation un projet de Proposition de Loi portant diverses dispositions tendant à dépénaliser l’état de nudité et clarifier l’article 222-32 du Code Pénal sur l’exhibition sexuelle. Je n'ai pas pu me rendre à cette réunion pour savoir ce qui s'y disait.

Le 23 juillet 2015 un naturiste m'écrivait " je ne crois pas trop à la voie législative, trop lourde, ni même réglementaire. Je pense que l'évolution sera plutôt jurisprudentielle, quelques arrêts de relaxe bien médiatisés, ou, comme pour les seins  nus il y a 40 ans, une circulaire aux procureurs leur enjoignant de ne plus poursuivre. Mais je ne suis pas devin, on verra bien."

Il semble que la proposition de loi n'ait jamais abouti. Peu de gens en France étant partisans de la liberté d'aller et venir nu. Les lobbyistes ont peut-être estimé qu'une action discrète à coup de circulaires serait politiquement moins risquée. Ils ont aussi investi dans les expériences municipales locales comme le parc naturiste de Vincennes.

Pour ma part je me suis demandé après coup s'il n'y avait pas des lobbies occultes derrière l'initiative de Bouton. A la fin des années 2000 une responsable de centre naturiste avait attiré mon attention sur le fait que les francs-maçons avaient tout au long du XXe siècle encouragé le développement du naturisme, tout comme ils avaient été à l'origine des lois sur la sécurité sociale (en Angleterre et en France), sur la contraception, sur l'avortement...

Éloïse Bouton a été condamnée en février 2017 pour exhibition dans l'église de la Madeleine, ce qui a été confirmé en appel. Le 20 décembre 2013 dans l'église de la Madeleine, à Paris, elle avait avait mimé un simulacre d'avortement de l'enfant Jésus avec des morceaux de foie de veau devant l'autel de l'église de la Madeleine. Sur sa poitrine, on pouvait lire «Christmas is canceled» («Noël est annulé») et «344e salope», en référence au manifeste des 343 femmes qui avaient signé un appel en 1971 pour la dépénalisation de l'avortement. Par cet acte, elle entendait dénoncer les prises de position de l'Église, alors que des restrictions sur l'avortement étaient envisagées en Espagne. L'action n'est pas sans rappeler celle de certains lobbies pro-avortement aux Etats-Unis dont les actions mobilisent parfois des rituels occultistes (voir photo). On peut se demander s'il n'y avait pas une dimension rituelle aussi dans son geste à la Madeleine.

Eloïse Bouton tirant argument de ce qu'une Femen qui avait mené une action au Musée Grévin en 2014 avait été relaxée s'est pourvue en cassation mais ce pourvoi fut rejeté le 9 janvier 2019, la condamnant définitivement à un mois de prison avec sursis. Un an plus tôt elle avait sorti un documentaire co-écrit avec le rappeur "Dr de Kabal" dont le nom à lui seul évoque la kabbale et l'occultisme (son premier maxi en 1992 était dédié à la secte des Assassin, à l'origine de certaines traditions templières). Elle multiplie les conférences à ses côtés depuis lors, par exemple à l'université de Villetaneuse les 29 janvier et  9 avril derniers avec une affiche illustrée par un damier maçonnique. Son association "Madame Rap" mobilise beaucoup l'imagerie du poing levée issu de la galaxie du milliardaire Soros (Otpor, Canvas, la Women March de 2017 aux USA etc) dont Wikileaks a montré les liens avec les milieux occultistes proches d'Hillary Clinton. Tout cela pourrait plaider pour une implication maçonnique (ou du moins celle de l'aile la plus anti-chrétienne de la maçonnerie) derrière le colloque de 2015, mais évidemment cela ne sera jamais tout à fait démontrable.

Sergio Coronado, qui avait défendu des positions très pro-LGBT sous la précédente législature après avoir fait son "coming out" sur Twitter en 2012, est maintenant candidat mélenchonien aux européennes. Il n'est pas évident qu'il ait impliqué les LGBT dans le soutien au projet de loi. Son soutien au colloque semble avoir été ponctuel mais il serait intéressant de faire une généalogie de son lien avec E. Bouton.

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Une interview pour le Figaro qui passe à la trappe

29 Mars 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Interviews en rapport avec mon livre "La nudité", #Généralités Nudité et Pudeur, #Anthropologie du corps, #Shivaïsme yoga tantrisme, #Nudité-Pudeur en Europe

Le 26 mars dernier, une journaliste du Figaro (Emilie Faure)  m'écrivait :

"Bonjour, 
je prépare un papier sur les 50 ans du Festival de Woodstock et sur les similitudes entre la jeunesse de 1969 (ses attentes, son apparence...) et celle de 2019. Le point qui diffère le plus est la nudité, et j'aurais aimé avoir votre éclairage sur la question, si le sujet vous tente!"

J'ai répondu :

"Il faut bien voir que dans les années 60 la nudité passait pour un signal subversive de libération des corps face à une morale judéo-chrétienne répressive encore prédominante qui censurait les élans pulsionnels. Ce culte de la nudité était aussi lié à l'engouement pour les sagesse orientales qui nourrissait le festival de Woodstock : n'oublions pas qu'une des principales figures de Woodstock était le sitariste Ravi Shankar qui a contribué à l'initiation spirituelle des Beatles (on comprend ensuite que la carrière de Lennon ait été marqué par une photo de lui nu avec Yoko Ono) et le festival s'était ouvert par une invocation de Swami Satchidananda dont vous trouverez le texte ici et les 500 000 participants ont chanté à l'ouverture "Hari Om" ce qui conférait au festival un côté clairement rituel et mystique. La nudité joue un rôle important dans les rituels hindous, notamment certaines branches du yoga, et tout le monde a entendu parler des ascètes nus indiens, les sadhus. C'est cet esprit là qui soufflait sur Woodstock et auquel participait la nudité publique pour créer une unification sexuelle du monde par l'élévation "vibratoire".

Aujourd'hui la nudité a intégré complètement la culture dominante dans les productions hollywoodiennes, les publicités etc - parfois d'ailleurs dans une perspective tout aussi rituelle, n'oublions pas que beaucoup de chanteuses qui se sont exhibées nues dans des clips comme Madonna, Miley Cyrus, Niki Minaj des actrices comme Rose McGowan, Asia Argento ne cachent pas leurs liens avec des spiritualités "alternatives", ou les salons de massage et bien être. Admise au niveau de la culture dominante sur les écrans et dans les revues, la nudité n'a plus à être pratiquée par le public lui-même. Le prêtre-sorcier montre sa nudité, ou y fait allusion dans ses propos, et le public n'a plus qu'à y communier symboliquement sans se dévêtir lui-même. Il la pratique aussi dans des lieux "réservés" (comme les espaces naturistes) ou des occasions festives comme les marches cyclonudistes, parce que la nudité a maintenant ses espaces institutionnels. La révolution par la nudité n'a plus lieu d'être."

Mais plus de nouvelles depuis lors. La journaliste a disparu dans la nature sans laisser d'adresse. Je vous laisse spéculer à loisir sur les raison de l'avortement de cette interview.

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#JeSuisCute et la sorcellerie

3 Août 2018 , Rédigé par CC Publié dans #Médiums, #Nudité-Pudeur en Europe, #Anthropologie du corps, #Christianisme, #Histoire des idées, #Pythagore-Isis, #Shivaïsme yoga tantrisme, #Histoire secrète, #Généralités Nudité et Pudeur

Une certaine Laetitia Reboulleau qui travaille pour la multinationale Yahoo a trouvé récemment une doctorante, Ludivine Demol de Paris VIII, pour dire du bien du dernier hashtag à la mode #JeSuisCute (Je suis mignonne) sous lequel des jeunes femmes s'affichent en tenue légère pour défendre l' "empowerment" féminin contre les harceleurs. Le média américain pro-Clinton Huffington Post dans sa version française dans la même veine apologétique préfère n'interviewer que des militantes.

Pour ma part je vois ce mouvement un peu différemment de ces médias. J'essaie d'en comprendre l'inspiration spirituelle en examinant son imaginaire et celui des témoins qui y participent.

Quand le cuisinier occultiste Antony Bourdain est mort en Alsace, en juin dernier, Amber Tamblyn, contributrice du New-York Times postait, en défense de sa petite amie Asia Argento, fille d'un réalisateur de films d'épouvante satanistes, sur Twitter  : "Sorcières, s'il vous plaît préparez les plus forts sortilèges de protection pour notre soeur Asia Argento. S'il vous plaît portez la avec tout l'amour et toute la lumière que votre force de conjuration est capable de projeter #AnthonyBourdain" ( “Witches: please prepare the strongest protection spell you have for our sister Asia Argento today. Please lift her up with all the love and light your conjuring is capable of casting. #AnthonyBourdain.") Tout un programme (en harmonie avec les posts d'Argento qui par exemple en 2013 promouvait sur son compte le grimoire rosicrucien Magia Rossa - Magie rouge - et se qualifiait elle-même de "sorcière rouge"). Rose Mc Gowan leader du #MeToo  prenait aussi la défense d'Argento. Une petite recherche sur Rose McGowan permettait de rattacher celle-ci aussi à l'univers de la sorcellerie. Elle avait écrit sur son compte Instagram du 16 octobre 2017 : "Je suis une sorcière, et je veux hanter les malfaisants. A Hollywood, au gouvernement, dans les affaires. Arrêtez de nous faire du mal ou il y aura des conséquences" ( "I'm a witch. And I will hunt wrongdoers. In Hollywood, in government, in business. Stop hurting us or there will be consequences"). Rose McGowan a joué la sorcière dans Conan le Barbare et dans Charmed, tout comme Asia Argento a joué des rôles de femmes possédées (comme dans Mothers of Tears en 2008). Elle a été la petite amie du sataniste Marilyn Manson de 1997 à 2000 aux côtés de qui elle a tourné dans un film de 2004. Voilà qui plaçait le mouvement "Me Too", co-dirigé par Argento et McGowan sous les auspices étranges de la sorcellerie...

On retrouve la même tonalité sous le hashtag français  #JeSuisCute lancé par la modèle nue militante Manny Koshka. Dans l'article de Reboulleau (au demeurant illustré par un modèle dont le tatouage au bras représente la divinité indienne Ganesh avec le troisième oeil frontal ouvert, celui qui voit les démons), figure, parmi les soutiens au mouvement une performeuse de burlesque... Tout le burlesque des années 2000 est sous le haut patronage moral de Dita Von Teese, qui a épousé Marilyn Manson en 2005 (on n'épouse pas un prêtre autoproclamé de la Church of Satan par hasard, et on ne se montre pas par hasard sur des photos en cachant un oeil...). Cette auvergnate sur Twitter avec ses multiples tatouages, adepte de la religion sorcière wiccane (une religion néo-païenne influencée par le satanisme du mage Aleister Crowley) qui parle publiquement de sa cérémonie de handfasting le 1er juillet, a un accident avec la nouvelle moto qu'elle a achetée et se coince le cou après avoir fait l'apologie du yoga (ah ! l'ouverture des chakras !).

Pour faire l'apologie de ce hashtag, on trouve aussi sur Twitter des féministes aux pseudos qui flirtent (soi disant sur un mode humoristique, c'est toujours l'alibi) avec l'occultisme comme l'employée de librairie "Succube", laquelle affiche à longueur de journées (on peut donc le reprendre puisqu'elle le rend public), sa révolte intérieure, son imaginaire Disney-DeMolay, raconte comment elle s'est cognée avec son propre téléphone (je ne sais pas ce que cela signifie dans le monde des esprits) et  poste - là encore c'est peut-être censé être de l'humour, mais ça révèle un certain état d'esprit -, le 27 juillet deux jours après avoir été larguée par son copain : "J’envisage un rituel vaudou, pour que le problème se règle tout seul dans la nuit ", ou encore une militante au nom de dieu égyptien, anarcho-communiste qui retweetait le 31 juillet des messages critiquant les "shitstorms sur la sorcellerie" hostiles aux guérisseurs dans les villages...

Je ne mets pas en cause tous ces gens qui, sous pseudo, dévoilent à tous leur vie privée, dans le but de leur nuire, mais je les cite seulement suivant la méthode classique en sociologie comme des exemples pour montrer aux lecteurs à quels courants culturels (et donc d'une certaine façon cultuels, même si eux-mêmes n'en sont pas forcément conscients) leur engagement se rattache (pour en savoir plus voir mon live "Les Médiums" publié chez L'Harmattan en 2017).

Sur un plan spirituel le nouveau hashtag est donc très lié lui aussi à la sorcellerie, laquelle, dans la religion wiccane, mais aussi sous d'autres aspects, utilise la nudité...

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Isadora Duncan en vieille sorcière

14 Juillet 2018 , Rédigé par CC Publié dans #Généralités Nudité et Pudeur, #Médiums, #Histoire secrète

La danseuse Isadora Duncan vieillissante se faisant frapper, en 1925. Ce site en parle aussi mais oublie de préciser que le chapitre de "La difficulté d'être" où Cocteau a glissé l'anecdote s'appelle "les maisons hantées" .

"Un hôtel hanté fut l'Hôtel Welcome à Villefranche. Il est vrai que nous le hantâmes, car rien ne l'y prédisposait. Il y avait bien la rue couverte. Il y avait bien les remparts de Vauban et la caserne qui, le soir, évoque les absurdes magnificences du rêve. Il y avait bien, à gauche, Nice, à droit, Monte-Carlo, et leurs architectures sournoises. Mais l'Hôtel Welcome était simplement charmant et paraissait n'avoir rien à craindre. Ses chambres étaient peintes au ripolin. On avait passé une couche de peinture jaune sur les trompe-l'oeil à l'italienne de sa façade. Le golfe abritait les escadres. Les pêcheur réparaient les filets et dormaient au soleil.

Tout commença par Francis Rose. Sa mère était voyante. Dans la salle à manger elle se dressait à sa table, s'approchait d'un monsieur ou d'une dame et leur prédisait l'avenir. Elle portait des robes de toile sur lesquelles Francis peignait des fleurs.

Il allait avoir dix-sept ans. C'est du dîner de ses dix-sept ans que tout date. On m'avait préparé au bout de la table un fauteuil de velours rouge et placé devant mon assiette un buste de Dante. Lady Rose n'avait invité que des militaires anglais et leurs femmes. Vers huit heures, un étrange cortège apparut au bas de la côte qui conduit de la ville au port. Couronné de roses, Francis donnait le bras à Mme Isadora Duncan en tunique grecque. Elle était fort grosse, un peu ivre, escortée d'une américaine, d'un pianiste, et de quelques personnes ramassées en cours de route. La stupeur des hôtes de

 

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Lieux de nudité cités par la presse russe

27 Avril 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Généralités Nudité et Pudeur

Lieux de nudité cités par la presse russe

Lenta.ru cite sept endroits où l'on peut se rencontrer nus :

- le restaurant indien londonien Bunyadi

- la naked bike ride australienne en Nouvelle Galles du Sud

- le festival américain "Bruning man"

- les croisières naturistes de l'opérateur américain Bare Necessities Tour et Voyage

- la station de ski allemande de Braunlag (où toutefois le sous-vêtement est conservé)

- Black's Beach en Californie

- les saunas comme les thermes Gellert à Budapest

Ils auraient pu aussi parler des jardins publics de Munich, ou des clubs de yoga naturistes qui existent entre hommes, entre femmes, ou mixtes (la création d'un club mixte en Poitou-Charente est en discussion sur Facebook en ce moment), une mode qui nous vient des Etats-Unis.

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L'Aphrodite nue de Praxitèle à Cnide

22 Janvier 2016 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Généralités Nudité et Pudeur, #Histoire secrète

Dans "La Nudité, pratiques et significations", j'ai évoqué ce passage de Pline (Histoires naturelles, chap IV du livre XXXV, publiées vers l'an 77), dont voici le texte intégral :

"Lorsque l'on parle des statues, nous avons déjà indiqué la période au cours de laquelle Praxitèle a prospéré; un artiste, qui, dans la gloire qu'il a acquise par ses œuvres en marbre, s’est même surpassé lui-même. Il existe quelques œuvres de lui au Keramikos à Athènes; mais, supérieure à toutes les statues, non seulement de Praxitèle, mais de tout autre artiste qui ait jamais existé, est sa Vénus de Cnide; pour l'admiration de laquelle, de nombreuses personnes dans le passé ont entrepris exprès un voyage de Cnide. L'artiste a fait deux statues de la déesse, et proposé les deux à la vente: l'une d'elles était représenté avec des draperies,et pour cette raison les gens de Cos, qui avaient le choix, l’ont préférée; la seconde leur a été a offerte pour le même prix, mais, pour des raisons de convenances et de pudeur, ils ont jugé bon de choisir l'autre. Sur ce, les Cnidiens achetèrent la statue refusé, et elle a toujours été tenue immensément au dessus dans l'estimation générale. A une période plus tardive, le roi Nicomède souhaita acheter cette statue de la Cnidiens, et leur fit une offre pour rembourser la totalité de leur dette publique, qui était très grande. Ils préférèrent, cependant, de se soumettre à n’importe quelle extrémité, plutôt que de se séparer d’elle; et avec raison, par cette statue de Praxitèle a perpétué la gloire de Cnide. Le petit temple dans lequel elle est placée est ouverte sur tous les côtés, de sorte que les beautés de la statue admettent d'être vues de tous les points de vue; un arrangement qui a été favorisé par la déesse elle-même, est-il généralement admis. En effet, de quelque point qu’on la considère, son exécution est tout aussi digne d'admiration. Il est dit qu’un certain individu, est tombé amoureux de cette statue, et, se cachant dans le temple pendant la nuit, la gratifié de sa passion lubrique, dont les traces sont visibles dans une tache laissée sur le marbre. "

Dans son "Nudité et pudeur" HP Duerr voit dans l'histoire de l'homme qui s'accouple avec la statue d'Aphrodite une preuve que la nudité des statues féminines n'allait pas de soi. J'ai longtemps adhéré à ce jugement, mais aujourd'hui je ne crois pas que l'on puisse tirer une telle conclusion de cette anecdote, parce qu'elle s'inscrit dans un tout autre contexte que celui de la pudeur. Et ce contexte, je viens de le trouver, tout à fait par hasard, hier, dans Amours ("Erotes") du pseudo-Lucien, un texte de la fin du IIe siècle (au plus tôt). Ce qui est très étonnant dans ce texte c'est qu'il reprend exactement l'ordre du propos de Pline l'Ancien. En voici le texte intégral pour la partie qui nous intéresse.

"Nous résolûmes de relâcher au port de Cnide, pour y voir le temple et la fameuse statue de Vénus, ouvrage dû à l’élégant ciseau de Praxitèle, et vraiment plein vénusté[12]. Nous fûmes doucement poussés vers la terre par un calme délicieux, que fit naître, je crois, la déesse qui dirigeait notre navire[13]. Je laisse à mes autres compagnons le soin des préparatifs ordinaires, et, prenant de chaque main notre couple amoureux, je fais le tour de Cnide, en riant de tout mon cœur des figures lascives de terre cuite[14], qu’il est naturel de rencontrer dans la ville de Vénus. Nous visitons d’abord le portique de Sostrate[15] et tous les endroits qui pourraient nous procurer quelque agrément, puis nous nous rendons au temple de Vénus. Nous y entrons, Chariclès et moi, avec un grand plaisir, mais Callicratidas, à contre-cœur, comme si cette vue sentait trop la femme. Je crois qu’il eût échangé volontiers la Vénus de Cnide pour l’Amour de Thespies[16].

À peine étions-nous dans la première enceinte, que nous sommes caressés par la douce haleine des, zéphyrs amoureux. Le sol de la cour n’est point stérile ni revêtu de dalles de pierres ; il abonde, ainsi qu’il convient à un lieu consacré à Vénus, en arbres fruitiers, dont la tête verdoyante, s’élevant jusqu’aux cieux, enferme l’air sous un épais berceau. En outre, le myrte, chargé de fruits, pousse un abondant feuillage, sous l’influence de la déesse, tandis que les autres arbres déploient à l’envi leurs beautés naturelles. Jamais la vieillesse ne vient les dessécher et les blanchir ; une verdure éternelle règne sur leurs jeunes rameaux toujours gonflés de sève. Il s’y mêle bien quelques arbres qui ne produisent point, de fruits mais leur beauté les dédommage. Le cyprès et le platane s’élèvent au plus haut des airs et parmi eux l’on voit se réfugier aux pieds de Vénus le laurier, l’arbre de Daphné, qui, jadis, se dérobait à la déesse. Le lierre amoureux rampe autour de chaque tronc, qu’il tient embrassé. Des vignes entrelacées et touffues sont chargées de raisins, car Vénus unie à Bacchus a plus de volupté[17] ; on doit allier les plaisirs qu’ils procurent : séparés, ils flattent moins nos sens. Dans les endroits où le bocage épaissit l’ombre, des lits de verdure offrent un doux repos à ceux qui voudraient y faire un festin. Les citoyens distingués, y viennent quelquefois, mais le peuple s’y porte en foule aux, jours de solennité, et fête réellement Vénus.

Après avoir suffisamment goutté la douceur de ces ombrages, nous rentrons dans le temple même. La déesse en occupe le milieu : c’est une statue du marbre de Paros, de la plus parfaite beauté. Sa bouche s’entr’ouvre par un gracieux sourire ; ses charmes se laissent voir à découvert, aucun voile ne les dérobe ; elle est entièrement nue, excepté que de l’une de ses mains elle cache furtivement sa pudeur[18]. Le talent de l’artiste se montre ici avec, tant d’avantage, que le marbre, naturellement dur et roide, semble s’amollir pour exprimer ses membres délicats. À cette vue, Chariclès, transporté d’une espèce de délire, ne put s’empêcher de s’écrier : « Heureux Mars, entre tous les dieux, d’avoir été enchaîné pour cette déesse ! » En disant cela, il court à la statue, et, serrant les lèvres, tendant le cou autant qu’il le pouvait, il lui donne un baiser. Callicratidas regardait en silence et concentrait son admiration. Le temple a une seconde porte pour ceux qui veulent examiner avec attention la déesse, la voir par le dos et l’admirer tout entière ; en entrant par cette autre porte, on peut aisément contempler sa beauté postérieure.

Ayant dessein de voir la déesse en entier, nous faisons le tour de l’enceinte. Une femme, à qui la garde des clefs est confiée, nous eut à peine ouvert la porte, qu’un étonnement subit s’empara de nous à la vue de tant de beautés. L’Athénien qui, jusque-là, avait regardé avec indifférence, considérant les parties de la déesse conformes à son goût, s’élève avec un enthousiasme plus violent que celui de Chariclès : « Par Hercule ! que ce dos est bien proportionné ! Que ces flancs charnus offrent une agréable prise ! Comme ces chairs[19] s’arrondissent avec grâce ! Elles ne sont point trop maigres ni sèchement étendues sur les os ; elles ne se répandent pas non plus en un embonpoint excessif ! Mais qui pourrait exprimer le doux sourire de ces deux petits trous creusés sur les reins ? Quelle pureté de dessin dans cette cuisse et dans cette jambe qui se prolonge en ligne, droite, jusqu’au talon ? Tel Ganymède, dans les cieux, verse, le doux nectar à Jupiter : car, pour moi, je ne voudrais pas le recevoir de la main d’Hébé. » À cette exclamation, passionnée de Callicratidas, peu s’en fallut que Chariclès ne demeurât immobile de surprise, et ses yeux, flottant, dans une langueur humide, trahirent son émotion.

Quand notre admiration satisfaite se fut un peu refroidie, nous aperçûmes, sur l’une des cuisses de la statue, une tache semblable à celles d’un vêtement. La blancheur éclatante du marbre faisait ressortir encore plus ce défaut. D’abord je me figurai, avec quelque vraisemblance, que ce que, nous voyions était naturel à la pierre. Les plus belles pièces ne sont point à l’abri de ce défaut, et souvent un accident nuit à la beauté d’œuvres qui, sans cela, seraient parfaites. Croyant donc que cette tache noire était un défaut naturel, j’admirai l’art de Praxitèle, qui avait su dissimuler cette difformité du marbre dans l’endroit où l’on pouvait le moins l’apercevoir. Mais la prêtresse qui nous accompagnait nous détrompa en nous racontant une histoire étrange et vraiment incroyable : « Un jeune homme, d’une famille distinguée, nous dit-elle, mais dont le crime a fait taire le nom, venait fréquemment dans ce temple ; un mauvais génie le rendit éperdument amoureux de la déesse. Comme il passait ici des journées entières, on attribua d’abord sa conduite à une vénération superstitieuse. En effet, dès la pointe du jour, avant le lever de l’aurore, il accourait en cet endroit et ne retournait à sa demeure que malgré lui et longtemps après le coucher du soleil. Durant tout le jour, il se tenait assis vis-à-vis de la déesse ; ses regards étaient continuellement fixés sur elle ; il murmurait tout bas je ne sais quoi de tendre, et lui adressait en secret des plaintes amoureuses.

« Voulait-il donner le change à sa passion, il disait quelques mots à la statue, comptait sur une table quatre osselets de gazelle, et faisait dépendre son destin du hasard. S’il réussissait, si surtout il amenait le coup de Vénus[20], aucun dé ne tombant dans la même position, il se mettait à adorer son idole, persuadé qu’il jouirait bientôt de l’objet de ses désirs. Mais si, au contraire, ce qui n’arrive que trop souvent, le coup était mauvais, et si les dés tombaient dans une position défavorable, il maudissait Cnide entière, s’imaginant éprouver un mal affreux et sans remède ; puis, bientôt après, reprenant les dés, il essayait, par un autre coup, de corriger son infortune. Déjà, la passion l’irritant de plus en plus, il en avait gravé des témoignages sur toutes les murailles ; l’écorce délicate de chaque arbre était devenue comme un héraut proclamant la beauté de Vénus. Il honorait Praxitèle à l’égal même de Jupiter. Tout ce qu’il possédait de précieux chez lui, il le donnait en offrande à la déesse. Enfin la violence de sa passion dégénéra en frénésie, et son audace lui procura les moyens de la satisfaire. Un jour, vers le coucher du soleil, à l’insu des assistants, il se glisse derrière la porte, et, se cachant dans l’endroit le plus enfoncé, il y demeure immobile et respirant à peine. Les prêtresses, suivant l’usage, tirent du dehors la porte sur elles, et le nouvel Anchise est enfermé dans le temple. Qu’est-il besoin de vous dire le crime que cette nuit vit éclore ? Ni personne, ni moi ne pourrais l’essayer. Le lendemain on découvrit des vestiges de ses embrassements amoureux, et la déesse portait cette tache comme un témoin de l’outrage qu’elle avait subi. À l’égard du jeune homme, l’opinion commune est qu’il se précipita contre des rochers ou qu’il s’élança dans la mer ; le fait est qu’il disparut pour toujours. »

La prêtresse parlait encore, que Chariclès, l’interrompant, s’écria : « Une femme se fait donc aimer, même lorsqu’elle est de pierre ? Eh ! que serait-ce si l’on voyait vivante une beauté si parfaite ? Ne préférerait-on pas une seule de ses nuits au sceptre de Jupiter ? » Alors Callicratidas se mettant à sourire : « Nous ne savons pas encore, Chariclès, dit-il, si, en arrivant à Thespies, nous n’apprendrons pas une foule d’histoires semblables. En attendant, ceci est une preuve manifeste, qui dépose contre la Vénus que tu préfères. — Comment donc ? » repartit Chariclès. Callicratidas lui répondit avec assez de raison, ce me semble : « Ce jeune homme amoureux, dit-il, avait le loisir d’une nuit entière et pleine liberté pour satisfaire complètement sa passion ; cependant il s’est approché de la statue à la manière philopédique, et il eût voulu, je pense, ne point trouver de femme de l’autre côté. »

Je passe sur l'évocation des jardins d'Aphrodite, qui rappelle le propos de Philostrate quand il décrit la visite du pythagoricien Apollonios de Tyane aux jardins de la déesse à Paphos (Chypre), bien que cette douceur de la nature qui entoure la statue soit indissociable du charme du marbre lui-même. L'ordre du récit de Pline est suivi en tant que le pseudo-Lucien, avant de raconter l'anecdote précise que le temple a une seconde porte (mais il ne dit pas qu'il est ouvert de tous côtés - la seule ouverture d'une porte à l'arrière dans le saint des saints devait être une grande nouveauté pour l'Antiquité si l'on en croit Helena Petrovna Blavatsky qui, dans la doctrine Secrète Tome 3 p. 16 note que toutes ces parties de temples païens n'ont qu'une ouverture), ce qui est fait pour que le visiteur puisse admirer la statues sous tous ses angles (ce que ne manquent pas de faire les visiteurs), et éventuellement qu'ils voient ses fesses avant son ventre et sa poitrine ou en tout cas que les fesses soient à la lumière du jour. Cette similitude dans la structure du récit n'est selon moi pas due au fait que pseudo-Lucien se sentait "obligé de copier" Pline, mais sans doute y avait-il une manière "canonique" dans les écoles de littérature (de grammaire et de rhétorique) grecques de parler de Cnide, manière que Pline et le pseudo-Lucien connaissaient tous deux ("il est dit qu'un individu", le "il est dit" le "on raconte" fait référence chez Pline à une manière conventionnelle de raconter) et qu'ils étaient eux-mêmes obligés de reproduire (en n'y ajoutant que quelques variantes stylistiques en ce qui concerne le pseudo-Lucien) pour recevoir l'approbation de leurs lecteurs et de leur public.

Le pseudo-Lucien ne va pas jusqu'à suggérer comme Pline que c'est la déesse elle-même qui aurait demandé la pluralité des ouvertures du temps dans une vision extatique aux prêtresses (zacore et neacore). En revanche il est plus précis que son prédécesseur sur cet aristocrate qui s'enferme avec la statue pendant la nuit. Il est authentiquement possédé par Aphrodite, à l'initiative d'un malin génie. Sa dévotion est obsessionnelle, au delà de la tendre confiance que l'honnête homme (les Grecs refusent l'excès) doit éprouver pour la déesse lorsqu'il est protégé par elle sur les flots, ou lorsqu'il bénéficie de la douceur de ses jardins et des rêves érotiques qu'elle lui inspire. Cette possession mystique est à l'origine de la hiérogamie nocturne avec la statue sacrée, et du suicide au petit matin (dans la mer parce qu'Aphrodite est née de l'écume des flots).

Voir dans le "malin génie" le signe que la société cnidienne n'est pas accoutumée à la nudité des statues féminines est réducteur. Ça ne tient pas la route. A la rigueur ont l'eût admis si l'événement s'était passé juste après l'acquisition de la statue par la ville. Mais ce n'est pas le cas. Le pseudo-Lucien dit lui-même que les statues érotiques abondent à Cnide, et que celle de Praxitèle doit son pouvoir de fascination non pas au fait qu'elle soit dévêtue mais à la finesse de ses traits et à la justesse de ses proportion. La lecture de Duerr n'est donc pas la bonne.

L'Aphrodite nue de Praxitèle à Cnide
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